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A non-government information service on Turkey
Un service d'information non-gouvernemental sur la Turquie


168

14e année - N°168
Octobre  1990
38 rue des Eburons - 1000 Bruxelles
Tél: (32-2) 215 35 76 - Fax: (32-2) 215 58 60
 Rédacteur en chef: Dogan Özgüden - Editrice responsable: Inci Tugsavul
 
Des villages en feu après le passage des troupes turques.
Une écolière de 16 ans arrêtée pour avoir écrit: "Non à la guerre!"
Le gouvernement a décidé de reprendre les exécutions

LA LOGIQUE DE GUERRE D'ÖZAL

        Après avoir obtenu le feu vert de l'Assemblée Nationale à l'envoi de troupes turques dans la région du Golfe et au déploiement de troupes américaines en Turquie, le président Özal s'est précipité à Washington pour garantir au président Bush que la Turquie soutiendrait les Etats-Unis dans l'application de leurs plans de guerre.
        Lors de son voyage à Washington, Özal fit un autre cadeau en or au président Bush: la reconduction automatique pour encore un an des Accords de Coopération Economique et de Défense (DECA) entre les Etats-Unis et la Turquie puisque pour le 15 septembre, cette dernière n'avait pas demandé une révision de ces accords.
        Les dits accords autorisent les Etats-Unis à rénover et à moderniser les bases de contrôle de Pirinclik, de Sinop et de Belbasi, ainsi qu'à accélérer la cadence des travaux de construction qui se déroulent dans d'importantes bases aériennes, comme Incirlik, abritant des avions américains équipés d'ogives nucléaires.
        Au cours de son séjour de 10 jours aux Etats-Unis, Özal s'est longuement entretenu avec le président Bush le 23 septembre. Le contenu de cet entretien n'a cependant pas été dévoilé, même au gouvernement turc. Alors que le secrétaire d'Etat, James Baker, assistait au tête-à-tête entre les deux présidents, le ministre turc des affaires extérieures Ali Bozer dut patienter dans une pièce voisine.
        Après son entretien avec Bush, Özal communique aux journalistes turcs que la Turquie n'avait fait l'objet d'aucune requête pour envoyer des troupes dans le Golfe. "Toutefois, ceci n'exclut pas qu'à l'avenir une telle requête nous soit adressée", ajouta le président. Durant le séjour d'Özal aux Etats-Unis, le Washington Post a néanmoins affirmé que des officiers militaires américains avaient dressé des plans d'urgence visant à monter des offensives au sol contre l'Irak à partir de la Jordanie, de l'Arabie Saoudite et de la Turquie.
        D'après les reportages de la presse, il y a dans la base aérienne d'Incirlik, des avions stratégiques américains du type F-111 qui attendent des ordres pour aller bombarder des cibles irakiennes. Sur base d'un programme de la BBC-Télévision, le journal Hürriyet affirma dans son édition du 22 août que des avions anti-radar américains Stealth F-117A stationnent également dans la base aérienne d'Incirlik. Les avions radar AWACS survolent constamment la frontière turco-irakienne et les gigantesques radars jadis installés dans la base de Pirinclik pour espionner les essais des armes soviétiques sont maintenant orientés vers les territoires irakiens.
        Özal affirma avoir obtenu du président Bush l'assurance qu'il ferait de son mieux pour pallier aux retombées de la crise en Turquie. Des sources proches d'Özal ont déclaré que Bush a donné son accord à un projet visant à fournir 340 chasseurs F-16 à la Turquie. D'après un projet en voie de réalisation, 160 de ces chasseurs seraient fabriqués en Turquie et certains d'entre eux seraient vendus à l'Egypte. Le président Bush a également promis à Özal qu'il étudierait les possibilités d'accroître le volume des échanges commerciaux libres entre les Etats-Unis et la Turquie et d'appuyer la candidature turque d'adhésion aux Communautés Européennes.
        Le chef du Parti Populaire Social Démocrate (SHP), Erdal Inönü, a affirmé que personne ne connaît les engagements qu'Özal a pris à l'égard de Bush au nom de la Turquie, bien qu'un tel pouvoir ne soit pas dévoulu au président turc.
        "La seule amélioration concrète qui ressort de l'entretien de Washington est matérialisée par l'engagement pris par Bush pour que des délégations des deux pays se rencontrent le mois prochain. Les autres promesses du président américain ne sont qu'une simple répétition d'autres promesses similaires faites auparavant", conclut Inönü.
        "Ce qui nous préoccupe le plus, c'est l'absence de toute explication concernant le rôle qu'assumera la Turquie dans le cas où serait menée une opération militaire destinée à faire évacuer les forces irakiennes du Koweit".
        Süleyman Demirel, chef du Parti de la Juste Voie (DYP), déclara que le plus crucial c'était que la population ignorait encore totalement quels sacrifices elle aurait à endurer en cas de conflit armé.
        "En aucun cas, on ne peut prétendre que parce que la politique menée par la Turquie dans le Golfe convient aux Etats-Unis, ceux-ci vont soutenir sa candidature d'adhésion à la Communauté Européenne. En outre, les Etats-Unis ne sont même pas membres de la CEE", ajouta Demirel.

Une force multinationale de l'OTAN en Turquie?

        Encouragé par l'attitude pro-Pentagone d'Özal, le président John Galvin, commandant en chef des forces de l'OTAN en Europe a dévoilé le 8 octobre dernier un plan destiné à constituer une force multinationale de défense dans la zone méridionale de l'OTAN (c'est-à-dire principalement la Turquie) et à modifier les stratégies actuelles de manière à accroître la mobilité des forces de l'OTAN.
        Au cours d'une conférence tenue dans le quartier général des Académies Militaires à Istanbul, le général Galvin précisa que l'OTAN avait déjà envoyé un questionnaire à tous les pays membres sollicitant leurs avis sur la constitution d'une force multinationale dans la zone méridionale.
        Le général qui se trouvait en Turquie pour assister aux manœuvres militaires de l'OTAN "Display Determination '90" justifia son plan en soutenant que dans le cas où une attaque se produirait dans la zone sud, l'OTAN aurait besoin de deux semaines pour envoyer des forces américaines dans la région.
        Il a également communiqué qu'une OTAN plus réduite était envisagée pour l'après-Guerre Froide. Si sa couverture géographique devait rester inchangée, l'OTAN se verrait dans l'obligation de restructurer l'alliance pour la rendre plus mobile, ajouta Galvin.
        Le plan de Galvin s'attira les foudres de l'opposition turque et des spécialistes militaires. Selon le général à la retraite, Turgut Sunalp, le stationnement d'une force multinationale terrestre de l'OTAN en Turquie équivaudrait à un déploiement de troupes américaines de combat sur le sol turc. Loin de constituer un avantage en matière de défense, une telle force susciterait plutôt un sentiment d'inimitié entre la Turquie et les pays arabes.

