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A non-government information service on Turkey
Un service d'information non-gouvernemental sur la Turquie


210

18e année - N°210
Avril 1994
38 rue des Eburons - 1000 Bruxelles
Tél: (32-2) 215 35 76 - Fax: (32-2) 215 58 60
 Rédacteur en chef: Dogan Özgüden - Editrice responsable: Inci Tugsavul
 

DOSSIER SUR LA MONTEE ISLAMISTE

    Le bloc d'extrême-droite confirme sa progression, passant de 13,90% à 28,66% des votes en cinq ans. Pourtant, tous les leaders de droite et les chefs de l'Armée ont été complices de la montée de l'islamisme et de l'ultra-nationalisme depuis 1946. Ce dossier est une compilation de l'information publiée jusqu'à ce jour par Info-Türk, attirant constamment l'attention sur la montée du fondamentalisme islamiste en Turquie depuis le coup d'état militaire de 1980.

    Après les résultats chocants des élections du 27 mars 1994, confirmant l'incessante montée de l'extrême-droite, surtout du fondamentalisme islamique, beaucoup d'observateurs se demandent si la Turquie va devenir une deuxième Algérie dans un futur proche. Le fait que l'extrême-droite, après être passée de 13,90% en 1989 à 28,66% des votes en 1994, détienne actuellement  34 des 76 centres provinciaux du pays, le Parti du Bien-être (RP) détient 28 provinces, dont Ankara et Istanbul, et le Parti d'Action Nationaliste (MHP) détient trois provinces, pourrait justifier une telle question.
    Il est trop tôt pour attribuer au RP l'image du FIS, car ce dernier a déjà fait partie intégrante du système politique turc pendant plus de vingt ans et a participé à plusieurs gouvernements de coalition, dont celui du CHP social démocrate d'Ecevit.
    Cependant, le leader du RP, Necmeddin Erbakan, parle sans cesse de remplacer l'ordre laïc par un ordre islamique et attaque souvent la Communauté Européenne, qu'il qualifie de cinquième colonne du sionisme. Par ailleurs, malgré sa rhétorique anti-impérialiste et anti-américaine, il est clair que le RP a toujours maintenu des relations religieuses, politiques, économiques et financières avec l'Arabie Saoudite, championne du fondamentalisme islamique et principal allié des États-Unis dans le monde islamique.
    Encouragé par un soutien populaire croissant, le RP pourrait adopter dans le futur une position fondamentaliste plus radicale et entraîner le pays vers le modèle saoudien. Pire encore, grâce la puissance politique dont il jouit en Turquie, le RP peut jouer un rôle plus important en vue d'imposer le fondamentalisme islamique aux autres républiques turcophones et aux communautés turco-musulmanes des pays balkaniques.
    Après leur succès électoral, les militants du RP et du MHP n'ont pas hésité à convoquer de violentes manifestations à Ankara et Istanbul sous prétexte de dénoncer les attaques des Serbes contre la ville bosniaque de Gorazde.
    Tout a commencé le 10 avril 1994, lorsque la chaîne de télévision fondamentaliste TGRT a commencé à émettre des informations non confirmées concernant un possible "génocide" de Musulmans bosniaques. Il s'est répandu une rumeur selon laquelle les Serbes utilisaient des armes chimiques et avaient causé la mort de 6.000 Musulmans bosniaques.
    Ce qui est plus incroyable, c'est que le Premier Ministre Tansu Ciller, sans consulter le Ministère des affaires extérieures sur la crédibilité des premiers rapports n'a pas hésité à formuler des déclarations laissant entendre leur véracité. "J'ai appris avec le plus profond regret et horreur que les Serbes, qui encerclent la ville musulmane de Gorazde, ont utilisé des armes chimiques dans une attaque qui a coûté la vie à de nombreux civils, enfants et personnes âgées", a-t-elle déclaré.
    Suite à cela, des milliers d'islamistes et ultra-nationalistes se sont rassemblés sur les principales places d'Istanbul et d'Ankara en scandant des slogans sanguinaires et perpétrant des actes violents. A Ankara, les principales cibles étaient le bâtiment des Nations Unies -qui fut bombardé de pierres et s'est vu obligé d'enlever son drapeau pour apaiser les foules-, l'ambassade des Etats-Unis -ses jardins ont été envahis et ses fenêtres brisées- et la mission commerciale russe, qui fut également arrosée de pierres.
    Ils ont également attaqué le bâtiment de la radio et de la télévision turques (TRT), ainsi que le siège du DYP. Tous deux ont eu les fenêtres brisées et les reporters et cameramen ont été frappés et bousculés.
    Après les événements, le leader du RP, Erbakan, a accusé le gouvernement d'être le "laquais de l'Occident" et a ajouté: "Si vous continuez à vous comporter en laquais, la population se soulèvera et manifestera à Istanbul et Ankara."
    Affirmant que la Turquie ne connaîtra pas de calme ou de stabilité jusqu'à ce qu'elle n'accepte "l'ordre juste" du RP, Erbakan a ajouté: "La Turquie trouvera définitivement un ordre juste. Soixante millions de personnes décideront si cette transition sera aisée, difficile, douce ou sanglante."

