CROYEZ
LE OU NON!
En dépit des protestations des
organisations démocratiques et syndicales
LE REGIME TURC RECU
DANS L'ANTICHAMBRE
DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
"C'était dans l'air depuis
quelques mois et ça s'est produit le mardi 14 avril: M. Ali Bozer,
ministre turc chargé des relations avec la CEE, a remis officiellement
à M. Léo Tindemans, ministre belge aux Relations extérieures et
Président en exercice du Conseil CEE, la demande d'adhésion de la
Turquie aux Communauté européennes (CEE, CEEA, CECA) en vertu de
l'article 237 du Traité.
"Une initiative prévue de longue
date par les dirigeants d'Ankara, qui ont cependant attendu la
présidence belge, jugée mieux disposée à l'égard, pour la lancer. En
effet, des pays comme le Danemark, la RFA et surtout la Grèce, qui
assureront les trois prochaines présidences, se montreront nettement
plus hostiles à la demande turque", dit Europolitique du 16 avril 1987.
En effet, comme espérait Ozal,
les ministres des affaires étrangères des 12 pays communautaires ont
décidé à Luxembourg, le 27 avril 1987, de transmettre la demande turque
à la Commission des Communuatés Européennes pour une étude approfondie
sur les aspects différents de cette application.
La décision a été prise malgré
l'objection du gouvernement grec, mais M. Tindemans a insisté que le
Traité de Rome exige de transmettre chaque nouvelle demande à la
Commission.
Un journaliste turc, Mehmet Ali
Birand, a commenté cette décision en ces termes: "Nous devons remercier
à M. Tindemans pour le résultat obtenu à la Communauté Européenne".
(Milliyet, 29.4.1987).
Pourtant, le Conseil des
ministres a décidé, conformément à l'Acte Unique signé en février 1986,
de demander également l'avis du Parlement européen.
Déjà longue et compliquée, la
procédure risque de l'être encore plus avec la Turquie et de très
nombreux obstacles se dressent aujourd'hui sur sa route. D'après
Europolitique, la demande d'adhésion se heurtera aux obstacles suivants:
Obstacles politiques:
Tout d'abord l'opposition du
Parlement européen et de certains Etats membres comme la Grèce. Le
premier ne cesse de critiquer depuis 1980, date du coup d'état
militaire en Turquie, les atteintes aux Droits de l'Homme dans ce pays
et la position très ferme des députés européens bloque depuis lors
l'aide financière de la Communauté à Ankara, notamment le quatrième
protocole financier de 600 millions d'Ecus, signé et paraphé en juin
1980 et couvrant la période 1982-87 mais qui n'a jamais pu être
formellement conclu. L'avis conforme du Parlement européen à la
majorité absolue sera nécessaire pour entamer les négociations
d'adhésion.
Quant à la Grèce, son hostilité à
la candidature de la Turquie tient avant tout aux contentieux sur la
Mer Egée et Chypre qui l'opposent à son voisin. Pour Athènes, pas
question de négocier avec un pays qui remet en cause sa souveraineté
territoriale sur le plateau continental de la Mer Egée, où se
trouveraient de riches gisements de pétrole, et qui occupe toujours
militairement l'île de Chypre depuis 1974.
Autre état membre réticent à
l'adhésion turque: le Danemark, qui invoque la situation des Droits de
l'Homme et qui n'est pas aussi persuadé que ses partenaires européens
des progrès de la Turquie vers la démocratie.
La Confédération européenne des
Syndicats s'oppose aussi fermement à l'adhésion de la Turquie à la
Communauté. Dans un communiqué, elle déclare que "malgré la soi-disant
'transition vers la démocratie', le gouvernement turc fait la sourde
oreille aux multiples pressions internationales et continue à dénier au
peuple turc la démocratie, les droits de l'homme et les droits
syndicaux, tels que les autres pays de l'Europe occidentale les
reconnaissent". Le mouvement syndical européen est d'avis qu'une
demande d'adhésion ne peut être recevable que si la Turquie rétablit
une réelle démocratie politique, le respect total des droits de l'Homme
et syndicaux.
Les obstacles économiques:
D'une part, la candidature
d'Ankara intervient à un moment où ce pays est plongé dans une crise
économique profonde: inflation galopante (40% en 1986), dette
extérieure (31,4 milliards de dollars en 1986 contre 25,4 milliards en
1985) et chômage (plus de 20% de la population active) sont les points
noirs d'une économie qui présente en outre toutes les caractéristiques
d'un pays en voie de développement, avec notamment une population à
majorité rurale. D'autre part, la situation financière difficile et la
crise agricole de la Communauté européenne ne simplifient guère le
processus engagé.
La libre circulation des
travailleurs turcs:
Elle avait déjà été prévue par
l'accord d'association liant la CEE à la Turquie depuis 1963. L'accord
parlait de réalisation progressive de la libre circulation des
travailleurs turcs à l'intérieur de la CEE entre le ler décembre 1976
et le ler décembre 1986. Les Douze, invoquant le chômage structurel qui
les frappe et qui n'existait guère il y a vingt-quatre ans, sont
parvenus pour l'instant à ce que cette clause ne soit pas appliquée, en
échange d'une vague amélioration du statut des immigrés turcs dans les
Etats membres. Or, tout serait remis en cause avec l'adhésion, et un
pays comme la RFA, qui héberge 1,6 des 2 millions de Turcs résidant
dans la Communauté, ne veut pas entendre parler de liberté de résidence
et de circulation pour une population qu'elle s'efforce depuis
maintenant quatre ans, par un système coûteux de primes au départ,
d'inciter au retour avec un relatif succès: 300.000 Turcs seraient
ainsi revenus dans leur pays.
