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A non-government information service on Turkey
Un service d'information non-gouvernemental sur la Turquie


226

20e année - N°226
Mai-Juin 1996
38 rue des Eburons - 1000 Bruxelles
Tél: (32-2) 215 35 76 - Fax: (32-2) 215 58 60
 Rédacteur en chef: Dogan Özgüden - Editrice responsable: Inci Tugsavul
 


DUPERIES OTTOMANES

Tandis que la menace de coup d'état militaire hante le pays, Ciller flirte avec les islamistes afin de se dérober à la justice. Quant aux islamistes, champions de la campagne "mains propres", ils semblent prêts à oublier toutes leurs accusations contre Ciller pour pouvoir former un gouvernement en coalition avec le DYP

    Après la défaite spectaculaire des partis de la coalition aux élections locales et la démission subséquente du gouvernement DYP-ANAP, la Turquie est entrée dans une nouvelle période riche en duperies ottomanes.
    Le parti du bien-être (RP) a remporté une nouvelle victoire aux élections locales du 2 juin, tandis que les deux partenaires de la coalition de la Voie  principale, le parti de la juste voie (DYP) et le parti de la mère-patrie (ANAP) ont subi des pertes.
    Dans les 41 districts où les élections locales ont eu lieu, les votes RP se sont élevés de 28,8% aux élections générales du 24 décembre 1995 à 33,5% le 2 juin. Les voix de l'ANAP sont tombées de 26,8% à 12%. Le parti de l'action nationaliste (MHP), par contre, est parvenu à augmenter son score de 5,1% à 6,4%.
    Sur la même base, les voix du parti de la gauche démocratique (DSP) ont décliné de 12,1% à 9,1% et celles du parti républicain du peuple (CHP) de 7,7% à 6,7%.
    En règle générale, les partis au pouvoir devraient se trouver en position avantagée dans des élections locales. En dépit de cet avantage, la somme des voix DYP-ANAP est tombée de 43,5% aux élections générales du 24 décembre à 32,9%, derrière les 33,5% du RP. La chute des voix du DYP a été particulièrement spectaculaire dans le district Bakirköy d'Istanbul. Là, le vote DYP est tombé de 28,7% à 17,8%.
    Même avant les élections, la coalition de la Voie Principale avait déjà éclaté à cause des révélations sur les irrégularités scandaleuses et la corruption du leader du DYP Ciller.
    Après les résultats électoraux désastreux, le second coup est venu de l'invalidation par la cour constitutionnelle du vote de confiance que le gouvernement DYP-ANAP avait reçu  trois mois plus tôt.
    Dans un appel à la cour, le RP avait dit que la coalition avait besoin d'une majorité absolue des membres présent dans l'assemblée, soit dans ce cas de 273 votes "oui". Pourtant, le gouvernement Yilmaz a gagné la confiance par 257 voix contre 207 avec 80 abstentions. Bien que la cour suprême ait trouvé valide l'appel du RP, la décision écrite a été  publiée dans le journal officiel après les élections.
    Suite à cela, le premier ministre Yilmaz a soumis sa démission au président de la République Demirel le 6 juin. Demirel a tout d'abord tenu une série d'entretiens avec tous les leaders de parti en vue de former un nouveau gouvernement de coalition, mais ils ne sont pas arrivés à présenter une alternative viable. Sans perdre de temps, le 7 juin, Demirel a demandé au leader pro-islamiste Necmettin Erbakan de former un nouveau gouvernement.
    Cette fois, tant les cercles politiques que les masse-médias, au vu des résultats des dernières élections et de l'absence en conséquence d'une alternative valable aux partis dits "laïcs", semblent plus tolérants envers la possibilité d'un  nouveau gouvernement de coalition dirigé par les islamistes.
    Même le monde des affaires turc qui entretient d'étroites relations d'intérêt  avec les Etats Unis et Israël a fait savoir qu'un tel gouvernement pourrait s'avérer inévitable. L'homme d'affaires n° 2 du pays, Sakip Sabanci, a affirmé qu'un gouvernement conduit par Erbakan se révélait  nécessaire pour mettre fin à la stagnation de la vie économique.
    Néanmoins, le monde occidental, en particulier les Etats-Unis et Israël paraissent être extrêmement ennuyés par la possibilité d'une coalition avec le RP. D'après une analyse du correspondant du Turkish Daily News à Washington, publiée le 11 juin 1996, l'administration Clinton est en train de débattre les pours et les contres de plusieurs scénarios futurs qui incluent ou qui n'incluent pas le RP comme partenaire principal de la coalition.