COMPLICITE DE TOUS LES HOMMES POLITIQUES

    Bien que le RP jouit maintenant du privilège de représenter l'Islam sur la scène politique, la montée du fondamentalisme islamique en Turquie ne peut être attribuée uniquement à ce parti.
    Après une période de 20 ans de réformes kémalistes et pro-occidentales, l'Islam a spontanément regagné du terrain en Turquie suite au passage au système multipartisme comme moyen d'opposition des masses de paysans appauvris. L'Islam a progressivement renforcé son influence parce que la quasi totalité des partis a joué la carte de l'Islam pour s'attirer l'électorat croyant.
    C'était déjà dans les années 40 que le Président Ismet Inönü, le camarade le plus proche d'Atatürk, a fait la première grande concession au mouvement islamiste en ouvrant des écoles religieuses tandis qu'il fermait les instituts laïcs destinés aux paysans.
    Une des premières choses que fit le gouvernement DP de Menderes lors de son accès au pouvoir en 1950 fut d'autoriser l'appel à la prière en arabe au lieu du turc, d'encourager la construction de mosquées et l'organisation de tarikats (ordres religieux) illégaux.
    Dans les années soixante, le gouvernement AP de Demirel fit de son mieux pour impliquer les tarikats dans la vie politique et s'en est servi pour contrer la montée des mouvements progressistes et socialistes en Turquie.
    Même aujourd'hui, à côté du RP et du MHP, tous les autres leaders de droite, y compris la première femme Premier Ministre de Turquie, Ciller, saisissent la moindre occasion pour donner d'eux une image islamiste et ultra-nationaliste.
    L'extrême-droite turque s'était développée avant le coup d'Etat de 1980, à travers deux mouvements différents: d'un côté le Panturquisme  des Loups Gris et de l'autre: l'intégrisme islamique encouragé par l'Arabie Saoudite.
    Alors que les Loups Gris, organisés dans le Parti d'Action nationaliste (MHP),  véhiculaient l'idée de la supériorité de la race turque et prônaient l'union de toutes les personnes d'origine turque (y compris les musulmans d'URSS, des pays balkaniques et des immigrés turcs à l'Ouest) au sein d'un empire baptisé Touran; les intégristes islamiques, organisés dans le Parti du Salut National (MSP)  qui rejettent l'unité sur une base raciale, avaient lancé l'idée de l'union des musulmans (y compris les Turcs cités ci-avant) à l'intérieur d'une communauté religieuse guidée par l'Arabie Saoudite.
    La radicalisation de l'Islam en Turquie fut renforcée après que l'Arabie Saoudite, avec le soutien ouvert des États-Unis qui voulaient contrer le mouvement progressiste et nationaliste dans le monde islamique, ait commencé à prendre sous son influence d'autres pays islamiques par le biais du Rabitat-ul-Alem-ul-Islam  (Ligue Mondiale  Islamique) dans les années 60 et 70. C'est au cours de ces années que le radicalisme islamique créa en Turquie son organisation politique, le Parti de Salut National (MSP) et réussit à entrer au Parlement et à accéder aux gouvernements.
    La révolution iranienne donna un second élan au fondamentalisme islamique dans les années 80. Bénéficiant également des concessions de la junte militaire, qui voulait utiliser les masses musulmanes contre les forces progressistes, il put facilement s'infiltrer dans tous les services publics et les institutions.
    Après le coup d'Etat de 1980, les militaires ont réorganisé les structures de l'Etat turc en les conformant à la thèse de la Synthèse turco-islamique, pour mettre fin au conflit qui oppose les deux tendances de l'Extrême-droite et dans le but d'élargir la base populaire du nouveau régime. Cette synthèse prévoit la promotion en Turquie des valeurs traditionnelles de la race turque et des principes de l'Islam.
    La Constitution de 1982 et certaines lois dictées par la junte militaire ont augmenté l'influence de l'Islam sur le plan social et culturel, nuisant ainsi à la laïcité de l'Etat turc. Pour la première fois dans l'histoire de la République que les cours de religion islamique dans le secondaire ont été rendus obligatoires et ce, même pour les enfants non-musulmans. Par conséquent, les holdings financiers fondés par des cercles islamiques et dont le capital provient, en grande partie, d'Arabie Saoudite, dominent actuellement l'économie turque. Au cours des opérations militaires menées contre la Guérilla kurde, l'Armée tout qualifiant son adversaire "l'ennemi de l'Islam", a appelé les Kurdes musulmans à participer à la Guerre Sainte (Djihad) qu'elle mène. (Pour la renaissance et montée du fondamentalisme islamique, voir: Intégrisme islamique en Turquie et Immigration, Info-Türk, 1987; The Extreme Right in Turkey, Info-Türk, 1988, et Turcs en Belgique, Info-Türk, 1992).

LES INTEGRISTES DANS LE ANAP ET LE DYP

    Après l'arrivée au pouvoir d'Özal, le nombre de concessions faites aux intégristes et ultra-nationalistes a considérablement augmenté.
    The Times  du 11 septembre 1984 rapportait:
    "Ils ont notamment, pris le contrôle de la Radio-Télévision d'Etat (TRT) dont le nouveau directeur était une ancienne figure du MHP. Un autre ex-membre du MHP est le secrétaire d'Etat du ministre de l'Emploi. La dernière étape en date, encore plus sinistre, est la nomination aux deux postes de directeur adjoint de la Police nationale dont un était chargé au centre de torture d'Ankara pendant le régime militaire précédent en 1971 et a depuis, été tenu à l'écart. Tandis que le nom de l'autre a été vu dans les documents secrets du MHP comme le futur directeur de la Police nationale une fois le pouvoir pris. La question s'est posée, après de telles nominations, si le coup d'Etat de 1980 était réellement une défaite pour le terrorisme comme ses auteurs le clamaient."
    Lorsque Özal a fondé le parti de la Mère-patrie (ANAP) en 1983, il a confié à Mustafa Tasar, ancien sympathisant du MHP, la fonction de secrétaire général.
    Le premier gouvernement d'Özal comprenant de nombreux sympathisants bien connus du défunt MHP: ainsi le ministre d'État Halil Sivgin, le ministre d'État Kazim Oksay, le ministre d'État Mesut Yilmaz, le ministre des communications Veysel Atasoy et le sous-secrétaire Hasan Celal Güzel.
    En plus, d'anciens activistes néo-fascistes étaient élus maires dans un grand nombre de grandes villes comme Ankara, Erzincan, Erzurum, Adapazari, Bingöl, Elazig, Yozgat, Gaziantep, Antakya et Kastamonu. (Info-Türk, N°146, décembre 1988)
    Au cours de son Congrès qui a eu lieu à Ankara du 20 au 25 juin 1988, le ANAP a réaffirmé la prééminence de la synthèse turco-islamique à l'intérieur du parti.
    Bien qu'Özal ait présenté son parti à l'Ouest, comme libéral et pro-occidental, cette image ne peut pas cacher le fait que le noyau dur de l'ANAP provient d'anciens hommes politiques néo-fascistes et islamistes qui sont maintenant unis au sein de l'Alliance Sacrée.
    En dépit des prédictions selon lesquelles Özal n'allait pas laisser l'Alliance Islamiste-Nationaliste balayer les éléments libéraux du comité exécutif du parti, ces derniers n'ont pas été élus au Conseil Central Exécutif des 50 membres.
    Mehmet Keçeciler, chef du groupe islamiste et Mustafa Tasar, chef de l'aile nationaliste, ont été ovationnés par les délégués qui se sont levés à leur entrée dans la Salle de conférence.
    La majorité des délégués ont demandé la réouverture d'Ayasofya (Sainte-Sophie), la basilique byzantine d'Istanbul qui est actuellement utilisée comme musée, à des activités islamiques. Des prières ont été récitées depuis la tribune avec la participation de près de 1.000 délégués. L'église Sainte-Sophie avait été construite en 537 par l'Empereur Byzantin Justinien. Elle est passée d'Église à mosquée en 1453 après la prise d'Istanbul par Mehmet le Conquérant. En 1934, un décret d'Atatürk l'avait convertie en musée.
    Özal lui-même n'a pas attendu pour se livrer à des démonstrations religieuses à l'occasion du pèlerinage sacré (hajj) de juillet '88.
    Il avait déjà participé à deux reprises à ce rituel, en 1968 et 1975. Mais c'était la première fois qu'il y participait en tant que premier ministre de Turquie.
    Après cette visite, l'ambassadeur saoudien à Ankara, Abdelaziz M. Khojah, a déclaré que le pèlerinage d'Özal allait renforcer l'unité musulmane. "L'importance de la visite d'Özal réside dans le fait que c'est le premier chef du gouvernement, depuis l'établissement de la République turque, à participer au Hajj alors qu'il est encore en fonction." a-t-il dit. (Dateline, 30 juillet 1988).
    Au même moment, lors d'une interview accordée au réseau de télévision luxembourgeois RTL, Özal a défendu le point de vue suivant, concernant Atatürk, fondateur de la République:
    "Il était un bon musulman et c'est pour cela qu'il a combattu les fanatiques. Atatürk a ouvert la première session de l'Assemblée Nationale avec une cérémonie religieuse. Il était un bon musulman mais il avait aussi des idées modernes. Le fait de dire que ses principes sont abandonnés en Turquie d'aujourd'hui, est non fondé".
    Selon des rapports de presse, de nombreux membres de l'ANAP ainsi que le premier ministre lui-même, ont des liens avec l'ordre religieux Naksibendi.
    Ce tarikat s'attribue la plus grosse part des sommes importantes distribuées par l'Arabie Saoudite, grâce au frère du premier ministre, Korkut Özal, qui a des relations privilégiées avec l'intégrisme saoudien. (Info-Türk, N°146, décembre 1988)
    Après la prise d'influence sur la direction du parti au pouvoir (ANAP) par l'Alliance Sacrée (coalition des Pan-Turquistes et des fondamentalistes islamiques), c'était le tour du 2ème parti de droite représenté au Parlement, le Parti de la Juste Voie (DYP) de Süleyman Demirel, ancien premier ministre, de glisser vers le fondamentalisme.
    Le député DYP Ertekin Durutürk, très proche de Demirel, a, en effet, déposé un projet de loi à l'Assemblée nationale turque, demandant que le musée Ayasofya soit reconverti en mosquée et que le Coran soit lu dans la section des reliques sacrées du Palais de Topkapi.
    Dans son projet de loi, approuvé par le groupe parlementaire DYP, Durutürk dit: "Ceux qui ont fait taire en 1934, les appels à la prière lancés depuis les minarets d'Ayasofya ont également détruit une tradition vieille de 417 années qui voulait que le Coran soit lu dans la chambre des reliques sacrées du Palais de Topkapi. Cette décision constitue un remords de conscience pour la nation turque". (Info-Türk, N°147, janvier 1989).
    Finalement, le musée Ayasofya a partiellement été réouvert à la prière islamique.

