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A non-government information service on Turkey
Un service d'information non-gouvernemental sur la Turquie


211

18e année - N°211
Mai  1994
38 rue des Eburons - 1000 Bruxelles
Tél: (32-2) 215 35 76 - Fax: (32-2) 215 58 60
 Rédacteur en chef: Dogan Özgüden - Editrice responsable: Inci Tugsavul
 

DEPART MASSIF DES KURDES DE TURQUIE
   
    Des milliers de Kurdes et leurs enfants terrorisés ont fui la Turquie et sont réfugiés dans le nord de l'Irak pour échapper à la lutte entre l'armée turque et les forces kurdes, a révélé un représentant des NU le 10 mai 1994. "Récemment nous avons identifié 3.600 nouveaux arrivés kurdes mais les autorités irakiennes kurdes affirment qu'ils sont plus de 6.000", a déclaré à Reuters Abdullah Saied, du Haut Commissariat aux Réfugiés des NU.
    "Les réfugiés, surtout des femmes et des enfants, ont été laissés à leur sort près de la ville kurde du nord de l'Irak, Zakho, avec leur bétail et leurs moutons. Ils sont terrifiés. Certains d'entre eux refusent de s'identifier comme Kurdes turcs car ils craignent des représailles aussi bien des Kurdes irakiens que des troupes turques. Leurs enfants s'enfuient en courant dès qu'ils aperçoivent un avion, quel qu'il soit, dans le ciel. Je crains que les combats dans le sud-est de la Turquie ne forcent davantage de Kurdes à rejoindre le nord de l'Irak", a-t-il déclaré.
    Des sources kurdes de Turquie affirment que l'exode vers le nord de l'Irak est bien supérieur aux chiffres communiqués et pourrait affecter jusqu'à 30.000 personnes.
    Le gouvernement turc a immédiatement répliqué que la migration massive de villageois vers le nord de l'Irak n'est qu'un stratagème du PKK pour tenter de mettre la Turquie dans l'embarras vis-à-vis de l'Occident.
    Cependant, le député de Sirnak du DEP, Selim Sakik, a déclaré au Parlement qu'il avait parlé personnellement à des personnes qui partaient pour le nord de l'Irak et en avait conclu qu'ils étaient forcés de quitter leurs villages sous la menace de forces de sécurité spéciales opérant dans la région et de gardiens de villages armés par le gouvernement.
    Un de ceux qui ont décidé d'émigrer vers le nord de l'Irak, le candidat du DEP à la mairie d'Uludere aux élections locales de mars, Abdullah Yilmaz, soutient que la population a décidé de fuir la région en raison des pressions du préfet local, nommé par le gouvernement, et du chef régional de la sécurité. "L'Etat fait pression sur nous par tous les moyens possibles. Le PKK ne fait pas pression sur nous. Nous sommes venus ici pour échapper à tout ça mais l'artillerie continue à nous pilonner et des avions survolent nos têtes. Si les organisations internationales ne prennent pas l'affaire en main, de nombreuses personnes vont mourir," conclut Yilmaz.

    Les menaces de massacre du général Güres

    Le Chef d'État-major, le Général Dogan Güres, a déclaré le 16 mai dernier que l'État n'avait pas encore utilisé de nombreuses options dans le combat mené contre le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK). Le président en fonctions du DEP, Remzi Kartal, a réagi à ces déclarations. Selon lui, les déclarations du Général Güres sont des "menaces adressées aux civils" et il  a demandé a ce dernier de "clarifier" sa position.
    "Le public a du Général Güres, qui occupe actuellement le poste de Chef d'État-major grâce à un douteux décret gouvernemental, l'image de quelqu'un qui presse le gouvernement et le Président pour se maintenir à son poste. Il a déclaré à maintes reprises qu'il était contre une solution politique du problème kurde. Maintenant il fait allusion à des options que l'Etat n'a pas encore utilisées et fait donc peser sur la population la menace d'un massacre. Il est clair que le Général Güres parle des armes de destruction massive, utilisées déjà de temps en temps, et qui seraient utilisées de manière plus intense", souligne Kartal.

ENREGISTREMENT D'UNE CONVERSATION DE CILLER

    Le 3 mai, le quotidien Günaydin publiait la transcription de ce qu'il affirme être une conversation téléphonique triangulaire entre le Premier Ministre Ciller et les Ministres d'État Necmettin Cevheri et Bekir Sami Dace. Dans cette conversation, Ciller demande à ses collègues de préparer un prétexte pour prolonger le mandat du général Güres.
    L'année dernière, le gouvernement avait prolongé d'un an le mandat du Général par une astuce légale bien que selon la loi il aurait dû se retirer de son poste. A l'époque, le gouvernement avait utilisé la loi d'autorisation pour préparer le terrain juridique en vue de retarder la retraite du Général Güres. Ultérieurement, la loi fut annulée par la Cour Suprême, la considérant inconstitutionnelle. Des experts juridiques en ont donc conclu que la prolongation du mandat du Général Güres était donc nul. Cependant, Güres a préféré rester à son poste.

BRUTALITE POLICIERE LE JOUR DU PREMIER MAI

    Alors que le premier mai était célébré dans la joie dans le monde entier, la manifestation organisée par les syndicats et les organisations démocratiques s'est terminée une fois de plus par un bain de sang. Dans nombreuses villes, la police s'est opposée aux manifestations et a arrêté plusieurs personnes. A Ankara, de nombreux manifestants ont été brutalement battus.
    Parmi les manifestants victimes de la terreur policière se trouvaient Salman Kaya, un député du SHP, partenaire de la coalition.
    Après les événements, le vice-Premier Ministre et président du SHP Murat Karayalcin a déclaré: "Notre député d'Ankara, Salman Kaya, a été sévèrement battu. Le Ministre de l'Intérieur m'avait tout d'abord dit qu'il avait reçu des coups de pierre par erreur mais le rapport de l'hôpital stipule que les blessures ne sont pas dues à des pierres mais à des coups. Je ne considère pas cela comme une simple agression contre un député. C'est bien plus important et la question doit être examinée du point de vue de chaque citoyen."
    Karayalcin a également souligné que dans le passé la police avait battu des fonctionnaires publics et des étudiants à plusieurs reprises alors qu'elle était restée indifférente et n'était pas intervenue lorsque des manifestants islamistes avaient attaqué la mission des NU et l'ambassade des EU en avril dernier. Il a accusé la police d'appliquer des critères différents à Ankara.
    Suite à ces critiques, le chef de police d'Ankara, Orhan Tasanlar, fut suspendu pendant quelques jours, mais a repris son poste quelques jours plus tard par ordre du Ministre de l'Intérieur, Nahit Mentese.

