UNE FOIS DE PLUS LES ETATS-UNIS ONT TROMPE
LA TURQUIE
En dépit de tous les sacrifices consentis par le
peuple turc pour l'oeuvre de la "défense du monde occidental", les
Etat-Unis continuent de diminuer la somme annuelle de l'"aide"
militaire accordée à la Turquie.
Récemment, malgré l'apparente insistance de
l'administration Reagan pour l'attribution d'une somme plus grande, le
Congrès américain a décidé de réduire celle-ci à 490 millions de
dollars seulement pour la Turquie.
Après le coup d'état militaire de 1980, en échange
de nombreuses concessions faites par les militaires à Washington,
les Etat-Unis avaient considérablement augmenté leur "aide" militaire à
la Turquie. Alors que la somme annuelle était seulement de 204,9
millions de dollars en 1980, elle a monté à 251,7 millions de dollars
en 1981, à 403 millions en 1982, à 402,8 millions en 1983, à 718,1
millions en 1984 et à 703,1 millions en 1985.
Cependant, depuis 1986, le Congrès américain a
décidé de réductions drastiques sur la somme de l'"aide" militaire
accordée à la Turquie. Celle-ci est tombée à 618.1 millions de dollars
en 1986, puis à 493,2 millions de dollars en 1987, et finalement à 490
millions de dollars en 1988.
Or, en vue de prolonger l'Accord de
coopération économique et de défense (DECA) entre les deux pays, le 16
mars 1987, le Secrétaire d'état américain George Schultz avait adressé
une lettre d'intention à son homologue turc, disant que "la DECA
constitue un engagement solennel de la part des Etat-Unis à aider au
renforcement des forces armées turques, et de l'économie de la
République de Turquie, " et avait promis de proposer au Congrès
américain un soutien très élevé à la Turquie.
Mais après cet échange de lettres, les Etat-Unis ont
montré une fois de plus leur non respect à leurs engagements.
Quand il devint claire que le Congrès américain ne
prendrait pas en considération la suggestion de la Maison blanche, les
partis d'opposition en Turquie déclarèrent que compte tenu des
"développements négatifs" constatés au Congrès, la DECA devrait été
complètement abrogée. M. Erdal Inönü, président du Parti populiste
social-démocrate (SHP) a dit que la Turquie payait le prix pour les
crédits et l'"aide" qu'elle recevait des Etat-Unis, et que si le
Congrès persistait à leur poser des conditions pour ceux-ci, alors la
Turquie devrait cesser de les recevoir. "La Turquie devrait obtenir des
crédits d'autres pays également et ne devrait pas être dépendante des
Etat-Unis," a-t-il ajouté.
En fait, l'"aide" militaire sous forme de FMS
(foreign military sales) constitue une charge très lourde pour
l'économie turque. Dans la période 1972-1986, les USA ont donné à la
Turquie des crédits FMS se montant à 3.528 millions dollars au total.
La Turquie a déjà payé 594 millions de dollars en retour sur cette
somme. Jusqu'en l'an 2015, la Turquie payera le reste de la dette
totalisant 2.934,7 millions de dollars, ainsi que les intérêts de
3.585,2 millions de dollars, soit 6.519,9 millions de dollars au total.
Prenant en considération l'opposition croissante de
l'opinion publique contre les intentions du Congrès américain, le
22 octobre 1987, la Heritage Foundation a adressé aux hommes
politiques américains un rapport détaillé suggérant d'adopter une
approche plus réaliste de la Turquie.
Le rapport, rappelant que la période Özal est la
plus favorable pour les intérêts américains en Turquie, dit:
"A l'époque où la guerre et le chaos dans le Golfe
persique sont là pour rappeler aux hommes politiques combien il est
difficile de traiter avec les états de Moyen-orient, la Turquie reste
un bastion de stabilité et de fidélité dans l'Est méditerranéen. Les
Etats-Unis ont de toute évidence de forte raisons pour maintenir les
relations de coopération les plus étroites possibles avec la
Turquie. Cependant des fêlures apparaissent dans la relations
américano-turques. Au début du mois de mai, le président turc Kenan
Evren a annulé une visite prévue aux Etat-Unis pour exprimer les doutes
croissant de la Turquie en ce qui concerne la sincérité et la
crédibilité américaine, suite à des actes anti-turcs du Congrès
américain.
"L'Accord de Coopération Economique et de Défense
(DECA) de 1980, entre les Etats-Unis et la Turquie, limite
l'utilisation américaine des installations turques pour les objectifs
de défense de l'OTAN. Cette condition a été imposée par la Turquie pour
éviter d'être entraînée dans un conflit régional où l'OTAN serait
impliquée. Cependant la Turquie devrait encore jouer un rôle dans la
détection de mouvements soviétiques dans le Golfe persique. En
1982, les Etat-Unis ont commencé à moderniser dix bases aériennes
turques, dont plusieurs dans l'Est de la Turquie, le long de routes
d'invasion soviétiques possibles à travers l'Iran. Ces bases aériennes
devraient permettre aux avions de combat américains de contrer les
lignes de soutien et de diminuer l'impact d'une force d'invasion
soviétique attaquant l'Iran.
"A leur crédit, les Turcs n'ont pas menacé de faire
cesser l'accès américain à leurs bases, comme le grec Papandreu. Le
gouvernement Özal a été critiqué par son opposition politique pour
avoir accepté de renouveler la DECA sans engagements corrélatifs
de la part des Etat-Unis.
"Le premier Özal, ingénieur diplômé aux U.S.A, est
favorable aux réformes économiques libérales. Il a été félicité
par Ronald Reagan comme 'a real Reaganite in economic terms', à
cause de ses efforts déterminés en vue de promouvoir la libre
entreprise en Turquie. Depuis 1980, Özal a rationalisé le système des
prix en abolissant les subsides et en supprimant les contrôles sur les
prix, réformé le système des taxes, et réduit les taxes sur les revenus
de 20 % pour la plupart des travailleurs. Il a ouvert l'économie en
libéralisant les règles des cours de change et en étendant l'accès pour
les Turcs aux importations étrangères, au crédit et à l'investissement.
En encourageant l'industrie Turquie à se tourner vers l'exportation
plutôt que l'importation, Özal espère mettre pleinement en oeuvre les
avantages comparatifs de la Turquie, en particulier sa force de travail
nombreuse et qualifiée, et sa proximité géographique à la fois avec
l'Europe et le Moyen-Orient.
"En dépit de la réussite d'Özal dans le domaine de
la stimulation à la croissance économique, son Parti de la Mère Patrie
centriste a perdu du terrain politiquement à cause de son
programme d'austérité et d'un taux de chômage persistant de 20 %. De
plus, les efforts d'Özal pour protéger le montant du crédit en honorant
les engagements de la dette extérieure (4 milliards de dollars,
comprenant des intérêts, ont été payés sur les 25 milliards de dollars
de la dette extérieure en 1986) lui ont valu des critiques de la part
de l'opposition, d'après lesquelles il fait passer les créanciers
étrangers avant son propre peuple.