RENAISSANCES DES PARTIS EXTREMISTES

    Bien que le ANAP et le DYP aient fait leur maximum pour satisfaire l'électorat intégriste et ultra-nationaliste, après que les anciens leaders aient été autorisés de reprendre leurs activités politiques, le Parti du Bien-être (RP) de Necmeddin Erbakan, émanation du Parti du Salut National (MSP), et le Parti Nationaliste du Travail (MCP) de l'ex-colonel Alparslan Türkes, émanation du Parti d'Action Nationaliste (MHP), ont commencé à récupérer leurs sympathisants.
    Les élections locales du 26 mars 1989  ont provoqué une véritable déroute dans les rangs de l'ANAP de premier ministre Özal. l'image "occidentale" de la famille d'Özal, surtout de Madame Özal s'affichant en public avec un verre de whisky dans une main et un cigare dans l'autre alors qu'on assiste à l'ascension du fondamentalisme en Turquie a été préjudiciable à l'ANAP lors de ces élections.
    Trois partis de l'opposition de droite ont mené leur campagne électorale en accusant l'ANAP de ne pas tenir compte des revendications des fondamentalistes et ont attiré ainsi, les votes des nombreux électeurs conservateurs de l'ANAP. Une telle campagne n'avait rien d'étonnant de la part du parti intégriste RP d'Erbakan et du parti néo-fasciste MCP de l'ex-colonel Turkes. Mais cette fois-ci, le DYP de l'ancien premier ministre Demirel s'est également livré à la démagogie, allant jusqu'à revendiquer la transformation du Musée Sainte Sophie en mosquée.
    Mais ce n'était pas la seule raison de la défaite d'Özal dans ces zones. La politique monétariste imposée par le FMI et appliquée par Özal depuis maintenant huit ans, trois ans comme vice-premier et cinq ans comme premier ministre, a provoqué un appauvrissement de la paysannerie, des commerçants et artisans des petits centres urbains.
    Le nouveau parti d'Erbakan, RP,  en augmentant son score de 7% en 1987 à 9,8%, s'est attribué cinq mairies dont Konya, une des forteresses du mouvement fondamentaliste. Il  a également gagné les postes de maire des capitales provinciales de Kahramanmaras, Sivas, Sanliurfa et de Van, ainsi que ceux de 15 autres villes et 48 municipalités.
    Le parti d'extrême-droite d'Alparslan Turkes, le Parti nationaliste du Travail (MCP), a également amélioré son score électoral en obtenant 4,2% des voix qui lui ont rapporté tois capitales provinciales, 10 villes et 11 administrations municipales. (Info-Türk, N°150, avril 1989 et N°151, mai 1989).

LA MONTEE ALARMANTE DE L'EXTREME-DROITE

    Le résultat le plus alarmant des élections législatives de 1991 était sans aucun doute la montée de l'extrême droite, principalement dans les provinces  de l'Anatolie centrale.
    Le Parti du Bien-être (RP) de Necmeddin Erbakan, grâce à son alliance avec deux autres partis d'extrême droite, est passé en quatrième position avec 16,88% des votes et 62 sièges au Parlement. Le résultat global de ces trois partis en 1987 fut de 10,84% et ils n'avaient aucun député au Parlement.
    Le Parti Nationaliste du Travail (MCP) d'Alparslan Türkes, d'idéologie néo-fasciste, et le Parti de la Démocratie réformiste (IDP) d'Aykut Edibali, d'idéologie fondamentaliste, durent renoncer à participer aux élections avec leurs propres listes en raison des barrages de 10% au niveau national et 20 ou 25% au niveau provincial pour pouvoir être représentés au Parlement. Considérant le fait que lors des élections de 1987, le MCP avait obtenu 2,9% et le IDP 0,8% des votes, les leaders de ces deux partis ont préféré de devenir candidats sur les listes du RP.
    Des 62 députés que comporte l'alliance, 40 proviennent du RP, 20 du MCP et 2 du IDP. 
    Bien qu'ils aient été arrêtés après le coup d'Etat et mis en prison pendant quelques années, grâce à leur alliance avec le RP, les plus célèbres des Loups Gris ont réussi à entrer au Parlement. Parmi eux se trouvent aussi Muhsin Yazicioglu et Muharrem Semsek, deux anciens présidents de l'Organisation de la Jeunesse Idéaliste (UGD), organisation terroriste des Loups Gris; Ökkes  Sendiller, principal responsable du massacre de plus d'une centaine de personnes à Kahramanmaras en 1978, Esat Bütün qui avait abattu 30 personnes à la mitrailleuse dans un bus à Ankara.
    Après avoir réussi d'entrer dans le Parlement, le MCP a décidé de reprendre le nom de l'organisation  des Loups Gris de la période pré-coup d'état: le Parti d'Action Nationaliste (MHP).
    Selon l'édition du 5 novembre 1991 du quotidien de droite Tercüman, le RP se distingue des autres partis de droite par les revendications suivantes:
    - Les Communautés Européennes font partie du projet de "Grand Israël". Au lieu d'adhérer à la CE, la Turquie devrait développer un Marché Commun Islamique avec les pays islamiques.
    - Dans le domaine militaire, la Turquie devrait quitter l'OTAN et mettre sur pied, avec les autres pays islamiques, une organisation de Défense Commune Islamique.
    - L'Etat devrait mettre sur pied  des cours de Coran dans chaque village, une école supérieur religieuse dans chaque district et une université de théologie dans chaque province turque.
    - Les assemblées locales devraient être autorisées à enseigner une autre langue dans les écoles (particulièrement l'arabe ou le kurde) en plus du turc.
    - En outre, l'enseignement divulgué exclusivement en langue étrangère (principalement anglais, français et allemand) dans certaines écoles supérieures et destiné à étendre les cultures impérialistes dans le pays, devrait être aboli.
    - Etant donné que le Coran considère que la pratique d'intérêts constitue un péché, les intérêts sur les comptes bancaires et les transactions commerciales devraient être interdits et la vie économique devrait être réorganisée sur base "sans intérêts".
    Le RP a toujours exprimé clairement qu'il est absolument contre l'égalité des sexes. Les leaders du parti ont récemment refusé d'engager des secrétaires femmes pendant l'organisation du bureau de leur groupe parlementaire.
    Pourtant, l'alliance d'extrême droite ne reçut pas des votes uniquement des populations religieuses ou nationalistes, il en obtint également dans les régions habitées par des petits commerçants et producteurs. Le manifeste électoral du RP s'adressait aux différentes catégories sociales, y compris les travailleurs. Le RP promit une nouvelle direction administrative dans les lieux de travail, comme par exemple la participation des travailleurs à l'administration et l'impossibilité de licencier un travailleur sans l'autorisation du Conseil Suprême d'Arbitrage.
    Les différences idéologiques et les provocations éventuelles des anciens Loups Gris peuvent provoquer à tout moment la scission entre le RP et le MCP. Cependant, étant donné que 20 députés suffisent pour former un groupe parlementaire, 20 députés du MCP pourraient facilement à l'avenir quitter le groupe du RP.
    Toutefois, avec les 40 députés restants, le RP pourra jouer un rôle clé dans les négociations pour la formation d'une coalition parlementaire.(Info-Türk, N°180, octobre 1991)