ASPHYXIE DE LA PRESSE EN TURQUIE

    Fin mars 1994, Reporters sans frontières a envoyé une deuxième délégation internationale, composée de journalistes suisses, français et espagnols, pour étudier l'évolution de la presse turque depuis le début de 1993, lorsqu'une première mission en Turquie avait fait apparaître de graves failles dans la liberté de presse.
    Voici un résumé des 48 pages du rapport intitulé Asphyxie:
    1. Entre trois et neuf journalistes ont été tués en Turquie en 1993, dans l'exercice de leur profession ou à cause de celle-ci. Ce haut degré d'incertitude est dû en partie à une définition inadéquate du statut des journalistes. Il est également dû au peu de détails fournis quant aux circonstances dans lesquelles les assassinats se sont produits. Notre délégation s'est trouvée dans l'impossibilité d'en obtenir davantage. Une fois de plus il est à déplorer que les enquêtes de police se soient avérées inefficaces ou inexistantes. Des membres des forces de sécurité sont probablement responsables directement ou indirectement d'une partie de ces crimes.
    2. Notre délégation a noté et déploré que toutes les autres formes d'intimidation utilisées contre la presse se soient intensifiées en 1993. Au début ces intimidations ne visaient que la presse militante. Mais actuellement elles s'étendent de plus en plus à toute la presse, dès qu'elle ose traiter certains thèmes politiques. Ces intolérables pressions proviennent des autorités aussi bien que de certains groupes armés, surtout le PKK. En raison de ces pressions croissantes nous avons choisi d'appeler ce rapport "Asphyxie" (le rapport de notre mission de janvier 1993 s'intitulait "Intimidation").
    3. Les pressions extra-légales (menaces, arrestations arbitraires, kidnappings, violences physiques, interférences dans les distributions) se poursuivent, spécialement dans les régions du sud-est du pays, où la conséquence la plus évidente est la diminution de l'information sur un conflit qui ne cesse de s'aggraver. Mais ces pressions s'étendent géographiquement au reste du pays.
    4. Les pressions légales - saisie de publications, condamnations en vertu de lois qui limitent gravement la liberté d'expression - se sont intensifiées et dépassent le problème kurde. Environ 80% des procès qui se déroulent devant les Cours de la Sûreté de l'État, créées pour combattre le terrorisme, ont pour cible les publications, preuve évidente que la loi anti-terrorisme est destinée à museler la presse et non à combattre le terrorisme. Les sanctions deviennent de plus en plus sévères et mettent en péril la survie des publications militantes.
    5. Les réformes législatives promises en 1991 en faveur de la liberté de la presse n'ont abouti à rien. D'un autre côté, on est en train de préparer une réforme de la lutte anti-terroriste. Elle aggravera considérablement les lacunes de la liberté d'expression.
    6. Finalement, notre délégation déplore la tendance au sensationnalisme de certains journaux importants qui pourrait provoquer l'adoption de nouvelles restrictions contre la liberté de la presse. Il est à espérer que tous les membres de la profession respecteront le même code d'éthique professionnelle.

LA PRESSE TURQUE PERD DES LECTEURS

    La presse turque, bien qu'elle se vante d'une supériorité technologique mondiale, perd continuellement des lecteurs en raison de son manque de qualités journalistiques et administratives.
    Dans un pays où la population a atteint les 60 millions d'habitants, le tirage quotidien plafonne à 2,7 millions depuis des années.
    Au début, les dirigeants des médias prétendaient que l'analphabétisme était un des facteurs déterminant le faible tirage des journaux. Mais même quand le niveau d'éducation s'est amélioré, le tirage est resté constant malgré l'augmentation de la population.
    Les journaux ont donc essayé d'augmenter leurs ventes au travers de coûteuses campagnes de promotion. Dans le passé ils ont offert des appartements, des voitures, des télévisions et des appareils électriques. Les guerres des promotions se poursuivent, atteignant des sommets l'année dernière lorsque Sabah a décidé d'offrir des volumes complets d'encyclopédies à tous ses lecteurs. Milliyet et Hürriyet ont dû faire de même. Chacun d'eux a donc vu ses ventes grimper jusqu'au million. Ceci a donné la fausse impression que le tirage total en Turquie était passé de 2,5 à 3,5 millions d'exemplaires. Mais dès la fin de la promotion, les ventes ont commencé à baisser et des milliers de journalistes ont été licenciés.
    Une des principales raisons pour lesquelles les trois principaux quotidiens ont essuyé de si nombreux revers au cours des derniers mois est que le public remarque de plus en plus leur penchant trop marqué pour l'impopulaire gouvernement du Premier Ministre Tansu Ciller et ont diffusé toutes sortes d'informations erronées.
    Tandis que les trois grands perdent des lecteurs, trois quotidiens conservateurs, Türkiye, Zaman et Milli Gazette, qui ensemble ont un tirage de plus d'un demi-million d'exemplaires, ont rejoint la grande ligue grâce à la récente montée du mouvement islamiste en Turquie.
    Les journaux de gauche ou pro-kurdes, dans l'impossibilité de joindre leurs lecteurs en raison des pressions légales et extra-légales, sont déjà condamnés à de petits tirages. Aydinlik, de tendance de gauche, et le pro-kurde Özgür Gündem ont dû interrompre leurs publications à cause des peines de prison, des amendes, des exécutions extra-judiciaires, des menaces de mort, etc.
    Le tirage des différents journaux à la fin de mai 1994 était comme suit:

Sabah                             482.000
Hürriyet                             438.000
Türkiye (Islamiste)                 341.000
Milliyet                             283.000
Zaman (Islamiste)                     259.000
Fotomaç                             170.000
Gün                                  87.000
Meydan                              76.000
Bugün                              71.000
Cumhurriyet (Kémaliste)                  56.000
Yeni Asir                             52.000
Fotospor                              34.000
Milli Gazette (Islamiste)              23.000
Süper Tan                          23.000
Yeni Günaydin                          13.000
Özgür Ülke (successeur d'Özgür Gündem)      12.500
Tercüman                               4.000

CRITIQUES CONTRE LA LOI SUR LA RADIO-TV

    Malgré la vague de critiques qui s'est abattue sur le contenu de la loi sur la radio et la télévision, approuvée le 20 avril à l'Assemblée National, celle-ci reste pleinement d'application.
    Selon cette loi, un Conseil Suprême de Diffusion est autorisé à superviser les chaînes de radio et de télévision et, si nécessaire, à fermer des chaînes privées. Ce conseil suprême comprendra neuf membres, dont cinq seront proposés par le gouvernement et les quatre restants par l'opposition.
    Selon l'Association des Juristes Contemporains (CHD) cette loi ne va pas dans le sens de la liberté. "Bien que le Conseil Suprême de Diffusion devrait être impartial, la loi en fait une extension du gouvernement. Les universités, la presse, les associations et les syndicats ne sont représentés au CSD."
    Le président du Barreau d'Istanbul, Turgut Kazan, a affirmé que la structure du CSD pourrait avoir des "conséquences sérieuses" et à lancé un appel aux partis pour qu'ils ne tombent pas dans le piège du partenariat."
    Le Comité de Protection des Journalistes, aux Etats-Unis, a envoyé une lettre le 12 mai aux membres du Parlement turc, attirant leur attention sur les défauts de la nouvelle loi.
    Le comité met particulièrement en cause l'Article 9, qui énumère 20 principes de diffusion; l'Article 24, qui prive les partis politiques, les associations, les syndicats et les journaux du droit de créer leur propre chaîne de radio et de télévision; et l'Article 25, qui donne au Premier Ministre le droit d'interrompre toute diffusion sans le mandat d'une cour.