L'Espagne et le Portugal:
La CEE vient à peine de s'élargir
à douze Etats membres, et l'adhésion de l'Espagne et du Portugal n'a
pas encore produit tous ses effets, agricoles notamment, du fait des
dispositions transitoires appliquées aux deux pays ibériques, dans une
Communauté qui aimerait digèrer d'abor ses nouveaux venus.
Les échanges euro-turcs:
L'Accord d'association stipulait
la réalisation graduelle d'une union douanière entre la Communauté et
la Turquie et parlait "à terme" d'une possible adhésion. Or, on est
loin de l'union douanière, ce qui faisait dire à M. Jean-Bernard
Raimond, ministre français des Affaires étrangères, qu'il y avait
encore beaucoup à faire pour améliorer les relations euro-turques et
qu'il faudrait chercher d'abord à renforcer l'accord d'association
avant d'évoquer l'adhésion.
Cela dit, les échanges
commerciaux entre la CEE et la Turquie n'ont cessé de se développer au
cours des dernières années, et ont même doublé entre 1981 et 1985. La
Communauté reste le premier client et le premier fournisseur de la
Turquie. Celle-ci a exporté vers les Douze en 1986 pour 3,2 milliards
de dollars (44% de ses exportations totales) et importé de la CEE pour
4,5 milliards de dollars (41% de ses importations). Son déficit
commercial avec le Marché Commun s'est ainsi accru l'année dernière,
passant de 691 millions de dollars en 1985 à 1,3 milliards en 1986. La
Turquie vend aux Douze principalement des textiles, du cuir, du chrome
et des produits agricoles et alimentaires. Elle importe de la CEE des
produits industriels et manufacturés. La RFA est le premier partenaire
commercial d'Ankara, devant l'Italie, la France et la Grande-Bretagne.
Les échanges commerciaux ont
souvent donné lieu, au cours des vingt dernières années, à des tensions
dues surtout au problème des textiles. La phase transitoire de l'accord
d'association (qui a démarré en 1973) prévoyait la suppression
immédiate par la Communauté des droits de douane sur les produits en
provenance de Turquie, la CEE a imposé des restrictions quantitatives
et demandé la conclusion d'un arrangement global avec Ankara du même
type que ceux passés avec les pays exportateurs de textile du bassin
méditerranéen. Mais la Turquie s'est refusée jusqu'à présent à un tel
arrangement, arguant des dispositions de l'accord d'association, et
obligeant ainsi la CEE à négocier séparement avec l'industrie textile
turque.
DEMANDE D'ADHESION A LA UEO
En plus de ses démarches pour
adhérer à la CEE, le 15 avril 1987, la Turquie a annoncé
officiellement à l'Union de l'Europe Occidentale, groupe de
7 nations orienté militairement, son intention de se joindre à
l'organisation.
Le porte-parole du gouvernement
turc a dit que cette seconde démarche a pour but de montrer
l'importance que la Turquie attache à l'intégration économique,
politique et militaire européenne. La Grèce a également fait, plus tôt
dans le mois, sa demande d'adhésion à la UEO, qui comprend
actuellement l'Angleterre, l'Italie, l'Allemagne de l'ouest, la France
et les pays du Bénélux.
REACTION DE LA PRESSE EUROPEENNE
"Le gouvernement turc a
lancé hier une bombe diplomatique dans la Communité
Européenne avec sa demande officelle de devenir son 13ème état-membre.
Cette demande sera néanmoins certainement rejetée par la CEE, malgré
des pressions de la part des Etats-Unis pour que le gouvernement
d'Ankara ne soit pas indisposé au point de reconsidérer ses liens
étroits avec l'OTAN et l'ouest." (The Guardian)
"L'avantage de l'adhésion turque
serait un renforcement de la sécurité occidentale, étant donné que la
Turquie appartient déjà à l'OTAN. Mais les diplomates pensent que
ceci est plus que contrebalancé par le désavantage de la
situation économique et sociale de la Turquie, qui aggraverait le
différent nord-sud, et par les faibles performances de la Turquie
en matière de démocratie et de respect des droits de l'homme."
(The
Times)
"Il y a eu accord général avec le
fait que la Turquie avait tort, et que la demande d'adhésion poserait
un dilemne pour les pays qui ne voudraient pas opposer un refus pour
raisons politiques mais trouvaient néanmoins que c'était
prématuré". (Financial Times)
"Il aurait mieux valu que la
Turquie ne fasse pas de demande pour une complète adhésion."
(Frankfürter Allgemeine Zeitung)
"La demande d'adhésion turque
acceuillie sans enthousiasme par les Douzes." (Le Figaro)
"Les chances de la Turquie sont
très minces." (Libération)
"Bien qu'il sache que la réponse
sera "non", Ozal veut jouer un rôle historique." (Elefterotipiya)
"La Turquie n'est pas encore
prête, ni sur le plan économique ni sur le plan politique, pour
son entrée dans le club de la Communauté." (le Monde)
"La Turquie est un pays de
tradition musulmane . Seulement un dixième de ses territoires est
réellement sur le continent européen. Ses structures économiques
sont celles d'un pays sous-développé." (Le Soir)
PREMIERES REACTIONS EN TURQUIE
Erdal Inönü (président du SHP):
"Le premier ministre, en même temps que la demande d'adhésion complète
à la CEE, devrait commencer à faire des propositions au parlement
pour changer les dispositions non démocratiques. Nous ferons tout ce
qui est nécessaire pour donner une forme parfaite à notre démocratie."
Rahsan Ecevit (Présidente
du DSP): "En vue d'arriver à l'harmonie avec la CEE, nous devrions,
sans perdre notre identité et notre culture nationale, nous intégrer à
la culture européenne et établir une démocratie conforme aux normes
européennes."
Hüsamettin Cindoruk
(Président du DYP): "Dans les 30 dernières années, trois coups
d'états militaires, les uns après les autres, ont empêché une
complète adhésion de la Turquie à la CEE. Le pays souffre encore
aujourd'hui de pratiques non démocratiques. La nature de l'Europe est
celle d'une véritable démocratie."