LE CHOC ISLAMISTE AUX ELECTIONS PARTIELLES

    Le Parti du Bien-être (RP), d'idéologie pro-islamique, porta un coup inattendu aux autres formations politiques lors des élections partielles tenues le 1er novembre 1992 dans 23 municipalités, portant ses voix de 17,05% en 1991 à 24,52%.
    Le plus grand choc s'est produit à Istanbul où le RP récolta 26,95% des plus de un million et demi de votes valides et devint la première puissance politique de la plus grande ville du pays. A Istanbul, le Parti de la Mère-Patrie (ANAP), principal parti de l'opposition, arriva en deuxième position avec 24,43% des voix, alors que les partenaires de la coalition, le Parti Populiste Social Démocrate (SHP) et le Parti de la Juste Voie (DYP), ne sont que troisième et quatrième avec 17,31 et 14,24% des votes respectivement.
    Dans l'ensemble des municipalités où se sont déroulées les élections partielles, le RP a obtenu 24,52% des votes, il est suivi de l'ANAP (22,85%), le SHP (19,15%), le DYP (16,68%), et le Parti de la Gauche Révolutionnaire (DSP) d'Ecevit (12,83%).
    La percée du RP est généralement perçue comme une réaction des couches populaires contre la situation actuelle de la Turquie, où les conditions de vie se détériorent rapidement. Bien que la coalition DYP-SHP est arrivée au pouvoir l'année dernière avec la promesse de réduire le taux d'inflation, les derniers chiffres montrent que celui-ci (70%) est supérieur à celui de la période de l'ANAP.
    Les rapports sur la corruption et les irrégularités dans les municipalités contrôlées par les partis de la coalition ont amené la population des bidon-villes à se révolter et à les remplacer par les candidats du RP. Ces derniers soutiennent que seuls des maires attachés aux valeurs religieuses peuvent mettre fin à cette situation.
    Sur la scène politique, le RP est depuis les élections de 1991, la seule force parlementaire à dresser une opposition efficace à la politique répressive du gouvernement.
    La récente frénésie de scandale et de loterie des médias turcs, les programmes pornographiques des nouvelles télévisions privées, le bouleversement général des valeurs morales traditionnelles ont également joué un rôle important dans le nouveau choix politique des masses conservatrices.
    Mais le facteur le plus important est sans aucun doute la spectaculaire organisation et la campagne électorale menée par le RP dans les quartiers populaires tandis que les autres partis ne parvenaient pas à faire preuve de vitalité et de crédibilité.(Info-Türk, N°193, novembre 1992)

L'OFFENSIVE INTEGRISTE

    Une série d'événements alarmants survenus au cours des derniers mois, comme la transformation des funérailles d'Özal en manifestation religieuse, des assassinats politiques commis par le Hezbollah, un groupe islamiste armé à la solde de l'Armée en guerre contre la guérilla kurde, des attaques contre un quotidien qui publiait les Versets Sataniques de Salman Rushdie, des insultes lors d'une émission de télévision contre la secte minoritaire alévite, des déclarations osées des leaders du Parti du Bien-être (RP) et la croissance effrayante de son organisation parallèle, Vision Nationale, parmi immigrants turcs à l'étranger ont suscité une considérable inquiétude parmi les forces démocratiques de la Turquie.
    Les données concernant l'augmentation du nombre de mosquées et d'institutions religieuses au cours des trois dernières décennies montrent clairement l'ampleur de la croissance du mouvement islamique en Turquie.
    Selon les chiffres de l'Administration des Affaires Religieuses, le nombre de mosquées en Turquie, qui était de 35.657 en 1963 et de 45.152 en 1973, est aujourd'hui de 66.674.
    Le nombre de mosquées construites entre 1971 et 1981 tourne autour des 5.000. Le chiffre le plus spectaculaire correspond à la construction de 19.000 mosquées depuis le coup d'Etat de 1980: 54.667 en 1984, 59.460 en 1986, 62.947 en 1988, 64.000 en 1990 et 66.674 en 1993.
    Le nombre de mosquées turques à l'étranger est d'environ 1.100, selon les mêmes sources.
    Outre les mosquées, la Turquie dispose de 750 écoles et lycées théologiques islamiques et quelque 5.000 cours de Coran. L'Administration des Affaires Religieuses, affiliée directement au Ministère de l'Etat, emploie plus de 85.000 personnes en Turquie et 691 à l'étranger.
    On ne dispose pas de chiffres officiels concernant le nombre de cours de Coran et d'écoles religieuses clandestins. Mais les chiffres concernant les médias pro-islamiques peuvent donner une idée de la croissante influence de ces mouvements.
    Selon un sondage publié le 2 février 1993 par le Turkish Daily News, ces mouvements possèdent 290 maisons d'édition, 40 journaux de tirage national et 300 publications périodiques locales, 100 stations de radio et 35 chaînes de télévision dans tout le pays.
    Bon nombre des publications pro-islamiques sont également imprimées et distribuées dans les pays européens. Un des quatre quotidiens pro-islamiques,  Milli Gazete, appartient au mouvement Vision Nationale, représenté sur la scène politique par le Parti du Bien-être (RP). Un autre quotidien pro-islamique, Zaman, paraît déjà en Azerbaïdjan et en Bulgarie. Le holding islamist Ihlas possède la plus grand quotidien islamiste du pays, Türkiye, et une chaîne de télévision, TGRT.
    Les chaînes de radio et de télévision pro-islamiques diffusent fréquemment des extraits du Coran et des programmes produits par la radio et la télévision d'Arabie Saoudite.
    L'intégrisme islamique, après avoir gagné une force politique et idéologique indéniable en Turquie, s'est mobilisé pour propager son influence aussi bien dans l'immigration turque à l'étranger que dans les pays turcophones de l'ancienne Unuion soviétique et les communautés turques des pays balkaniques.
    La Vision Nationale demande aux "1,5 milliards de musulmans dans le monde qui se différencient de leur administration sous influence occidentale" de s'unir sous le leadership de la Turquie en étroite relation avec l'Arabie Saoudite.
    Le leader du Parti du Bien-être (RP), Necmeddin Erbakan, dans une interview concédée au Turkish Daily News le 12 mars 1993, affirmait: "Au cours des deux derniers siècles, l'Occident a occupé les pays musulmans avec sa culture. Il avait quitté ces pays en laissant derrière lui son influence. On devrait établir une Union Islamique supranationale composées de 1,5 milliards de musulmans partout dans le monde, depuis les Etats-Unis jusqu'en Australie. La Turquie devrait assumer le leadership du monde islamique au lieu d'entrer dans l'orbite occidentale".
    Dans ses nombreuses déclarations, Erbakan qualifia les Communautés Européennes de cinquième colonne du sionisme.
    Le vice-président du parti, Sevket Kazan, au cours d'une conférence de presse tenue le 29 mars 1993 au Parlement turc, accusait la Communauté Européenne de demander à la Turquie de changer son drapeau national pour pouvoir en devenir membre, et ajouta: "La CE n'est pas lassée par l'étoile et la couleur du drapeau turc, mais par le croissant de lune qui symbolise l'Islam. Après, ils nous demanderont de changer de religion pour pouvoir accéder à la CE".
    Il affirma également que le nombre des membres du RP, qui tournait autour des 800.000 aux dernières élections, avait grimpé jusqu'à 1.300.000 et qu'on s'attendait à ce qu'il atteigne les deux millions pour la fin de l'année. Il ajouta que deux millions de membres équivalaient à dix millions de voix, ce qui supposerait à peu près 30% des votes. (Info-Türk, N°200, juin 1993)