"La Turquie est un allié solide, qui ne devrait pas
être traité comme acquis d'avance. L'engagement ferme du gouvernement
Özal pour l'OTAN, la modernisation, la libre entreprise, et le commerce
libre en font l'un des gouvernements turcs les plus pro-américains qui
soit jamais arrivé au pouvoir. L'opposition d'Özal le traite
d'Amerikanci (américanophile) et le critique pour ne pas assurer plus
fermement les engagements de l'aide américaine dans le cadre de la DECA
signée plus tôt cette année. Washington devrait aider Özal à montrer
les avantages d'une collaboration étroite avec les Etats-Unis. Cela
permettrait d'éviter de donner prise aux critiques d'Özal provenant de
la gauche comme de la droite, qui peuvent être utilisées pour le
discréditer, lui et sa génération montante de technocrates ayant fait
leurs études aux Etats-Unis.
"Les objectifs à long terme des Etat-Unis devraient
être de faciliter la transition de la Turquie vers une démocratie
stable, avec une économie de libre marché, et une pleine intégration au
sein de l'économie ouest-européenne et de son alliance défensive. Pour
accomplir ces objectifs:
"1) Washington doit honorer ses obligations dans le
cadre de la DECA pour aider la Turquie à moderniser ses forces armées,
et leur permettre de remplir leurs responsabilités au sein de l'OTAN.
L'aide militaire à la Turquie est l'un des moyens les plus efficaces de
dissuader une agression soviétique dans l'Est méditerranéen et en Asie
du sud-est. Alors que cela coûte 60.000 dollars d'envoyer et de
stationner un soldat américain en Turquie, le coût pour un soldat turc
est environ de 9.000 dollars. (Témoignage de l'ambassadeur Parker Hart,
cité par Bruce Huniholm dans "Rhetoric and Reality in the Aegean: U.S.
Policy Options Toward and Turkey", SAIS Review, hiver/printemps
1986, p.153)
"2) Le Congrès devrait cesser de lier le niveau de
l'aide à la Turquie aux progrès diplomatiques dans la question
chypriote. L'embargo sur les armes américaines s'est révélé être un
instrument puissant du durcissement de la position de la Turquie, au
lieu de favoriser un compromis.
"3) Le rapport arbitraire de 7 à 10 entre l'aide à
la Grèce et à la Turquie devrait supprimé.
"4) L'administration Reagan devrait invoquer
l'amendement au Defense Authorization Act de 1986 qui permet à
l'administration de transférer le surplus de l'équipement militaire à
la Turquie, à la Grèce et au Portugal.
"5) Washington devrait faire pression sur ses alliés
pour augmenter l'aide étrangère à la Turquie et pour considérer
favorablement la demande d'adhésion de la Turquie comme membre à
part entière de la Communauté économique européenne.
"6) Les Etat-Unis devraient ouvrir leur marché aux
exportations textiles turques autant que possible, dans le cadre du
Multifiber Arrangement.
"7) Les Etat-Unis devraient encourager Ankara à
ouvrir les archives ottomanes afin de permettre une discussion
approfondie et ouverte de la question du traitement des Arméniens par
les Turcs. Bien que les Arméniens ont indiscutablement souffert de
graves torts, il n'y a pas de preuve irréfutable d'une campagne de
génocide systématique à leur encontre par les Turcs. Une enquête de
grande envergure sur la question, faisant usage des anciennes archives
ottomanes, pourrait clarifier le problème. Des résolutions du
Congrès sur les Arméniens ottomans ne serviraient qu'à rouvrir
d'ancienne plaies, et entacheraient les relations turco-américaines
sans résoudre quoi que ce soit.
"Etant donné la dérive constante de la Grèce de
Papandreu hors de l'alliance occidentale, les Etat-Unis doivent
renforcer leurs liens avec la Turquie, non les affaiblir. Car si le
premier ministre Papandreu choisit de fermer les bases américaines de
la Grèce, la Turquie est le candidat évident pour fournir des
installations de remplacement."
Mais le Congrès américain n'a prêté aucune attention
à ces avertissements, et a réduit l'"aide" militaire à la Turquie
à 490 millions de dollars.
APRES LE SOMMET REAGAN-GORBATCHEV
Cependant, les derniers développements qui sont
intervenus sur la scène internationale ont conduit les cercles
politiques turcs et les mass media à animer un débat public en vue de
revoir la politique militaire de la Turquie en général, et la
dépendance de l'Armée turque par rapport Wahington en particulier.
Alors que Gorbatchev et Reagan signaient un accord
en vue d'éliminer les armes INF le 8 décembre 1987, l'attention de
l'opinion publique s'est tournée vers les conséquences possibles de cet
événement historique.
Pour la première fois une famille entière de
missiles est démantelée, et pas une famille d'engins dépassés, mais
tout au contraire un ensemble particulièrement dévastateur qui faisait
la fierté de la technologie militaire.
Il y a quelques années, la perspective d'un tel
accord paraissait utopique à beaucoup de gens. Au cours des dernières
années l'Union soviétique a soumis des propositions élaborées pour
l'interdiction des armes chimiques et pour la destruction des stocks
existants. L'Union soviétique et ses alliés du Pacte de Varsovie ont
poussé les pays de l'OTAN à réduire les forces armées des deux blocs
militaires d'environ un quart. Toutes ces propositions étaient
accompagnées d'un système de contrôle sur le terrain soigneusement
préparé.
Dernièrement, l'Union soviétique a avancé l'idée
d'établir un système détaillé pour assurer la sécurité internationale.
Le traité signé par Gorbatchev et Reagan stipule l'élimination de toute
une classe d'armements nucléaires modernes ayant une portée allant de
500 à 5000 kms. Ceci est une mesure concrète dans la voie de la
dénucléarisation mondiale.
Néanmoins, ce succès pacifique n'est pas apprécié
dans les milieux conservateurs et d'extrême droite à l'Ouest. Selon les
faucons du Pentagone, en signant le nouveau traité sur les armes avec
Gorbatchev, le président Reagan aurait perdu l'esprit, se serait vendu
aux russes et plongerait tout droit dans un nouveau Munich pour la
cause de la "paix de notre époque". Pour eux, le traité INF est une
"erreur tragique", une "victoire à la Pyrrhus", un "défi".
Les conservateurs ne se sont pas contentés de lancer
des slogans et jetent des mots comme "dénucléarisation de l'Europe" ou
"finlandisation nucléaire". Ils ont aussi proposé des plans de
"compensation" qui incluent le déploiement en Europe de bombardiers
B-52 transportant des missiles cruise aériens, ainsi que d'avions
supplémentaires F-15E et F-111 capables de transporter des armes
nucléaires, de sous-marins et de navires équipés de missiles cruise à
bord, de "modernisation" ou, en langage clair, de création de nouvelles
générations d'armes nucléaires à courte et moyenne portée, en
particulier en Angleterre, en France et en Turquie.