Le one-man show d'Özal au Moyen-Orient

        Le 13 octobre, dans une nouvelle démarche diplomatique personnelle et sans qu'un seul membre du gouvernement ne l'accompagne, Özal entreprit une tournée de 6 jours qui devait le mener dans 5 pays du Moyen-Orient: l'Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis, le Quatar, l'Egypte et la Syrie.
        Le 12 octobre, juste avant son départ, le ministre des affaires extérieures, Ali Bozer, démissionna de son poste, en signe de protestation pour avoir été tenu à l'écart dans la conduite des relations extérieures du pays. Il était immédiatement remplacé par un des béni-oui-oui d'Özal, Ahmet Kurtcebe Alptemocin. Une semaine plus tard, le ministre de la défense, Safa Giray, abandonna également son poste invoquant un manque de confiance au sein du gouvernement.
        Au cours de son voyage au Moyen-Orient, ne tenant nullement compte des protestations élevées contre son attitude dictatoriale, Özal rencontra des chefs d'Etat pro-américains avec lesquels il discuta des pertes économiques encourues par la Turquie en raison des sanctions commerciales imposées à l'Irak.
        Après son voyage, Özal déclara que, depuis le début de la crise, l'Arabie Saoudite avait comblé une grande partie des besoins en pétrole de la Turquie. "Nous avons demandé davantage de pétrole aux Saoudiens ainsi que certains avantages. Je pense que nous recevrons une réponse positive dans 5 ou 10 jours", a-t-il affirmé.
        Par la même occasion, Özal critiqua la décision de la Cour Constitutionnelle de suspendre la vente des terres en Turquie aux cheiks arabes. Il soutenait que la Turquie devait s'efforcer de vendre des terrains aux familles riches du Golfe pour leur permettre d'y construire leur résidence d'été. Il y a deux ans, la Cour Constitutionnelle s'opposa à un contrat qui prévoyait la vente des terres à un membre de la famille royale saoudienne.
        Au Quatar, Özal dit avoir abordé le thème de l'acheminement de gaz naturel provenant de ce pays vers la Turquie, pour éventuellement en vendre une partie à l'Europe. Il a également laissé entendre la possibilité d'élaborer un projet de construction de deux pipelines parallèles entre la Turquie et le Quatar: l'un acheminerait de l'eau douce en provenance de la Turquie vers le Quatar tandis que l'autre acheminerait du gaz naturel dans l'autre sens.
        Pour ce qui est de l'eau douce, la presse turque mentionne souvent la possibilité de l'utiliser comme une arme contre l'Irak. Selon l'édition du 14 octobre du journal Cumhuriyet, des études techniques ont été réalisées à Ankara en vue de retenir les eaux de l'Euphrate et du Tigre dans leur cours vers l'Irak. Etant donné que l'Euphrate traverse la Syrie avant d'entrer en Irak, il est possible qu'au cours de sa visite à Damas, Turgut Özal ait étudié avec Hafiz Esad, la manière d'appliquer un tel plan sans porter préjudice à la Syrie.

Préparatifs de guerre en Turquie

        D'autre part, le célèbre scénario d'une occupation turque des champs pétroliers du nord de l'Irak, Kirkuk et Mosoul, est devenu un des thèmes quotidiens des presses américaine et turque.
        Le 13 octobre, lors de la séance d'ouverture du Parlement Marocain, le roi Hassan déclara que les superpuissances s'étaient déjà réunies pour redessiner la carte du Moyen-Orient et donner à la Turquie la zone septentrionale de l'Irak.
        Auparavant, le journal Tercüman, dans son édition du 19 septembre, avait ouvertement revendiqué les droits de la Turquie sur cette région: "En aucun cas, nous ne pouvons oublier Kirkuk et Mosoul, pas plus que les Turcs qui y vivent, dont le nombre dépasse le million. Informés de la ferme intention de la CIA de jouer la carte des Kurdes contre Saddam Hussein, nous devons opposer celle de Mosoul et Kirkuk à la possibilité de la création d'un état kurde".
        Le 24 septembre, le journal Hürriyet citait The National Review, organe de presse de conservateurs américains et qui proposait de remettre Mosoul et Kirkuk à la Turquie avec l'aval des Nations Unies.
        Le 9 septembre, et ceci est plus important, le journal Milliyet attira l'attention sur un document très significatif émanant du Conseil National de Sécurité (MGK). Constitué de tous le chefs de l'armée et de certains ministres du gouvernement, ce Conseil suprême a le pouvoir de donner au gouvernement des directives en matière de sécurité nationale.
        Dans un livre intitulé Concept et Etendue de l'Etat, le Conseil de Sécurité Nationale signale que tout conflit local proche des frontières turques ne resterait jamais éternellement localisé et que tôt ou tard, il donnerait lieu à une guerre régionale dans laquelle la Turquie aurait à participer activement. Si une telle crise survenait, le MGK préconise une mobilisation générale de l'armée. "Dans un tel cas, une attitude pacifique permanente devrait être assimilée à un acte de haute trahison" conclut le livre du MGK.

Etat de guerre dans le Kurdistan turc

        Depuis plus de six ans, l'armée turque maintient un état de guerre dans le Kurdistan turc. Au début, les guérilleros du parti ouvrier du Kurdistan (PKK) étaient les ennemis déclarés mais désormais toute la population de la région est considérée comme un ennemi potentiel et les forces de sécurité s'adonnent à des actes de destruction, de déportation et à des arrestations en masse.
        La liste de certains noms kurdes qui ne peuvent être donnés aux nouveau-nés, publiée par l'Institut Atatürk de la Langue, la Culture et l'Histoire, donne une idée de l'hystérie anti-kurde qui existe dans les cercles officiels.
        Le 19 octobre, l'Association des Droits de l'Homme (IHD) déclara que, notamment dans la zone du Botan, les forces armées sont en train de mener un plan destiné à transformer la région en un lieu dépourvu de toute vie humaine. Récemment, dans la province de Sirnak, les habitants de 27 villages furent déportés et la plupart de ces villages brûlés.
        D'autre part, le journal Cumhuriyet, dans son édition du 25 septembre rapportait qu'au cours d'une fouille dans le village de Kiragli, les forces de sécurité arrêtèrent tous les "suspects" parmi lesquels se trouvait une jeune fille de 12 ans du nom d'Adile Coban.
        Partout en Turquie, parallèlement à ces opérations militaires, les réunions convoquées par les organisations démocratiques s'opposant à une éventuelle participation turque dans la guerre du Golfe, ont été interdites par les différents gouverneurs. De ce fait, le 24 septembre, plus d'un millier de personnes participèrent à une manifestation non autorisée, mais l'acte fut soumis par les armes à feu de la police. Deux manifestants furent blessés par balles et 86 autres furent arrêtés par la police.
        La répression est également devenue insupportable dans les prisons où les prisonniers politiques ont dû reprendre leurs actes de protestation, notamment les grèves de la faim.
        L'administration pénitentiaire a transféré 95 détenus de la prison du type E de Diyarbakir vers d'autres prisons et a imposé un régime de confinement aux autres prisonniers. 250 détenus ont alors commencé une grève de la faim le 7 octobre dernier. A cette grève se sont joints des prisonniers politiques dans les prisons d'Aydin, Ceyhan, Bayrampasa (Istanbul), Gaziantep, Malatya et Canakkale.
        Le 24 septembre, à la Cour de la sûreté de l'Etat à Erzincan, commença le jugement de 349 Kurdes inculpés d'avoir participé à des actes de solidarité envers le PKK et aux funérailles d'un militant du PKK abattu par les forces de sécurité à Dogu Beyazit.