TENSION ENTRE LA TURQUIE ET L'ALLEMAGNE A PROPOS DES KURDES

    Après avoir reçu des plaintes selon lesquelles l'aide militaire allemande était utilisée contre les villages kurdes, le gouvernement allemand a annoncé en avril que l'aide militaire à la Turquie serait suspendue jusqu'à ce que ces plaintes soient analysées. Cependant, le 4 mai, le Ministre des Affaires Étrangères Klaus Kinkel a annoncé que la suspension de l'aide était levée. "L'enquête menée par des experts du Ministère de la Défense a conclu qu'on ne disposait pas de preuves d'un déploiement violant le traité d'assistance", a-t-il déclaré.
    Mais la décision de reprendre les envois de matériel militaire a été sévèrement critiquée par l'opposition allemande. "Le Ministre des Affaires Étrangères Kinkel s'est moqué de la souffrance de la population kurde", a dit le Social-démocrate Karsten Voigt.
    En Turquie, alors que le Ministre des Affaires Étrangères Hikmet Cetin a applaudi la décision allemande, le Ministre de la Défense Mehmet Gölhan déclarait le 6 mai dernier au cours d'une visite à Paris: "Nous pouvons obtenir des armes n'importe où, d'innombrables pays ne demandent qu'à en vendre. Juste après la décision de suspendre les envois, je suis allé en Russie et j'ai conclu un accord pour 200 millions de dollars. Les Allemands ont eu vent de ma visite en France. Voyant que nous pouvions nous procurer des armes n'importe où, ils ont décidé de revenir sur leur décision, ce qui n'aurait peut-être pas été possible après les élections."

ÖZGÜR GÜNDEM ET AZADI INTERDITS

    Deux journaux pro-kurdes, Özgür Gündem et Azadi, ont été fermés respectivement le 20 avril et le 13 mai 1994, après que la Cour de Cassation ait ratifié une décision de la Cour de la Sûreté de l'État les concernant.
    Özgür Gündem est un journal national en langue turque appartenant à des Kurdes et d'un tirage de 30.000 exemplaires. Fondé en 1992, le journal a ses bureaux à Istanbul où il emploie 120 personnes. Il possède également des bureaux régionaux partout en Turquie et à l'étranger où il emploie 100 autres personnes.
    Özgür Gündem a une orientation politique à prédominance de gauche. Il adopte également une position culturelle et politique proche des Kurdes. En raison de ce cocktail radical, il est soumis à un contrôle minutieux par le gouvernement turc et ses forces de sécurité et a été victime de harcèlements, confiscations, descentes et actions en justice depuis sa première parution le 31 mai 1992.
    L'effet combiné de ces mesures a conduit à la fermeture du journal le 15 janvier 1993 entraînant une perte de plus de 300 millions de TL. Les problèmes financiers sont survenus lorsque sa compagnie de distribution, Ergani, fut forcée de rompre avec le journal. La tentative d'organiser la distribution au travers de volontaires a échoué en raison des intimidations dont ils faisaient l'objet.
    Özgür Gündem a repris ses publications le 26 avril 1993, lorsqu'il fusionna avec un autre journal radical, Yeni Ülke. Cependant, les pressions contre ce quotidien ont repris et se sont même intensifiées de manière dramatique.
    Depuis mai 1992, 39 des 228 éditions d'Özgür Gündem ont été confisquées par la CSE en vertu de la Loi Anti-Terreur et du Code Pénal Turc. En conséquence, son propriétaire, Yasar Kaya, et son rédacteur ont écopé de deux amendes respectives de 16.029 et 8.034 dollars.
    L'hebdomadaire kurde-turc Azadi, édité à Istanbul, fut interdit pour deux semaines le 13 mai 1994, après que la Cour de Cassation ait confirmé le verdict de la CSE d'Istanbul interdisant la publication de ce journal sous prétexte qu'il avait violé la Loi Anti-Terreur. Trois autres verdicts interdisant le journal pendant une période limitée de six semaines, sont toujours en suspens devant la Cour de Cassation.
    Azadi est publié depuis le 17 mai 1992. Des 104 éditions qui ont été publiées jusqu'à présent, 66 ont été confisquées par ordre des cours. La distribution des éditions qui n'ont pas été confisquées a souffert d'importantes interférences par les forces de police et les soldats, surtout au Kurdistan. De nombreuses actions en justice sont en cours dans les différents tribunaux.
    Dans 66 actions en justice, le procureur de la CSE d'Istanbul demande un total de 38,5 ans de prison avec des travaux forcés et des amendes pour un montant de 13.666 billions de TL pour les éditeurs responsables du journal. Dans les procès déjà terminés les éditeurs et rédacteurs responsables ont écopé d'un total de 11 ans de prison et d'amendes pour un total de 2.716 milliards de TL.

REDUCTION DE L'AIDE AMERICAINE A LA TURQUIE
   
    Au cours d'une visite privée du Premier Ministre Ciller aux Etats-Unis à la fin du mois de mai 1994, la Chambre des Représentants des EU a décidé de supprimer 25% du montant de prêts directs à la Turquie jusqu'à ce que le Secrétaire d'Etat soumette au Comité d'Approbation un rapport dénonçant des abus contre des civils par les forces armées turques et la situation de Chypre.
    La décision s'appuie sur un rapport de David R. Obey, président de la Sous-commission pour les Opérations Étrangères, le Financement à l'Exportation et les Programmes Dérivés. Le rapport critique sévèrement la situation des droits de l'homme, citant des "exécutions extra-judiciaires et des `disparitions', des bombardements de villages dans le Sud-est, des emprisonnements et des tortures."
    Le rapport cite les rapports du Département d'Etat de 1993 sur les droits de l'homme, et les déclarations du Comité Européen pour la Prévention de la Torture et du Comité Contre la Torture des NU pour attirer l'attention sur "l'escalade de violence et de violations des droits de l'homme" en Turquie.
    "Le Comité est effrayé d'apprendre qu'il y a actuellement des dizaines de prisonniers de conscience en Turquie, dont le Secrétaire général de l'Association des Droits de l'Homme. Ces personnes ont été arrêtées pour avoir exprimé leurs opinions de façon non violente", affirme le rapport.
    La même préoccupation est apparue récemment dans une Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe (CSCE)-conférence du Groupe Juridique International des Droits de l'Homme célébré devant le Congrès.
    "Finalement", conclut Obey, "le comité condamne l'arrestation et la levée d'immunité de six membres kurdes du Parlement pour avoir exprimé leurs opinions. Deux de ces membres, Leyla Zana et Ahmet Türk, sont également accusés d'avoir exprimé leurs opinions devant le Congrès des États-Unis lors d'une audience de la CSCE (en 1993)."
    Obey a demandé à l'administration américaine de "travailler avec le gouvernement turc pour établir une commission indépendante avec pleins pouvoirs d'enquête et de mise en accusation pendant les six mois à venir pour contrôler l'abolition de la pratique de la torture en Turquie."
    Le 30 mai, lorsqu'elle est rentrée en Turquie, la Premier Ministre Ciller a annoncé que la restriction de l'aide militaire américaine était inacceptable pour la Turquie. Elle a affirmé qu'elle avait maintenu une conversation téléphonique avec le président Clinton et lui avait dit que la Turquie pourrait souffrir un déclin.