En fait, tous les missiles nucléaires installés sur
le territoire de la Turquie sont de courte portée et ne rentrent pas
dans le cadre du traité de Washington. Leur faisant écho, les
militaristes occidentaux et leurs collaborateurs turcs ont
immédiatement commencé de réclamer pour que l'OTAN renforce son arsenal
conventionnel, afin de pouvoir riposter à la supériorité des armes
conventionnelles de l'Union soviétique et des pays du Pacte de Varsovie.
Ils proposent aussi de déployer en Turquie des
missiles Lance de courte portée, pour augmenter la force de frappe
nucléaire dans ce pays, d'équipper des avions de combat F-16 d'armes
nucléaire, et de renforcer l'armement des Forces armées turques.
Cette campagne se confond très bien avec les
ambitions du complexe militaro-industriel de Turquie, qui recourt à
tous les moyens pour convertir la Turquie toute entière en un arsenal
infernal, et pousser les généraux Pentagonistes turcs à faire des
"conquêtes" au Moyen-orient.
Etant soumis inconditionnellement à la politique de
Washington, le gouvernement Özal semble prêt à accepter n'importe
quelle proposition avancée par ces milieux.
Mais les dernières élections générales ont montré
qu'Özal a le soutien d'un tiers seulement de la population. En dépit de
toutes les mesures répressives, l'opposition démocratique se renforce
toujours davantage à travers la Turquie.
Juste après les élections, la signature du traité en
vue d'éliminer les armes INF constituait un nouvel événement stimulant
pour les forces démocratiques et pacifiques de Turquie.
RESISTANCE DES DETENUS DANS LES PRISONS
L'Association pour la solidarité
avec les familles des détenus et des prisonniers (TAYAD) a annoncé le
1er décembre1987 que les conditions d'emprisonnement ne s'étaient pas
encore améliorées, en dépit des plaintes nombreuses adressées aux
autorités légales. Les administrations pénitentiaires de Sinop,
Diyarbakir, Amasya, Burdur, Eskisehir et Mersin, en particulier,
agissent en tout arbitraire et ne tiennent aucun compte des règlements
imposés aux prisons par le Ministère de la justice.
Tandis que trois prisonniers politiques continuaient
leur grève de la faim dans la prison de Sinop depuis le début de
novembre, des détenus politiques à Istanbul mènent toujours leurs
actions de protestation contre le fait d'être emmenés aux tribunaux
enchaînés et les menottes aux poings, et d' être forcés de porter
l'uniforme de prisonnier.
Le 8 décembre 1987, neuf inculpés de la Gauche
Révolutionnaire (Dev-Sol) traduits en justice devant la Cour de sûreté
de l'état d'Istanbul ont ôté leurs uniformes et les ont mis en pièces
en pièces devant les juges. Suite à cela, la cour les a tous condamné à
une peine de 6 mois de prisons, dont deux mois en isolement solitaire.
En protestation contre le fait que leurs camarades
étaient mis en isolement, 55 détenus politiques de la prison de
Sagmalcilar-2 à Istanbul ont entamé une grève de la faim le 22 décembre
1987.
En soutien à cette action de protestation, un groupe
de parents de prisonniers politiques a également entamé, le 24
décembre, une grève de la faim à Istanbul. A cette action de 50
grévistes de la faim se sont joints par la suite les membres de
l'Association des Femmes pour le Combat Démocratique (DEMAK).
MANIFESTATIONS POUR LA LIBERATION DES PRISONNIERS POLITIQUES
Constatant que le gouvernement n'a aucune intention
de libérer les prisonniers politiques ou de prendre des mesures
effectives pour améliorer les conditions de détention, deux
organisations de défense des droits de l'homme en Turquie ont organisé
des rassemblements pour réclamer la libération des prisonniers et pour
protester contre la torture à Istanbul le 6 décembre 1987.
La manifestation organisée par l'Association des
droits de l'homme (IHD) et suivie par plus de cinq mille personne s'est
tenue sous le contrôle strict des forces d'intervention rapide de la
police.
Les manifestants portaient des bannières écrites les
slogans suivants: "La torture est un crime contre l'humanité", "Videz
les prisons, amnistie générale", "Libération des prisonniers
politiques", "Non à la torture". Certaines pancartes avec les portraits
des jeunes dirigeants socialistes exécutés Deniz Gezmis, Yusuf Arslan
et Hüseyin Inan ont été confisqués par la police.
Le même jour, la manifestation organisée dans un
autre quartier d'Istanbul par l'Association pour la Solidarité avec les
familles des détenus et des prisonniers (TAYAD) était suivie par
quelques milliers de personnes. Lors de celle-ci, des orateurs ont dit
que les prisonniers politiques ne demandaient pas l'"amnistie" réclamée
par d'autres rassemblements, car ils ne se considèrent pas comme des
criminels. "Tout au contraire," ont-ils dit, "les prisonniers
politiques revendiquent leur liberté bafouée par la force."
Quelques jours plus tard, le procureur de lma
République entamait une procédure légale contre les dirigeants locaux
de l'IHD. Le président Emil Galip Sandalci ainsi que six autres membres
de l'équipe ont été interrogés par la Cour de sûreté de l'Etat
d'Istanbul, sur l'accusation d'avoir toléré que des slogans soient
lancés, qui n'avaient pas été autorisés au préalable par les
responsables de la sécurité.
Concluant une autre campagne pour l'"amnistie" menée
depuis plusieurs mois, le 10 décembre 1987, l'Association des droits de
l'homme (IHD) a présenté au Président de la Grande assemblée nationale
une pétition signée par 130.000 personnes. Le président de
l'association, M. Nevzat Helvaci, après avoir remis 23 dossiers
contenant les pétitions et signatures, a déclaré:"La Turquie a vécu une
période exceptionnelle. Au cours de cette période, plus de 250.000
personnes ont été mises en détention et soumises à la torture. Les
règlements de l'état de guerre ont été appliquées dans les procès et
les erreurs judiciaires commises par les tribunaux militaires ont
atteint des proportions insupportables. Le seul moyen de réparer les
résultats dramatiques de ces pratiques est une amnistie générale. Nous
réclamons aussi la suppression de la peine capitale."
D'après les rapports de presse, les dossiers de
peines capitales pour 174 prisonniers sont toujours en attente d'être
ratifiés par l'Assemblée nationale. 103 de ces verdicts concernent des
personnes reconnues "coupables" d'actions politiques.
ÖZAL: "PAS D'AMNISTIE GENERALE"
Bien que les résultats des élections législatives
mettent en évidence le fait que les deux tiers des électeurs
n'approuvent pas la politique répressive du gouvernement actuel, le
premier ministre Özal ne montre aucune intention de prendre en compte
cet avertissement.