LE GOUVERNEMENT REPREND LES EXÉCUTIONS

        Dans un nouveau pas vers le durcissement du terrorisme d'Etat, le gouvernement turc a récemment décidé d'appliquer les peines de mort sous prétexte de lutter contre la terreur politique. Mais les associations pour les droits de l'homme, les syndicats et le familles de condamnés à mort ont immédiatement réagi contre ce plan visant à reprendre les pendaisons des condamnés à mort six ans après que les exécutions des peines capitales aient été interrompues.
        La dernière fois qu'une peine de mort était exécutée en Turquie, c'était en octobre 1984. Depuis lors, les 287 cas de condamnation à mort ont été soumis à la ratification de l'Assemblée Nationale. Parmi les condamnés à mort, 179 sont des prisonniers politiques, parmi lesquels157 sont de gauche. Le nombre de prisonniers non-politiques s'élève à 108.
        588 prisonniers ont été exécutés depuis la proclamation de la république en 1923. Le nombre de personnes exécutées depuis le coup d'Etat militaire du 12 septembre 1980 s'élève à 50. 24 d'entre elles était des prisonniers politiques.
        L'initiative répressive du gouvernement fut annoncée dans un premier temps par le secrétaire d'Etat, Mehmet Kececiler, le 13 octobre. Le ministre de l'Intérieur, Abdulkadir Aksu, affirma que les travaux du Conseil sur ce sujet s'appuyaient sur un avis émanant du président Özal. Le 11 octobre, au cours d'une réunion du cabinet, Özal aurait dit que si les terroristes avaient été encouragés par la non exécution des peines de mort, le gouvernement se devait de considérer toutes les mesures pour les combattre, y compris  les exécutions.
        D'ailleurs, le 8 octobre, à Kayseri, Özal  avait dit: "Nous devons être impitoyables envers les responsables de la terreur. Nous ne pouvons pas les laisser vivre!"
        Le 17 octobre, au cours d'un symposium sur le thème "Situation et Perspectives actuelles de la Justice Communautaire", lorsqu'on fit remarquer que la peine de mort n'était appliquée dans aucun pays de la CE, le Premier Ministre Akbulut rétorqua que ce problème n'avait aucun lien direct avec la Communauté Européenne: "Ce sont les conditions à l'intérieur d'un pays qui déterminent l'application ou non de la peine de mort. Telle est mon opinion. Après qu'une cour ait prononcé la peine de mort, la sentence devrait être exécutée."
        Erdal Inönü, leader du SHP social-démocrate, qualifia la décision du gouvernement d'incroyable: "Punir des prisonniers pour mettre un terme au terrorisme actuel est anti-démocratique. L'Etat ne peut agir comme un groupe terroriste. Il ne devrait pas avoir recours à la vengeance. Au lieu de débusquer les criminels responsables du terrorisme actuel, le gouvernement tente de résoudre le problème en punissant les prisonniers qu'il tient entre ses mains. C'est contraire aux droits de l'homme."
        Dans un communiqué daté du 17 octobre, Amnesty International soulignait que la Turquie était le seul pays d'Europe Occidentale à pratiquer des exécutions. "L'exécution des peines de mort constituera un pas en arrière, surtout si l'on considère que les pays de l'Est et du Centre de l'Europe les ont suspendues", concluait le communiqué.

L'hypocrisie d'Ankara relative aux peines de mort

        Les dispositions du gouvernement turc  concernant les peines de mort constituent une autre preuve de son hypocrisie en matière des droits de l'Homme, car tout juste un mois plus tôt, le même gouvernement avait mis sur pied une cérémonie des plus spectaculaires pour réhabiliter trois ex-leaders politiques de droite pendus 29 ans auparavant.
        Les dépouilles de ces trois leaders politiques, le premier ministre Adnan Menderes, le ministre des affaires extérieurs Fatih Rüstü Zorlu et le ministre des finances Hasan Polatkan, reçurent les honneurs de l'Etat le 17 septembre 1990 au cours d'une cérémonie durant laquelle ils furent à nouveau inhumés dans un mausolée spécialement construit à Istanbul. Ce mausolée de marbre d'une hauteur de 21 mètres a coûté 7 milliards de TL (3 millions de dollars).
        Le président Özal, le Premier Ministre Akbulut et la plupart des membres du gouvernement, ainsi que d'autres hommes politiques, asssistèrent la cérémonie et accompagnèrent la foule suivant les trois cercueils. Après la cérémonie, Özal déclara que la réhabilitation de Menderes et de ses ministres soulagerait les profondes blessures infligées par le coup d'Etat à la conscience nationale.
        Les cercles des droits de l'homme turcs demandèrent une réhabilitation similaire pour les victimes des coups d'Etats militaires de 1971 à 1980 si, sincèrement, il voulait soulager les profondes blessures infligées à la conscience nationale par les trois coups d'Etat.
        Ignorant totalement cette légitime demande, Özal, sans perdre un instant, a cessé de "soulager des blessures profondes" et dans le même élan a ordonné au gouvernement de prendre des dispositions pour appliquer les peines de mort.
        De plus, le 17 septembre, le procureur introduisit une action en justice pour envoyer deux membres de l'Assemblée Nationale actuelle à la potence. Deux députés d'origine kurde, Ahmet Türk et Mehmet Ali Eren sont accusés par la procureur d'avoir fait des déclarations séparatistes à l'étranger. Si l'Assemblée Nationale décide de lever leur immunité parlementaire, ils seront jugés par la Cour de Sûreté de l'Etat d'Ankara.

