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A non-government information service on Turkey
Un service d'information non-gouvernemental sur la Turquie


188

16e année - N°188
juin 1992
38 rue des Eburons - 1000 Bruxelles
Tél: (32-2) 215 35 76 - Fax: (32-2) 215 58 60
 Rédacteur en chef: Dogan Özgüden - Editrice responsable: Inci Tugsavul
 


A l'attention des membres du Parlement Européen et
de l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe.

    6e MOIS DE "DEMOCRATISATION"

    _ La Constitution de 1982 imposée par les militaires est toujours en vigueur.
    _ Le Conseil de Sécurité Nationale demeure au dessus du gouvernement.
    _ L'Etat-major reste indépendant du Ministère de la Défense.
    _ L'Organisation Contre-Guérilla demeure intouchable.
    _ Les Cours de la Sûreté de l'Etat poursuivent leurs  persécutions.
    _ Le Kurdistan turc est toujours soumis à l'état d'urgence.
    _ Le terrorisme d'Etat et les attaques aériennes se  poursuivent dans le Kurdistan.
    _ 22 députés kurdes risquent la peine capitale.
    _ 290 intellectuels sont poursuivis pour une pétition adressée à l'ONU.
    _ Un journaliste kurde assassiné.
    _ Un journaliste emprisonné pour avoir critiqué l'armée.
    _ Le sociologue Besikci condamné à payer une amende de 190.000 $.
    _ L'enseigne de l'Institut Kurde enlevée par la police.
    _ Les célébrations du 1er mai dans la rue et une grève furent interdites.
    _ Des tests de virginité ont conduit deux adolescentes au suicide.

    Depuis la formation de la nouvelle coalition gouvernementale dirigée par Demirel, le Parlement Européen et le Conseil de l'Europe ont adopté une attitude plus compréhensive et tolérante à l'égard de la Turquie. Comme le Conseil de l'Europe, principale institution européenne de défense des droits de l'homme, est actuellement présidé par Ankara, le Rapport Dury sur les relations CE-Turquie qui doit être débattu au Parlement Européen en juillet contient des appréciations plutôt que des critiques envers le nouveau gouvernement. Même le Rapport Gawronski sur les Droits du Peuple Kurde, adopté récemment par le Parlement Européen, est accueilli par la presse turque pro-gouvernementale  comme un nouveau signe de sympathie européenne envers la Turquie, car il exclut le droit à l'autodétermination pour les Kurdes. (Pour ces deux rapports, voir Info-Türk, mai 1992)
    Pour ce qui est du Conseil de l'Europe, le débat sur le Rapport Lentz-Cornette/Baarveld-Schalman sur la Turquie, qui est plus courageux que ceux du Parlement Européen (voir Info-Türk, février 1992), est remis pour ne pas embarrasser les amis à Ankara.
    Pourtant, la nouvelle coalition, en dépit de ses promesses et déclarations destinées à charmer les rapporteurs du Parlement européen, n'a pas adopté les réformes fondamentales pour transformer la "démocratie" militariste mise en place par les généraux putschistes en une véritable démocratie conforme aux conventions internationales.
    Bien au contraire, le terrorisme d'Etat n'a cessé de se renforcer par des bains de sang, des arrestations, des poursuites, des condamnations et des interdictions frappant les publications et associations.
    Voici la situation peu brillante des droits de l'homme en Turquie au sixième mois de pouvoir de la coalition DYP-SHP.

    • La Constitution de 1982 imposée par les militaires est toujours en vigueur

    Alors que le nouveau gouvernement avait promis d'apporter une profonde modification de la Constitution de 1982, le paquet d'amendements à la Constitution préparé par les partis de la coalition et envoyé le 26 mai aux partis de l'opposition en vue d'une élaboration ne contient aucun changement en vue de :
    - mettre fin aux pouvoirs extraparlementaires du Conseil de Sécurité Nationale, dominé par les chefs de l'armée;
    - soumettre l'Etat-major des Forces Armées à l'autorité du gouvernement;
    - supprimer les Cours de la Sûreté de l'Etat;
    - supprimer les articles qui permettent l'interdiction des partis, des organisations et des publications. kurdes ou de gauche,

    _ L'Etat-major reste indépendant du Ministère de la Défense

    Le 14 mai, la Commission de Défense Nationale du Parlement rejeta la proposition de loi du député du SHP, Celal Kürkoglu, qui suggérait que le quartier général de l'Etat-major soit intégré au cabinet du Ministère de la Défense.
    Kürkoglu insista sur sa proposition argumentant que les personnes nommées seraient sous l'autorité de celles élues ou que les personnes élues seraient sous l'autorité de celles nommées.
    Cependant, le Ministre de la Défense, Nevzat Ayaz, expliqua que le problème ne pouvait pas être résolu par l'adoption de la clause d'une loi mais devait être traité dans le cadre d'une modification de la Constitution.
    Etant donné que le paquet de réformes ne contient aucun changement en la matière, le chef de l'armée restera, comme avant, indépendant du Ministère de la Défense.

    • L'Organisation Contre-Guérilla reste intouchable

    En dépit de toutes les promesses faites pendant la campagne électorale, le SHP a supprimé de son agenda le débat sur l'Organisation Contre-Guérilla.
    Une proposition du député kurde, Mahmut Alniak, pour que soit menée une enquête sur les sinistres activités de cette version turque du "Gladio" fut débattue par le groupe parlementaire du SHP le 26 mai dernier. Bien que la majorité du groupe ait voté en faveur de la proposition, le leader du parti et Premier Ministre adjoint, Erdal Inönü, rejeta le scrutin sous prétexte que la majorité ne suffisait pas pour prendre une décision et annonça, "J'ai supprimé ce problème dans l'agenda."
    Cette organisation, dont la dénomination officielle est Département de Guerre Spécial, est sous l'autorité du Chef d'Etat-major et est chargée des "activités menées derrière le front et de la défense du territoire national pendant l'occupation." Cependant, elle joue un rôle actif et secret dans le terrorisme d'Etat dans le sud-est de la Turquie.

    • Le Kurdistan turc est toujours soumis à l'état d'urgence

    Comme nous le rapportions dans notre édition d'avril 1992, le Parlement turc approuva par une majorité écrasante, le 17 mars dernier, un prolongement de deux mois de l'état d'urgence dans dix provinces du sud-est.
    Quand il était dans l'opposition, le SHP s'était montré contraire à ce régime d'exception dans le Kurdistan turc, et après les dernières élections législatives il était arrivé au gouvernement avec la promesse de le supprimer. Cependant, en dépit d'une forte opposition des membres du parti, la majorité du groupe parlementaire du SHP vota en faveur d'un prolongement de l'état d'urgence. Devant cette situation, les députés kurdes ont décidé d'abandonner le SHP.
    Selon une information récente, les partis au gouvernement ont déjà décidé de prolonger à nouveau de quatre mois l'état d'urgence en juillet prochain.