Le quotidien Cumhuriyet: "A moins
que nous soyons capables de réaliser la démocratie dans notre propre
droit, quelle bonne volonté montrera la CEE ?"
Le quotidien Milliyet a
approuvé la demande tout en citant les restrictions des droits de
l'homme qui devraient être levées et en faisant remarquer qu'il fallait
s'attendre à ce que la loi militaire soit une future panacée.
Le journal de gauche Yeni Gündem:
"Etre un pays de la CEE signifie ne plus connaître de coups d'états
militaires, plus de torture, plus de restrictions à la liberté de
pensée."
LE FONDAMENTALISME ISLAMIQUE ET L'EUROPE
Alors que tous les dirigeants
politiques, sauf les partis de gauche interdits, et les mass-media
soutenaient en principe l'idée de l'accession de la Turquie aux
Communautés Européennes et exprimaient leur inquiétitude seulement sur
l'incompatibilité du régime turc avec les standards européens, le
leader du mouvement politique islamiste a déclaré que la Turquie ne
devrait jamais entrer dans la Communauté quoi qu'il arrive. M.
Necmeddin Erbakan, président du Parti du Salut National (MSP) défunt,
dit: " La Turquie doit, au lieu d'entrer dans les CE, créer un marché
commun avec les pays islamiques. Les Communautés européennes signifient
un Etat unique. Si nous y entrerons, la Turquie sera une des provinces
de cet Etat. C'est-à-dire que nous seront péris par ce monstre. Pour
cela, il faut absolument organiser un référendum sur la question de
l'adhésion à la CE." (Cumhuriyet, 28.4.1987)
D'autre part, compte tenu de la
soumission d'Ozal à l'intégrisme saoudien (Voir Info-Türk du mars
1987), plusieurs observateurs soulèvent le doute en ce qui concerne la
sincerité de cette demande d'adhésion hâtive. Certains journalistes
affirment que Ozal se serait précipité d'introduire la demande bien
qu'il sache très bien les obstructions éventuelles, parce qu'il estime
qu'en cas de refus, la Turquie, étant un pays islamique, serait obligée
de chercher une collaboration pous étroite avec le monde islamique.
Le président du Parti de la
Juste Voie (DYP), M. Hüsamettin Cindoruk a dit:"Le gouvernement
Ozal a particulièremment négligé l'Europe depuis son accession au
pouvoir en 1983, et a porté toute son attention sur les pays de l'Est
et du Moyen-orient, à la recherche de nouveaux liens et de nouveaux
marchés. Néanmoins, pour des raisons variées, les tentatives du
gouvernement n'ont abouti à aucun résultat concret. En conséquence, le
gouvernement a dû se tourner vers l'Europe."
Dans un interview exclusif avec
"L'Orient Express" du 19 décembre 1986, l'ambassadeur du Vatican en
Turquie, Sergio Sebastiani, a dit:
"Le fondamentalisme en religion
n'est pas limité à l'Islam , le monde chrétien connait le même
problème. Le fondamentalisme est le produit de certaines personnes qui
confondent politique et religion. Si le fondamentalisme s'étend en
Turquie, les portes de l'Europe se fermeront inévitablement."
SOUTIEN AMERICAIN A L'ADHESION TURQUE
Özal, avant d'introduire la
demande d'accession à la CEE, a recherché le soutien des Etats-Unis à
Washington et à Bruxelles. Pendant ses pourparlers officiels à
Washington et à Ankara, on a rapporté que Ozal avait demandé à
l'administration Reagan d'exercer son influence sur ses alliés
européens. A ce propos, le responsable des affaires turques du
Département d'état américain, Mme Patricia Schroeder, est venue à
Bruxelles à la fin de décembre 1986 et a eu une série d'entretiens avec
la Commission européenne. Elle a suggéré une attitude compréhensive à
l'égard d'une éventuelle demande d'adhésion de la Turquie.
Le 18 février 1987, une
délégation turque composée de certains diplomates, académiciens et
hommes d'affaire a fait une visite au secrétaire général de l'OTAN Lord
Carrington et lui a demandé de soutenir la demande turque sur la
base du fait que l'accession turque à la CEE renforcerait l'Alliance
Atlantique Nord. Mais Lord Carrington, selon le quotidien
Cumhuriyet du 20 février, ne leur a donné aucune promesse, disant que
les membres de la CEE ne tiennent pas compte de ce qui vient du
secrétariat de l'OTAN.
MISE SUR PIED D'UNE EQUIPE SPECIALE
Le quotidien Milliyet du 7
février 1987 a rapporté que le gouvernement turc était en train de
mettre sur pied une équipe spéciale chargée de s'occuper de tout le
travail lié à l'accession turque à la CEE. Cette équipe sera composée
de 1500 officiels et gradués bien formés et 500 d'entre eux
seront employés à Bruxelles.
Un porte-parole de l'Organisation
de Planification d'Etat a addirmé que la Grèce, avant son
accession à la CEE, aurait préparé 25.000 spécialistes sur le
sujet, et il a ajouté: "La Turquie peut faire mieux que la Grèce."
Les candidats pour cette équipe
devront connaître au moins deux langues étrangères, avoir une
profonde culture générale et être "présentables" de façon à
pouvoir représenter la Turquie à n'importe quelle réunion
internationale.
LA TURQUIE ET LES COMMUNAUTES EUROPEENNES EN CHIFFRES
PNB par
Consommation
Taux Taux de
Nombre de
habitant par
habitant d'inflation
chômage téléphones
(1000$)
(1000$)
annuel
annuel
pour1000 pers.