    "La ligne de vue principale est que la maison blanche, aussi bien que le pentagone et le département d'état, préféreraient voir le RP rester dans l'opposition - bien qu'ils préféreraient être morts plutôt que de l'admettre en public, spécialement depuis que le RP a augmenté son score jusqu'à 33,5%," rapporte le TDN.
    " L'opposition silencieuse à Refah à Washington semble s'être intensifiée suite à l'accord militaire que la Turquie et Israël ont signé en février. Le RP s'oppose de façon véhémente à cet accord, tout comme de nombreux gouvernements arabes.
    "Des sources affirment que l'administration Clinton aimerait voir une deuxième coalition minoritaire de la Voie principale sans Ciller ou Yilmaz avec un "troisième nom" comme premier ministre. Une telle coalition est également considérée comme l'un des meilleurs moyens de stopper une rumeur qui circule depuis peu à Washington d'après laquelle un coup d'état militaire serait en préparation au cas où une solution rapide ne serait pas trouvée cet été aux problèmes  économiques et politiques croissants de la Turquie."
    Déjà, en Turquie, le leader néo-fasciste du MHP Alparslan Türkes, le principal instigateur des trois coups d'état militaires précédents, a commencé à évoquer ouvertement la possibilité d'un nouveau coup d'état militaire.
    Dans ces circonstances, tous les leaders politiques, mettant de côté leur déclarations antérieures, commencent à recourir aux duperies dans le style ottoman pour gérer leurs intérêts à court terme.
    Tout d'abord, le leader du DYP Tansu Ciller, sachant très bien qu'elle a perdu toutes ses chances d'être encore premier ministre, a commencé à flirter avec Erbakan en vue de former une coalition DYP-RP.
    Elle compte sur une telle coalition pour s'éviter une condamnation pour irrégularités devant la cour constitutionnelle. En plus de ses irrégularités dans la privatisation de certaines entreprises publiques et dans la constitution de sa fortune colossale d'origine douteuse, Ciller a aussi été accusée par le premier ministre Mesut Yilmaz d'avoir détourné un fond secret de 500 milliards de LT avant d'avoir quitté son poste.
    Erbakan également, en vue d'arriver au pouvoir avec le soutien du DYP, semble prêt à oublier toutes les accusations contre Ciller que son parti a porté devant le parlement. En plus, n'est ce pas Erbakan lui-même, en dépit de ses attaques virulentes contre Ciller pour ses millions, qui a des difficultés pour expliquer comment il est devenu propriétaire de nombreux immobiliers, de 148 kg d'or en lingots et de centaines de milliers de marks allemands et de francs suisses.
    Aussi, en dépit de leur différences supposées irréconciliables en matière de politique et de morale, la population observe avec étonnement comment Erbakan et Ciller ont tranquillement accepté d'enterrer la hache de guerre afin de former un nouveau gouvernement de coalition.
    Après ses conversations en tête-à-tête avec Erbakan, Ciller a déclaré: "Ce pays est unique et uni et le restera toujours. La Turquie qui a un pied dans l'Asie et un autre dans l'Europe marquera de son empreinte  le siècle à venir. Pour cela, nous devons imposer notre drapeau et notre mosquée à l'Europe. Nous sommes nationalistes, nous sommes conservateurs. Nos yeux sont tournés vers le drapeau, nos oreilles vers l'ezan (appel à la prière)!" (Milliyet, 16.6.1996)
    Ceci est le dernier message de la "dame de fer" turque si appréciée autrefois par l'Union européenne comme l'unique garantie contre la montée de l'islamisme en Turquie. A  présent, elle entreprend la mission d'imposer le drapeau turc et la mosquée islamique à l'Europe.
    Quant aux deux partis sociaux démocrates, le CHP de Baykal et le DSP d'Ecevit, au lieu de mettre sur pied des politiques pour défendre les intérêts de la population défavorisée, ils continuent de se chamailler en s'accusant l'un l'autre d'être la cause du fait qu'ils perdent la chance d'être la roue de secours des gouvernements de droite du passé ou du futur.