LE GENERAL GÜRES CONTRE LA RUSSIE

    Le 31 mai, dans une déclaration qui fit la une de plusieurs journaux, le Chef d'État-major, Général Dogan Güres, affirmait que la Russie était devenue une sérieuse menace pour la Turquie.
    Güres, qui précise que chaque jour 40 avions de matériel militaire sont envoyés en Arménie, ajoute: "Nous vivons des jours tendus. Les troupes russes sont positionnées le long de notre frontière avec l'Arménie. La Russie mène une politique expansionniste, et se sent habitée par les mêmes sentiments qu'aux temps des tzars."
    "Il y a un an j'avais remarqué que la Russie suivait une politique expansionniste, et je l'avais précisé dans une réunion de l'OTAN. Ce pays réclame son mot à dire sur les 30 millions de Russes qui vivent en dehors des frontières de la Fédération russe. Elle `joue' avec la Géorgie, la Crimée, l'Ukraine et l'Azerbaïdjan."
    Les déclarations du Général Güres sont interprétées comme une tentative d'accroître le soutien de l'opinion publique aux politiques militaristes adoptées par le gouvernement.

LA MISSION BELGE AU KURDISTAN TURC

    Du 20 au 28 mars une délégation Belgo-Hollandaise est allée en missions en Turquie de l'Est pour y contrôler le respect des Droits de l'Homme, ceci à l'occasion des élections du 27 mars et du Newroz (le nouvel an kurde). Germain Dufour et Michiel Maertens (sénateurs belges), Dr. Hand Feddema (anthropologue et représentant du parti Vert-gauche des Pays-Bas), Peter Paul Mok (avocat hollandais), Pim Ligtvoet (prêtre hollandais), quatre journalistes belges et hollandais faisaient partie de cette mission.
    Leurs conclusions étaient:
    1. Les Kurdes ne pouvaient pas fêter le Newroz librement.
    2. Dans la région Sud-Est de la Turquie les élections se sont déroulées dans une atmosphère répressive.
    3. Au Kurdistan, au sud-est de la Turquie, la population était forcée à plusieurs reprises de fuir les militaires qui mettaient le feu à leur maison.
    4. La participation aux élections dans le Sud-Est de la Turquie était très basse, dans beaucoup de villages en dessous de 50%. Ceci est dû au fait que beaucoup de réfugiés n'ont pas pu s'inscrire et aux Kurdes même qui ont organisé un boycotte.
    5. Au Kurdistan, dans les villages le pourcentage de votes non-valables est très élevé.
    6. Notre délégation a été gravement limitée dans sa liberté de voyager.
    7. Très choquant étaient:
        - l'arrestation de deux membres de notre délégation
        - l'arrestation de nos guides kurdes
        - la torture de Kurdes non-coopérants avec la répression
        - le bombardement du 25 mars de quatre villages kurdes près de Sirnak, 41 morts et de nombreux blessés. le super gouverneur M. Erkan intitulait ce fait par "une erreur des militaires."
    8. Ni les droits de l'Homme des Kurdes, ni les droits collectifs du peuple Kurde comme minorité nationale en Turquie son respectés. S'il est permis de parle kurde, cette langue ne peut être utilisée en radio, télévision, journaux, livres, cassettes, ni dans les emplois officiels.
    La délégation fait appel au gouvernement turc pour:
    1. rétablir les droits des parlementaires DEP, leur droit de parler en toute liberté, et de mettre fin à la procédure qui veut faire interdire le parti DEP.
    2. rétablir la liberté de presse et relâcher les journalistes de l'Özgür Gündem.
    3. négocier un cesser le feu et ouvrir le dialogue avec tous les représentants des Kurdes par une table ronde (le PKK est une des familles politiques kurdes).
    4. organiser rapidement de nouvelles élections locales et régionales dans le Sud-Est de la Turquie.
    5. remplacer l'occupation militaire par une solution politique au problème kurde. par exemple une forme de fédéralisme, avec autonomie culturelle et régionale.
    La Délégation fait appel à l'Union européenne, à ses états membres pour exercer une pression forte sur la Turquie, afin de faire respecter l'entièreté des droits de l'Homme sur son territoire et de ne pas réaliser d'une douanière avec cet état tant que la réalisation des droits politiques et culturels de la minorité kurde ne soit aboutie.

SOLIDARITÉ AVEC LES AVOCATS KURDES

    Solidaire ces avocats kurdes sous la pression, l'Ordre français des Avocats du Barreau de Bruxelles a signé avec le Barreau de Diyarbakir une convention de jumelage le 21 mai 1994 à Diyarbakir.
    Le Barreau de Diyarbakir compte quelque 250 membres. Les poursuites dirigées en fin 1993 contre 16 avocats devant la Cour de Sûreté de l'Etat ont été étendues à cinq autres avocats. En outre, certains avocats sont accusés, ni plus ni moins, d'avoir, par des contacts qu'ils avaient pris avec des associations telles Amnesty International, ternis l'image de la Turquie à l'étranger.
    Une dizaine d'avocat ont dû fuir Diyarbakir, leur sécurité n'étant plus assurée. Plus grave encore, est le sort réservé à trois avocats du Barreau de Diyarbakir qui ont été tués depuis le début de l'année 1994: Kazim Ekinci, Davut Ufuk Demirel et Yusuf Ziya Ekinci.
    Des procès devant la Cour de Sûreté de l'État de Diyarbakir se déroulent inlassablement. Des dizaines, voire des centaines d'années de prison son assenées chaque semaine. La CSE ne connaît d'ailleurs pas de vacances judiciaires.Tout avocat ayant visité ses clients à la prison court le risque d'être accusé de complicité.
    Solidaires de leurs confrères kurdes, l'Ordre français des Avocats du Barreau de Bruxelles et l'asbl Avocats sans Frontières ont envoyé à la Turquie des délégations à cinq reprises.
    La cinquième mission, composée de Me Pierre Legros, Bâtonnier de l'Ordre français des Avocats du Barreau de Bruxelles et Me Georges-Henri Beauthier, s'est rendue à Diyarbakir les 21 et 22 mai 1994, venant d'Istanbul, où ils ont pu rencontrer des avocats et Monsieur Mehdi Zana, ancien maire d'Istanbul, qui venait d'être arrêté le 13 mai 1994.
    Selon la convention de jumelage signée entre le Bâtonnier du Barreau de Diyarbakir, Fethi Gümüs, et le Bâtonnier de l'Ordre français des Avocats du Barreau de Bruxelles, Pierre Legros, les deux parties s'engagent à:
    1. Favoriser et intensifier la collaboration entre leurs membres;
    2. Se tenir informées de leurs activités et favoriser, dans la mesure du possible, la participation de leurs membres à celle-ci;
    3. Echanger, de façon non limitative, des informations sur tous les sujets d'intérêts communs aux deux parties;
    4. Favoriser, dans le respect des règles légales, l'installation de cabinets et l'inscription dans un Barreau des membres de l'autre Barreau, par la conclusion d'une convention spécifique à cet égard;
    5. Apporter un mutuel soutien pour que soit respectée la Convention européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, ainsi que ses Protocoles.
    Les deux parties ont également décidé de tenir une réunion à Bruxelles dans la seconde quinzaine du mois de septembre 1994, de faire collaboration lors de procédures devant la Cour européenne des droits de l'Homme, d'organiser un séminaire à Diyarbakir et d'instituer un échange de jeunes avocats pour formation.
    Le Barreau de Diyarbakir  est devenu membre de l'asbl Avocats sans Frontières.  En échange, Mes Pierre Legros et Georges-Henri Beauthier ont été inscrits au tableau du Barreau de Diyarbakir. Ils ont déclaré à cette occasion que dorénavant pour eux, s'attaquer à un avocat du Barreau de Diyarbakir, reviendrait à s'attaquer à un avocat du Barreau de Bruxelles.