RFA 10,1
7,7
-1,1 8,1
621
France 9,2
7,1
2,1 1O,6
608
Italie 6,2
5,0
4,1 10,9
448
Pays-Bas 8,7
6,4 0,2
10,7 609
Belgique ` 8,2
6,3
0,6 16,0
440
Luxembourg 11,6
6,8 -1,4
---- 548
Gr-Bretagne 7,9
6,2 3,7
11,5 524
Irelande 5,2
3,8
3,2 17,9
265
Danemark 11,4
8,5 4,4
7,3 783
Grèce 3,4
2,8
16,9 ----
335
Espagne 4,4
3,3
8,0 21,5
363
Portugal 2,0
1,7
10,6 ----
180
TURQUIE 1,0
0,8
34,6 21,8
117
(Sources: Cumhuriyet, 25.3.1987,
Milliyet, 18.4.987)
COMMERCE DE LA TURQUIE AVEC LA CEE
IMPORTATIONS
EXPORTATIONS
(millions de dollars)
(millions de
dollars)
1984 1985
1986 1984 1985
1986
RFA 1.172,4
1.368,8 1.771,8
1.279,7 1.390,9 1.443,9
Belgique-Luxembourg 198,7
235,0 310,0 190,2
161,8 195,1
Danemark 22,6
31,0 38,7 19,5
25,9 27,5
France 242,5
513,9 545,3 200,6
215,3 298,6
Pays-Bas 212,2
218,2 264,0 181,1
213,3 222,4
Gr-Bretagne 443,4
468,4 518,9 260,8
538,7 334,2
Irelande 4,2 5,8
9,1 4,9 9,0 8,3
Grèce 48,5 47,2
78,3 93,7 76,2
75,6
Espagne 324,1
322,2 147,1 27,4
56,4 59,9
LES DOUZE AU TOTAL 3.314,2
3.894,9 4.564,6
2.780,5 3.203,8 3.262,8
(Source: Turkish Daily News, 14.4.1987)
L'OIT ET LE REGIME TURC
L'exécutif de l'OIT William Simpson est venu en
Turquie en avril 1987, en vue de rassembler des informations de
première main sur le respect des droits du travail dans le pays.
Pendant sa visite à la TURK-IS (Confdération des Syndicats Turcs) le 23
avril, le président Sevket Yilmaz lui a déclaré que le gouvernement
trompait les travailleurs et l'OIT en postposant la mise en conformité
de la législation du travail sur les normes internationales, malgré
qu'il avait promis de le faire avant la conférence de l'OIT de l'année
dernière.
Le Comité de l'OIT sur la liberté d'association a
décidé, le 26 février 1987, d'inviter le Conseil d'administration de
l'OIT à approuver les recommendations suivantes :
"Déplorant le fait que les sentences à l'encontre de
la DISK et de ses dirigeants aient été prononcées sans qu'aucune
justification en ait été donnée, le Comité demande au gouvernement de
communiquer, aussitôt que possible, les bases sur lesquelles les
verdicts ont été prononcés par la Cour Militaire dans le procès de la
DISK, de ses dirigeants et de ses organisations affiliées.
"Le Comité demande instamment au gouvernement de
mener à bien toutes les étapes qui peuvent être nécessaires et
appropriées pour assurer la pleine restauration des droits syndicaux
pour les leaders de la DISK et de ses organisations affiliés.
"Rappelant les engagements pris précédemment par le
gouvernement, le Comité demande instamment le gouvernement d'engager,
aussi rapidement que possible, des négociations tripartites en vue de
supprimer les restrictions aux droits syndicaux contenus dans les lois
nos. 2821 et 2822 et auxquelles se réfèrent des rapports antérieurs du
Comité et des commentaires faits par le Comité des experts de
l'application des conventions et recommendations. Le Comité demande au
gouvernement de l'informer de toute initiative qu'il prendrait pour
rendre effectives les recommendations faites précédemment par le Comité
à ce sujet.
"Le Comité demande au gouvernement de fournir
un rapport détaillé de ces discussions tripartites de telle sorte qu'il
puisse examiner la situation lors de son prochain meeting.
"Le Comité demande au gouvernement de continuer à
fournir des informations sur la situation des biens de la DISK et de
ses affiliés et de la gestion de ces biens par les curateurs.
A PROPOS DU DROIT DE PLAINTE INDIVIDUELLE
L'Associated Press a rapporté le
10 mars 1987 que la décision du gouvernement turc de laisser ses
citoyens engager des plaintes concernant les droits de l'homme devant
la Commission Européenne des Droits de l'Homme a subi des critiques, à
cause des dispositions prises par Ankara.
Voici le texte de l'article de
l'AP:
"Plusieurs diplomates,
politiciens et experts des droits de l'homme européens ont
dénoncé la démarche comme une action démagogique. Ils disent que la
déclaration turque au Conseil de l'Europe du 28 janvier était
tellement étendue qu'elle était dépourvue de sens. Plaidant
des"circonstances particulières", le gouvernment turc a établi la liste
d'une demi douzaine de domaines où la Commission Européenne
n'aurait aucune autorité pour donner suite à une première information.
Les actions des militaires turcs à Chypre font partie de ceux-ci.
"Le ministre turc des affaires
étrangères a affirmé que les droits à la vie privée et familiale, à la
liberté de pensée, de conscience et de religion, à la liberté
d'expression et à la liberté de former des syndicats —tous
contenus dans la charte des droits de l'homme— doivent être compris en
conformité avec la constitution turque.
"De plus, la Turquie continue à
ne pas reconnaître l'autorité de la Cour Européenne des Droits de
l'Homme pour décider de verdicts définitifs. En conséquence, les
plaintes de Turcs ne seront pas entendues par la Cour.
"Rosalyn Higgins, membre de la
Commission des Droits de l'Homme des Nations Unies, a dit que si les
réserves turques étaient acceptées, elles constitueraient un "précédent
inquiétant" pour les autres pays européens.