LA MONTE DE LA VIOLENCE ISLAMISTE

    Quant aux actes de violence politique des groupes d'extrême-droite, ils ont repris depuis plusieurs années, en même temps que la montée du mouvement intégriste en Turquie. Le 3 mai 1987, un étudiant était assassiné par les Gardiens de l'Islam pro-saoudiens dans la province orientale de Van parce que les étudiants ne jeûnaient pas pendant le mois saint du Ramadan.
    La première manifestation violente et massive des Islamistes a eu lieu le 10 mars dernier contre Les Versets Sataniques de Salman Rushdie et l'interdiction du port des vêtements islamiques dans les universités. Plusieurs milliers de manifestants se sont rassemblés devant l'entrée principale de l'université d'Istanbul, après les prières du vendredi. Au lieu d'utiliser la force pour les disperser, la police les a supplié de respecter la loi.     A Ankara, une foule de 1.500 personnes s'est rassemblée devant la mosquée de Haci Bayram après avoir envoyé des télégrammes de protestation du bureau de poste de Kizilay à la Cour Constitutionnelle ainsi qu'au bureau du Premier ministre. Elle s'est dirigée vers la Place Ulus en criant des slogans tels que: "Briser la main qui veut enlever les foulards", "Mort à Rushdie" et "A bas le Britannique et le sionisme israélien".
    Necmettin Erbakan, leader du parti intégriste RP, a déclaré que ces manifestations constituaient "une réaction populaire tout à fait légale". Il a aussi exprimé son opposition à la proscription des foulards. Quant à Oguzhan Asilturk, secrétaire général du RP, il a présenté les manifestants comme des "combattants glorieux".
    Le 13 mars, près de 600 étudiantes voilées ont manifesté à l'Université de Téhéran. Elles brandissaient des banderoles écrites en turc, en signe de soutien aux Islamistes de Turquie.
    Le 14 mars, à l'occasion d'une de ses émissions, Radio Téhéran a, quant à elle, traité de "laquais des États-Unis et de l'Impérialisme" tous ceux qui s'opposent au port du foulard en Turquie. (Info-Türk, N°149, mars 1989)

ATTAQUE INTEGRISTE CONTRE LES INTELLECTUELS

    Le 5 mai, dernier vendredi du Ramadan, des milliers de fondamentalistes se sont rendus à la mosquée, en arrêtant les voitures et en battant les journalistes sous prétexte de célébrer ce qu'ils appellent le "Jour de Jérusalem".
    Les Fidèles, dont la plupart portaient une barbe, des vestons sans revers et des calottes, ont arrêté le trafic pendant des heures et ont utilisé les rues pour faire la prière du vendredi. Après la foule a crié des slogans et brandi des pamphlets qui commençaient par "Au nom de Dieu" et déclaraient que le dernier vendredi du Ramadan est un jour de lutte pour les musulmans qui doivent reprendre Jérusalem aux Israéliens.
    Les manifestants se sont ensuite dirigés vers le bâtiment du quotidien Hürriyet, qui se trouve à moins de 100 m de la mosquée, en chantant des slogans tels que "Abat le Sionisme" et "La police est avec nous".
    Une fois arrivée en face du bâtiment, la foule a protesté contre les prises de position "pro-sionistes" du journal. Des photographes ont été attaqués et des journalistes qui essayaient de couvrir l'événement ont été chassés par les manifestants. La police n'a rien fait pour les arrêter.
    Après que les manifestants aient dégagé la place Cagaloglu, un groupe de reporters ont laissé leurs caméras dans la rue en guise de protestation conter l'inaction de la police. Depuis, des organisations de journalistes ont manifesté à Istanbul, Ankara et Adana.
    Le premier ministre, Turgut Özal, a demandé aux reporters de ne pas exagérer l'importance des événements de Cagaloglu. (Info-Türk, N°152, juin 1989)
    La terreur islamiste a de nouveau frappé en Turquie le 31 janvier 1990, par l'assassinat d'un éminent professeur de droit constitutionnel .
    Le professeur Muammer Aksoy, âgé de 73 ans, défenseur acharné du sécularisme, a été abattu à l'intérieur de l'immeuble à appartements dans lequel il vivait, alors qu'il revenait de son bureau. Des inconnus appelant divers journaux ont déclaré que le professeur Aksoy a "été puni par les musulmans en raison de son attitude hostile envers l'Islam". Les correspondants anonymes ont revendiqué la responsabilité du meurtre au nom d'une organisation demeurée inconnue jusqu'à ce jour: "Le Mouvement Islamique". (Info-Türk, N°159, janvier 1990).
    Le journaliste Turan Dursun, un ancien ecclésiastique et chroniqueur de l'hebdomadaire Yüzyil, a été assassiné le 4 septembre à Istanbul par des personnes non-identifiées. Dursun quittait sa maison du côté asiatique du Bosphore lorsque des assaillants tirèrent sept coups de feu dans sa direction. Ils est mort sur place.
    Défenseur de la laïcité, Dursun avait écrit de nombreux articles critiquant la Sharia (la loi islamique) et durant six mois, il avait reçu des menaces de mort. Dans une de ces lettres d'un "homme d'affaires de Van", on signalait que s'il ne s'excusait pas publiquement pour ses accusations contre les Musulmans, il payerait de sa vie. Cependant, il n'a pas demandé la protection de la police contre les menaces intégristes.
    A l'annonce du meurtre de Dursun, la Radio de Téhéran a déclaré que "le Salman Rushdie turc avait été tué". "Comme Rushdie, a déclaré la Radio de Téhéran, Dursun a trahi et insulté l'Islam et le Prophète Mohammed à plusieurs reprises." (Info-Türk, N°167, septembre 1990).
    Un mois plus tard, le rédacteur en chef du quotidien Hürriyet, Cetin Emec a été abattu en octobre devant sa résidence. Les assassins sont toujours inconnus.
L'un de journalistes les plus engagés dans la lutte contre l'intégrisme, Ugur Mumcu a été assassiné le 24 janvier 1993 à l'explosion d'une bombe placée dans sa voiture.
    Le quotidien Aydinlik, après avoir commencé à publier des extraits en turc des Versets Sataniques de Salman Rushdie le 26 mai 1993, fut victime d'interdictions et d'une série d'attaques et de menaces.
    Premièrement, toutes les copies d'Aydinlik ont été saisies après leur distribution en vertu d'une décision gouvernementale interdisant l'entrée en Turquie du livre de Rushdie. Par ailleurs, le procureur public d'Ankara ordonnait une enquête sur les responsables du journal.
    Le 28 mai, à Istanbul, après les prières du vendredi, des centaines de fondamentalistes attaquèrent la maison d'édition Kaynak, connue pour avoir des liens étroits avec Aydinlik, en criant "Que soient brisées les mains qui se dressent contre l'Islam".
    Les 29 et 30 mai, le bureau d'Izmir d'Aydinlik était attaqué par des groupes de fondamentalistes, le bureau du journal à Diyarbakir était incendié et un camion de distribution était également attaqué.
    Le 3 juin, des personnes non identifiées lançaient des bombes incendiaires contre des kiosques à journaux à Gebze (Istanbul) et Osmaniye (Adana).
    A Ankara, les fondamentalistes ont distribué des brochures portant des menaces de mort contre les distributeurs de journaux et les propriétaires des kiosques s'ils continuaient à vendre l'Aydinlik.
    Les responsables du journal qualifièrent ces attaques et la saisie des copies de l'Aydinlik de violation des droits de la presse. (Info-Türk, N°200, juin 1993)