LA RESOLUTION DU CONSEIL DE L'EUROPE SUR LA TURQUIE

    L'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a, lors de sa réunion du 13 avril 1994, la résolution suivante relative à l'arrestation et à la détention de six membres de la Grande Assemblée turque.
    1. L'arrestation, les 2 et 3 mars 1994, de huit membres de la Grande Assemblée nationale turque (deux d'entre eux ont été relâchés le 4 mars), a immédiatement soulevé une profonde inquiétude à divers niveaux politiques en Europe, d'autant plus que, compte tenu des griefs retenus contre eux et conformément à l'article 125 du code pénal turc, les parlementaires détenus sont passibles de la peine de mort.
    2. Le Président de l'Assemblée a exprimé sa très vive inquiétude dans des lettres qu'il a adressées au Président du Comité des Ministres, aux présidents des délégations parlementaires nationales auprès du Conseil de l'Europe et aux dirigeants des groupes politiques de l'Assemblée. Sa proposition d'organiser un débat d'urgence au cours de la partie de session d'avril 1994 a été retenue par la commission des questions juridiques et des droits de l'homme à sa réunion du 21 mars 1994.
    3. L'Assemblée, tient, une fois de plus, à condamner tout acte terroriste et tout recours à la violence, quels que soient les auteurs, et espère ardemment que le terrible et sanglant conflit, qui fait rage en Turquie du Sud-Est, trouvera très bientôt une issue pacifique.
    4. L'Assemblée est pleinement consciente de la nécessité de préserver l'unité politique et l'intégrité territoriale de la République de Turquie et reconnaît le fait que la solution pacifique, démocratique et non séparatiste de ce problème n'incombe qu'aux citoyens de cette république.
    5. Toutefois, en faisant leurs déclarations, les six parlementaires détenus — tous d'origine kurde et membres du Parti démocratique (DEP) — n'ont pas outrepassé leur droit à la liberté d'expression qui est garanti par l'article 10 de la Convention européenne des Droits de l'Homme ainsi que par la Constitution turque.
    6. L'Assemblée  ne peut donc tolérer la levée de l'immunité parlementaire, les poursuites, l'arrestation et la détention de six membres de la Grande Assemblée nationale turque pour des motifs fondés uniquement sur des déclarations publiques ou des écrits de ces membres qui revendiquent la reconnaissance d'une identité kurde et prônent certaines formes d'autonomie (culturelle) dont la région où la population est en majorité d'origine kurde.
    7. En conclusion, l'Assemblée:
    i. demande à sa délégation parlementaire turque et aux autorités turques, de bien prendre conscience que l'arrestation, la détention et la mise en accusation de membres de la Grande Assemblée nationale pour leurs opinions politiques — jugées criminelles par ces autorités — constituent une menace pour l'essence même de la démocratie parlementaire, et que de telles poursuites — si elles s'avèrent nécessaires — doivent être engagées dans le plus grand respect des droits parlementaires et des libertés civiles;
    ii. demande aux autorités turques de retirer les accusations qui ont été portées devant la Cour de sûreté de l'Etat contre les six membres du parlement et qui sont fondées sur des déclarations politiques présumées constituer une trahison car on ne peut raisonnablement considérer comme une trahison le fait de prôner des réformes constitutionnelles par la voie parlementaires;
    iii. invite les autorités turques à retirer la demande qu'elles ont adressée à la Cour constitutionnelle en vue d'une dissolution du DEP au motif que ses buts (à savoir le séparatisme), constituent une trahison, demande qui ne s'appuie que sur un seul document et deux déclarations qui prônent des changements dans la constitution turque et semblent donc entrer dans le cadre de la liberté d'expression, pour un parti parlementaire en tout cas;
    iv. demande aux autorités turques de recourir à la possibilité de préparer le réquisitoire contre les six députés du DEP — si les autorités maintiennent ces poursuites — sans les maintenir en détention, ce qui les empêche de remplir leurs fonctions de représentants du peuple;
    v. invite autorités turques à prendre des mesures en vue d'une solution politique pacifique à la "question kurde" sur le territoire national, dont l'abrogation de toutes les lois qui font du discours politique normal et de la liberté d'expression sur certaines réformes de la Constitution (en l'espèce "l'indivisibilité de l'Etat") un crime de trahison;
    vi. invite tous ses membres à saisir toutes les occasions qui s'offrent à eux de soulever avec les autorités turques le cas de leurs six collègues turcs;
    vii. engage notamment sa délégation parlementaire turque à créer un climat politique de compromis au sein du Parlement turc afin d'instaurer un dialogue qui reconnaisse l'existence de la "question kurde" et permette la recherche d'une solution politique pacifique.

RESOLUTION DU PARLEMENT EUROPEEN

    Le 21 avril le Parlement Européen a adopté une résolution demandant aux gouvernements des pays de l'Union Européenne de réduire leur aide militaire à Ankara pour condamner les violations des droits de l'homme.
    La résolution condamne la détention de six députés kurdes et l'arrestation d'observateurs européens aux élections locales célébrées dans la région kurde. Le Parlement Européen est consterné par le nombre de journalistes arrêtés, enlevés ou assassinés dans le Sud-est et s'est montré très préoccupé par le fait que, rien qu'en 1994, les forces turques aient détruit plus de 120 villages dans la région.
    Le Parlement Européen a également condamné les attaques terroristes à Istanbul et à d'autres endroits attribuées au PKK et a demandé à l'Union Européenne de promouvoir une solution pacifique au conflit.
    En réponse à cette résolution, le porte-parole du Ministère turc des affaires étrangères, Ferhat Ataman, a déclaré: "Il est impossible de prendre cette décision au sérieux. Elle a été prise sous l'influence de cercles évidents, est pleine d'erreurs de faits et en aucun cas ne correspond à la vérité."