Juste après les élections, lors d'une conférence de
presse qu'il a tenu le 12 décembre 1987 au cours d'une visite aux Etat
Unis pour des examens médicaux, Özal a déclaré qu'il n'envisageait pas
d'amnistie générale, arguant que cette pratique n'a cours dans aucune
des nations occidentales avancées.
Quant à la modification des articles controversés
141, 142 et 163 du Code pénal turc, qui stipulent que les organisations
et la propagande communistes ou religieuses doivent être punis, Özal a
déclaré: "Ces articles sont les piliers fondamentaux de la République.
Je pense que ces articles ne posent pas problème pour le peuple turc".
NOUVELLES CONDAMNATIONS A MORT
La Cour militaire de cassation a approuvé trois
condamnations à mort en décembre 1987, l'une pour un leader de gauche,
Garbis Altinoglu, de l'Union Révolutionnaire du Peuple (DHB), et les
autres pour deux activistes de droite, Halit Kirci et Ahmet Ercüment
Gedikli, qui ont été reconnus coupables de l'assassinat de sept
militants de gauche en 1978.
Le 9 décembre 1987, le procureur de la République a
réclamé la peine de mort pour cinq inculpés, traduits en procès comme
membres présumés du PKK devant la Cour de sûreté de l'Etat.
Le 26 décembre 1987, à Adana, le tribunal militaire
a condamné un inculpé du procès "Acilciler" à la peine capitale et
quatre autres à des peines de prisons de 13 ans et quatre mois
pour chacun.
Le 27 décembre, au cours de la phase finale du
procès de masse intenté contre 813 membres présumés de la Voie
Révolutionnaire (Dev-Yol), à Erzincan, le procureur militaire a réclamé
la peine de mort pour 110 inculpés. Ils sont accusés, en vertu de
l'article 146 du Code pénal turc, d'avoir tenté de renverser l'ordre
constitutionnel et d'établir la domination de la classe ouvrière en
Turquie.
Un des inculpés qui risquait la peine capitale était
M. Fikri Sonmez, ancien maire de la ville de Fatsa. Avant le coup
d'état, il avait été élu par un vote populaire avec le soutien de la
grande majorité de la population de la ville, et avait mis en place de
nombreux services pour le bien-être des citoyens. Il est décédé pendant
les procès, il y a quelques années, suite à des mauvais traitements.
DEBATS PARLEMENTAIRES A PROPOS DE LA TORTURE
Le premier débat orageux à l'Assemblée nationale
nouvellement élue, s'est déroulé le 29 décembre 1987 au sujet de la
torture, et les porte paroles des partis de l'opposition ont accusé le
gouvernement de ne pas prendre les mesures nécessaires pour stopper
cette pratique inhumaine.
Lisant son nouveau programme, Özal déclarait que son
gouvernement était opposé à la torture des détenus, et a ajouté:"Si
quelqu'un peut m'apporter un fait bien établi, nous poursuivrons les
responsables."
A ces mots, le député SHP nouvellement élu Ekin
Dikmen, qui avait été torturé pendant sa détention, a lancé depuis son
siège :"Si vous voulez un exemple, me voici!".
Et d'autres députés de l'opposition se joignaient à
la protestation en criant à Özal:
"Si vous voulez d'autres exemples, demandez les à
votre propre député, Nurettin Yilmaz!".
De fait, Nurettin Yilmaz était membre de
l'Association Turque pou la Paix et a été soumis à différentes formes
de torture au cours de sa détention. Après sa libération, le parti
d'Özal, dans le but de gagner les électeurs de cet ancien député de
gauche d'origine kurde, a inscrit Yilmaz sur la liste de son parti à
Diyarbakir.
Cependant, Dikmen et Yilmaz ne sont pas les seuls
députés qui avaient été torturés au cours des dernières années.
De nombreuses victimes de la torture ont été élus
aux dernières élections législatives pour le parlement en tant que
députés du Parti populiste social-démocrate (SHP). Pour l'essentiel: Le
président de la Confédération des Syndicats Progressistes (SHP), M.
Abdullah Bastürk, le secrétaire général Fehmi Isiklar et le membre de
l'équipe exécutive Ismail Hakki Onal ont été traduits devant un
tribunal militaire, risquant la peine de mort, et torturés pendant leur
détention.
Ahmet Türk et Kemal Anadol ont été eux aussi soumis
à des traitements similaires; le premier parce qu'il aurait soutenu
avec le PKK, le second parce qu'il aurait collaboré avec le TKP.
Dans une interview au Millliyet du 18 décembre 1987,
Türk qui est d'origine kurde, a dit:" En 1981-82, j'ai été, tout comme
d'autres détenus, soumis à la torture. J'ai été battu avec des
matraques, pendu par les mains, plongé dans de l'eau de vidange ou dans
l'eau glacée en hiver, obligé de porter sur mon dos un soldat pendant
que j'étais amené au tribunal."
Avant les débats du parlement, l'Association pour
les Droits de l'Homme (IHD) a annoncé à la 1ère convention sur les
droits de l'homme qu'elle avait organisé le 12 décembre 1987 à Ankara,
qu'au moins 170 personnes étaient mortes sous la torture depuis le coup
d'état militaire de 1980.
S'exprimant à cette convention, le président du SHP
Erdal Inönü a dit: "La torture est une honte nationale pour nous tous.
Sans aucun doute tout acte criminel doit être puni selon la
législation. Mais il n'y a aucune punition dans la forme de torture
dans notre législation."
Comme un dernier exemple, le Secrétaire général du
SHP Fikri Saglar, lors d'une conférence de presse qui s'est tenue à
Ankara le 18 décembre 1987, a montré aux journalistes un membre de son
parti, M.Hüsnü Turan, qui avait été torturé avec un barre de fer
chauffée au rouge ainsi qu'à l'électricité, le 9 décembre 1987, par la
police à Izmir.
Saglar a également déclaré que rien que pour la
période depuis la venue au pouvoir de l'ANAP en 1983 jusqu'en 1985, le
nombre de ceux qui sont morts sous la torture se monte à 78.
Autres cas de torture en décembre:
3.12, à Istanbul, au procès de masse "TIKKO-3", les
inculpés affirment que le procureur militaire du tribunal Erdogan
Savaseri était responsable de tortures auxquelles ils avaient été
soumis et ont demandé aux juges d'ouvrir une enquête. Mais la requête
est rejetée par le tribunal militaire.
17.12, à Istanbul, Yasar Takan, membre supposé de
l'organisation clandestine "Acilciler", accusé d'avoir placé des
explosifs dans plusieurs bureaux du parti gouvernemental ANAP, a
témoigné avoir été torturé par les policiers pendant son interrogatoire
19.12, à Adana, cinq avocats adressant une pétition
au bureau du procureur public, ont déclaré que leur client, Ahmet
Dekyen, avait été soumis à la torture au poste de police le 2 décembre
1987, et les traces de torture avaient été authentifiées par un rapport
médical.