    • Terrorisme d'Etat et attaques aériennes dans le Kurdistan

    Comme le souligne Amnesty International, le terrorisme d'Etat dans le Kurdistan turc s'est renforcé en 1991 et au début de 1992.
    Le bain de sang du Newroz fut suivi d'une série d'attaques militaires contre les villages kurdes aussi bien en Turquie que dans le nord de l'Irak.
    Tout récemment, le 31 mai, les raids aériens turcs sur des emplacements civils sous contrôle kurde dans le nord de l'Irak causèrent la mort d'au moins sept civils. Juste avant les élections du 19 mai dans le Kurdistan irakien, les chasseurs turcs avaient touché de nombreux villages dans la zone.
    Le Parti Démocratique du Kurdistan (KDP) a introduit une plainte officielle auprès d'Ankara pour que cessent les attaques au-delà des frontières. Le KDP fit savoir qu'en raison des continuels bombardements des avions turcs, les civils refusaient de regagner leurs maisons près de la frontière ou se cachaient dans des caves durant la journée pour éviter les assauts.
    Quant au Kurdistan turc, les forces de sécurité turques ont poursuivi leurs attaques sur la population locale à l'aide d'avions, de tanks, d'hélicoptères et d'armes lourdes.
    Le Comité du Kurdistan, dans une conférence de presse donnée le 21 mai à Bruxelles, rapportait que l'armée turque avait récemment tué des centaines de villageois et que les membres de la presse s'étaient vus refuser l'accès à la zone où se déroulaient les opérations. "La population civile est délibérément  massacrée et la raison de ce carnage est que les Kurdes sont la source de la guérilla et l'armée turque veut les tuer en masse," ajouta le Comité.
    Le même jour, plus de 10.000 immigrants ou réfugiés kurdes participaient à une manifestation massive dans les rues de Bruxelles pour protester contre le terrorisme d'Etat dans le Kurdistan turc et lancer un appel aux Communautés Européennes et aux autres institutions internationales pour qu'elles fassent office d'intermédiaires et prennent les mesures nécessaires pour mettre fin à cette "sale guerre" entre les deux parties en conflit et aident à frayer le chemin vers une solution politique.
    Un porte-parole du Front National de Libération du Kurdistan (ERNK) déclara à cette occasion : "La Turquie fait constamment appel à la communauté internationale pour qu'elle intervienne dans le conflit entre les Arméniens et les Azéris. Nous voulons également que les institutions internationales contrôlent la situation. Dans ce conflit, alors que les Kurdes demandent continuellement le dialogue, l'Etat turc persiste à trouver une solution par la force armée. L'Etat turc est en train d'imposer cette sale guerre au peuple kurde."

    _ 22 députés kurdes risquent la peine capitale

    Le vice-président du Parlement, Yilmaz Hocaoglu reçut en mai 22 dossiers  demandant la levée de l'immunité parlementaire de 22 députés kurdes.
    Le Procureur principal de la Cour de la Sûreté de l'Etat, Nusret Demiral, accusant les députés de faire des déclarations contre l'intégrité de la République, demande au Parlement de lever leur immunité afin de les traduire en justice. Si l'action en justice est introduite, les députés risquent la peine capitale.
    Les dossiers avaient été précédemment bloqués par le président du Parlement Hüsamettin Cindoruk, qui affirmait que les membres du Parlement jouissaient de "la liberté de la tribune."
    Cependant, lorsque Cindoruk remplaça le Président de la République Özal durant son voyage aux Etats-Unis, le procureur soumit en son absence les dossiers au vice-président du Parlement Yilmaz Hocaoglu, qui le remplaçait.
    Apparemment, Cindoruk était parfaitement au courant des intentions de son remplaçant, mais cette fois-ci il ne s'est pas opposé à ce que les dossiers soient reçus.
    Le 4 avril, le Procureur principal Demiral demanda également à la Cour Constitutionnelle de fermer le Parti Travailliste du Peuple (HEP) prétextant des activités incompatibles avec la Constitution et le Code des Partis Politiques.

    • 290 intellectuels poursuivis en raison d'une pétition auprès de l'ONU

    Une pétition conjointe signée par 290 intellectuels, dont le président du HEP, Feridun Yazar, des députés kurdes, des syndicalistes, des journalistes, des écrivains et des artistes et qui demande l'intervention des Nations Unies et d'autres institutions internationales pour mettre fin au terrorisme d'Etat dans sud-est de la Turquie fut qualifiée par la presse pro-gouvernementale turque de "haute trahison."
    La pétition, qui affirme que "l'Etat turc tente d'anéantir la population kurde", demande que la guérilla kurde soit traitée selon les règles internationales relatives à la guerre.
    Devant cette campagne provocatrice, le procureur principal de la Cour de la Sûreté d'Etat, Nusret Demiral, ouvrit une enquête et interrogea un par un les 290 intellectuels qui ont signé la pétition. Le 4 juin il déclara que l'enquête portant sur la pétition était close et que le dossier serait remis à la CSE pour y juger les 290 intellectuels.

    • Un journaliste kurde assassiné

    Un journaliste kurde de 27 ans, Hafiz Akdemir, qui travaillait pour le quotidien Özgür Gündem, fut abattu le 8 juin à Diyarbakir par un terroriste non-identifié.
    Özgür Gündem rapporte qu'Akdemir fut tué d'une seule balle, ce qui rappelle des dizaines d'autres meurtres survenus dans le Sud-est et attribués à la Contre-Guérilla.
    L'assassinat d'Akdemir s'est produit après que le journal ait mené une campagne d'une semaine visant à attirer l'attention sur diverses violations des droits de l'homme dans le Sud-est et au deuxième jour d'une interview en série du leader du PKK, Öcalan.
    Auparavant, des hommes armés avaient assassiné le représentant de 2000e Dogru, Halit Güngen, à Diyarbakir et le reporter de Yeni Ülke, Cengiz Altun. Pendant le massacre du Newroz, le reporter du journal Sabah, Izzet Kezer, fut également assassiné.
    Plus de 90 personnes auraient été tuées dans des circonstances controversées dans le sud-est turc au cours de l'année dernière.

    • Besikci condamné à payer une amende de 130.000 $

    Le sociologue Ismail Besikci, qui est une des principales cibles du terrorisme d'Etat en raison de ses courageuses positions sur la question kurde, et son éditeur, Ünsal Öztürk, furent condamnés le 24 mai par la Cour de la Sûreté de l'Etat d'Ankara à payer des amendes d'une valeur de 900 millions de LT (130.000 $) en vertu de l'Article 8 de la Loi Anti-Terreur sous l'accusation d'avoir fait la propagande séparatiste dans neuf livres.
    Des 14  livres écrits par Besikci, 13 ont fait l'objet de poursuites judiciaires et neuf d'entre eux ont été confisqués par les autorités.
    Besikci, de 53 ans, fut arrêté pour la première fois en 1971 pour ses recherches sociologiques sur l'est de l'Anatolie et resta trois ans en prison. Il fut relâche en 1974 dans le cadre d'une amnistie générale, mais ne put reprendre son poste à l'université. En 1979 il était de nouveau arrêté et remis en prison, et en 1980 une nouvelle action était introduite contre lui en raison d'une lettre qu'il envoya à l'Union des Ecrivains Suisses. D'autres actions furent introduites contre lui pour les déclarations qu'il fit dans ses autres procès.
    Il resta encore six ans en prison, entre 1981 et 1987. Son livre Kurdistan: Colonie Internationale lui coûta une nouvelle fois la prison en mai 1990, mais fut relâché en juillet.
    Besikci fut arrêté à nouveau en mars 1991 pour un message qu'il envoya à un Meeting de Solidarité Kurde en Allemagne en octobre 1990. Il fut relâché en avril de la même année.
    Certains de ses procès ont été abandonnés en raison de la Loi Anti-Terreur, mais d'autres articles de cette loi en ont ouvert d'autres. En août 1991, il était arrêté à Ankara pour ses publications et ne fut relâché que deux mois plus tard. Il fut de nouveau arrêté en novembre pour son livre Le Logement forcé des Kurdes, et remis en liberté le même jour.

    • L'enseigne de l'Institut Kurde enlevée par la police

    L'Institut Kurde, premier de son genre en Turquie, fut fondé le 18 avril à Istanbul, mais perdit son enseigne en turc et en kurde trois heures après lorsque la police l'enleva de la façade du bâtiment.
    Le 22 avril, le députe kurde, Mahmut Kilinc, soumit une motion au Parlement demandant qu'on explique en quoi l'institut et son enseigne violaient la loi. Il demanda également si le gouvernement rejetait l'identité kurde à travers cette sorte d'interdictions.
    L'Institut Kurde, structure privée pour l'étude de la langue, l'histoire et la culture kurdes, fut fondé sous la supervision du Centre Culturel de la Haute Mésopotamie.
    Le Dr Ismail Besikci, un des fondateurs de l'institut et président de celui-ci, déclara: "Les fondateurs de l'institut ont été encouragés par le peuple kurde. Il y a une guerre dans le Sud-est. La population là-bas en est maintenant consciente, et en participant à des rassemblements elle fait partie d'un soulèvement sans armes. Les Kurdes veulent apprendre leur propre histoire, leur culture et leur langue."
    Besikci déclara également qu'il trouvait l'approche du nouveau gouvernement envers le problème kurde hypocrite et que tout changement d'attitude en la matière n'était que le résultat de la pression occidentale.