"Dans une interview par
téléphone, le professeur de droit international de l'Ecole Londonienne
d'Economie a dit que le point de vue d'Ankara sur la façon dont la
Convention Européenne des Droits de l'Homme devrait être appliquée à la
Turquie était absolument en contradiction avec l'ensemble du corps de
la loi européenne sur les Droits de l'Homme.'
"Ce qu'ils nous disent est que
nous devrions ajuster nos droits de l'Homme aux normes turques, a
déclaré un diplomate scandinave, qui a demandé à ne pas être nommé.
"Selon certaines sources,
de nombreux pays ouest-européens considèrent la possibilité de demander
à la Cour Européenne des Droits de l'Homme de déclarer illégales les
dispositions turques. Une requête pour un tel arbitrage devrait
être faite par les deux-tiers des 21 ministres des affaires étrangères
du Conseil de l'Europe, ce qui pourrait s'avérer difficile, étant donné
que la Turquie tient maintenant la présidence tournante du Conseil.
"Au lieu de ça, les nations du
conseil vont probablement opter pour une pression diplomatique sur
Ankara pour retirer ses dispositions quant au droit de poursuite de ses
citoyens.
"Bjorn Elmquist, un politicien
libéral du Danemark qui dirige la commission chargée des afffaires
juridiques de l'Assemblée Parlementaire du Conseil, s'est déclaré déçu
par la déclaration d'Halefoglu. Il a dit que sa commission pourrait
demander à la Cour des Droits de l'Homme se prononcer sur la légalité
des dispositions de la Turquie.
NOUVELLES CONCESSIONS AUX USA
.
L'administration Ozal, en dépit d'une forte
opposition dans le pays, a étendu l'Accord de Coopération économique et
de Défense (DECA) de 1980 jusqu'au 18 décembre 1989, sans obtenir aucun
avantage concret de la part des Etats-Unis.
A la fin de 1985, le gouvernement turc, dans le but
d'obtenir plus d'aide militaire et un accroissement du volume des
exportations turques aux Etats-Unis, avait demandé une révision du
DECA. Cet accord de 5 ans devait expirer le 18 décembre 1985.
Pendant les négociations, les Etats-Unis ont fait
pression sur la Turquie pour donner plus de moyens d'actions d'urgence
pour ses forces armées.
En retour, la partie turque, se rappelant que le
déficit commercial turc avec les Etats-Unis atteignait 70 millions de
dollars en 1985, a demandé la levée d'obstacles imposés aux
exportations textiles turques par les Etats-Unis, et l'augmentation
jusqu'à 1,2 milliards de dollars de l'"aide américaine", qui totalisait
868 millions de dollars en 1985, dont 714 pour la défense.
La lettre du Secrétaire d'Etat américain Georges
Shultz à son homologue turc Vahit Halefoglu, du 6 mars 1987 disait :
"Le DECA est un engagement solennel de la part des Etats-Unis à
soutenir le renforcement aussi bien des forces armées turques que de
l'économie de la république turque", et s'engageait à proposer au
Congrès américain un haut niveau de soutien à la Turquie.
Mais après l'échange de lettres, les Etats-Unis ont
montré une foi de plus leur non-respect de ces engagements. Au lieu
d'augmenter l'aide, le Comité des affaires étrangères de la Chambre
américaine des représentants a proposé de diminuer l'aide à la Turquie
de 300 millions de dollars. Il a proposé de plus que l'aide américaine
ne puisse pas être utilisée pour les forces armées turques à Chypre.
Le leader du Parti populiste social démocrate (SHP),
M. Inönü a déclaré immédiatement que les "développements négatifs"
constatés au Congrès devraient avoir comme conséquence l'abrogation
totale du DECA. Inönü avait déjà demandé au "Président de la
République" et au Président de l'Assemblée Nationale l'ajournement de
la signature. Il a dit que la Turquie aurait dû essayer d'obtenir
des garanties concrètes des Etats-Unis et l'établissement du contrôle
parlementaire des bases militaires turco-américaines en Turquie.
Il a ajouté que la Turquie payait le prix pour les
crédits et aides qu'elle recevait des Etats-Unis, et que si le Congrès
insistait pour leur soumettre des conditions, la Turquie devrait cesser
de les recevoir. Il a dit que la Turquie pouvait ausi bien obtenir des
crédits d'autres pays et ne devait pas être dépendante des Etats-Unis.
LA TURQUIE SUR LE FRONT NUCLEAIRE
"Depuis que la chute du shah d'Iran a éliminé
Trackman 2, l'oeil le plus vif sur les lancers de missiles et
satellites soviétiques, la Turquie est devenue un point stratégique clé
pour les Etats-Unis et l'OTAN pour contrôler l'URSS.
"Seul membre de l'OTAN à part la Norvège à avoir une
frontière commune avec l'URSS, la Turquie contrôle un point
d'étranglement convoité par l'URSS - le détroit des Dardanelles, qui
permet l'accès à la méditérannée. Et la plus grande réserve de pétrole
au monde se trouve juste au-delà de ses frontières.
"Comme les autres pays du tiers-monde, la Turquie
résiste difficilement à la pression d'intervention politique des
superpuissances, même si cela risque d'en faire le lieu d'un 'cimetière
nucléaire', suivant l'expression d'un commentateur de Radio-Moscou. Non
seulement la Turquie dépend des pays capitalistes industrialisés
pour ses marchés, mais elle reçoit un puissant coup de main des
Etats-Unis par le moyen de l'aide militaire, qui a augmenté de 203
millions de dollars en 1980 à 755 millions de dollars en 1985.
"A cause de sa position stratégique, la Turquie est
profondément impliquée dans la croissance nucléaire. Il y a plus de 60
installations militaires controlées principalement par les Etats-Unis
et employant plus de 5000 personnes, dans lesquelles environ 500 têtes
nucléaires américaines sont stoquées. Actuellement ce sont des missiles
Honest John de 64 km de rayon d'action, que les Etats-Unis projettent
de remplacer par des Pershing Lance 2 de moyenne portée. Ils envisagent
aussi de donner à la Turquie 72 nouveaux avions F-16 équipés de
missiles nucléaires.