Alors que le problème de la torture soulevait
l'indignation de l'opinion publique turque, le 29 décembre 1987, une
cour criminelle à Ankara, déclarant qu'un simple passage à tabac ne
pouvait être considéré comme de la torture, acquittait deux
policiers accusés d'avoir torturé un détenu politique.
Les accusés, Ali Kaymakci et Mustafa Ozcihan,
avaient systématiquement battu Ayhan Sarihan, éditeur de la revue
Ögretmen Dünyasi, pendant ses 20 jours de détention. D'autres détenus
ont témoigné que Sarihan avait été ramené dans la cellule, son visage
et son corps en sang, après chaque interrogatoire. Le juge Ali Karahan
a justifié sa décision en disant que "Pour pouvoir considérer un
passage à tabac comme de la torture, il faudrait que la victime ait un
rapport médical certifiant qu'il a été mis hors d'état de travailler au
moins pour 10 ou 15 jours."
ALLEGATIONS DE TORTURE DE DIRIGEANTS DU TBKP
Deux dirigeants du Parti communiste unifié de
Turquie (TBKP), Nabi Yagci et Nihat Sargin, après avoir été interrogés
pendant 20 jours par la police à Ankara, ont été arrêté le 5 décembre
1987 par la Cour de sûreté de l'Etat et placés en détention dans une
prison civile de la capitale.
Pendant l'interrogatoire des deux dirigeants de
parti, la police a aussi arrêté de nombreux syndicalistes,
intellectuels et étudiants en Turquie pour leur liens supposés avec le
TBKP. Certains journaux ont affirmé qu'au cours de leur interrogatoire,
les deux dirigeants avaient donné ou confirmé les noms des membres du
comité central et d'autres responsables de leurs partis respectifs.
Alors qu'ils étaient emmenés en prison depuis le
bureau du procureur, Sargin a crié aux journalistes qu'ils avaient été
torturés pendant leur interrogatoire. Par la suite, dans une pétition
adressée au bureau du procureur public, Yagci et Sargin ont
déclaré que la police, pour obtenir les noms de leurs camarades en
Turquie et à l'étranger, leur avaient fait subir de nombreuses formes
de torture et injecté dans leur corps un liquide, probablement du
sodium penthotal.
Néanmoins, le procureur public, suite à ses
enquêtes, a conclu le 21 décembre 1987 que les allégations de torture
n'étaient pas fondées.
Yagci est le secrétaire général du Parti communiste
de Turquie (TKP) et Sargin celui du Parti ouvrier de Turquie (TIP). Les
deux partis avaient décidé auparavant de fusionner en un parti unifié.
Le TKP avait été mis hors la loi depuis 1923, et le TIP depuis le coup
d'état militaire de 1980.
Bien que la Cour militaire de cassation avait
ratifié des peines de prison allant jusqu'à 15 ans pour 104 membres du
TKP le 28 octobre 1987, Yagci et Sargin ont annoncé quelques jours plus
tard leur décision de retourner en Turquie dans le but d'introduire
devant le Ministère de l'intérieur une demande de légalisation du
nouveau TBKP en Turquie.
Quand ils déclarèrent leur intention de retourner de
rentrer d'exil en Turquie, les consulats de Turquie, sur approbation du
gouvernement, leur ont délivré des passeports à court terme. Pendant sa
visite au consulat turc à Berlin Ouest pour obtenir son passeport, le
secrétaire général du TKP Nabi Yagci a introduit une autre requête
demandant la permission de faire son service militaire dans l'Armée
turque après son retour en Turquie.
Cependant, en dépit de son attitude tolérante au
départ, le premier Özal, sous les pressions venant de l'aile d'extrême
droite de son parti et d'autres organisations de droite, n'a pas
empêché leur arrestation par la police, déclarant qu'il était trop tôt
pour envisager la formation d'un parti communiste en Turquie.
Des dirigeants d'autres organisations marxistes hors
la loi, telles que le PKK, le TKP/ML et le TKP/B ont accusé les leaders
du TBKP d'"être des renégats et de se rendre, eux et leurs camarades,
au régime fasciste."
L'enquête au sujet du TBKP est menée à présent par
le procureur, et les deux dirigeants de parti seront jugés devant la
Cour de sûreté de l'Etat à Ankara, sur base des articles 140,141, 142,
158 , 159 et 312 du Code pénal turc pour "activités menées depuis
l'étranger contre l'Etat turc, organisation communiste, propagande
communiste, incitation à la lutte des classe sociales, l'une contre
l'autre, déclaration diffamant le gouvernement, etc."
CONFLITS ARMES ET ARRESTATIONS
1.12, les combattants du PKK kidnappent 24 partisans
du gouvernement dans quatre villages à Silopi et à Midyat.
4.12, les combattants du PKK bombardent le bureau
local du parti gouvernemental (ANAP) à Nusaybin, et ont tué par balles
un garde au cours de leur raid sur une aire de résidence militaire à
Kiziltepe. Un commissaire de police est gravement blessé dans ce raid.
5.12, au cours d'une confrontation armée à Derik
(province de Mardin), les forces de sécurité tuent par balles sept
militants du PKK. Deux soldats ont également tués par la guérilla, et
un autre blessé.
9.12, les forces de sécurité arrêtent 10 militants
du PKK, à Viransehir et 11 militants d'une autre organisation hors la
loi à Erzincan.
11.12, les quartiers généraux de la police à Ankara
annoncent que les opérations menées à Istanbul, Kayseri, Izmir, Hatay,
Icel, Ankara et Adana ont abouti à l'arrestation de 67 militants du
Groupe d'urgence (Acilciler), supposés être les auteurs de nombreux
actes de sabotage. 18 membres présumés d'une autre organisation
illégale ont été arrêtés à Agri.
12.12, les forces de police arrêtent cinq membres
présumés du TKP à Izmir, 28 militants "séparatistes" à Sanliurfa, 8
militants présumés de Partizan à Erzincan.
14.12, à Adana, 20 personnes sont arrêtées sur
l'accusation d'avoir organisé des actes de sabotage.
15.12, six membres présumés du Groupe d'Urgence sont
arrêtés à Istanbul.
12.12, à Istanbul, des militants de la Gauche
Révolutionnaire (Dev-Sol) placent en différents endroits des explosifs
avec des bannières portant les slogans:"Non aux hausses de prix", "Les
mains qui volent le peuple seront écrasées!".
28.12, à Istanbul, un groupe armé de militants de la
Dev-Sol effectuent un raid sur le bureau central de la Confédération
des Syndicats des Employeurs de Turquie (TISK) et peignent sur les
murs:"Hausses de prix et tyrannie: Özal", "Non à la torture"
30.12, à Izmir, la police arrête 16 personnes, des
militants supposés du PKK.