    • Un journaliste emprisonné pour avoir critiqué l'armée

    Un journaliste du quotidien islamiste Zaman, Ömer Okcu, fut arrêté le 12 mai dernier et devra purger une année de prison à laquelle il avait été condamné pour avoir critiqué les forces armées.
    Dans son article, écrit sous le pseudonyme Hekimoglu Ismail, Okcu avait accusé les forces armées d'être discriminatoires envers les croyants religieux.
    L'Association des Avocats déclara que l'arrestation d'Okcu confirmait le caractère "tabou" qu'avaient encore les forces armées dans le pays. Le Conseil de la Presse et l'Association des Journalistes reprochèrent également au gouvernement de permettre l'emprisonnement de journalistes.

    • Les célébrations du 1er mai et les grèves sont toujours interdites

    Malgré les promesses faites à l'Organisation Internationale du Travail (OIT), le gouvernement continue d'interdire les manifestations et les grèves des travailleurs.
    Alors que le 1er mai fut marqué par des rassemblements et des défilés dans les rues du monde entier, en Turquie toute célébration à l'air libre fut interdite. Les syndicats durent fêter le 1er mai dans des salles.
    Bien des jours auparavant, les forces de sécurité avaient été mobilisées partout dans le pays afin d'empêcher tout rassemblement pour le 1er mai et ce même jour toutes les villes industrielles furent occupées par des forces de police et des soldats. Des centaines de personnes qui tentèrent d'organiser des rassemblements furent immédiatement arrêtés.
    D'autre part, le 31 mai, le gouvernement remettait une grève de 14.000 agriculteurs du secteur public pour une période de 60 jours argumentant que celle-ci pouvait porter atteinte à la santé publique et à la sécurité nationale.

    • Des tests de virginité poussèrent deux filles au suicide

    Les tests de virginité obligatoires dans les écoles pour jeunes filles adolescentes donnent lieu à des situations dramatiques et à une grande colère au sein des cercles pour la défense des droits de l'homme.
    L'Association des Femmes Turques annonçait le 9 mai dernier qu'une école de formation religieuse à Simav avait forcé deux étudiantes adolescentes à subir des tests de virginité parce qu'elles s'étaient rendues à un picnic avec des amis. L'examen confirma leur virginité. Lorsque l'école chercha à leur faire subir un deuxième test dans un hôpital plus grand, les deux filles tentèrent de se suicider et l'une d'elles est morte.
    Dans un incident similaire à Ula, une étudiante se trouva dans une situation semblable et s'ôta la vie.
    Les associations de femmes, à travers de diverses actions se sont insurgées contre cette pratique.
   