"Bien que les missiles et les bases soient les
signes les plus dramatiques des liens de la Turquie avec la stratégie
nucléaire, le pays se hérisse également de stations d'espionnage
et de communications. La plus grande d'entre elles, la base américaine
de missiles et de combat à Incirlik sur la frontière sud avec la Syrie,
se double aussi d'une base importante de communications et de commande
liée aux armes nucléaires.
"Plus à l'est, à Pirinçlik, où un escadron de
surveillance est basé, les radars de détection et d'observation
examinent les tests de missiles en Union Soviétique et l'activité des
satellites est surveillée.
"Les stations d'interception et d'écoute
commencèrent à pousser comme des champignons en Turquie dans la fin des
années 50, principalement du côté des côtes nord et de l'Anatolie du
nord-est. En 1963-64, la première station radar à long rayon
d'action destinée à la surveillance des bases de missiles
soviétiques et de l'activité militaire syrienne, fut installée à
Diyarbakir.
"Ces activités continuèrent à se développer jusqu'en
1975, quand, après l'embargo américain sur la Turquie pour les armes à
propos de l'invasion de Chypre, la Turquie demanda d'avoir une part aux
renseignements reccueillis par les bases américaines à Chypre et
établit un certain contrôle sur les activités des Etats-Unis et de
l'OTAN. Mais les observateurs estiment que la réaffirmation du rôle de
la Turquie est plus rhétorique que réel.
"Les Etats-Unis levèrent l'embargo en 1978,
préparant le terrain pour une relation plus étroite.
"L'englobement de la Turquie dans les projets
régionaux et globaux des Etats-Unis progressa à une allure
vertigineuse. Après que la Force de déploiement rapide (RDF) ait été
établie en 1980, la Turquie signait un accord secret de défense avec
les Etats-Unis. Des rumeurs selon lesquelles il permettait
l'utilisation des bases turques par la RDF ont été confirmées par
le lancement de la base d'Incirlik, de l'opération de sauvetage des
otages américains en Iran. La conclusion en 1981 d'un accord de défense
mutuelle avec les Etats-Unis signifiait que la Turquie devenait le
premier pays de l'OTAN à entrer en accord bilatéral avec ce qui
est essentiellement un pacte militaire multilatéral. Un an après, des
discussions ont commencé sur une échelle encore plus grandes, d'après
lesquelles les bases américaines de Batman et Erzurum seront
modernisées, une nouvelle base sera construite à Mus et 10 aéroports
militaires seront agrandis et modernisés. La Turquie va également
autoriser l'accès des porte-avions de la Sixième Flotte américaine au
territoire turc.
"Le développement du rôle de la Turquie s'intègre
bien dans les nouvelles stratégies militaires de l'OTAN qui, selon
Arkin et Fieldhouse, 'se focalisent de plus en plus sur les régions du
sud de l'Europe --le nord de l'Afrique, le proche-orient et
au-delà-- et se déplacent de plus en plus loin des champs de bataille
traditionnels de l'OTAN." (South, Mars 1986).
AFFLUX DE CAPITAUX ETRANGERS
Malgré toutes les concessions faites par Ozal,
l'afflux des capitaux étrangers en Turquie n' a pas atteint un niveau
satisfaisant. Le montant des permis d'investissements délivrés par
l'Organisation de la Planification d'Etat atteignait 1.803 millions de
dolllars à la fin de 1986. L'afflux annuel atteignait 364 millions de
dollars en 1986 alors qu'il était de 235 millions en 1985.
Années Investissements étrangers
(en millions de dollars)
1954-1979 228
1980 97
1981 338
1982 167
1983 103
1984 271
1985 235
1986 363
TOTAL 1.803
Selon The Turkish Daily News du 27.1.1987, le
secteur de production occupe 512 % des compagnies à capitaux étrangers
opérant en Turquie, tandis que 44,8 % sont dans le secteur des
services, 2,9 % dans le secteur de l'agriculture et 1,08 % dans le
secteur minier.
Les compagnies à capitaux étrangers en Turquie sont
principalement concentrées dans les domaines de l'alimentation, de la
boisson et des industries chimiques. Il y a 72 compagnies à capitaux
étrangers en activité dans ces trois domaines. Parmi les autres
secteurs préférés par le capital étranger se trouve également le
secteur de l'électricité et de l'électronique.
Dans le secteur des services 21 compagnies à
capitaux étrangers opèrent dans le domaine banquier. Dans l'industrie
du tourisme, on trouve 41 compagnies à capitaux étrangers.
CROISSANCE DE L'INDUSTRIE DE GUERRE
Le ministre de la défense Zeki Yavuztürk, ouvrant la
première foire d'armements militaires (IDEA-'87) à Ankara le 27 avril
1987, a dit que le pays envisage maintenant de lancer sa propre
industrie d'armements . A la foire participaient 403 compagnies
d'armements de 21 pays étrangers, tels que General Dynamics, Dassault,
British Aerospace, Crausse-Maffel, Colt industries International Inc.,
Dornier GmbH, BMC, Helicopter Textron, Marconi, CASA, Westinghouse
Defense, Euromissile, SAT, General Defense International Division, RLM
Defense Engineering, Oip Optics NV-SA, Hall and Watss Ltd, Pilatus
Aircraft Ltd, E.Lacroix.
M. Yavuztürk a déclaré que la part de denrée
industrielles dans l'exportation turque a augmenté jusqu'à plus de 70 %
et que ceci contribuerait au développement de l'industrie de guerre.