JOURNALISTES TURCS TOUJOURS EN PRISON
Le mensuel britannique INDEX a publié dans son
numéro de novembre 1987 une photo portant le titre "Journalistes turcs
dans la prison de Canakkale". Tous ont été arrêtés dans les mois
suivant le putsch militaire en septembre 1980 et sont maintenus en
détention depuis lors.
Selon l'information donnée par INDEX:
Irfan Asik, éditeur du journal Partizan, jugé dans
le cadre de 13 procès différents par la cour militaire d'Istanbul.
Condamné en vertu des articles 142/1-3, 159 et 312 du Code pénal turc à
un total de 111 ans d'emprisonnement. Peine commuée par la suite à 36
ans, et ratifiée par la cour d'appel.
Mustafa Colak: travaillait pour le journal Ozgürlük,
condamné à une peine de prison de 9 ans.
Galip Demircan, éditeur des journaux Halkin
Kurtulusu et Halkin Kurtulusu Yolunda Genclik. Condamné à un total de
20 années d'emprisonnement pour des articles non signés dans les
journaux, sous l'accusation de propagande communiste. Appel en suspens.
Mehmet Ozgen (33 ans), éditeur des journaux Bagimsiz
Türkiye et Devrimci Militan. Six procès engagés contre lui; condamné à
un total de 33 ans et six mois d'emprisonnement, sentence ratifiée par
la cour d'appel.
Feyzullah Ozer (33 ans), éditeur des
périodiques Kitle et Ilke en 1977. Condamné dans trois procès à
12 ans de prison, sentence ratifiée par la cour d'appel. Dans un des
cas encore en suspens, l'accusation a demandé 7 ans d'emprisonnement.
En prison depuis octobre 1981.
Candemir Ozler, éditeur de Savas Yolu, condamné à 23
ans et 10 mois de prison. Sentence ratifiée par la cour d'appel.
Ali Rabus, éditeur du journal Birlik Yolu,
condamné à 18 ans d'emprisonnement. Sentence ratifiée.
Hüseyin Ulger, éditeur du Genc Sosyalist, condamné à
18 ans et six mois de prison.
Hasan Selim Acan, éditeur d'Halkin Kurtulusu,
condamné par la Cour militaire d'Istanbul sous le coup des articles
142/1-3 et 159 du Code pénal à un total de 331 ans de prison. Après que
ces condamnations aient été ratifiées par la Cour de cassation, le
procureur a ouvert , le 8 novembre 1987, onze nouveaux procès à son
encontre devant la Cour criminelle d'Istanbul, et réclamé un total de
100 ans d'emprisonnement.
Fuat Akyürek, qui travaillait pour Saglikcinin Sesi,
condamné à 10 ans et six mois d'emprisonnement.
Alaattin Sahin (39 ans), éditeur de l'hebdomadaire
Halkin Yolu, de janvier à novembre 1977. 44 procès ont été ouverts
contre lui. Dans 25 procès terminés et ratifiés par la cour d'appel, il
a reçu une peine de 108 années de prison au total, commuée ensuite à 36
ans. Au moins 163 ans d'emprisonnement ont été réclamés par
l'accusation dans les 19 procès restants.
Erhan Tuskan, éditeur des périodiques Ilerici
Yurtsever Genclik et Genclik Dünyasi. Dix procès ont été ouverts contre
lui; condamné à 48 ans et 10 mois d'emprisonnement, sentence confirmée
par la Cour d'appel.
Selon le quotidien Cumhuriyet du 6 décembre 1987,
depuis le coup d'état militaire, 404 procès différents ont été ouverts
contre 50 écrivains ou éditeurs responsables, dont ceux cités
ci-dessus, de quatre journaux et 20 revues interdites par les
militaires. 32 journalistes ont été condamnés à une total de 3.000
années d'emprisonnement, dont 2.500 ratifiées par la Cour de cassation.
Veli Yilmaz (33 ans), éditeur d'Halkin Kurtulusu et
de Halkin Kurtulusu Yolunda Genclik, condamné à un total de 1.170
années d'emprisonnement, dont 750 ans confirmés par la Cour de
cassation.
Osman Tas (31 ans), éditeur d'Halkin Kurtulusu en
1978, condamné à un total de 770 ans d'emprisonnement dont 660 ratifiés
par la Cour de cassation.
Mustafa Yildirimtürk (36 ans), éditeur de huit
numéros d'Halkin Kurtulusu en 1977, condamné à un total de 215 années
d'emprisonnement, dont 155 ratifiés par la haute cour.
Ces trois journalistes sont toujours détenus dans la
prison militaire de Metris à Istanbul.
En vertu de la procédure pénale en Turquie, quel que
soit le total de plusieurs peines de prison pour une personne, il est
automatiquement commué à 36 ans d'emprisonnement, plus 12 ans de
résidence surveillée.
En outre, Ilker Demir, éditeur des journaux Ilke et
Kitle en les années 1975-77, condamné par les tribunaux militaire à un
total de 23 ans et un mois d'emprisonnement dans trois procès. Sentence
ratifiée par la Cour militaire de cassation. Il purge actuellement sa
peine dans la prison spéciale d'Aydin.
NOUVEAUX PROCES DE PRESSE
28.11, le représentant de la revue pour jeunes
Yarin, Zekeriya Aytemur mis en détention à Istanbul.
12.12, à Istanbul, l'éditeur Hasan Günes est
condamné à une peine de 7 ans de prison pour avoir publié la traduction
du livre du poète pakistanais Mevludi intitulé "Changeons ce monde!".
La cour ordonne également la destruction de tous les exemplaires du
livre.
15.12, le No. 51 de l'hebdomadaire 2000'e Dogru est
confisqué sur ordre de la cour pour avoir publié un document officiel
dressé par les autorités militaires. Dans ce document toutes les tribus
kurdes d'Anatolie orientale sont divisées entre "Celles qui sont
hostiles à l'Etat" et "Celle qui sont alliées avec l'Etat".
25.12, M. Aziz Nesin, humoriste turc distingué et
président de l'Union des écrivains de Turquie (TYS), est inculpé par la
cour de sûreté de l'Etat pour une interview au sujet des droits civils
des Kurdes, qu'il a donné à l'hebdomadaire 2000'e Dogru.
25.12, deux éditeurs de l'hebdomadaire 2000'e Dogru,
Fatma Yazici et Dogu Perincek, sont traduit devant une cour criminelle
d'Istanbul pour un article, accusés d'avoir diffamé Atatürk.
29.12, la cour de sûreté de l'Etat d'Izmir décrète
la confiscation de tous les exemplaires de l'Economie politique de
Nikitin , et des Principes fondamentaux de la philosophie de Politzer.
Les deux ouvrages avaient fait l'objet de poursuites légales dans le
passé, mais avaient été acquittés par les tribunaux.