DEUX MOIS DE TERRORISME D'ETAT

    Le 6.4, dans la ville de Pötürge (Malatya), deux personnes furent abattues par les forces de sécurité pour avoir refusé de se rendre.
    Le 6.4, dans le district de Lice, les forces de sécurité firent feu sur la foule qui prenait part à une manifestation non autorisée et blessèrent deux personnes. En signe de protestation, les commerçants locaux fermèrent leurs commerces.
    Le 7.4, les prisonniers politiques étaient encore victimes de la discrimination lors de la Fête du Sucre. Alors que les prisonniers ordinaires recevaient la visite de leurs parents, les prisonniers politiques n'ont pas eu droit aux visites. Un groupe de parents qui s'étaient réunis devant la Prison de Bayrampasa à Istanbul furent dispersés de force et 40 d'entre eux furent arrêtés.
    Le 8.4, pendant une descente dans une imprimerie à Ankara, la police, affolée par la déflagration d'un pot d'échappement, tira sur une voiture et tua une femme appelée Sükriye Kacmaz.
    Le 8.4, dans la ville de Silvan (Diyarbakir), un commando du Hezbollah tua deux personnes, Nihat Kadinan et Ahmet Turan. La police empêcha une tentative de manifestation contre ce meurtre.
    Le 8.4, à Istanbul, la police politique aurait arrêté cinq personnes parmi lesquelles se trouvait un étudiant de 16 ans.
    Le 9.4, la police arrêta 17 personnes accusées d'avoir occupé les locaux du DYP à Istanbul le 28 mars.
    Le 9.4, dans le district de Kozluk, la police empêcha les funérailles d'un militant du PKK, tué au cours d'une confrontation avec les forces de sécurité, et le couvre-feu fut décrété.
    Le 9.4, l'Association des Droits de l'Homme annonçait que, dans le district de Dargecit, les forces de sécurité avaient mené un raid dans le village de Tanyeri et avaient torturé Sevki Akinci, de 15 ans, l'obligeant à se coucher sur des cendres incandescentes.
    Le 10.4, à Istanbul, la police annonçait l'arrestation de sept membres supposés du PKK.
    Le 10.4, quatorze prisonniers politiques de la prison spéciale de Kayseri se sont mis en grève de la faim pour protester contre les conditions d'incarcération. L'administration de la prison fit savoir que les grévistes seraient soumis à des sanctions disciplinaires.
    Le 10.4, à Urfa, les forces de sécurité arrêtaient 15 membres supposés du PKK.
    Le 12.4, 40 prisonniers politiques se sont mis en grève de la faim à la prison spéciale de Ceyhan pour protester contre les conditions d'incarcération.
    Le 12.4, à Adana, 450 travailleurs d'une usine de fertilisants commencèrent une grève sur le tas pour protester contre les licenciements. La tente dressée par les travailleurs fut arrachée par la police et trois d'entre eux furent arrêtés.
    Le 15.4, à Batman, Ramazan Sat et Güler Öztas déclaraient avoir été torturés au poste de police au cours de leur détention entre le 24 mars et le 1er avril.
    Le 15.4, à Istanbul, un groupe d'étudiants qui portait vers Ankara une pétition contre la présence policière à l'université fut stoppée à la frontière de la province et 22 d'entre eux furent arrêtés. Pendant ce temps, à l'Université Mimar Sinan, dix étudiants étaient arrêtés pour avoir organisé un meeting sur le même thème.
    Le 17.4, le IHD annonçait qu'on ne disposait d'aucune information quant à l'endroit où se trouvait la jeune fille Nazmiye Sevgin, arrêtée 19 jours auparavant.
    Le 17.4, au cours des opérations policières menées à Elazig et Malatya, 15 personnes, dont un étudiant de 15 ans, furent arrêtées pour avoir soutenu le Dev-Sol. Par la suite, un des détenus, Mehmet Emin Tüzün, était hospitalisé, victime de la torture.
    Le 17.4, à Istanbul, un garçon de 12 ans fut abattu par les gendarmes alors qu'il passait près d'une zone sous surveillance policière.
    Le 18.4, à Istanbul, les forces de sécurité firent une descente dans une maison et tuèrent 11 membres supposés du Dev-Sol. Le même jour, une autre opération qui se déroulait à Savur causa la mort à 32 militants supposés du PKK.
    Le 18.4, à Izmir, un meeting sur les incidents du Newroz et la Question Kurde, était annulé à la dernière minute en raison des menaces policières.
    Le 18.4, dans la ville de Bismil (Diyarbakir), le Kurde Mithat Kutlu mourait au poste de police six heures après sa détention alors qu'il était torturé.
    Le 19.4, à Idil, plus de 3.000 habitants kurdes tentèrent de quitter la ville en direction des montagnes mais furent arrêtés par les tirs des forces de sécurité. Une personne fut tuée, deux autres blessées et 14 arrêtées.
    Le 19.4, à Istanbul, le gouverneur fermait l'Association pour la Culture Patriotique et Démocratique pour une durée indéterminée.
    Le 21.4, dans la ville de Kozan (Adana), le jeune Osman Akbas, de 15 ans, fut abattu par les forces de sécurité.
    Le 21.4, à Bursa, l'Association des Droits et des Libertés (Özgür-Der) fut interdite par le gouverneur sous prétexte qu'elle maintenait des liens avec des organisations clandestines. En outre, le gouverneur n'autorisa pas les congrès annuels des sections de Bursa et Aydin de l'Association des Travailleurs Municipaux (Tüm-Bel-Sen).
    Le 21.4, à Batman, après la mort d'un de leurs collègues dans un affrontement armé avec la guérilla kurde, les policiers lancèrent une opération de représailles et s'en prirent aux bureaux des partis, des associations et des publications progressistes. Plus de 200 personnes furent arrêtées.
    Le 21.4, au cours des funérailles des 11 personnes tuées le 18 avril, la police arrêta plus de 100 personnes.
    Le 21.4, les opérations policières menées à Istanbul se soldaient par l'arrestation de 11 personnes.
    Le 22.4, à Adana, huit étudiants de l'Université de Cukurova furent arrêtés par la police qui effectuait une descente chez eux.
    Le 23.4, la police arrêtait trois personnes à Istanbul et cinq autres à Ankara pour avoir distribué des tracts pour le 1er Mai.
    Le 23.4, les bureaux des syndicats de la santé (Tüm-Saglik-Sen), de l'éducation (Egitim-Is) et des travailleurs municipaux (Tüm-Bel-Sen) à Usak furent fermés par un tribunal à la demande du Gouverneur.
    Le 24.4, à Istanbul, les bureaux de l'Association des Droits de l'Homme (IHD), de l'Association des Femmes Patriotiques (YKD), Özgür-Der, de l'Association des Femmes Progressistes (DKD) et du Syndicat des Travailleurs Municipaux (Bem-Sen) furent perquisitionnés par la police et treize personnes furent arrêtées.
    Le 24.4, la police arrêta neuf membres supposés du Parti Révolutionnaire Communiste de Turquie (TDKP) à Edirne et neuf autres à Adana pour avoir prêté leur soutien au PKK.
    Le 24.4, à Istanbul, 24 personnes furent arrêtées pour avoir pris part aux activités d'une organisation religieuse nommée le Front des Pillards du Grand Est (BDAC).
    Le 24.4, une semaine d'opérations policières dans la région soumise à l'état d'urgence aurait donné lieu à l'arrestation de 26 personnes. Dans les villes d'Eruh et Kurtalan, un total de neuf personnes furent placées en détention par les tribunaux pour avoir soutenu le PKK.
    Le 25.4, un groupe de jeunes filles commença une grève de la faim à Izmir pour protester contre l'expulsion de l'école de leurs camarades pour y avoir apporté des publications de gauche. Cependant, la police est immédiatement intervenue et huit grévistes furent arrêtées.
    Le 25.4, un paysan kurde de 80 ans, Mehmet Yilmaz, qui avait été arrêté par la police le 21 mars au cours d'une opération menée à Batman, perdit connaissance durant sa détention et décéda par la suite à l'hôpital.
    Le 26.4, les Maisons du Peuple d'Eregli et Karabük furent perquisitionnées par la police et un total de 14 personnes furent arrêtées.
    Le 26.4, Kadir Kurt, arrêté au cours d'un raid dans le village de Birlik à Bismil (Diyarbakir) décéda le 18 avril au cours de son interrogatoire. Son frère, également appréhendé, déclara qu'on avait introduit une matraque dans l'anus de Kurt.
    Le 26.4, à Cukurca (Hakkari), deux jeunes bergers kurdes furent tués par l'explosion des mines qu'avaient placé les forces de sécurité. Les villageois se plaignent de ne plus pouvoir laisser paître leur bétail.
    Le 26.4, les gouverneurs interdisaient un meeting sur la Question Kurde à Ankara et un autre sur le 1er mai à Istanbul.
    Le 26.4, à Istanbul, l'Association d'Art et de Culture de Kartal, l'Association des Personnes sans Emploi, l'Association de Solidarité des Travailleurs Municipaux et l'Association des Femmes Progressistes (DEMKAD) furent perquisitionnés par la police. Par ailleurs, cinq membres de l'Egit-Sen furent arrêtés au cours d'une descente de police chez eux.
    Le 27.4, à Istanbul, deux vendeurs d'eau furent abattus par des agents de police et un troisième fut gravement blessé.
    Le 27.4, la police arrêtait 16 personnes pour avoir distribué des tracts pour le 1er mai.
    Le 27.4, les forces de sécurité arrêtaient 12 personnes à Adiyaman, 10 à Idil, 4 à Silopi et 9 à Adana pour avoir aidé les militants du PKK.
    Le 27.4, à Izmir, la Maison du Peuple de Karsiyaka était fermée par le gouverneur pour y avoir toléré la présence de publications interdites et son président, Hakan Caliskan, ainsi qu'un groupe de membres, furent arrêtés.
    Le 27.4, à Istanbul, 41 personnes furent arrêtées pour avoir distribué des tracts pour le 1er mai.
    Le 27.4, à Kiziltepe, la voiture du président local du SHP, Mehdi Cecen, fut la cible de tirs de mitrailleuse, et quatre personnes, dont Cemen lui-même, périrent.