La Turquie est déjà occupée à la construction d' une
installation pour la production d'avions de combats 152 F-16 qui seront
mis en service dans l'année. Il s'agit d'une co-production de la US
General Dynamics et de la TUSAS Aerospace Industries Inc. de Turquie
(pour les détails, voir Black Book on the Militarist "Democracy"
in Turkey, Info-Türk,1986).
La somme qui doit être attribuée à l'industrie
guerrière est estimée à 7.500 milliards de TL (9,4 milliards de
dollars).
L'Administration de Soutien et de Développement à
l'Industrie de Défense (DIDA), coordinateur des différentes industries
d'armements turques avait déjà des pourparlers aussi bien avec le
secteur privé turc qu'avec les compagnies étrangères. Les
compagnies étrangères qui ont participé à l'IDEA-'87 ont avancé
des propositions pour la coopération avec les industries guerrières
turques.
Fondée en 1986 par la loi, la DIDA est basée sur des
principes économiques libéraux. Gérée par un Conseil de Coordination
Suprême composé du Premier ministre, de certains ministres et de chefs
militaires, la DIDA est chargée d'encourager de nouveaux
investissements à travers la réorganisation des industries existantes
et l'intégration de la technologie modernes dans les forces militaires.
Par ailleurs, dans le but de collecter des
financements, la Fondation de Soutien à l'Industrie de Défense a été
établie sous l'autorité de la DIDA. De par la loi, ce fond reçoit
des sommes considérables provenant des taxes prises sur les boisons
alcolisées, le tabac, les loteries et le carburant. La loi stipule
aussi le transfert des fonds de 3 fondations mises en place par les
forces terrestres, navales et aériennes à la nouvelle fondation de la
DIDA. Les fonds propres de cette nouvelle fondation se montent
déjà à 200 milliards de TL (250 millions de dollars).
L'opposition social-démocratie s'oppose à ce projet
de création d'une industrie de guerre par le truchement d'entreprises
privées. Le président du groupe parlementaire de la SHP, M.Cahit Tutum,
dit : "ce ne serait pas judicieux pour l'établissement d'une structure
industrielle de défense nationale dans laquelle dominent les secteurs
domestiques et les secteurs privés étrangers. Nous ne devons pas
oublier les embargos auxquels nous avons fait face par le passé. Il est
dangereux de s'en remettre aux pays et aux capitaux étrangers sur
cette question. Ce qui est approprié est l'établissement d'une
industrie de défense avec le soutien du gouvernement".
LA CRISE RECENTE DANS LA MER EGEE
Juste après le bombardement d'une
région kurde de l'Irak par l'aviation turque à l'est, la Turquie
était, à la fin du mois de mars 1987, à la limite d'un conflit
armé avec la Grèce dans la Mer égée.
La démarcation non encore ajustée
de la limite de la zone continentale dans cette mer était la cause
officielle de la récente escarmouche entre la Grèce et la Turquie. Un
consortium basé en Grèce, la North Aegean Petroleum Co., a annoncé
qu'il allait commencer à rechercher du pétrole dans les eaux à
l'est de l'île de Thasos. Suite à cela, la Turquie a envoyé un bateau
de surveillance, Sismik 1, dans la Mer égée, accompagné de bateaux de
guerre.
Le danger de guerre a été avisé
quand le premier ministre turc Ozal a déclaré à Londres que les bateaux
turcs de recherche et de la marine n'entreraient pas dans les zones
disputées tant que les vaisseaux grecs resteraient à l'intérieur des 6
miles d'eaux territoriales grecques.
Cette tension constituait une
menace sérieuse que la sécurité soit troublée dans une région très
sensible de l'est méditéranéen. Ceci provoqua bien sur de l'inqiétude
en Union Soviétique et dans d'autres pays avoisinants. Moscou pria les
gouvernements grecs et turcs d'éviter toute action qui puisse
compliquer la situation.
On doit se rappeler que le
Conseil de Sécurité des Nation Unies avait suggéré de prendre en
considération une expertise de la Cour Internationale de Justice, lors
d'un différent similaire turco-grec, en aout 1976, sur les droits des
deux parties d'exploiter les richesses naturelles de la zone
continentale de la Mer égée. La Turquie refuse cette proposition en
arguant que le partage des eaux égéennes entre les deux pays voisins
est tellement compliqué qu'une solution quelconque peut seulement
être trouvée entre la Grèce et la Turquie, avant de faire appel à la
juridiction internationale.
Dans une affirmation faite le 27
mars, le premier ministre grec Andreas Papandreou a directement accusé
les Etats-Unis de responsabilité dans la crise.
En fait, les Etats-Unis
montraient une insatisfaction croissante devant l'indépendance dont a
fait preuve Athènes dans les questions de politique étrangère, ainsi
que le soutien non équivoque de Papandréou à la cause du désarmement,
de la préservation et du développement des traités sur le contrôle des
armements. Enfin, ils ont été offensés par le refus d'Athènes de
fournir des garanties pour la présence continue des bases américaines
en Grèce, par sa demande de retrait des armes nucléaires, et par sa
faible coopération aux préparatifs militaires à l'ouest.
Il faut noter que ce conflit
coïncidait justement avec le développement de protestation de l'église
grecque contre une nouvelle loi permettant d'exproprier les terrains
totalisant 130.000 hectares qui appartiennent à l'église.
Les chefs religieux grecs,
encouragés par les Etats Unis et la Turquie, ont dit qu'ils
envisageaient de renoncer à leur indépendance et de se placer sous
l'autorité du patriarche d'Istanbul.
L'église orthodoxe grecque est
devenue indépendante en 1850, après l'indépendance de l'état grec en
1833.
PROPOSITION SUR L'OPPRESSION DES KURDES
Deux membres du Parlement
Européen, MM. Vandemeulebroucke et Kuijpers, a présenté le 29 janvier
1987, une proposition de résolution sur les conséquences de la guerre
entre l'Irak et l'Iran pour la région de Mossoul et de Kirkuk et, en
général, sur la répression turque à l'égarde de la population kurde des
régions turques avoisinantes.