TERRORISME D'ETAT EN AVRIL

    Le 1.4, le syndicaliste Sükrü Sahin est arrêté par la police à Istanbul.
    Le 1.4, Abdülhakim Aslan, Abdullah Temiz et Muhittin Altun sont victimes de meurtres politiques à Batman, Fazil Alay et Diyarbakir.
    Le 2.4, des tireurs inconnus abattent Nurullah Ensari et Lokman Altun à Batman.
    Le 2.4, le quotidien Özgür Gündem rapporte que les forces de sécurité ont attaqué le village d'Incirli, à Bitlis, le 6 mars, et ont abattu le chef Sükrü Karaca et deux autres paysans kurdes.
    Le 2.4, l'Association des Droits de l'Homme (IHD) proteste contre le bombardement, le 26 mars dernier, de trois villages de Sirnak, Kumcati, Sapaca et Gever, par des avions militaires.
    Le 2.4, la CSE de Kayseri condamne cinq militants du Parti Communiste Révolutionnaire de Turquie (TDKP) à des peines de prison allant jusqu'à quatre ans et deux mois.
    Le 3.4, à Bursa, 17 activistes présumés de l'ordre religieux Aczmendi sont arrêtés.
    Le 3.4, à Izmir, neuf personnes sont mises en détention par la CSE d'Izmir pour avoir pris part aux activités de l'organisation illégale de gauche Ekim (octobre).
    Le 4.4, le Docteur Ilhan Diken est condamné par la CSE de Diyarbakir à trois ans et neuf mois de prison pour avoir donné des soins médicaux à un militant du PKK blessé, à l'Hôpital d'État de Diyarbakir.
    Le 4.5, des tireurs inconnus abattent Ekrem Uludag à Diyarbakir et Servet Ulutas à Batman.
    Le 5.4, sept étudiants sont expulsés de l'Université 9 Eylül d'Izmir pour avoir mené une campagne contre les peines capitales.
    Le 5.4, à Ankara, trois membres de la famille du député du DEP Sirri Sakik, toujours en détention, sont arrêtés par la police.
    Le 5.4, à Batman, Serif Gezer est abattu par des tireurs inconnus.
    Le 5.4, la police annonce l'arrestation de six personnes à Kiziltepe (Mardin).
    Le 6.4, des personnes inconnues saccagent 75 tombes au cimetière juif d'Istanbul.
    Le 6.4, la CSE de Kayseri condamne deux personnes à la prison à vie pour avoir pris part aux activités du PKK.
    Le 6.4, des tireurs inconnus abattent le chef de quartier Necdet Kont à Viransehir (Urfa) et Burhanettin Araz à Diyarbakir.
    Le 6.4, à Ankara, les forces de sécurité arrêtent quatre étudiants universitaires pour activités illégales.
    Le 7.4, une cour pénale d'Istanbul condamne huit personnes à une semaine de prison pour appartenance à un ordre religieux.
    Le 7.4, le représentant syndicaliste Ihsan Agir est arrêté par la police.
    Le 7.4, des assaillants inconnus tuent Kazim Ekinci et Fahri Inan à Viransehir et Mehmet Ali Dirak à Silvan.
    Le 9.4, à Nusaybin, Necmettin Gürbüz est retrouvé mort après avoir été porté disparu depuis trois jours. Le même jour, des tireurs inconnus abattent Mehmet Tevfik Ciftsüren et Metin Güzel à Diyarbakir.
    Le 10.4, à Diyarbakir, l'ancien président du Syndicat des Travailleurs Sanitaires (Tüm Saglik Sen), Necati Sen, et Mehmet Ay sont retrouvés assassinés. Aydin avait été relâché dix jours auparavant après deux jours de détention policière. Le même jour, à Diyarbakir, le commerçant Hasan Güzel est abattu par des tireurs inconnus.
    Le 10.4, des protecteurs de village pro-gouvernementaux attaquent un village de Kutlu à Diyarbakir, abattent cinq paysans et deux enfants et blessent douze autres.
    Le 11.4, le président du RP d'Igdir, Vahap Akar, est retrouvé mort après avoir été enlevé par des militants du PKK.
    Le 11.4, des tireurs inconnus abattent Recep Dagdelen à Diyarbakir et Tevfik Altuner à Batman.
    Le 11.4, le gouverneur de Konya ferme l'Association pour les Libertés et les Droits (Özgür-Der) à Eregli pour possession de publications interdites. D'autre part, la police a arrêté la présidente de l'association, Hatice Ögüt.
    Le 12.4, à Burdur, Adnan Akgün et Cetin Yesilyayla affirment avoir été torturés par cinq policiers après leur détention.
    Le 12.4, à Izmir, trois cimetières chrétiens de trois quartiers différents sont détruits par des inconnus.
    Le 12.4, à Bitlis, Murat Toygun est victime d'un assassinat politique.
    Le 12.4, à Adana, la police arrête huit personnes au cours d'une série d'opérations répressives. En outre, trois étudiants universitaires sont arrêtés pour avoir affiché des posters réclamant le droit à l'éducation supérieure sans aucune restriction.
    Le 13.4, la Maison du Peuple du District de Yildrim est fermée par le gouverneur de Bursa pour avoir permis l'entrée à des personnes qui n'étaient pas membres.
    Le 14.4, à Ankara, la police disperse de force une manifestation d'étudiants protestant contre l'éducation payante, blesse 20 étudiants et arrête quelque 50 manifestants. Deux autres manifestations similaires à Istanbul sont également dispersées de force et 70 étudiants sont arrêtés.
    Le 14.4, quatre activistes présumés du PKK sont inculpés par le procureur de la CSE d'Istanbul pour une tentative d'attentat contre une école militaire des cadets et risquent la peine capitale en vertu de l'Article 125 du Code Pénal Turc.
    Le 14.4, des tireurs inconnus abattent Bülent Isci à Diyarbakir.