    Le 27.4, un chauffeur de taxi, Agit Salman, fut torturé à mort après avoir été arrêté par la police politique à Adana.
    Le 28.4, l'Association d'Etudiants de l'Université d'Anadolu, à Eskisehir, fut fermée après une descente de police pour y avoir toléré la présence de publications interdites. Par ailleurs, le président local de Özgür-Der, Nuran Askeri, fut arrêté.
    Le 28.4, dans la ville d'Alanya, la police annonçait l'arrestation de huit militants supposés du PKK.
    Le 29.4, à Izmir, un tribunal ordonna l'arrestation du propriétaire d'un café pour avoir omis d'hisser le drapeau turc le Jour de la Souveraineté Nationale.
    Le 29.4, à Samsun, dix personnes furent appréhendées pour avoir participé aux activités d'une organisation clandestine.
    Le 30.4, à Elazig, la police politique arrêtait vingt personnes et bon nombre d'entre elles furent battues par les gardes lorsqu'elles furent amenées à la prison du Type E.
    Le 30.4, la police politique arrêtait 11 membres supposés du Parti Communiste Révolutionnaire de Turquie (TDKP) à Izmir et quatre membres supposés du Dev-Sol à Ankara.
    Le 30.4, à Adana, la police fit une descente dans une maison et tua trois membres supposés du Dev-Sol.
    Le 1.5, le Gouverneur d'Istanbul ordonna la fermeture de l'Association d'Art et Culture de Kartal, de l'Association des Personnes sans Emploi, de l'Association de Solidarité envers les Travailleurs Municipaux et de l'Association des Femmes Progressistes (DEMKAD).
    Le 1.5, le Gouverneur de la Région sous l'Etat d'Urgence annonça la détention de 45 personnes récemment capturées par la police dans la région.
    Le 2.5, à Gümüshane, un étudiant de 13 ans accusé d'avoir assassiné son camarade d'école fut trouvé mort dans sa cellule de confinement au centre où il était interrogé.
    Le 2.5, la CSE de Diyarbakir condamna sept personnes à des peines de prison allant jusqu'à 25 ans pour avoir pris part aux actes du PKK.
    Le 4.5, à Ankara, les forces de sécurité firent une descente dans une maison et y tuèrent quatre militants supposés du Dev-Sol.
    Le 5.5, la police politique arrêtait huit personnes à Edirne et huit autres à Adana pour activités pro-PKK.
    Le 5.5, l'avocate Meryem Erdal, présidente de l'Association des Avocats Contemporains à Ankara (CHD), déclarait qu'elle avait été torturée au cours de l'interrogatoire qui suivit son arrestation lors des célébration du 1er mai.
    Le 5.5, à Istanbul, l'Association pour les Droits et les Libertés (Özgür-Der) fut fermée par le gouverneur. Neuf personnes furent arrêtées au cours de la descente de police.
    Le 5.5, la police politique arrêtait 16 étudiants universitaires à Eskisehir et 12 à Konya.
    Le 6.5, la Maison du Peuple de Yildirim à Bursa, l'Association pour les Personnes sans Emploi et l'Association des Femmes Patriotiques à Istanbul furent fermées pour activités incompatibles avec leurs objectifs déclarés.
    Le 6.5, à Kiziltepe, le Hezbollah abattait Sirac Akbay.
    Le 6.5, à Sakarya, la police politique arrêtait 13 membres supposés du PKK.
    Le 7.5, à Ankara, la police abattait Mustafa Gök pour refus obéissance lorsque celle-là lui ordonna d'arrêter sa voiture pour un contrôle de circulation.
    Le 7.5, à Nusaybin, les forces de sécurité faisaient une descente dans une maison et tuaient sept personnes dont une femme.
    Le 7.5, dans la ville d'Igdir (Kars), neuf personnes furent arrêtées pour avoir aidé le PKK.
    Le 7.5, à Zonguldak, la police politique arrêtait dix membres supposés d'une organisation clandestine.
    Le 8.5, à Bursa, le travailleur Tevfik Özugurlu fut abattu par la police pour avoir refusé de se rendre lors d'une fouille.
    Le 7.5, cinq dirigeants de la Maison du Peuple d'Üsküdar à Istanbul furent condamnés par la CSE d'Istanbul à un an de prison chacun pour avoir participé à des activités incompatibles avec la Loi sur les Associations.
    Le 7.5, la police politique arrêtait huit membres supposés de l'Armée de Libération des Ouvriers-Paysans de Turquie (TIKKO) à Kayseri et cinq membres du TDKP à Bursa.
    Le 7.5, à Ankara, 27 étudiants furent blessés au cours d'une escarmouche entre étudiants de gauche et de droite au campus l'Université d'Hacettepe et la police arrêta 27 d'entre eux.
    Le 10.5, dans le village d'Izar à Mardin, les forces de sécurité arrêtèrent cinq Kurdes.
    Le 10.5, à Nusaybin (Mardin), trois jeunes paysans périrent tués par l'explosion d'une mine placée par les forces de sécurité.
    Le 12.5, onze soldats d'origine kurde furent arrêtés à Tokat après avoir déserté leur unité militaire à Amasya.
    Le 13.5, à Ankara, la police arrêtait 40 étudiants qui participaient aux funérailles d'un militant du Dev-Sol mort le 4 mai.
    Le 14.5, le Gouverneur d'Ankara ordonna l'introduction d'une action en justice pour fermer Yargi-Sen, un syndicat fondé par les fonctionnaires travaillant dans les tribunaux et les institutions judiciaires.
    Le 14.5, à Ankara, 30 étudiants furent blessés au cours d'une escarmouche entre étudiants de gauche et de droite à l'Université de Gazi.
    Le 14.5, Sekvan Aytu, président local du IHD à Sirnak, fut arrêté.
    Le 17.5, la CSE de Diyarbakir condamna six personnes à des peines de prison allant jusqu'à 24 ans pour avoir pris part aux activités du PKK. Dans une autre affaire, la même cour condamna une personne à 12 ans et 9 mois de prison pour la même raison.
    Le 17.5, à Kiziltepe, le Hezbollah abattit deux personnes, Nuri Göcen et Edip Ibrahimoglu.
    Le 17.5, les forces de sécurité firent feu, depuis un hélicoptère de l'armée, contre un groupe de paysans qui faisaient paître leur bétail dans le district d'Uludere, tuant un paysan et quelque 100 animaux et blessant quatre autres paysans.
    Le 19.5, les autorités provinciales fermèrent les sections de Samsun et Vezirköprü du Syndicat des Travailleurs de l'Enseignement (Egit-Sen) et les sections de Tunceli du Syndicat des Fonctionnaires Publics (Kam-Sen) et du Syndicat des Travailleurs du Service Sanitaire (Saglik-Sen).
    Le 19.5, la police politique arrêtait cinq personnes à Adana.
    Le 19.5, le travailleur immigrant turc Hasan Alici, de nationalité suédoise, fut arrêté à son arrivée à l'Aéroport d'Antalya pour une action en justice introduite il y a 12 ans.
    Le 20.5, à Fethiye (Mugla), Durmus Caylak, qui avait été arrêté le 9 février pour trafic illégal, a disparu depuis. Son père a demandé à la police de lui communiquer l'endroit où se trouvait son fils.
    Le 21.5, cinq personnes qui distribuaient des tracts de la Jeunesse Patriotique à Manisa furent arrêtées par la police politique.
    Le 22.5, à Istanbul, Serdar Tanis, de 17 ans, fut abattu par la police pour avoir refusé de stopper la voiture qu'il conduisait, deux autres passagers de la voiture furent gravement blessés.
    Le 25.5, une infirmière enceinte, Nazli Top, restée en détention policière du 27 avril au 7 mai, accusa la police de lui avoir infligé des chocs électriques dans ses parties génitales et d'avoir introduit une matraque dans son vagin. Ses déclarations furent corroborées par un rapport médical.
    Le 24.5, à Van, la police arrêtait 93  étudiants de l'Université de 100. Yil qui honoraient la mémoire de Sirin Tekin, un étudiant assassiné en 1988 par un groupe fondamentaliste.
    Le 24.5, deux médecins de l'Hôpital d'Etat de Diyarbakir et un étudiant universitaire à Samsun furent arrêtés par la police.
    Le 24.5, trois membres du HEP furent arrêtés au cours d'une série d'opérations policières à Sirnak.
    Le 24.5, des personnes inconnues assassinèrent Ibrahim Demir, de 22 ans, à Batman et Ismail Sertkaya, de 36 ans, ainsi qu'Ahmet Eren, de 17 ans, à Kiziltepe.
    Le 25.5, à Sirnak, les forces de sécurité firent feu sur un minibus tuant Salih Dolmus, père de huit enfants, et blessant une autre personne.
    Le 25.5, un étudiant de 16 ans fut expulsé d'une école secondaire de Nazilli pour ses opinions politiques.
    Le 26.5, à Adana, 34 prisonniers politiques de la Prison Centrale commencèrent une grève de la faim pour protester contre la dégradation des conditions d'incarcération. Six des grévistes sont des femmes.
    Le 26.5, la police annonçait l'arrestation de huit membres supposés du Dev-Sol au cours des opérations menées à Trabzon, Rize et Artvin.
    Le 26.5, un ancien député de l'ANAP pour la province de Siirt, Kemal Birlik, fut arrêté pour avoir fourni de l'aide matérielle au PKK.
    Le 27.5, à Gaziantep, la police arrêta 14 membres supposés du TKP-ML.
    Le 27.5, à Samsun, quatre étudiants furent arrêtés pour avoir pris part aux activités du PKK.
    Le 28.5, à Ankara, quatre personnes furent arrêtées pour avoir pris part aux activités du PKK.
    Le 29.5, à Istanbul, six personnes qui avaient été arrêtés en avril pour appartenance à une organisation fondamentaliste, déclarèrent avoir été torturées au cours de leur interrogatoire. Leurs déclarations furent soutenues par un rapport médical.
    Le 29.5, à Maras, la police arrêta six personnes pour activités fondamentalistes.
    Le 31.5, à Istanbul, un chauffeur de taxi, Recep Ali Topal, déclara avoir été torturé après son arrestation, le 28 mai, et s'être vu dans l'obligation de soudoyer les policiers pour échapper à d'autre sévices. Cependant, il déclara avoir été battu une dernière fois après les avoir soudoyés.
    Le 31.5, une récente opération policière se soldait par la détention de 244 personnes.
    Le 31.5, à Mersin, deux personnes furent arrêtées pour avoir scandé des slogans kurdes.