Le fondamentalisme religieux fait une nouvelle victime

DES ISLAMISTES ASSASSINENT UN PROFESSEUR D'UNIVERSITÉ

        L'ancien membre de l'Assemblée Nationale et professeur à la faculté de théologie de l'Université d'Ankara, Mme Bahriye Üçok, âgée de 64 ans, est décédée le 6 octobre lorsqu'un colis qu'elle essayait d'ouvrir, lui explosa dans les mains.
        Egalement membre de l'Assemblée du parti d'opposition principal, SHP, Üçok était connue par sa position laïque contre la montée du fondamentalisme islamique en Turquie.
        Nonante minutes après l'explosion, des appels adressés aux rédactions des journaux revendiquèrent le meurtre au nom d'une organisation connue sous le nom de Mouvement Islamique. "Tous ceux qui veulent imposer des restrictions à l'Islam seront condamnés à mourir", tel état le contenu des appels.
        Au début de cette année, trois personnalités publiques laïques avaient été tuées: le professeur d'université Muammer Aksoy, éminent juriste et grand défenseur de la laïcité (le 31 janvier), le journaliste Cetin Emec (le 7 mars) et le journaliste Turan Dursun (le 4 septembre). La police n'a encore trouvé aucun des auteurs de ces quatre crimes.
        En tant qu'historienne de l'Islam, Üçok avait écrit plusieurs livres sur les droits de la femme et la place qu'elle occupe dans les sociétés musulmanes. Malgré les lettres de menace et les appels téléphoniques des fondamentalistes islamiques, Üçok n'avait jamais fléchi dans sa lutte contre le fanatisme religieux.
        Le 9 octobre, des dizaines de milliers de sympathisants portant des pancartes en faveur d'une "Turquie Laïque, Démocratique et Moderne", assistèrent aux funérailles de Bahriye Üçok à Ankara. Le cortège funèbre s'insurgea contre une escalade d'actes terroristes qualifiée de menace pour la laïcité et la démocratie en Turquie.
        Une couronne envoyée par le président Özal souleva des protestations et fut placée à l'extérieur de la mosquée avant d'être finalement détruite. De temps à autre, certains accompagnateurs entonnèrent de slogans accusant Özal et le gouvernement de complicité dans le meurtre d'Üçok. Ils exigèrent la démission du gouvernement et protestèrent contre les strictes mesures de sécurité adoptées tout au long de l'itinéraire emprunté par le cortège funèbre.

UNE ÉCOLIÈRE DE 16 ANS ARRÊTÉE POUR AVOIR DIT "NON À LA GUERRE!"

        Le 19 octobre, une écolière de 16 ans était arrêtée pour avoir écrit "Non à la guerre" sur un des murs de son école. Le procureur de la Cour de Sûreté de l'Etat d'Istanbul a demandé que ce geste pacifique soit sanctionné d'une peine de prison de 24 ans. En attendant son procès, la jeune fille fut placée par la Cour dans la prison de Bayrampasa à Istanbul.
        Selon la loi, lorsque l'âge d'un détenu est inférieur à 18 ans, son nom ne peut être divulgué.
        Dans un premier temps, Aysel A., qui fut dénoncée par Suleyman Yolcu, directeur du lycée Pendik, fut placée pendant 9 jours à la disposition de la police. Après l'avoir visitée en prison, son père et sa sœur ont affirmé qu'Aysel A. avait été battue dans les locaux du Département Politique, alors qu'elle était sous surveillance policière. "Elle ne parvenait pas à nous parler. Son regard était simplement vide", ont-ils précisé. "Maintenant, dans la prison de Bayrampasa, elle souffre d'une dépression psychologique. Personne ne semble avoir à l'esprit qu'elle est encore une enfant".
        "Je veux que le directeur du lycée soit démis de ses fonctions car, à cause de lui, l'éducation de ma fille a été interrompue. Bien qu'elle soit brillante dans ses études, il a tout fait pour l'envoyer en prison."
        Le député du SHP, Neccar Türkcan, a déclaré que la mise en accusation d'Aysel A. va à l'encontre des principes d'une justice moderne. Selon la loi, écrire sur un mur est assimilé à une infraction et non à un acte criminel. Dans ce sens, la décision de la Cour de Sûreté de l'Etat d'Istanbul a restreint sa liberté. "Elle devrait être libérée sur le champ" a-t-il précisé.

LA JUSTICE MILITAIRE EST TOUJOURS EN VIGUEUR

        10 ans après le coup d'Etat du 12 septembre 1980, le système judiciaire doit encore s'affranchir des effets de la loi martiale. Les quelques cas de jugements initiés sous le régime militaire et qui doivent encore être tranchés, constituent l'exemple le plus concret des effets continus du coup d'Etat.
        La plupart de ces cas sont en ce moment du ressort de la Cour Militaire de Cassation. Durant la loi martiale, tous les cas politiques furent soumis à des tribunaux militaires qui, en temps normal ne s'occupent que des délits commis au sein de l'armée ou des affaires d'espionnage. Ces tribunaux militaires continuent à fonctionner comme si la Turquie était encore soumise à la loi martiale.
        Un procès intenté en mars 1983 contre les 1.243 membres du Dev-Sol (Gauche Révolutionnaire) est passée cette année devant le juge.
        Le procès de l'Union de Propagande Armée Marxiste-Léniniste (MLSPB), dans lequel 324 membres de l'organisation furent inculpés en mai 1981, fut tranché l'année dernière avec plusieurs sentences, parmi lesquelles il convient de citer 45 emprisonnements à vie et 22 condamnations à mort. La Cour Militaire de Cassation annula la sentence sous prétexte d'un excès de sévérité dans les peines imposées et l'affaire doit maintenant être réexaminée par le tribunal militaire de renvoi.
        En décembre 1980 commença le procès de la Confédération des Syndicats Progressistes (DISK) impliquant 1.477 prévenus. Le tribunal en condamna 264 à la prison tandis que les autres furent acquittés en 1986. Depuis 1988, la Cour Militaire de Cassation se penche à nouveau sur l'affaire.
        Depuis 1980, plus de 1.000 membres de la DISK n'ont cessé d'être soumis à des investigations. Selon la juridiction turque, si une investigation n'aboutit pas au bout de dix ans, l'affaire doit être classée; cependant, il faudra peut-être encore du temps avant que la Cour Militaire de Cassation n'abandonne les investigations. La cour en est encore à lire les 34 volumes de la sentence prononcée par le tribunal en 1986.
        Une action intentée contre l'Association de Paix et dans laquelle, des écrivains, des juristes, des journalistes et d'autres intellectuels furent jugés en 1982, a été déférée à la Cour Militaire de Cassation pour être révisée. Des 71 accusés, 44 ont été acquittés et les autres ont déjà purgé des peines de prison variables en état d'arrestation.
        L'affaire du parti d'extrême droite, MHP, dans laquelle des actions contre des centaines de prévenus ont été intentées à plusieurs reprises depuis le coup d'Etat de 1980, est encore soumise aux investigations de la Cour Militaire de Cassation.
        L'action contre le parti ouvrier socialiste de Turquie (TSIP) fut intentée en 1982 avec 81 prévenus; parmi lesquels 40 avaient été arrêtés. D'autres membres furent arrêtés en 1985 au cours d'une descente de police, et la cour en jugea d'autres par contumace. La Cour Militaire de Cassation a cassé la sentence du tribunal, y compris les peines de prison et les acquittements, prétextant cependant, que des peines trop légères avaient été infligées à ceux qui avaient violé l'article 142 du Code Pénal qui sanctionne la propagande destinée à imposer la domination d'une classe sur les autres. Le procès est toujours en cours.
        Partout en Turquie, des actions ont été intentées contre des milliers de membres du Dev-Yol (Voie Révolutionnaire) au cours des années qui ont précédé et suivi le coup d'Etat. Le jugement d'un tribunal militaire d'Istanbul impliquant 375 prévenus est en train d'être étudié par la Cour Militaire d Cassation depuis 1986.