LE POGROME PAR LES ISLAMISTES A SIVAS

    Le crime le plus odieux des Islamistes a été commis le 2 juillet par un incendie criminel dans un hôtel provoquant la mort de 37 personnes et causant des blessures à 60 autres dans la ville de Sivas, située au centre de l'Anatolie. Toutes les victimes étaient des invités, y compris les auteurs et poètes qui assistaient à un festival culturel pour commémorer la mémoire du leader alévi, Pir Sultan Abdal, exécuté au 16e siècle par les leaders ottomans.
    Les alevis constituent la deuxième secte islamique de Turquie, après les sunni, et se distinguent par une philosophie et un mode de vie conformes aux normes d'une société civile. Ils se sont toujours mis du côté des mouvements réformistes et progressistes et se sont opposés aux politiques répressives des autorités de l'Etat. En raison de cette attitude, ils ont souvent été victimes de la discrimination de l'État ainsi que d'attaques et de massacres par les fanatiques sunnis.
    Il convient de signaler que les incidents se sont produits dans une ville où la municipalité appartient au fondamentaliste Parti du Bien-être (RP). Les fondations établies et soutenues par le maire de Sivas, et membre du RP, sont les centres principaux des activités anti-laïques. La Chambre de Commerce provinciale fait savoir que la municipalité n'accorde pas l'autorisation d'agir ou crée des difficultés à ceux qui ne font pas des dons à ces communautés.
    A Sivas réside également une importante communauté alévi. Lorsque celle-ci a commencé à organiser une série de fêtes à la mémoire de Pir Sultan Abdal, les représentants du RP ont tenté de provoquer une confrontation avec les sunnis. Des dépliants signés par les "Musulmans" et les "Musulmans de Turquie" lançant un appel à la "guerre sainte" ont été distribués avant le début des festivités.
    Les autorités de l'Etat, malgré les avertissements de la population locale, n'ont prit aucune mesure et ont permis aux groupes fondamentalistes de commettre une des atrocités les plus honteuses de l'histoire de la République.
    La présence de l'écrivain Aziz Nesin à Sivas servit de prétexte pour inciter les gens à l'émeute. Il était déjà la cible des fondamentalistes pour avoir publié des passages du polémique livre de Salman Rushdie, Les Versets Sataniques dans le quotidien Aydinlik, dont il est rédacteur en chef.
    Un jour avant les émeutes, les journaux locaux avaient attaqué Nesin pour les remarques qu'il avait faites au cours d'un discours prononcé pendant le festival où il critiquait l'Islam et se déclarait non croyant. Selon les observateurs, sans le prétexte Nesin il se serait produit un autre incident, faisant sortir une fois de plus les fondamentalistes de Sivas dans la rue et les dirigeant contre les alévis.
    Provoqué encore pendant les prières de vendredi, un groupe initial de quelque 500-600 personnes a entrepris une marche dans les rues de la ville chantant des slogans contre Nesin et le gouverneur, Ahmet Karabilgin, qui fit ériger récemment un monument en l'honneur de Pir Sultan Abdal devant le centre culturel de la ville. Progressivement, les manifestants ont pris de la force et se sont dirigés vers l'Hôtel Madimak où logeaient Nesin et les autres invités du festival Pir Sultan Abdal.
    Ils ont tout d'abord attaqué l'hôtel avec des pierres et des bâtons. Des hommes ont essayé de grimper jusqu'aux balcons du premier étage. Des milliers de personnes scandaient des slogans en faveur de l'Islam. En état de siège, Aziz Nesin et d'autres intellectuels qui se trouvaient dans l'hôtel ont appelé plusieurs fois le leader du SHP et le vice-Premier Ministre Erdal Inönü, leur demandant d'ordonner aux forces de sécurité de faire cesser l'attaque, mais aucune aide n'arriva. Personne n'arrêta les et les forces de sécurité n'ont pas été dirigées d'une manière coordonnée et active. Par la suite on comprit qu'une telle attitude de la part des autorités était due aux instructions et suggestions provenant d'Ankara, et plus particulièrement du Président de la République.
    Finalement, le soir, un groupe de manifestants mit le feu à l'hôtel. "C'est le feu de l'enfer", criaient les manifestants.
    Bien qu'Aziz Nesin fut sauvé au dernier moment et put quitter Sivas escorté par la police, d'autres hôtes, y compris des auteurs distingués comme Asim Bezirci, Muhlis Akarsu et Nesimi Cimen sont morts dans l'incendie. La plupart des victimes étaient membres d'un groupe Semah (danse traditionnelle alévi), qui se trouvait sur les lieux pour assister au festival Pir Sultan Abdal.
    Pendant ce temps, les manifestants s'attaquaient au monument de Pir Sultan Abdal qui venait d'être érigé, le précipitaient à terre pour l'y détruire.
    Les autorités de l'État, qui n'ont pris aucune mesure pour éviter le massacre, au lieu d'en poursuivre les instigateurs, tentèrent d'accuser Aziz Nesin d'avoir incité les gens à l'émeute par ses déclarations contre l'Islam.
    Quant au nouveau Premier Ministre Ciller, elle  a choqué tout le monde au Parlement lorsqu'elle minimisa l'incident et affirma que l'hôtel avait été brûlé par son propriétaire. Aussi bien elle que les ministres du DYP formant partie de son gouvernement n'ont à aucun moment prononcé un seul mot exprimant du regret pour les incidents. Ils ont même refusé d'assister aux funérailles des victimes.
    En fait, Ciller elle-même est une des grandes responsables de la récente éruption de violence fondamentaliste. Dans ses provocants discours, lors de la convention d'urgence du Parti de la Juste Voie (DYP) où elle fut nommée présidente, elle exprimait fréquemment le désir "d'entendre l'appel islamique à la prière (ezan) dans chaque quartier turc" et faisait constamment allusion à Allah, l'Islam et le drapeau turc. (Info-Türk, N°201/202, juillet-août 1993).