La proposition est libellée comme
suit:
"Le Parlement européen,
"A. considérant que le conflit
irako-iranien évolue en faveur de l'Iran,
"B. considérant quecette
situation donne à la république turque l'occasion de réaliser un
certain nombre de projets relatifs à la région irakienne de Mossoul et
de Kirkuk,
"C. rappelant que la Turquie rêve
de s'emparer, prétendument pour la protéger contre une attaque
iranienne, de cette région pétrolifère dont l'Irak extrait les deux
tiers de son pétrole, qu'il achemine par oléduc à travers une partie du
territoire kurde (sud-ouest et nord-ouest du Kurdistan) vers le
complexe portuaire d'Adana-Yumurtalik,
"D. considérant que certains
milieux turcs ont récemment proclamé à plusieurs reprises que la région
de Mossoul et de Kirkuk (qui fait partie, en fait, du Kurdistan
méridonal) appartient à la République turque, qui ne l'a perdue qu'à la
suite d'une 'injustice de l'histoire',
"E. considérant que les mêmes
milieux déclarent à présent que le moment est venu de réparer cette
'injustice historique',
"F. considrant qu'un certain
nombre d'observateurs affirment catégoriquement que les Etats-Unis ont
l'intention arrêtée de contenir l'Iran et entendent utiliser la Turquie
à cet effet,
"G. considérant que cela
permettrait également à la Turquie d'intervenir contre les combattants
indépendantistes kurdes, pour qui cette région constitue en quelque
sorte la base arrière,
"H. considérant que les
mouvements de libération du nord-ouest du Kurdistan parviennent
régulièrement à porter des coups sérieux à la République turque,
"I. rappelant les témoignages
antérieurs relatifs à la terreur turque dans les territoires kurdes,
"J. rappelant notamment que, dans
la province de Mardin, les habitants kurdes sont brimés de toutes les
façons possible: interdiction de semer à l'époque des semailles
entraînant la misère, arrestations arbitraires et tortures,
intimidations et contrôles incessants, etc., par représailles pour les
activités des mouvements de libération,
"1. condamne sans réserve toute
invasion éventuelle de la région de Mossoul et de Kirkuk par la Turquie;
"2. demande aux Etats-Unis de ne
favoriser ou de n'approuver en aucun cas semblable invasion;
"3. invite les ministres des
Affaires étrangères se réunissant dans le cadre de la coopération
politique à s'opposer énergiquement à l'occupation de la région
précitée par la Turquie;
"4. invite également les
ministres des Affaires étrangères à protester auprès des autorités
turques contre les violations répétées des droits de l'homme dont est
victime la population civile des régions kurdes;
"5. charge son Président de
transmettre la présente résolution aux ministres des Affaires
étrangères se réunissant dans le cadre de la coopération politique,
ainsi qu'aux gouvernement turc et américain."
ACTES RACISTES ET XENOPHOBIQUES CONTRE LES TRAVAILLEURS IMMIGRES EN
EUROPE
Au cours des grèves de
mineurs contre le licenciement dans le charbonnage du Limbourg en
Belgique, les forces de sécurité ont très souvent harcelé les mineurs
turcs en les battant ou en les emmenant dans les postes de police. Le
13 avril, un groupe de gendarmes a effectué une razzia contre la
mosquée turque à Eisden pendant une cérémonie religieuse sous le
prétexte de rechercher un gréviste à l'intérieur. Ils ont mis le lieu
de culte sens dessus dessous, et frappé le chef religieux ainsi que des
fidèles.
Les travailleurs turcs ont
protesté contre cet acte xénophobique en organisant une manifestation
pacifique le 18 avril.
A la fin de 1986 , le nombre de
chômeurs turcs en Belgique était de 7.514. Avec la fermeture de trois
mines de charbon dans le Limbourg, 3.000 travailleurs turcs de plus
seront licenciés.
Autres actes racistes et
xénophobiques :
18.12.1986, à Rotterdam, la
voiture de M. Hans Visser, un assistant social aidant les étrangers,
est mise en feu par un groupe raciste. 53 associations hollandaises et
immigrées protestent contre cette action.
22.12, à Bonn, un magasin
appartenant à un immigré turc est mis en feu par des individus non
identifiés.
25.12, lors de l'anniversaire de l'assasinat du travailleur turc
Ramazan Avci, des Skinheads attaquent à nouveau les travailleurs turcs
se rassemblant pour commémorer la victime.
19.1.1987, à Arnhem (Hollande),
un magasin appartenant à un immigré turc est par deux fois mis à sac
par des personnes non identifiées.
23.1, à Francfort (FRG), le parti
néo-fasciste NPD lance une campagne anti-immigrée en envoyant des
lettres xénophobiques. Cependant, les facteurs de la ville, en
solidarité avec les immigrés, refusent de distribuer ces lettres.
22.1, à Nijmeghen (Hollande), un
café appartenant à un immigré turc est détruit par le feu.
26.1, à Strasbourg, un groupement
de Front Nationaliste annonce qu'ils détruiront des mosquées en lançant
des explosifs. Ils tiennent également un meeting anti-immigré en criant
"Turcs, dehors!".
4.4, à Krefeld (FRG), une mosquée
turque est détruite par une bombe posée par des inconnus.
6.4, à Strasbourg, le magasin
d'un immigré turc est détruit par le lancement d'un explosif.
12.4, à Gelsenkirschen (RFA),
quatre immigrés turcs emmenés au poste de police sont battus par les
policiers.
PAS DROITS POLITIQUES, PAS PRELEVEMENT D'ORGANESservices, 2,9 % dans le
secteur de l'agriculture et 1,08 % dans le secteur minier.