LE RAPPORT HELSINKI WATCH SUR LES KURDES

        Le 15 octobre, Helsinki Watch a publié une mise à jour de son rapport sur les Kurdes de Turquie, intitulé Destruction de l'Identité Ethnique. Ce rapport s'appuie en grande partie sur une mission envoyée en Turquie en 1990 par Helsinki Watch et le Danish Helsinki Committee. La mission a rencontré aussi bien des activistes des droits de l'homme, des médecins, des hommes d'affaires et des journalistes à Istanbul que des paysans kurdes à Diyarbakir et à Siirt, dans le sud-est de la Turquie.
        Voici les principales conclusions de la mission:
        "Le 9 avril 1990, le gouvernement turc a promulgué un décret extrêmement restrictif destiné à supprimer la minorité kurde en Turquie. Ce décret confère au gouverneur régional du sud-est de la Turquie, des pouvoirs extraordinaires qui lui permettent de censurer la presse, d'expulser de leur région ceux qui "agissent contre l'Etat", et d'évacuer les villages pour des "raisons de sécurité" sans avis préalable. Le décret a également alourdi les peines sanctionnant les publications et les écrivains qui profèrent des insultes contre le Président, le Parlement et différents fonctionnaires du gouvernement.
        "Les pouvoirs du Gouverneur Régional, Hayri Kazakcioglu, excédent même le cadre de la région du sud-est. Il a le pouvoir d'interdire ou de confisquer, partout en Turquie, toute publication 'donnant une description erronée d'incidents survenant dans une région en état d'urgence, de sorte qu'elle perturbe ses lecteurs avec des nouvelles, des histoires ou des commentaires distortionnés, causant un état d'inquiétude à la population de la région et entravant l'action des forces de sécurité dans l'exercice de leurs fonctions'. Sa décision est sans appel et ne peut être récusée devant une cour de justice.
        "Depuis 1984, les séparatistes kurdes (le PKK, Parti Ouvrier du Kurdistan) mènent une guerre de guerilla contre les forces de sécurité du gouvernement dans le sud-est de la Turquie. Cette guerre, depuis qu'elle a commencé, a déjà coûté la vie à plus de 2.000 personnes, tuées par l'un ou l'autre des deux belligérants. Au moins un quart des victimes sont des villageois kurdes pris entre le PKK et les forces de sécurité."
        La mission d'Helsinki Watch a constaté qu'au printemps 1990, les Kurdes locaux ont adopté des nouvelles tactiques —"tactiques intifada"— comme des manifestations ou des fermetures de magasins. Selon le rapport, ces tactiques ont persuadé le gouvernement que le PKK jouissait d'un soutien considérable parmi les 8 ou 10 millions de Kurdes qui vivent dans la région et a donc décidé d'adopter le draconien décret 413.
        La mission d'Helsinki a conclu qu'en fait le soutien des civils kurdes au PKK s'est nettement accentué depuis le dernier voyage d'Helsinki Watch dans la région en 1987. Le rapport affirme que l'affermissement de ce soutien est le résultat de la politique infructueuse d'exécutions, d'abus et de harcèlement adoptée par le gouvernement turc. Le gouvernement ne reconnaît toujours pas l'existence des Kurdes en tant que minorité ethnique en Turquie et continue à interdire l'utilisation officielle de leur langue, ainsi que leurs chansons, leurs danses et les noms kurdes.
        Le rapport critique les violations des normes légales internationales qui régissent les conflits armés internes, perpétrées non seulement par le PKK mais aussi par les forces de sécurité gouvernementales. Parmi ces violations, citons le cas de civils tués par les deux parties, ainsi que des tortures et des traitements inhumains à mettre à l'actif des forces de sécurité.
        Ces mêmes forces de sécurité ont également obligé les civils, de manière illégale, à quitter leur village —leur maison, leurs champs et leurs animaux. La mission d'Helsinki a dialogué avec de nombreux villageois qui, placés devant l'alternative entre faire office de gardiens de village pour le compte de l'armée ou quitter leur village, avaient préféré abandonner leur maison. L'enrôlement des villageois, par la force, pour remplir des missions paramilitaristes n'est manifestement pas prévu dans la juridiction turque et viole l'art. 3 de la Convention de Genève qui exige un traitement humain pour les non combattants dans les conflits armés internes.
        Des civils sont également morts dans l'explosion de mines terrestres qui, selon le rapport, ont été placées dans des zones civiles, ce qui va à l'encontre du Protocole des Mines Terrestres de 1981.
        Helsinki Watch préconise que le gouvernement turc annule le décret 413, abolisse le système de garde des villages, protège la population civile, cesse de déporter les civils des zones touchées par des troubles sauf au cas où leur vie serait en danger, s'abstienne d'utiliser des mines terrestres, reconnaisse l'existence de la minorité kurde et lui concède les mêmes droits qu'aux autres Turcs, et pour finir qu'il mette fin aux restrictions privant cette minorité de son identité ethnique.
        Des copies du rapport sont fournies par Helsinki Watch pour la somme de 6 $, au 485, Cinquième Avenue, New-York, N.Y. 10017 ou par International Helsinki Federation, Rummelhardtgasse 2/18, A-1090, Vienne, Autriche.