UN CHEIKH UL-ISLAM EN ALLEMAGNE

    Le mouvement Vision Nationale a pris récemment une série de mesures pour prendre en charge les familles d'immigrants et légitimer les activités fondamentalistes grâce à l'insouciance et parfois même au soutien de certaines organisations d'immigrants turcs.
    Malgré des activités incompatibles avec la promotion sociale et culturelle et l'intégration des immigrants, les Organisations de Vision Nationale en Europe (AMGT) furent admises à prendre place parmi les membres des fondateurs du Conseil des Communautés Turques en Europe (ATTK), fondé l'année dernière sur initiative d'un certain nombre d'organisations de gauche pour représenter les immigrants turcs auprès des Communautés Européennes.
    A coté de l'AMGT, font partie de l'ATTK les organisations turques suivantes:
    La Fédération des Associations Immigrées, GDF (Allemagne), la Fédération des Associations des Travailleurs Turcs (Suède), Türk-Danis (Belgique), le Conseil des Immigrés de Turquie (France), la Fédération islamique (Hollande), l'Union des Travailleurs Turcs (Hollande) et l'Union des Femmes turques (Hollande).
    Dans un acte spectaculaire plus récent, le Secrétaire Général des Organisations de Vision Nationale en Europe (AMGT), Ali Yüksel réussit à se faire nommer Cheikh ul-Islam (Représentant des musulmans) en Allemagne par le Conseil Islamique Allemand (Der Islamrat in Deutschland) composé de 14 organisations islamiques.
    Des 140.000 membres du conseil, 80 pour cent sont d'origine turque. Quelque 10 pour cent sont des musulmans allemands et les autres 10 pour cent sont d'origine arabe, bosniaque ou d'autres origines.
    La plus puissante des organisations membres du Conseil Islamique Allemand est l'AMGT. Parmi les autres associations turques qui composent le conseil figurent également Cemaat-i Nur (Communauté des croyants de la secte Nurcu) et l'Union Culturelle Islamique Turque d'Allemagne (ATIB).
    Le devoir du Cheikh ul-Islam est de contrôler les relations entre les musulmans et l'État. D'après certaines rumeurs, le Cheikh ul-Islam aura le pouvoir de prélever des taxes, comme les églises catholique et protestante, si l'élection est ratifiée par les autorités allemandes.
    Cette élection a fait éclater une lutte de pouvoir pour le contrôle de l'influence sur les musulmans d'Europe résultant de leur croissance, due à la présence de deux millions d'immigrants turcs.
    A la fin des années 70, le Süleymanci, un autre groupe fondamentaliste actif dans la communauté turque d'Allemagne, avait tenté de se faire enregistrer comme le représentant officiel des musulmans d'Allemagne avec le pouvoir de prélever des taxes, mais avait échoué suite à l'intervention de l'Administration des Affaires Religieuses de Turquie.
    Yüksel justifie son élection au poste de "représentant des musulmans en Allemagne" en rappelant qu'il a réussi à obtenir une concession des autorités allemandes: L'année dernière, lorsque plusieurs musulmans turcs réagirent contre le caractère obligatoire des leçons de natation, où leurs filles pouvaient se trouver avec des garçons à moitié nus, les autorités allemandes acceptèrent la proposition du Conseil Islamique Allemand. Maintenant, les leçons de natation dans beaucoup d'Etats allemands ne sont pas obligatoires pour les filles musulmanes. (Info-Türk, N°200, juin 1993)

"LA VISION NATIONALE" EN BELGIQUE

    A la veille des élections locales en Turquie, le 26 mars 1994, l'AMGT a organisé un gigantesque meeting à Anvers à l'occasion du 20e anniversaire de la reconnaissance de l'Islam en Belgique.
    A cette réunion ténue au Sporthal, le Cheikh ul-Islam Ali Yüksel a soulevé la question de l'unification de tous les Musulmans en Europe.
    A la réunion se sont adressés également le professeur P.S. van Koningsveld (Université de Leiden), les professeurs Yahya Michot et Albert Martens (Université catholique de Leuven), le professeur Verschueren (Université d'Anvers) et le Dr. Yassin D. Beyens, président du Conseil Supérieur des Musulmans en Belgique).
    L'organisation d'une telle réunion en Belgique avec la participation des personnalités belges a été considérée comme une nouvelle tentative de la Vision National en vue d'étendre son autorité spirituelle à la capitale européenne. Une des objectives principales de l'AMGT est de mettre sur pied en Europe des universités, syndicats et partis politiques sur les principes islamiques.
    Il y a quelques mois, l'AMGT avait tenu son congrès annuel à Gand avec la participation du président du RP, Necmeddin Erbakan.
    Dans un acte destiné à propager le fondamentalisme et à éduquer les jeunes filles comme prédicateurs, l'AMGT ont ouvert un internat dans la ville d'Hensies, région de Mons, en Belgique.
    Selon un rapport publié le 12 septembre 1992 par le quotidien Milli Gazette, cette école se trouve sur un site de 19.000 mètres carrés acheté par le AMGT et dispose d'une capacité pour 350 étudiants. Il y a aussi 13 logements pour les professeurs.
    Les cours se donnent à raison de 25 heures par semaine, sont exclusivement en arabe et se basent sur le Coran. Bien que le AMGT avait obtenu la permission des autorités belges pour ouvrir ce centre, il n'a pas obtenu le statut d'école agréée parce que son programme éducatif ne correspond pas aux réglementations des écoles belges, qui exigent au moins 36 heures de cours par semaine selon le programme éducatif belge avec des professeurs reconnus par le Ministère de l'Education.
    Au lieu de se soumettre à ces conditions, les jeunes filles musulmanes reçurent l'ordre de quitter les écoles belges et de suivre l'éducation religieuse uniquement en langue arabe. Elles sont donc privées de toute éducation assurant leur promotion sociale et culturelle.
    Outre cette éducation à temps plein, de nombreuses jeunes filles âgées de 10 à 18 ans se déplacent en Belgique depuis l'Allemagne, la Hollande, la Suisse ou le Danemark pendant les vacances d'été, de Noël ou de Pâques.
    Le Chef de la Section de Formation de l'AMGT, Abdullah Yüksel, déclara qu'ils prévoyaient la création de cours de religion pour garçons. (Info-Türk, N°200, juin 1993).