    Le 14.4, la police fouille le bureau de l'IHD à Samsun, arrête quatre personnes et confisque tous les documents.
    Le 15.4, des tireurs inconnus abattent Mustafa Cengiz à Kiziltepe et Nihat Bas à Diyarbakir.
    Le 16.4, le procureur de la CSE d'Istanbul introduit une action en justice contre 17 militants présumes du PKK. Sept d'entre eux risquent la peine capitale. Parmi les autres accusés risquant des peines de prison allant jusqu'à 15 ans se trouvent également le candidat du DEP à la mairie de Diyarbakir, Metin Toprak, et l'ancienne présidente du Syndicat des Travailleurs de l'Éducation (Egit-Sen), Nezahat Koc.
    Le 16.4, la Maison du Peuple du District d'Ozmangazi est fermée pendant dix jours par le gouverneur de Bursa avoir laissé entrer des personnes qui n'étaient pas membres.
    Le 16.4, le procureur d'Ankara introduit une action en justice contre le représentant principal du Syndicat des Médecins Turcs (TTB) pour avoir convoqué une manifestation devant le bureau du Premier Ministre en janvier, protestant contre les conditions de travail des employés du secteur sanitaire.
    Le 19.4, la police annonce l'arrestation de 12 militants présumés du PKK à Adana et de quatre étudiants à Sivas.
    Le 20.4, à Istanbul, l'Association des Gradués de l'École Supérieure d'Alibeyköy (ALYED) est fermée par le gouverneur pour possession de certains numéros du quotidien Özgür Gündem.
    Le 20.4, quinze personnes sont arrêtées à Ankara en relation avec une opération menée depuis une semaine contre une organisation illégale.
    Le 20.4, des tireurs inconnus assassinent Ahmet Özcelik et Suat Evcil à Batman.
    Le 21.4, un commandant de l'armée, Ali Sahin, et trois sous-officiers accusés d'avoir torturé à mort l'enseignant Siddik Bilgin à Bingöl en juillet 1985, sont acquittés par la Cour Criminelle N° 2 d'Ankara pour des raisons de prescription, bien que les preuves de torture soient irréfutables. Les officiers inculpés avaient préalablement été condamnés à un an de prison, mais la cour de cassation a cassé la sentence et renvoyé l'affaire devant la cour.
    Le 21.4, au cours d'une opération de répression contre des sympathisants du PKK à Karayazi (Erzurum), les forces de sécurité ont arrêté douze étudiants de l'enseignement secondaire parmi lesquels trois n'avaient pas encore 18 ans. Le même jour, à Adana, huit étudiants universitaires sont arrêtés pour activités pro-PKK.
    Le 22.4, des assaillants inconnus assassinent Resat Baser à Batman et Ahmet Aydin à Diyarbakir.
    Le 22.4, à Diyarbakir, le commerçant kurde Mehmet Serif Avsar est kidnappé par des protecteurs de village.
    Le 23.4, à Izmir, Sami Gümüs, Mustafa Ceylan, Kerem Bulut, Bilge Sahin et Nazmiye Aksoy affirment avoir été torturés au Poste de la Police Politique après avoir été arrêtés au cours d'une manifestation contre les hausses des prix.
    Le 23.4, le fondateur du DEP, Nevzat Teker, est condamné par la CSE d'Izmir à 20 mois de prison et 208 millions de TL pour un discours prononcé au congrès du DEP de Manisa en octobre 1993.
    Le 23.4, la CSE de Diyarbakir condamne 21 personnes, principalement des représentants de syndicats, d'associations et des médias, à 20 mois de prison et à payer une amende de 208 millions de TL chacun pour une déclaration commune de défense de droits de l'homme au nom de la Plate forme de Diyarbakir pour la Démocratie. Ils sont accusés d'avoir incité les gens contre la loi et l'ordre en vertu de la Loi Anti-Terreur.
    Le 25.4, des tireurs inconnus abattent Mehmet Emin Gölcü, Davut Toprak, Erdal Aldeniz et Bahri Tekin à Diyarbakir.
    Le 26.4, la CSE d'Izmir condamne 13 défendeurs du PKK à des peines de prison allant jusqu'à 15 ans. Les gendarmes ont battu les défendeurs lorsque ceux-ci ont commencé à scander des slogans de protestation contre le verdict.
    Le 27.4, le président du DEP d'Adiyaman, Abuzer Önen, blessé le 11 avril par des tireurs inconnus, meurt dans un hôpital d'Adana.
    Le 27.4, les prisonniers de gauche de la prison de Buca, à Izmir, auraient été battus les gardiens. Ceux-ci ont fait une descente dans leur pavillon et ont blessé 80 prisonniers.
    Le 29.4, l'enseignant Recep Uyur, membre du Syndicat des Enseignants (Egit-Sen), est assassiné par tireurs inconnus à Diyarbakir.
    Le 29.4, l'ancien maire de Diyarbakir, Mehdi Zana est condamné par la CSE d'Istanbul à deux ans de prison et à payer une amende de 100 millions de TL pour un discours prononcé dans un meeting du HEP le 28 juin 1992. Au cours du même procès, deux autres défendeurs ont écopé de la même peine.
    Le 30.4, à Diyarbakir, le boucher Ilhan Böcküm est victime d'un meurtre politique.
    Le 30.4, à Adana, la femme de ménage Feristay Gül affirme avoir été torturée par la police suite à son arrestation le 22 avril en compagnie de son mari et de ses enfants. "Ils m'ont menacée de me jeter du 4e étage si je ne signais pas une déclaration inventée par eux", a-t-elle déclaré.
    Le 30.4, le gouverneur d'Adana ferme 40 cafés pendant 25 jours pour avoir fermé leurs portes le 21 mars, jour du Newroz (Nouvel An kurde).