L'INTERVENTION D'HELSINKI WATCH À PROPOS DES ÉDITEURS D'INFO-TÜRK

        Le 18 octobre 1990, Helsinki Watch a envoyé au président Turgut Özal, une lettre exprimant sa préoccupation pour la perte de la citoyenneté de deux éditeurs d'Info-Türk, Dogan Özgüden et Inci Tugsavul.
        Après l'avoir examinée pendant deux ans, le Conseil d'Etat turc a rejeté leur appel contre la décision du gouvernement militaire en les privant de leur nationalité.
        Dans sa lettre à Özal, M. Lois Whitman, directeur adjoint d'Helsinki Watch, dit ceci:
        "Helsinki Watch, organisation pour les droits de l'homme dont le siège se trouve aux Etats-Unis, est extrêmement préoccupé par la perte de citoyenneté de Dogan Özgüden et Inci Tugsavul, respectivement éditeur en chef et éditeur en langue anglaise d'Info-Türk, bulletin publié par des exilés turcs en Belgique.
        "Comme vous le savez, M. Özgüden et Mme Tugsavul furent privés de leur nationalité il y a 8 ans en raison de leur position critique à l'égard de l'administration militaire mise en place en 1980. Au début de ce mois, le Conseil d'Etat a rejeté l'appel des journalistes. Par la même occasion, le gouvernement turc a engagé des poursuites contre les journalistes sur base de violations des art. 140 et 142 du Code Pénal. Nous savons que vous avez dit, par le passé, estimer que ces articles devraient être supprimés du Code Pénal; cela fait quelque temps que nous conseillons une telle mesure.
        "Nous insistons pour que vous annuliez la décision privant M. Özgüden et Mme Tugsavul de leur citoyenneté et mettiez fin aux poursuites retenues contre eux sur base des art. 140 et 142."
        Des copies de cette lettre ont été envoyées à l'ambassadeur turc, Nüzhet Kandemir, à Washington et l'ambassadeur des Etats-Unis à Ankara, Morton Abromowitz.
        Le Conseil d'Etat a rejeté l'appel par deux voix contre trois se référant au décret de la junte militaire du 28 octobre 1980 sur "l'ordre constitutionnel". Ce décret, qui stipulait qu'aucun appel contre les lois ou décrets promulgués par la junte militaire ou le gouvernement militaire ne pouvait être introduit, avait été aboli le 7 décembre 1983, après l'inauguration de l'Assemblée Nationale. Le Conseil d'Etat a donc rejeté un appel en vertu d'un décret aboli depuis 7 ans.
        En réponse à cet appel, le gouvernement turc avait affirmé que les éditeurs d'Info-Türk devaient rester "apatrides" pour avoir fait de la "propagande communiste et séparatiste" et avoir calomnié les autorités et les généraux turcs dans des publications éditées à l'étranger.
        Dans la même réponse, le gouvernement avait indiqué que des poursuites judiciaires contre les deux journalistes avaient été engagées et ce en vertu de nombreux articles du Code Pénal Turc: le 140 (propager des informations exagérées et diffamantes dans le but de porter atteinte à la réputation et à la dignité de la Turquie à l'étranger), le 142 (diffuser de la propagande communiste et séparatiste) et le 156 (calomnier les autorités gouvernementales et militaires). En vertu de ces articles, chacun des deux journalistes est passible d'une peine de prison d'au moins 30 ans.
        Pour le moment, plus de 200 opposants au régime résidant à l'étranger, sont toujours privés de leur nationalité pour des raisons politiques. En outre, plus de 14.000 citoyens turcs sont également sans nationalité pour avoir refusé d'accomplir le service militaire obligatoire dans les rangs de l'armée turque.

UNE ORGANISATION DE JURISTES JUGÉE DEVANT UN TRIBUNAL

        Le 1er octobre, à Istanbul, dans une salle de tribunal bondée par plus de 150 juristes, l'affaire impliquant les membres du comité exécutif du Barreau d'Istanbul fut portée devant le juge par le Ministère de la Justice.
        L'association est inculpée de désobéissance aux instructions du Ministère de la Justice qui demandait qu'un des membres de l'association, Alp Selek, soit rayé du barreau. Accusé d'appartenir à une organisation communiste, Selek s'était vu infliger une peine de prison de 7 ans et demi.
        Un décret adopté par l'administration militaire, stipule que, quelqu'un condamné en vertu des art. 141 et 142 du Code Pénal ne peut appartenir à une organisation professionnelle.
        Turgut Kazan, président de l'Association des Avocats, a déclaré au cours du jugement:
        "Notre profession, c'est de défendre. Pour la première fois, nous nous voyons dans l'obligation de nous défendre nous mêmes. J'éprouve à la fois un sentiment d'honneur et de honte. L'honneur m'est inspiré par les avocats turcs, mais pas la honte. C'est la première fois dans l'histoire du monde juridique turc que toute une organisation représentant la profession de la défense juridique, est assignée devant une cour pour se défendre. J'éprouve de la honte pour mon pays".
        Au jugement des juristes turcs ont assisté l'Union mondiale des Barreaux, le Conseil Européen des Barreaux, l'Association Internationale des Juristes, Helsinki Watch, la Commission Internationale des Juristes ainsi que les barreaux de la France, de la Belgique, de l'Italie, de l'Espagne, de l'Allemagne, de la Norvège et de la Grèce.