INVESTISSEMENTS ISLAMIQUES EN TURQUIE

    Derrière l'émergence du fondamentalisme se cache, sans nul doute, la croissance du pouvoir économique du capital islamique.
    Les activités économiques du fondamentalisme islamique en Turquie sont de moins en moins contrôlable et ce, à cause de l'attitude favorable du gouvernement Özal à leur égard.
    Les pays islamiques détiennent une part de 8% du capital étranger total investi en Turquie. Fin 1988, le nombre de compagnies fondées avec participation de capitaux islamiques atteignait 309, dont 134 à participation irakienne et 31 à participation saoudienne. Le capital total investi par les États islamiques est estimé à 64,3 milliards de LT (Cumhuriyet,  21.2.1989)
    L'un des partenaires turcs les plus importants de ces compagnies n'est autre que Korkut Özal, frère du premier ministre turc. Il est le principal actionnaire des compagnies suivantes: Akabe Insaat, Ozal-Bayraktar Oil and Chemical Products Co., Hak Investment Co. and Akoz Commercial Advisory Co. Il détient également 0,1% du capital de Al Baraka, la principale compagnie internationale d'investissement d'Arabie Saoudite. (Milliyet,  12/1/1989)
    Le capitale islamique apparaît comme le plus empressé dans le domaine de la création de fondations. Le nombre de fondations nouvellement créées en Turquie est passé de 754 en 1984 à 1.237 en 1988. Les biens des 483 nouvelles fondations sont estimés à 300 milliards de LT. Au moins 10% d'entre elles ont été créées dans un but religieux. (Cumhuriyet,  le 6 février 1988)
    Le contrôle croissant que les fondations islamiques exercent sur l'enseignement constitue une menace sérieuse pour le caractère laïc de l'éducation en Turquie, qui est l'un des piliers de l'Etat républicain. Ces dernières années, les cours coraniques se sont multipliés à travers la Turquie, ils sont maintenant au nombre de 4.691, 633.000 enfants étudient le Coran en arabe par cœur, sans en comprendre la signification (Cumhuriyet,  21.1.1989). Ces cours, pour la plupart créés et administrés par des fondations islamiques, forment les enfants suivant les principes de la Shari'a (loi islamique).
    Quant aux écoles supérieures religieuses officielles (Imam Hatip Okullari), leur nombre est  monté à  384 en 1988. Ainsi, le nombre d'étudiants qu'elles ont formé est passé de 178.000 en 1983 à 290.000 en 1988 (Cumhuriyet,  9.1.1989). La majorité d'entre eux sont logés dans les dortoirs des fondations islamiques.
    Récemment, un groupe d'Islamistes, dirigé par l'ancien directeur de la télévision, Saban Karatas, a pris l'initiative de fonder une université privée, Bezm-i Alem, pour étudier en profondeur les bases des principes islamiques. (Hürriyet  30/1/1989)
    La montée du fondamentalisme en Turquie s'illustre également par:
    Le nombre de personnes employées par la Direction des Affaires religieuses est passé de 53.582 en 1984 à 84.717 en 1988. Tous les ans, en Turquie, on construit au moins 1.500 mosquées. Dans cinq universités d'Ankara, on en a inauguré cinq grandes et sept petites. La circulation quotidienne d'un journal quotidien islamique, Türkiye, est montée à 132.000 numéros et celle d'un magazine islamique pour enfants à 100.000 exemplaires.    
    Le nombre de pèlerins turcs qui se rendent à la Mecque est passé de 30.450 en 1984 à 285.724 en 1988. (Cumhuriyet,  23.1.1989)
    Un holding islamiste, Ihlas, représente un chiffre d'affaires de 200 millions de dollars par an qui réinvestit ses profits dans des opérations et qui est structuré comme une fondation caritative musulmane. Ihlas possède le journal islamique le plus vendu, Türkiye. Celui-ci possède une salle de prière dans ses locaux à Istanbul, et dirige une chaîne de télévision fondamentaliste. Ihlas a également des intérêts dans le secteur de la construction et les hôpitaux, publie et distribue gratuitement des livres islamiques hors de Turquie. (Info-Türk, N°208, février 1994)

RAPPORT SUR L'EDUCATION INTEGRISTE

        La recrudescence de l'intégrisme islamique a soulevé une polémique dans tout le pays. Récemment, les hommes d'affaires turcs sont également entrés dans le débat en accusant le gouvernement d'encourager l'infiltration des intégristes dans le système éducatif turc.
        Le 19 septembre 1990, l'Association des Industriels et des Hommes d'Affaires turcs (TUSIAD) fit paraître un rapport dans lequel elle critiquait la qualité de l'enseignement en Turquie et qualifiait "d'inadéquat" le financement de l'Etat à l'enseignement. "La Turquie arrive derrière les pays africains pour ce qui est des dépenses destinées à l'éducation. En effet, celle-ci ne reçoit que 2,7% du revenu national brut", affirme le rapport.
        Il dénonce aussi la prolifération des écoles religieuses administrées par l'Etat et des cours privés de Coran, et demande que tous deux soient strictement contrôlés.
        Le rapport a mis en évidence trois niveaux d'enseignement en Turquie:
        "Les étudiants turcs fréquentent soit des écoles religieuses administrées par l'Etat (destinées dans un premier temps à former le clergé musulman), soit des écoles d'Etat de faible niveau ou des écoles avec un programme scolaire en langue étrangère.
        Du système unifié et standardisé qui existait avant 1980, l'enseignement turc fit un pas en arrière vers le système à "trois niveaux", similaire à celui qui était en vigueur lors des premières années de la République. L'intégrisme commence là où échoue l'enseignement standard".
        La principale critique adressée par la TUSIAD au système éducatif concernait le privilège des lycées privés. "Les écoles religieuses Imam-Hatip, créées au départ pour former le clergé, ont été intégrées dans le système en tant qu'institutions universelles rivalisant avec les autres lycées normaux administrés par l'Etat."
        Le rapport, qui accuse les écoles Imam-Hatip d'être "anti-laïques", indique qu'en 20 ans, le nombre de ces écoles a augmenté de 1.250%.
        "Seulement 39.000 diplômés Imam-Hatip ont été employés comme ecclésiastiques depuis l'ouverture des écoles en 1951. Cependant, le nombre des étudiants s'élève à 433.200. Les chiffres s'appuient sur des informations provenant du Département des Affaires Religieuses.
        "Les écoles ont formé dix fois plus d'étudiants qu'il n'y a de postes à pourvoir dans le clergé. En 1983, l'amendement apporté à la loi qui régit le statut des écoles Imam-Hatip a autorisé leurs diplômes à accéder directement aux universités, opération qui auparavant était interdite par la loi.
        "Ces étudiants en théologie sont donc dirigés vers un certain nombre de carrières. Des 9.931 étudiants issus des écoles supérieures Imam-Hatip en 1988, seulement 981 ont accédé aux sections de théologie des universités.
        "Les écoles de l'Etat et les écoles religieuses produisent deux sortes de personnes opposées entre elles du point de vue culturel, social et religieux. Cette évolution va à l'encontre de la Loi Tevhid-i Tedrisat (Loi de l'Unité Éducative)."
        Le rapport adressait également des critiques aux cours obligatoires de religion dans les écoles primaires et secondaires, ainsi qu'à l'accroissement du nombre de cours de Coran privés:
        "Les inscriptions dans les écoles Imam-Hatip devraient être limitées et les cours de Coran contrôlés par le Ministère de l'Education. La plupart des sectes religieuses, jadis interdites, ont été rétablies. Partout en Turquie, les étudiants des cours de Coran font pression sur les enfants turcs pour qu'ils se joignent à eux." (Info-Türk, N°169, novembre 1990).