CODE DE LA PRESSE SERA PLUS SEVERE
Juste après les élections législatives, présentées
comme nouveau pas dans la voie de la démocratisation en Turquie, on
annonçait que le gouvernement travaillait à renforcer les mesures
répressives contre la presse.
Selon les rapports de presse du 5 janvier 1987, les
plans du gouvernement en vue de modifier la Loi sur la presse, la Code
pénal et la Loi de protection des mineurs contre les publications
nuisibles, de façon à punir l'auteur de toute information "sans
fondement" à des amendes allant jusqu'à 100 millions de LT (100.000
dollars). Si un journal ne publie pas de dénégation, il sera condamné à
des amendes allant jusqu'à 20 millions de LT (20.000 de dollars).
Quant aux publications "nuisibles pour les mineurs",
les amendes seront au minimum de 50 millions de LT (50.000 dollars).
Même sans cette augmentation des amendes, entre le
11 et le 18 décembre 1987, dans le courant d'une semaine, 14 procès de
presse concernant des "publications nuisibles" ont abouti à des
condamnations d'un milliard 267 millions de LT d'amendes au total.
Le seul quotidien Tan a été condamné à payer 500
millions de LT.
Parmi les journaux qui ont été inculpés en vertu de
cette loi, on trouve Günaydin, Hafta, Sonu, Haftanin Sesi, playboy,
Playman et Bravo.
Les procès concernant des "publications nuisibles"
sont ouverts sur décision du Conseil suprême pour la protection
des mineurs contre les publications nuisibles, composé des
représentants du premier ministre, de certains ministères, du Conseil
supérieur de l'éducation et de la Direction aux affaires religieuses.
Certains auteurs célèbres de Turquie tombent eux
aussi sous le coup de cette loi exceptionnelle. Le 4 décembre 1987, une
cour criminelle d'Istanbul a jugé Mme Pinar Kür pour ses romans "Amour
infini" et "La femme qui devait être pendue"; M. Ahmet Altan pour son
roman "Trace dans l'eau"; Dr. Haydar Dümen pour ses deux études
sur les problèmes sexologiques et Mme Fatma Aylin, pour sa traduction
de "Tropique du capricorne" d'Henry Miller.
Le président de la Fédération internationale des
publications périodiques, M. Robin Wharmby, a affirmé dans une lettre
envoyée au premier turc Turgut Özal, que "la Turquie, par les punitions
infligées à la presse, a été l'un des pays démocratiques les plus
censurés."
RAPPORT D'HELSINKI WATCH SUR LA TURQUIE
L'organisation U.S. Helsinki Watch a publié, en
décembre 1987, un rapport sur la Turquie, basé en grande partie sur des
informations rassemblées par Jeri Laber et Lois Whitman au cours d'une
mission d'information effectuée en Turquie en juin 1987. Faisant état
des événements qui se sont déroulés jusqu'au 31 octobre 1987, le
rapport en arrive aux conclusions suivantes sur la situation en
Turquie:
"Malheureusement, nos espérances pour une
amélioration continue de la situation des droits de l'homme en Turquie
n'ont pas été satisfaites. Nous avons constaté pendant notre dernière
visite, en juin 1987, que les droits de l'homme en Turquie sont
toujours dans un état fluctuant. Des mesures positives sont
continuellement contrebalancées par des actions négatives. Bien qu'il y
ait eu certaines améliorations notables, principalement dans le
domaine de la liberté d'association, la poursuite de l'usage de la
torture en détention policière est à la fois déplorable et
inexplicable, étant donné les déclarations des autorités selon
lesquelles elles auraient mis fin à l'usage de la torture, et d'après
lesquelles tous les incidents rapportés ne seraient que des inventions
créées dans le but de discréditer la Turquie aux yeux de l'opinion
publique mondiale, ou des cas isolés de brutalités policières. Les
preuves de que nous avons reçues de l'existence de la torture montrent
que celle-ci est encore pratiquée couramment en Turquie,
mettant en jeu les même techniques, dans les même postes de police, que
ce qui a été documenté dans le passé. S'il y a moins de cas de torture
en Turquie aujourd'hui, c'est parce qu'il y a moins d'arrestations
qu'avant, et non parce que les pratiques auraient changé d'une façon
notable. (...)
"Le problème fondamental concernant les droits de
l'homme en Turquie reste inchangé. Il découle de la constitution
répressive de 1982, ainsi que d'une série de lois également
répressives qui restent en vigueur et qui exercent une action
paralysante sur la société. Une bonne partie des libertés qui ont été
tolérées en Turquie depuis 1983 peuvent très bien être un geste du
gouvernement en faveur de l'opinion publique internationale, plutôt que
le reflet d'un désir véritable de la démocratie et des droits de
l'homme. Et comme ces libertés n'ont aucune garantie légale,
elles peuvent aisément être renversées lors d'un changement de
politique. A moins que les législation restrictives en Turquie ne
soient modifiées, tout progrès concernant les droits de l'homme peut se
révéler transitoire. (...)
"Les dirigeants turcs, paraît-il, sont désolés du
fait qu'Helsinki Watch, après avoir entendu le point de vue officiel en
1985, ait continué à critiquer nombre de pratiques en Turquie, qui
touchent aux droits de l'homme. Ils ont été particulièrement
bouleversés par notre décision d'enquêter sur la situation des Kurdes,
la question la plus sensible concernant les droits de l'homme en
Turquie.
"Nous avons voyagé en Turquie orientale malgré
la désapprobation gouvernementale. Aucun effort n'a été fait pour nous
empêcher d'y aller ni pour limiter notre activité une fois sur place.
Nous avons pu discuter avec un certain nombre de personnes kurdes
-avocats, leaders politiques, journalistes, hommes d'affaire- qui ont
décrit une situation de répression extrême, laquelle a continué de
s'aggraver sous bien des aspects depuis le coup d'état de 1980. La
situation est rendue encore plus compliquée par la guerre de guérilla
qui a fait rage dans les régions frontalières depuis 1984, menée par
des terroristes kurdes qui veulent un Kurdistan indépendant.
"Il a longtemps été dénié à la minorité kurde de
Turquie tout semblant d'une identité ethnique: la langue, la culture,
les coutumes et l'histoire des Kurdes ne sont pas reconnus par le
gouvernement turc, qui refuse aux Kurdes toute existence. De récentes
actions militaires dans la région apparaissent avoir été prétexte à une
intimidation plus grande encore des Kurdes par le gouvernement. Des
citoyens ordinaires sont pris entre l'armée et la guérilla et sont
persécutés par les deux. La guérilla, qui forme un groupe assez
restreint d'après le gouvernement, a organisé sans répit des attaques
contre des civils innocents, parmi lesquels des femmes et des enfants.
D'un autre côté, l'armée turque semble mener la guerre contre la
population kurde dans sa totalité, accusant la population locale de
porter assistance aux terroristes. Certaines parties du sud-est que
nous avons visité semblent être en continuel état de siège. Nous avons
reçu plus de plaintes concernant les pratiques journalières de
l'armée qu'au sujet des attaques sporadiques de la guérilla.