RÉCENTES POURSUITES CONTRE LES MÉDIAS

        Le 17/9, à Konya, Kerim Bozdag, un libraire, était arrêté par la CSE de Konya pour avoir affiché en vitrine le poster d'un magazine politique interdit.
        Le 18/9, un livre intitulé "Tendance Réformiste dans le Mouvement Révolutionnaire" et publié par la maison d'édition Eksen, fut confisqué par la CSE d'Istanbul, accusé de "propagande communiste".
        Le 19/9, un journaliste du journal Yeni Asya, Mustafa Kaplan, fut accusé d'avoir fait de la propagande religieuse dans un discours. Il risque une peine de prison allant jusqu'à 5 ans.
        Le 27/9, à Istanbul, trois journalistes  du mensuel Isci Dünyasi, Cemal Turan, Erdal Karahanli et Hüseyin Sengul, furent placés à la disposition de la police. Selon les rapports, ils ont été torturés au département de police.
        Le 28/9, la CSE ordonna la confiscation du numéro 32 du mensuel Yeni Demokrasi, l'accusant de "propagande séparatiste". Cette revue avait été obligée d'interrompre ses publications en vertu de décrets d'urgence; et ce numéro était le premier après quatre mois d'interruption.
        Le 1/10, la directrice cinématrographique Sema Poyraz fut inculpée par une cour criminelle d'Istanbul pour les discours qu'elle a prononcés à l'étranger au cours de son exil volontaire. Elle risque une peine de prison allant jusqu'à 5 ans en vertu de l'article 140 du Code Pénal turc.
        Le 6/10, un reporter du mensuel Adimlar, Mevlut Ilgin, fut condamné par la CSE d'Istanbul à 6 ans et 3 mois de prison pour une interview d'un intellectuel kurde.
        Le 7/10, les bureaux de la maison d'édition Sosyal Yayinlar furent dynamités par des inconnus. L'éditeur Enver Aytekin estime les pertes à 50 millions de LT (17.000$).
        Le 12/10, un nouveau livre du professeur Yalcin Küçük, intitulé Thèses sur les Kurdes, fut confisqué par la CSE d'Istanbul. Cette même cour a également confisqué le dernier numéro du mensuel Denge pour avoir publié les notes d'une chanson traditionnelle kurde.
        Le 17/10, un journaliste de la revue politique Özgür Gelecek, Mehmet Bayrak, fut condamné par la CSE d'Ankara à 6 ans et 3 mois de prison pour un article. L'éditeur responsable de cette même revue, Bekir Kesen, s'est vu infliger une amende de 34 millions de LT (10.000$) sanctionnant trois articles publiés dans la revue.
        Le 19/10, l'éditeur responsable du mensuel Yeni Cözüm, Erdogan Yasar Kopan, fut condamné par la CSE d'Istanbul à payer une amende de 11,4 millions de LT (3.000$) pour propagande séparatiste.

D'AUTRES POURSUITES EN SEPTEMBRE

        Le 14/9, à Kayseri, cinq dirigeants de l'Association des Droits de l'homme (IHD) furent condamnés à des peines individuelles de prison de 3 mois pour avoir publié des communiqués sans autorisation.
        Le 19/9, à Istanbul, 151 travailleurs des industries du cuir furent arrêtés par la police pour avoir protesté contre le licenciement de certains de leurs camarades. Quelques jours plus tard, leur employeur les a tous licenciés également.
        Le 19/9, 17 personnes furent arrêtées par la Cour de Sécurité d'Etat, accusées d'appartenir à une organisation clandestine.
        Le 22/9, à Bursa, 9 étudiants universitaires furent arrêtés, accusés d'appartenir à une organisation clandestine.
        Le 25/9, le gouverneur ordonna la fermeture du bureau de l'Association des Infirmières. 10 infirmières entreprirent une grève de la faim en signe de protestation contre cette mesure. La police en arrêta six d'entre elles.
        Le 25/9, la police arrêta 11 personnes à Konya accusées d'appartenir à des organisations clandestines.

LA VICTOIRE D'INÖNÜ SUR BAYKAL

        Le 1er octobre, Erdal Inönü, chef du parti populiste social-démocrate (SHP), après une écrasante victoire sur son rival, Deniz Baykal, au cours d'un congrès du parti à caractère urgent, a déclaré que l'objectif de son parti était de conquérir le pouvoir dès que possible.
        Inönü s'est affirmé comme le leader indiscutable du SHP, récoltant 504 votes parmi les quelque 1.000 congressistes du parti. L'ancien secrétaire général, Baykal, a obtenu 405 votes dans la course à la présidence. Bien que la lutte pour la direction ait été serrée, les candidats d'Inönü ont gagné 39 des 44 sièges de l'Assemblée, organe suprême du parti. Seulement cinq partisans de Baykal ont été élus à l'assemblée.
        Après sa victoire, Inönü a déclaré que le congrès devait être relégué au passé: "A partir de ce moment, je décide d'oublier qui m'a appuyé et qui ne l'a pas fait. Je suis le président du parti tant pour mes partisans que pour les autres."
        Réunie le 3 octobre, sous la direction d'Inönü, la nouvelle Assemblée du parti a procédé à l'élection de 13 membres pour le Comité Central Exécutif et à celle d'Hikmet Cetin comme secrétaire général. Au cours de la réunion, Inönü lança un appel en faveur d'un programme extensif de formation pour tous les membres du parti. Il a également annoncé qu'il mettrait en place un cabinet fantôme pour discuter et publier des solutions alternatives aux problèmes quotidiens de la Turquie.
        Après le congrès, dans un nouvel élan, Inönü lança un nouvel appel à tous les socio-démocrates pour qu'ils s'unissent sous le même toit. Cet appel se dirige surtout à Bülent Ecevit, leader du Parti Démocratique de Gauche (DSP). Mais, comme il l'avait déjà fait auparavant, Ecevit refusa l'offre d'unification. La réponse qu'il a adressée le 2 octobre à Inönü était courte et claire: "Laissez-moi, et mon parti, en paix!"

INDEXE DE LA 14ème VOLUME DES BULLETINS INFO-TÜRK

Novembre 1989 - No 157:
   
    Libérer tous les prisonniers politiques! - Özal: un président démocrate? - Une révision du code pénal? - Liberté pour tous les prisonniers! - La question kurde dans les tribunes internationales - Un "non" implicite à l'adhésion turque à la CEE - La gifle de Delors à Özal - Comparaison avec trois membres de la CEE - Le secteur privé turc et la CEE - Controverse sur la question arménienne - Les Arméniens en Union Soviétique - Le conflit turco-bulgare - Monopoles sur la presse Turque - Persécution des médias - Un étudiant abattu par la police - Arrestations et procès - Suicide d'un réfugié kurde - 220.000 réfugiés turcs en Europe - La mission européenne en Turquie - Un dirigeant immigré critique le TBKP - 13 syndicalistes inculpés - Un paysan kurde torturé - Un diplomate Saoudien blessé - Hausse de la prostitution - Controverse sur l'islam en Europe - Actes racistes et xénophobes

Décembre 1989 - No 158:   

    Non à l'adhésion Turque à la CE - La Turquie dans le cercle Européen le plus éloigne? - Le terrorisme d'état continue sous la présidence d'Özal - Terrorisme d'état en Novembre - Persécutions récentes de médias - Expulsion scandaleuse députés kurdes - Les députés turcs cachent les persécutions au Parlement Européen - Nouveau malaise dans les prisons - Persécutions d'enfants - Une femme condamnée pour avoir parlé kurde - Débats sur les droits de l'homme - Le prix de la presse a l'IPI - L'armée hostile au désarmement - Les inégalités du système pénitentiaire - Actions islamistes pour les turbans en Turquie - Nouvelle menace par l'armée - USA critique la torture en Turquie - Les travailleurs frappés par les taxes - Les actions de défense des femmes - Mauvaise note pour l'économie Turque - Investissements étrangers en Turquie - La charte sociale ratifiée, mais… - Les immigrés turcs dans la Communauté Européenne