   
DEUX MOIS DE POURSUITES CONTRE LES MEDIAS

    Le 1.4, un livre intitulé Doza Kurdistan, retraçant les mémoires de Kadri Cemil Pasa et édité par Mehmet Bayrak, fut confisqué par la CSE d'Ankara en vertu de l'Article 8 de la Loi Anti-Terreur.
    Le 1.4, une nouvelle revue défendant l'opinion des islamistes, Ak-Zuhur, fut confisquée par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
    Le 1.4, à Konya, le journaliste Muzaffer Tiglioglu du journal Yeni Meram fut battu et poignardé par des personnes non identifiées.
    Le 8.4, le N°25 de l'hebdomadaire Yeni Ülke et le premier numéro de la nouvelle revue, Gercek, furent confisqués par la CSE d'Istanbul en vertu de l'Article 8 de la LAT.
    Le 14.4, le numéro d'avril du mensuel Newroz fut confisquée par la CSE d'Istanbul pour séparatisme.
    Le 21.4, un correspondant de l'hebdomadaire Gercek, Sadik Gülec, fut arrêté par la police alors qu'il couvrait les funérailles d'un militant politique à Istanbul.
    Le 25.4, la distribution d'une édition spéciale consacrée au 1er mai du mensuel Kurtulus fut interdite par le Gouverneur d'Istanbul.
    Le 26.4, le N° 32 de la revue culturelle Imza fut confisqué par la CSE d'Istanbul en raison de ses articles sur le Newroz.
    Le 27.4, le correspondant à Izmir du magazine politique Mücadele, Devrim Demir, fut arrêté devant la prison de Buca à Izmir, alors qu'il couvrait une action de protestation.
    Le 2.5, l'édition spéciale pour le 1er mai du mensuel Ekimler fut confisquée par la CSE d'Istanbul en vertu de l'Article 6 de la LAT.
    Le 3.5, cinq journalistes, Dogan Dargin, Metin Kayaoglu et Güzel Aslaner du Emegin Bayragi ainsi qu'Emel Atici et Imdat Halis du Hedef furent arrêtés par la police politique.
    Le 5.5, quatre membres du Groupe Musical Yorum, Metin Turan, Elif Sumru Güzel, Taner Tanriverdi et Nuray Erdem, furent arrêtés par la police à l'Aéroport d'Istanbul alors qu'ils rentraient d'une tournée d'un mois en Europe.
    Le 6.5, Irfan Ucar, correspondant d'un nouveau journal qui verra bientôt le jour, Özgür Gündem, fut arrêté alors qu'il interviewait un avocat dans son bureau d'Istanbul.
    Le 6.5, à Izmir, le correspondant de Yeni Demokrasi, Ali Haydar Umut, fut placé en détention par un tribunal.
    Le 10.5, le rédacteur en chef du mensuel Toplumsal Kurtulus, Necdet Kambir, qui avait été arrêté le 1er avril à Istanbul, déclara avoir été torturé pendant son interrogatoire.
    Le 10.5, le N°43 du bimensuel Mücadele fut confisqué par la CSE d'Istanbul l'accusant de faire de la propagande pour une organisation illégale.
    Le 12.5, le journaliste Irfan Ucar, arrêté le 6 mai, déclara après sa mise en liberté qu'il avait été torturé durant son interrogatoire.
    Le 12.5, le correspondant à Mardin de l'hebdomadaire Yeni Ülke, Ibrahim Yersiz, fut arrêté par la police et placé en détention par un tribunal.
    Le 16.5, l'éditeur du mensuel Özgür Halk, Riza Erdogan, fut condamné par un tribunal à 5 mois de prison pour une interview du leader du PKK, Öcalan.
    Le 16.5, la représentante de Diyarbakir du bimensuel Mücadele, Sakine Fidan, fut arrêtée par la police.
    Le 19.5, les concerts de Samsun et Ordu du groupe musical Yorum ainsi qu'une représentation du Théâtre Birlik d'Ankara à Trabzon furent interdites par les gouverneurs de ces provinces.
    Le 20.5, deux journalistes du journal Zaman, le rédacteur en chef, Sevket Engin, et le journaliste, Ilhan Bardakci, furent inculpés pour avoir critiqué dans un article les opinions d'Atatürk, fondateur de la république.
    Le 22.5, l'édition du mois de mai du mensuel Kurtulus fut confisquée par la CSE d'Istanbul en vertu de l'Article 8 de la LAT.
    Le 26.5, les derniers numéros des hebdomadaires Yeni Ülke et Azadi furent confisqués par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste. Selon Yeni Ülke, 33 de ses 83 numéros publiés à ce jour ont été confisqués par la CSE d'Istanbul, principalement pour propagande séparatiste.
    Le 28.5, le chanteur Mehmet Suavi Saygan fut arrêté en raison d'une action en justice introduite contre lui il y a quatorze ans, en 1978.
    Le 29.5, le représentant à Diyarbakir du mensuel Özgür Halk, Hüseyin Eben, fut condamné par la CSE à 26 mois de prison et à payer une amende de 46 millions de LT (6.500 $).
    Le 31.5, les derniers numéros des mensuels Hedef et Emegin Bayragi ainsi que ceux de l'hebdomadaire Gercek furent confisqués par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste ou pour avoir fait l'éloge de certaines organisations illégales.


LE PARLEMENT EUROPEEN CONDAMNE LES ATTAQUES TURQUES DANS LE KURDISTAN

    Le Parlement Européen adopta dans sa session du 12 juin une résolution sur les Droits du Peuple Kurde proposée par le libéral italien Gawronski. Quant au vote de la motion de résolution sur les relations CE-Turquie, proposée par la socialiste belge Raymonde Dury, il fut remis à la session de juillet 1992.
    Dans la résolution adoptée, le Parlement Européen condamne "les attaques des forces armées turques contre les zones peuplement et les bombardements, par l'aviation turque, des villages kurdes d'Anatolie et d'Irak" ainsi que "le terrorisme du PKK contre les Kurdes et les Turcs."
    Cependant, l'organe législatif des Communautés Européennes omit de se prononcer sur le droit à l'autodétermination du peuple kurde et de proposer une solution politique à long terme.
    Voici les principaux points concernant la Turquie, repris dans la résolution sur les droits du peuple kurde adoptée par le Parlement Européen :

    "Le Parlement européen,
    "• condamne les attaques des forces armées turques contre les zones de peuplement kurde en Anatolie et en Irak, ainsi que les actes de terrorisme du PKK contre les Kurdes et les Turcs;
    "• condamne les bombardements, par l'aviation turque, de villages kurdes d'Anatolie et d'Irak en raison des risques que ceux-ci présentent pour la population civile;
    "• estime que les mesures économiques et culturelles prises par le gouvernement turc pour régler le problème kurde sont insuffisantes et déclare que seul un dialogue politique entre le gouvernement turc et les représentants élus du peuple kurde peut conduire au règlement du problème kurde en Turquie, à condition, bien entendu, que le gouvernement turc conserve une volonté sincère de négocier; invite le nouveau gouvernement turc à faire un pas en avant dans sa politique de coopération positive et de reconnaissance culturelle des Kurdes de Turquie au sens de la Convention européenne des droits de l'homme et de la déclaration sur les minorités et se félicite de son plan visant à réduire la pauvreté dans le Sud-Est de l'Anatolie et de ses propositions de réformes démocratiques et juridiques;
    "• invite le gouvernement et le Parlement turcs à éliminer de la législation en vigueur toute disposition directe ou indirecte (inscrite dans la Constitution, dans les lois ou dans les Codes) comportant des mesures discriminatoires à l'encontre de personnes, de groupes ou d'associations pour des raisons linguistiques ou ethniques);
    "• estime qu'il importe que soit respectée la diversité culturelle du peuple kurde et que les droits spécifiques qui lui sont garantis devraient englober la possibilité de s'exprimer, d'écrire, de publier, d'être jugé et de recevoir un enseignement en langue kurde;
    "• estime qu'il est indispensable de définir des mesures économiques appropriées destinées à améliorer le développement économique et social de la région de l'Anatolie, qui seraient d'un bénéfice réel pour la population kurde;
    "• condamne la récente recrudescence du terrorisme, qui ne saurait que compromettre les réformes qui sont d'un intérêt capital pour les Kurdes;
    "• exhorte les associations de Kurdes turcs vivant à l'étranger de s'abstenir de tout acte de violence, de souscrire délibérément à la politique de protection des droits de l'homme et de s'engager dans la voie de la coopération;
    "• charge sa sous-commission "droits de l'homme" et la commission parlementaire mixte CEE/Turquie, se réunissant dans le cadre de l'accord d'association, de suivre de près l'évolution de la situation des droits de l'homme des Kurdes en Turquie, car leur violation ne manquerait pas d'avoir des effets défavorables sur les relations entre la CEE et la Turquie;
    "• invite la Communauté et ses Etats membres à faire preuve de vigilance pour s'assurer que la population kurde jouit du respect des droits de l'homme, tant individuels que collectifs, en Iran et en Syrie, et insiste pour que le développement des relations de la Communauté avec ces pays dépende notamment du traitement qu'ils réservent aux citoyens kurdes."