PRESSIONS SUR LES MEDIAS EN AVRIL

    Le 2.4, la CSE d'Istanbul condamne l'ancien rédacteur du périodique Mücadele, Namik Kemal Cibaroglu, à six mois de prison et à payer une amende de 50 millions de TL. L'éditeur du magazine, Gülten Sesen, a également écopé d'une amende de 100 millions de TL. La cour a également décidé d'interdire la publication de Mücadele pendant 15 jours.
    Le 3.4, l'édition N° 13 de la revue littéraire kurde Rewsen est confisquée par la CSE d'Istanbul.
    Le 4.4, le rédacteur responsable du périodique Sterka Rizgari, Cihan Kartal, affirme avoir été torturé en compagnie de ses soeurs, Songül Kartal et Özgül Kartal. Ils avaient été arrêtés le 27 mars. "Trois lecteurs de la revue qui se trouvaient dans le bureau au moment de la descente de police ont également été torturés", a-t-il déclaré.
    Le 4.4, l'édition N° 6 du mensuel Partizan est confisqué par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
    Le 4.4, le bureau d'Adana du périodique Özgür Halk fait l'objet d'une descente de police et de nombreux documents sont confisqués.
    Le 5.4, le propriétaire de la Maison d'Édition Yurt, Ünsal Öztürk, est condamné par la CSE d'Ankara à douze mois de prison et à verser une amende de 250 millions de TL pour avoir publié le livre Le souffle amer du mineur. Le journaliste Naile Tuncer, qui avait édité le livre, a écopé de la même sentence.
    Le 5.4, le N° 96 du périodique Mücadele et le 45 de Gelecek sont confisqués par la CSE d'Istanbul.
    Le 6.4, l'éditeur et rédacteur du périodique Emegin Bayragi, Nazim Taban, est condamné par la CSE d'Istanbul à deux ans de prison et à payer une amende de 50 millions d'amende pour divers articles publiés en septembre 1991.
    Le 8.4, l'ancien éditeur du quotidien Özgür Gündem, Yasar Kaya, est condamné par la CSE d'Istanbul à payer une amende de 150.580.000 TL pour divers articles publiés les 1 et 8 janvier 1993. Le tribunal a également émis un mandat d'arrêt contre l'ancien rédacteur du journal.
    Le 8.4, la CSE d'Istanbul condamne l'ancien rédacteur du mensuel Kurtulus, Mustafa Yilmaz, à trois ans de prison et à payer une amende de 300 millions de TL. L'ancien éditeur du magazine, Erdal Cinal, a également écopé d'une amende de 250 millions de TL. Finalement, le tribunal a décidé d'interdire la publication du journal pendant quinze jours.
    Le 8.4, le rédacteur en chef du périodique Emegin Bayragi, Hüseyin Tekin, est mis en détention par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
    Le 9.4, le N° 11 du périodique Gencligin et le N° 27 de Deng sont confisqués par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
    Le 10.4, deux journalistes, Nadire Mater et Filiz Kocali, ainsi que cinq membres de l'IHD sont arrêtés par la police à Istanbul alors qu'ils distribuaient une brochure contre le racisme intitulée "Touche pas à mon pote!"
    Le 11.4, la Cour de Cassation ratifie la peine d'un an et l'amende de 125 millions de TL infligées à l'ancien rédacteur du bimensuel Mücadele, ainsi que l'amende de 250 millions de TL imposée au propriétaire, Güren Gülten. Les amendes de 25 millions et de 50 millions de TL imposées respectivement à un autre ancien rédacteur de Mücadele, Namik Kemal Cibaroglu, et à Gülten Sesen, ont été ratifiées par la même cour.
    Le 12.4, à Istanbul, deux correspondants du périodique Emegin Bayragi, Necibe Savaskan et Dilaver Peker, affirment avoir été torturés au poste de police après leur détention.
    Le 12.4, le rédacteur de l'hebdomadaire Azadi, Sedat Karakas, est condamné par la CSE d'Istanbul à deux ans de prison et à payer une amende de 50 millions de TL. Le propriétaire de l'hebdomadaire, Ikramettin Oguz, a également écopé d'une amende de 83 millions de TL.
    Le 12.4, la CSE d'Istanbul condamne le rédacteur du périodique Serketin, Sahin Gül, à cinq mois de prison et à payer une amende de 43 millions de TL. Le propriétaire du magazine, Zeynel Aydin, devra payer une amende de 83 millions de TL.
    Le 12.4, la CSE d'Istanbul confisque le N° 100 du périodique Azadi et le N° 30 d'Hedef pour propagande séparatiste.
    Le 13.4, l'ancien rédacteur du quotidien Özgür Gündem, Seyh Davut Karadag, est condamné par la CSE d'Istanbul à deux ans de prison et à payer une amende de 310.628.000 de TL. Dans une autre affaire contre ce même journal, la même cour inflige à un autre ancien rédacteur, Isik Yurtcu, une amende de 90 millions de TL et une de 181.785.000 à l'ancien propriétaire Yasar Kaya.
    Le 13.4, l'édition N° 26 du périodique Devrimci Emek est confisquée par la CSE d'Istanbul pour propagande en faveur du Parti Communiste Travailliste de Turquie (TKEP).
    Le 13.4, le bureau d'Adana du périodique Alinteri fait l'objet d'une descente de police et plusieurs documents sont confisqués.
    Le 14.4 le quotidien Özgür Gündem est fermé pendant quinze jours après qu'une décision d'une CSE ait été ratifiée par la Cour de Cassation. Cette cour a également ratifié une peine de cinq mois de prison et une amende de 62 millions de TL contre un ancien éditeur d'Özgür Gündem, Seyh Davut Karadag, ainsi qu'une amende de 125 millions contre l'ancien éditeur Yasar Kaya.
    Le 14.4, la Cour de Cassation ratifie une peine de prison de deux ans et une amende de 250 millions de TL contre Bülent Genc, ancien rédacteur du périodique Emegin Bayragi, ainsi qu'une interdiction de publier le magazine pendant quinze jours.
    Le 14.4, au cours de deux manifestations estudiantines à Ankara et Istanbul, la police harcèle plusieurs journalistes qui couvraient les événements. Un des journalistes battus, Ahmet Sik, du quotidien Cumhuriyet, est hospitalisé pour éviter un risque d'hémorragie cérébrale.
    Le 17.4, le livre Kemal Fevzi de Bitlis et sa place dans les organisations kurdes, publié par la Maison d'Édition Firat est confisqué par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
    Le 18.4, une cour pénale d'Istanbul condamne deux groupes de producteurs d'Interstar TV à payer de lourdes amendes pour diffusion incompatible avec les restrictions imposées par la Loi Électorale. Cem Uzan, Ozcan Ertuna, Serpil Akillioglu, Ardan Zentürk, Özden Akbal et Duran Dündaroglu ont écopé d'une amende d'un milliard de TL. Dans un autre procès, Özcan Ertuna, Özden Akbal, Jülide Ates et Engin Ardic ont reçu une peine similaire.
    Le 19.4, le N° 111 du périodique Emegin Bayragi et le N° 355 du quotidien Aydinlik ont été confisqués par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
    Le 20.4, la CSE d'Istanbul ouvre un procès contre un homme d'affaires, Besim Tibuk, pour avoir déclaré au quotidien Milliyet que la création d'un État kurde indépendant dans le sud-est de la Turquie ne devait pas être écartée. Tibuk et le rédacteur de Milliyet, Eren Güvener, risquent tous deux une peine de prison de deux ans et une amende de 100 millions de TL.
    Le 21.4, un activiste contre la guerre, Aytek Özel est condamné par la Cour Militaire de l'État-major turc à un an et quinze ans de prison et à payer une amende de 210.000 TL pour une interview concédée à la télévision privée HBB. Accusé d'avoir incité les gens à s'opposer au service militaire, il est en détention depuis le 7 février 1994. Deux journalistes qui ont interviewé Özel, Erhan Akyildiz et Ali Tevfik Berber avaient déjà été condamnés par la même cour militaire à deux mois de prison.
    Le 22.4, la police fait une descente dans le bureau d'Ankara du périodique Odak, et arrête 18 personnes. Deux des personnes détenues, relâchées en raison de la dégradation de leur santé, affirment qu'ils ont tout été victimes de tortures.
    Le 23.4, l'ancien éditeur de l'hebdomadaire Azadi, Ikramettin Oguz, est condamné par la CSE d'Istanbul à payer un total de 450 millions de TL pour quatre affaires différentes impliquant le journal.
    Le 24.4, le livre Le Cadre et le Futur de Sinan Ciftyürek est confisqué par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste. Le procureur de la CSE a ouvert un procès contre l'auteur et la maison d'édition Pelê-Sor.
    Le 5.4, le N° 93 du périodique Mücadele et le N° 9 de Newroz sont confisqués par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
    Le 27.4, la Cour de Cassation ratifie une lourde peine contre l'écrivain-journaliste Haluk Gercer. Il avait été condamné par la CSE d'Ankara à 20 mois de prison et à payer une amende de 208 millions de TL pour un message qu'il avait envoyé à un meeting célébré à Ankara le 22 mai 1993.
    Le 28.4, le première édition du nouveau quotidien Özgür Ülke est confisquée par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
    Le 29.4, la CSE d'Istanbul condamne le rédacteur responsable de l'hebdomadaire Aktüel, Alev Er, à payer une amende de 210.675.000 de TL pour avoir publié une interview du leader du PKK, Abdullah Öcalan. Le propriétaire du magazine, Ercan Arikli est également condamné à payer 421.351.000 de TL pour le même délit.
    Le 30.4, le gouverneur de Tunceli interdit la vente de 38 cassettes musicales différentes contenant des chansons kurdes.