Janvier 1990 - No 159:   

    Terreur intégriste en Turquie - L'intervention de l'Armée Soviétique en Azerbaidjan réactive le Pan-Touranisme - Améliorations en Bulgarie - Bilan décennal des mesures draconiénnes du 24 janvier - Le commentaire de la Commission européenne sur la situation économique et sociale en Turquie - La campagne d'AI contre la peine de mort en Turquie - La torture en Turquie: la réponse du système légal

Février 1990 - No 160:   

    L'insolence d'Ankara vis-à-vis de la justice européenne - Persécution record de la presse en 1989 - Rapport du PEN: les journalistes et écrivains emprisonnés en Turquie - Arrestation en masse de membres du TBKP - Arrestation d'une sociologue allemande - Pressions sur un journaliste britannique - Persécution d'un militant anti-militariste - Discrimination à l'encontre des prostituées - Baykal: homme fort au SHP - Le congrès de la Türk-Is - Nouvelles tensions gréco-turques - Dispute aqueuse avec l'Irak et la Syrie - Journée d'informations des Ateliers du Soleil

Mars 1990 - No 161:   

    Révolte populaire - Un journaliste assassiné à Istanbul - Le Dr. Ismail Besikçi à nouveau emprisonné - Empoisonnement de réfugiés kurdes - Opération de la police contre la gauche - Autres cas de répression en deux mois - Préssion sur la mass-média - Bilan de 10 années de répression - Violence sur le campus universitaires - Un officier dissident en exil - Un journaliste assassiné à Istanbul - Préssion sur le barreau - La détention du dirigeant de l'IHD - Une commission des droits de l'homme - La nouvelle campagne du Helsinki Watch - Emeute de cultivateurs de tabac - Catastrophe minière: 68 morts - Un prêtre arrêté à Istanbul - Des relations plus suivies avec l'Iran - La question arménienne au sénat américain - Progrès dans la question Chypriote - Une nouvelle politique grecque des minorités - Les visites controversées d'Özal - Malaise croissant au sein du parti gouvernemental

Avril 1990 - No 162:   

    Coercition - Le tourment perpétuel de Besikçi - L'opposition parlementaire dupée - Réactions aux mesures répressives - Résistance populaire face à la terreur - Amnesty International: des meurtres extra-légaux en Turquie - Censure sur la presse - Autres actions menées contre la presse - protestation par l'IPI - Apo met le gouvernement turc en garde - Des agents Turcs en RFA - Un maire suspendu de ses fonctions - Grève de la faim des dirigeants du TBKP - Tentative pour créer un nouveau parti marxiste - Réunion du comité mixte turco-européen

Mai 1990 - No 163:   

    La terreur du 1er mai - La grève de la faim des journalistes sous les verrous contre l'injustice - Terrorisme d'état au Kurdistan - Inönü proteste par le peuple kurde - L'attitude décevante d'Inönü en Europe - Résolution du Parlement européen à propos des droits de l'homme en Turquie - Répression de ces deux derniers mois - Malaise dans les prisons turques - Amnesty International accuse le régime d'Ankara - Controverse au sujet de la peine capitale - Elections à Chypre du nord - Les autres poursuites en mai - l'IPI critique le régime turc - Le procès scandaleux du Dr. Besikçi - L'interférence  dans les élections arméniennes

Juin 1990 - No 164:   

    Injustice scandaleuse - Peine de 2.703 ans pour 34 journalistes en prison - Malaise perpétuel dans les prisons - Cinq évasions de la prison - Récentes poursuites d'opinion - 3 diplomates détenus dans le sud-est - La fondation de Nazim Hikmet - Un nouveau procès contre Evren - Une peine ridicule pour torture - 369 officiers destitués de l'armée - La campagne pour Gülay Beceren - Autres cas de terreur d'état - Les élections locales controversées - La légalisation d'un parti communiste - Autres initiatives de gauche - Les propositions de la CCE sur la coopération avec la Turquie - Nouvel appel d'Özal aux européens - La Turquie critiquée à Copenhague - Nouveau rapport d'Helsinki Watch

Juillet-Août 1990 - No 165/166:

    10 ans de "démocratie" militariste - La terreur d'état renforcée par l'état de guerre - Une mission belliqueuses de la Turquie dans la crise du Golfe - Özal contre la cour constitutionnelle - La préssion sur le business - L'arrestation de deux étrangers - Exécution sans procès - La terreur d'état en deux mois - Les procès contre les enfants - L'état massacre des paysans kurdes - Le rapport du SHP sur la question kurde - Le premier ministre: "pas de kurdes!" - La longue marche du HEP - Une journée triste pour la presse turque - Dogu Perinçek sous arrestation - Ismail Besikçi mis en liberté - Deux revues définitivement interdîtes - Le concert d'AI censuré - Un journaliste mort en exil - La persécution récente des médias

Septembre 1990 - No 167:   

    Özal s'en va t'en guerre - Une grève suspendue dans des bases US - La catastrophe de la Mecque suscité  la colère - Les droits de l'homme suspendus au kurdistan turc - Défaite électorale de l'opposition parlementaire - Censure de barreaux turcs - Nouvelles pressions sur les avocats - Deux nouveaux rapports d'AI sur la Turquie - Helsinki Watch proteste - Allégations récentes de torture - Terreur policière dans les bas quartiers - Des Islamistes ont massacré un journaliste - Terrorisme d'état en deux mois - Persécutions de la presse en deux mois - Le port de foulard islamique autorisé - Polémique sur la télévision privée - Pas de cours d'islam pour les chrétiens - Nouvelles persécutions des chrétiens - Un nouveau patriarche arménien élu - Succès du parti turc en Bulgarie - La Turquie critiquée à l'OIT - Salaire mensuel minimum: 100$ - Deux éditeurs d'Info-Türk condamnés à rester apatrides

Octobre 1990 - No 168:

    La logique de guerre d'Özal -  Des islamistes assassinent un professeur d'université -
    Une force multinationale de l'OTAN en Turquie - Le one-man show d'Özal au Moyen-    Orient - Préparatifs de guerre en Turquie - Etat de guerre dans le Kurdistan turc - Le     gouvernement reprend les exécutions - L'hypocrisie d'Ankara en ce qui concerne les     peines de mort - Une écolière arrêtée, coupable d'avoir dit "Non à la guerre!" - La     justice militaire est toujours en vigueur - Le rapport d'Helsinki Watch sur les Kurdes     - L'intervention d'Helsinki Watch à propos des éditeurs d'Info-Türk - Une organisation     de juristes jugée devant un tribunal - Récentes poursuites contre les médias -     D'autres poursuites en septembre - La victoire d'Inönü sur Baykal