    LE RAPPORT D'AMNESTY INTERNATIONAL SUR LA TURQUIE

    Amnesty International, dans son récent rapport de 31 pages et publié en mai 1992, critique le gouvernement turc en les termes suivants : "En dépit des grands engagements pris par le gouvernement pour que cesse la torture dans les postes de police, aucune des mesures pratiques ou législatives nécessaires n'a été adoptée, et la systématique pratique de la torture s'est donc maintenue avec la même intensité. Il y a eu une alarmante augmentation du nombre de 'disparitions', des exécutions sans jugement et des assassinats par des équipes de la mort dans la province de Mardin."
    Voici les principaux points du rapport d'A.I.

    • La Loi Anti-Terreur - Des prisonniers de conscience

    L'Article 8 de la Loi Anti-Terreur autorise l'arrestation d'individus et leur inculpation pour diffusion de propagande séparatiste même lorsque ceux-ci n'ont pas préconisé la violence. Un certain nombre de personnes qu'Amnesty International considère être des anciens prisonniers de conscience ont été détenus pendant des semaines ou des mois tandis qu'on enquêtait sur des inculpations faites en vertu de l'Article 8. L'organisation exprima également ses craintes à propos des obstacles supplémentaires que dresse devant les personnes qui se plaignent de tortures ou mauvais traitements, l'Article 15, paragraphe 3 de la Loi Anti-Terreur en vertu duquel les plaintes de torture étaient adressées au "conseil administratif local" qui avait le pouvoir de bloquer les actions en justice intentées contre un officier de police accusé de mauvais traitements ou de torture. Le 31 mars [1992], lorsqu'il prenait les dernières décisions sur la Loi Anti-Terreur, la Cour Constitutionnelle annula l'Article 15 paragraphe 3. Les plaintes seront donc directement traitées par les procureurs publics au lieu de les adresser au conseil administratif local. Cependant, dans les provinces du sud-est soumises à l'état d'urgence, les plaintes de torture contre les forces de sécurité seront encore soumises à l'approbation des conseils administratifs locaux et ce en vertu de la Loi sur les Poursuites Judiciaires contre les Fonctionnaires Publics.
    Le Loi Anti-Terreur diminua les peines de milliers de prisonniers condamnés pour des délits communs, mais les réductions sont plus limitées dans le cas de prisonniers politiques accusés de travailler pour un renversement violent ou une division de l'Etat, en vertu des Articles 146 et 125 du CPT. La Cour Constitutionnelle, bien qu'estimant précédemment que la discrimination envers les personnes condamnées en vertu de l'Article 146 du CPT était injuste et inconstitutionnelle, estime que les sévères condamnations imposées à ceux condamnés en vertu de l'Article 125 (pour des délits comparables en tous points à ceux commis par les condamnés en vertu de l'Article 146) ne devraient pas être levées. Plus de 200 prisonniers, principalement des Kurdes, resteront donc en prison, beaucoup d'entre eux condamnés suite à des procès injustes dans des cours militaires pendant les années qui suivirent le coup d'Etat militaire de 1980.
    La Cour Constitutionnelle n'introduisit aucun changement à l'Article 16 de la Loi Anti-Terreur qui prévoit un régime de confinement solitaire et d'extrême isolement pour les prisonniers condamnés ou en détention en vertu d'un quelconque Article relevant de la Loi Anti-Terreur. Amnesty International craint que toute tentative d'application de l'Article 164 ne donne lieu à des conditions d'incarcération où sont pratiqués des traitements et des sévices cruels, inhumains et dégradants. Amnesty International a demandé à plusieurs reprises l'annulation de cet article.

    • Le recours systématique à la torture persiste partout en Turquie

    Une interminable série de témoignages de torture n'ont cessé de parvenir jusqu'à Amnesty International et de paraître dans la presse turque tout au long de l'année 1991 et début 1992. En 1991, dans son rapport annuel, l'indépendante Fondation des Droits de l'Homme de Turquie fit savoir qu'elle avait reçu des informations, principalement à travers la presse quotidienne, concernant 168 incidents impliquant des cas de torture de 552 personnes, parmi lesquelles 218 avaient obtenu des rapports médicaux officiels appuyant leurs déclarations.
    Les même facteurs qui par le passé avaient contribué au maintien d'une grande incidence de la torture sont restés inchangés. Ces facteurs réunis forment un système efficace qui permet aux tortionnaires de poursuivre leurs activités. Ces facteurs sont :
    I)     Les suspects sont soumis à des périodes de détention extrêmement longues, dépassant souvent les limites légales.
    II)     Les détenus sont tenus au secret, ce qui est une règle quasiment invariable.
    III) Les médecins employés par l'Etat et les centres médicaux autorisés fournissent souvent des rapports trompeurs.
    IV)    Les plaintes de torture sont généralement ignorées, retardées ou supprimées.

    • Longues périodes de détention policière

    Les normes internationales des droits de l'homme demandent que les détenus soient rapidement amenés devant un juge. En novembre 1991, lors du protocole de formation du nouveau gouvernement de coalition, on promettait que : "La durée de détention policière serait écourtée. On mettrait fin à la torture et aux plaintes de torture." Le 27 avril 1992, le journal Cumhuriyet rapportait que le cabinet turc avait soumis à la Grande Assemblée Nationale Turque (TBMM) une législation qui réduirait le temps de détention policière maximale (dans le cas de délits collectifs) à huit jours. La diminution du temps de détention envisagée dans le projet de loi tel qu'il était rapporté par la presse turque, bien que constituant une petite amélioration bienvenue, serait certainement insuffisante pour mettre en échec le système de torture. Les normes des droits de l'homme reconnues internationallement préconisent une période de détention policière maximale beaucoup plus courte.

    • Détention en isolement

    Amnesty International a exprimé à plusieurs reprises sa crainte de voir aussi bien les suspects de délits politiques que les suspects de délits criminels être placés au secret, augmentant le risque de torture. En fait, le contact entre les avocats, la famille et les détenus sont pratiquement inexistants. Des 455 cas de suspects en détention policière contrôlés par Amnesty International entre septembre 1990 et septembre 1991, l'accès aux avocats et aux famille ne fut autorisé que dans dix cas, et l'accès du médecin une seule fois. Les plaintes de torture concernent 210 de ces cas. Parmi les vingt et une personnes qui ont déclaré ne pas avoir été torturées se trouvaient toutes celles, sauf une, autorisées à recevoir l'assistance judiciaire, la famille ou le médecin. Des 49 personnes susmentionnées et qui ont déclaré, de manière détaillée, avoir été torturées pendant leur détention policière à Istanbul, Gaziantep, Siirt et Ankara depuis novembre, lorsqu'était formé le nouveau gouvernement, 46 étaient tenues au secret complet. Seulement deux de ces détenus, un à la Section Anti-Terreur du Département de Police d'Izmir et un autre à la Section Anti-Terreur du Département de Police d'Istanbul, ont été autorisés à voir leur avocat. Un autre détenu fut autorisé à voir sa famille le dernier des 12 jours qu'il passa en détention à la Section d'Investigation Criminelle du Département de Police d'Izmir.
   