"Même sur base d'une enquête superficielle, il nous
a semblé clair que le gouvernement turc poursuit une politique
d'auto-destruction dans l'est du pays. En refusant de reconnaître les
droits ethniques et les besoins économiques de la population locale, le
gouvernement sème les germes de la haine et de la révolte et encourage
les Kurdes à identifier leur bien-être personnel avec les objectifs de
la guérilla sécessionniste. Bien que le plupart des Kurdes, d'après les
rapports, rejettent la tactique terroriste de la guérilla et ne
désirent pas se séparer de la Turquie, le gouvernement ne leur
offre pas une alternative crédible. 'Nous n'aimons pas les
terroristes,' nous ont dit certains Kurdes, 'mais ils sont ce que nous
avons de mieux pour l'instant.' Et un parlementaire de la la région
nous a affirmé que le soutien à la guérilla a augmenté de zéro à 40 %
dans sa province à cause de la tactique fortement
répressive de l'armée et du gouvernement turc."
VISITE DES DEPUTES EUROPEENS
A l'invitation du Président de la Grande Assemblée
Nationale Turque, une délégation du Parlement européen a visité la
Turquie du 24 novembre au 1er décembre 1987, dans le but d'observer les
élections générales. La délégation était composée des députés
socialistes Ludwig Fellermaier, Richard Balfe, Georgios Tomeos; du
député communiste Vassilis Ephremidis, du député écolo Wolfgang Von
Nostitz et des députés de droite Luc Beyer de Ryke, Gerd Lemmer , Ramon
Diaz del Rio, Georgios Saridakis et John Taylor.
Après une première série d'entretien à Ankara, la
délégation s'est divisée en deux groupes pour visiter Istanbul et Izmir
d'une part, Diyarbakir et Mardin d'autre part. Elle s'est réunie à
nouveau, le jour de l'élection, à Ankara où elle restera jusqu'à son
départ.
La délégation a rencontré les leaders des partis
politiques participant aux élections, le premier ministre, le ministre
aux relations avec la Communauté européenne, le président de
l'Assemblée nationale turque, le président du Conseil suprême
électoral, les confédérations syndicales, aussi bien la Türk-Is que la
DISK, l'Association des hommes d'affaires et des industrialistes
(TUSIAD) et l'Union des chambres de commerce (TOBB), l'Association des
droits de l'homme (IHD), l'Union des Barreaux, l'Association des femmes
contre la discrimination, les gouverneurs des provinces de
Diyarbakir et Mardin, les maires d'Izmir et de Diyarbakir, ainsi que
des candidats des différents partis politiques.
Après avoir observé différents aspects de la
campagne électorale, ainsi que le scrutin proprement dit le jour de
l'élection, la délégation a rendu publiques, dans un communiqué de
presse les conclusions suivantes:
"1. Dans la mesure où ils ont pu observer le
déroulement du scrutin, la procédure effective de vote a été
correctement organisée.
"2. En ce qui concerne la procédure électorale, des
critiques importantes ont cependant été faites concernant:
"a. L'adoption de la loi électorale, qui, par
l'introduction de la clause des 10 % de représentation nationale ainsi
que d'autres clauses, crée une discrimination à l'encontre des petits
partis. La délégation prend note de la justification officielle selon
laquelle cette loi a été mise en place pour assurer une majorité stable.
"b. L'abréviation de la campagne
électorale.
"c. L'usage fait par le gouvernement des réseaux de
la radio et de la télévision publiques,tant pendant la campagne
pré-électorale que pendant la campagne électorale effective.
"d. L'usage de l'appareil du gouvernement et
des administrations locales par le parti au pouvoir pour influencer
l'électorat.
"La délégation reconnaît les progrès significatifs
réalisés en vue d'établir la démocratie. Elle constate avec
satisfaction que tous les partis politiques représentés au parlement
ont exprimé leur détermination à consolider la démocratie en levant
progressivement les restrictions encore existantes.
"Dans ce contexte, la délégation a constaté que la
législation existante limite sévèrement la liberté d'association,
particulièrement en ce qui concerne l'exercice des droits syndicaux, et
la pleine participation à la vie politique.
"Elle exprime son espoir que ceci puisse conduire à
la légalisation de tous les partis politiques qui se conforment aux
principes démocratiques.
"La délégation a souligné que le processus de
consolidation de la démocratie favoriserait l'intensification des
relations entre le Parlement Européen et la Grande Assemblée Nationale
Turque en particulier, et entre la Communauté Européenne et la Turquie
en général.
"En conformité avec son mandat concernant
l'arrestation de M. Kutlu et M.Sargin, le président M. Beyer de Ryke et
le vice-président M. Fellermaier ont rencontré M. Demiral, procureur
public devant la Cour de sûreté de l'Etat d'Ankara, pour s'informer des
conditions de leur détention ainsi que de la nature des procédures
légales engagées contre eux.
"Ils ont subséquemment visité leur lieu de
détention, où ils ont été autorisés à les voir, mais non à parler avec
eux."
La conclusion de cette délégation en général, et la
détention prolongée sans mandat des deux dirigeants du Parti Communiste
Unifié de Turquie (TBKP) en particulier, ont conduit le Parlement
européen à faire obstruction au vote sur les deux protocoles
additionnels à l'Accord d'association avec la Turquie, le premier
concernant l'adhésion du Portugal et de l'Espagne, le deuxième ayant en
vue le maintien de la tradition des exportations turques de citrons
frais et de raisins de table.
Les députés socialistes et communistes, à cette
occasion, ont sévèrement critiqué les pratiques arbitraires du
gouvernement turc, notamment l'arrestation de deux dirigeants
communistes, et demandé au Parlement européen de donner un nouvel
avertissement au régime turc en suspendant le vote sur les protocoles.
Etant donné que le vote sur les protocoles nécessite 260 voix, le
groupe socialiste a déclaré que ses membres ne participeraient pas à la
session, dans le but d'empêcher la ratification des deux documents.
Suite à cela le parlement a décidé le 16 décembre 1987 d'envoyer les
deux protocoles au comité aux relations économiques extérieures, par
130 voix contre 123 et 2 abstentions.
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Une nouvelle brochure d'Info-Türk en anglais
TURCO-AMERICAN RELATIONS
AFTER THE COUP
Turkey's importance to the USA * US instigation to the coup in Turkey *
Growing US military presence in Turkey after the coup * Development of
the military-industrial complex and crazy armament race in Turkey
* Inventory of the Turkish Army's armaments * Turkey's role in
the US plans for the Middle East and the Iranian Gulf * US disrespect
for its military aid commitments for Turkey * The price of US
military aid to Turkey * Growing anti-American move in the opposition *
A report to US policymakers on the US interests in Turkey *
Perspectives of Turco-American relations after the Gorbachev-Reagan
Summit