    • Certificats médicaux trompeurs

    Les suspects sont détenus pendant de longues périodes de telle sorte que les preuves physiques de la torture disparaissent avant qu'ils ne puissent se trouver en présence d'un médecin ou d'une cour. Toutefois, les détenus prétendent souvent qu'ils ne sont pas correctement examinés à la fin de leur période de détention, et que la police ou les soldats sont souvent présents lors de l'examen afin de décourager toute tentative de plainte ou dissuader le médecin de préparer un rapport complet et précis.

    • Echec dans l'investigation des plaintes de torture

    Alors qu'aucune des garanties contre la torture promises par les gouvernements successifs n'a été adoptée à ce jour, l'Article 15 de la Loi Anti-Terreur a paralysé un grand nombre de plaintes formelles de torture au cours de l'année 1991. Cette mesure supposait que les plaintes de mauvais traitements ou de torture, contre la police ou la gendarmerie, pendant les périodes de détention pour un délit compris dans la vaste définition du "terrorisme" que fait la Loi Anti-Terreur étaient soumises à une investigation par le bureau local du gouverneur (qui constitue le chaînon direct de commandement entre le Ministère de l'Intérieur et les forces de police locales). Bien que cette mesure ait été supprimée par le Tribunal Constitutionnel, elle reste d'application dans les dix provinces turques soumises à l'état d'urgence.

    • Décès et disparitions pendant la détention policière

    Etant donné que les interrogatoires sont effectués dans le plus grand secret par la police et la gendarmerie et que ces derniers sont rarement poursuivis lorsqu'ils font l'objet de plaintes de mauvais traitements ou de torture, il n'est peut-être pas surprenant que les décès pendant la détention policière se soient poursuivis pendant l'année 1991 et le début de 1992. Au cours de l'année 1991, 15 personnes sont mortes pendant leur détention dans des circonstances qui laissent croire que leur mort a pu être causée par la torture.

    • Exécutions sans procès et "disparitions" dans le Sud-est de la Turquie

    Amnesty International est profondément affecté par les plus de 50 exécutions qui ont eu lieu dans le Sud-est de la Turquie et à propos desquelles ont dénonce une participation des forces de sécurité (ainsi qu'un certain nombre de "disparitions" depuis l'été 1991). Les principales cibles de cette avalanche d'assassinats, qui n'ont pas encore cessé, ont été :
    a. Les habitants des villages qui ont refusé de participer au système de gardiens de village désignés par le gouvernement.
    b. Les hommes politiques locaux - en particulier les membres du Parti Travailliste du Peuple (HEP).
    En février 1992 deux journalistes qui travaillaient pour des publications qui cherchaient des cas d'exécutions extrajudiciaires furent tués par des assassins inconnus.
    Certains journalistes et de nombreux Kurdes attribuent cette succession d'exécutions extrajudiciaires à la soi-disante Contre-Guérilla, crée en 1953 pour faire partie des services secrets et connue alors sous le nom de Département de Guerre Spécial. Bien qu'il soit impossible de confirmer ou infirmer les rumeurs qui attribuent ces assassinats à une campagne secrète de la Contre-Guérilla, A.I. a recueilli de l'information concernant plus de 30 cas d'exécutions extrajudiciaires supposées et deux "disparitions" supposées dans le Sud-est de la Turquie.
    Les assassinats pourraient également être perpétrés par des membres subalternes d'une unité quelconque des forces de sécurité comme les Equipes Spéciales ou des gardiens de village.
    Depuis juin 1991 vingt personnes au moins ont été tuées dans des circonstances qui nous amenent à croire que les forces de sécurité pourraient y être impliquées. Les principales cibles ont été les membres des villages qui ont obstinément refusé de servir dans les corps de gardiens de village. De plus, de nombreuses victimes ont un membre de leur famille qui s'est enrôlé dans la guérilla du PKK. Le déroulement des incidents indiquerait clairement qu'un groupe présentant certaines des caractéristiques d'un escadron de la mort a opéré dans la zone de Nusaybin/Midyat, province de Mardin.
    La presse turque a publié des rapports sur plus de cinquante assassinats délibérés et arbitraires perpétrés par les guérilleros du PKK. La plupart des victimes étaient des civils, tués pour avoir soi-disant aidé les forces de sécurité ou leur avoir fourni des informations, ou parce qu'on les croyait en contact avec l'organisation Hezbollah.
    Amnesty International condamna énergiquement l'assassinat de prisonniers et l'assassinat délibéré et arbitraire de civils par des groupes d'opposition, tout comme elle condamne sans condition la peine de mort et les exécutions extrajudiciaires par les gouvernements.

    MANDELA REJETA LE PRIX DE LA PAIX ATATÜRK

    Le leader du Congrès National Sud-africain (ANC), Nelson Mandela, refusa le Prix de la Paix Atatürk qui devait lui être remis le 19 mai à Ankara.
    Dans un communiqué publié le 12 mai, l'ANC souligna que "Nelson Mandela avait consacré toute sa vie au service de la démocratie, des droits de l'homme et de la liberté face à l'oppression."
    Le lendemain, le porte-parole de l'ANC, Gil Marcus, expliqua au cours d'une interview téléphonique avec Reuters les raisons du refus en les termes suivants :
    "Si quelqu'un a une question, il devrait essayer de se mettre dans la peau d'un Kurde pendant un moment. Un leader du mouvement anti-apartheid turc, M. Dikerdem, se trouvait en prison pour avoir critiqué les gouvernements turcs depuis le début des années 80. Mais il n'y a pas que les arrestations. C'est tout ce que les arrestations traduisent qui rendent le prix inacceptable... la somme de tout ce qu'ils sont en train de faire."
    Un groupe de 15 députés kurdes dans le Parlement Turc ont remis une "lettre ouverte de gratitude à Mandela, précisant que le gouvernement turc remettait ces prix pour masquer des politiques basées sur l'usage de la force.
    Le prix, qui comprend une récompense d'environ 9.500 $, fut précédemment remis au Secrétaire Général de l'OTAN Luns et au Général Kenan Evren, chef de la junte militaire qui envoya des centaines de milliers de personnes en prison pour leurs opinions politiques.
    Après le refus, les officiels du gouvernement et la presse pro-gouvernementale lancèrent une insultante campagne contre le leader de l'ANC et déclarèrent qu'il s'agissait en fait d'une grande erreur que de concéder le Prix de la Paix Atatürk à un "terroriste" comme Mandela.

Avec l'appui de Demirel et de Türkes

LES LOUPS GRIS SONT ARRIVES AU POUVOIR EN AZERBAIJAN

    Alors que se développe l'ouverture de la Turquie envers les nouvelles républiques turco-islamiques de l'ancienne Union Soviétique, les Loups Gris, d'idéologie néo-fasciste, ont accru leur influence dans la vie politique de ces pays.
    Le gouvernement de Demirel-Inönü, ignorant les avertissements des cercles démocratiques, continue d'accepter l'ingérence de l'ancien Colonel Türkes dans les affaires internes de ces républiques.
    Au cours de sa première visite officielle dans ces républiques à la fin du mois de mai, Demirel prit Türkes à ses côtés en tant que "invité d'honneur" et lui permit de s'adresser aux foules et de propager ses idées Panturkistes et Pantouranistes; idées qui affirment la supériorité de la race turque et l'union de tous les Turcs du monde au sein de l'Empire du Touran.
    Lorsque la délégation turque se trouvait à Baku, Alparslan Türkes participa à un rassemblement électoral du leader nationaliste, Abulfez Elcibey, et s'exprimant depuis la tribune, il déclara que la Turquie soutenait Elcibey et demanda à la foule de l'élire président de la République pour que triomphe le nationalisme turc.
    Au grand étonnement des observateurs, Elcibey exprima également son admiration pour Türkes et son attachement à l'idée du Pantouranisme. Plus frappant encore, les militants d'Elcibey présents au meeting portaient tous le même t-shirt avec le symbole des Loups Gris dans le dos.
    Aussi bien Türkes qu'Elcibey saluèrent la foule avec le signe particulier des Loups Gris.
    Abulfez Elcibey fut élu président de la République d'Azerbaijan aux élections du 8 juin.