TURQUIE: LA RÉPUBLIQUE MAFFIEUSE

    Alors qu'on parle souvent des relations des dirigeants politiques et de hauts fonctionnaires avec la mafia, l'analyse suivante de Hakan Aslaneli, intitulée "Turquie: La république maffieuse" a été publiée dans le Turkish Daily News du 19 mai 1996:
    Le nom mafia apparaît derrière les délits d'encaissement de dettes, les affaires douteuses et les scandales dont l'importance s'est accrue dans les médias et devant les tribunaux au cours des dernières années. La Turquie, accoutumée à vivre sous la menace de coups d'état, à vivre avec l'incurie gouvernementale et les faiblesses bureaucratiques, a commencé de comprendre la gravité d'un nouveau problème dans la société: la mafia.
    Les allégations d'irrégularités ayant impliqué des dirigeants principaux de l'état et de leur équipe ont dominé dans les grands titres.
    La mafia, dont le nom est régulièrement mentionné dans les rumeurs, travaille-t-elle avec les responsables de l'état? Ou ces responsables font-ils eux-mêmes partie de la mafia? Pour beaucoup de gens en Turquie la mafia, et la détérioration de la société qu'elle représente, est l'un des problèmes les plus importants dans le pays aujourd'hui.     Qu'est ce que la mafia? Qui sont ses membres? Quel genre de puissance se trouve derrière elle? Jusqu'à quel point s'est-elle étendue? Que mangent, boivent et comment s'habillent les membres de la mafia? Comment gagnent-ils leur argent? Quelles sont les différences entre la mafia turque  et ses équivalents dans le reste du monde? Aujourd'hui, la Turquie accepte la réalité de la mafia sous toutes ses formes et reconnaît les trillions de lires qu'elle pompe hors de son économie. La mafia en elle-même est devenue partie intégrante de la vie du pays.

    • La mafia  de la rue

    La mafia de la rue, constituée de gens qui se désignent eux-mêmes comme külhanbey (apache) et qui ont commencé à apparaître en nombre à Istanbul dans les années 30, est connue aujourd'hui sous le nom de "gang". La mafia de la rue, créditée autrefois de gagner de l'argent par son courage et par sa force, attaque maintenant des maisons et des lieux de travail et commet même des crimes de masse en groupes comprenant jusqu'à 100 personnes. Aussi comment devient-on membre de la mafia de la rue? La condition majeure est d'être suffisamment sans scrupule pour pouvoir tuer un homme sans hésitation. Le gang n'acceptera un nouveau membre que s'il est proche de l'un de ses membres qui s'en portera garant. Dans un premier temps, on demande au nouveau membre d'accomplir des tâches routinières telles que faire du thé, nettoyer le quartier général du gang, conduire la voiture. S'il est capable de s'adapter dans le gang, on lui assignera une vraie mission. La première chose qu'il lui sera demandé de faire est de tuer quelqu'un.  Etant donné que le gang ne peut pas risquer la possibilité qu'un de ses hommes expérimentés aille en prison, les nouvelles jeunes recrues sont utilisées dans ces cas, qui risquent l'emprisonnement s'ils sont arrêtés. Un membre de la mafia de la rue doit passer quelque temps en prison sans quoi il ne gagne pas le respect de ses pairs en crime.
    Les tesbihler (chapelets) des membres du gang sont leurs accessoires les plus caractéristiques. Les qualités des tesbihler, constitués de 33 grains, témoignent aussi de la valeur de leurs propriétaires. Les tesbihler les plus précieux sont ceux en obsidienne d'Erzurum sertis d'or ou de diamants. Son tesbih est la seule chose qu'un membre de la mafia ne peut négliger. Il joue même un rôle dans la mort, étant placé dans le cercueil.
    La seconde chose qu'il y a dans la vie d'un mafioso, aussi importante  que le tesbih, est la drogue. Les membres de la mafia turque fument généralement le haschich. Le nouveau membre doit savoir comment faire une cigarette de haschich appelée "couple" ou "trio". Les cigarettes de haschisch qui sont préparées par les nouveaux membres sont fumées par les membres plus âgés du gang au cours des discussions. Les membres de longue date des organisations criminelles se reconnaissent spécialement à leurs yeux. Leurs yeux sont rouges et paraissent exténués à cause du haschisch dont ils usent si fréquemment. Les membres plus âgés, qui sont devenus affaiblis par l'usage continuel de drogues, ne prennent plus part aux "besognes" qui nécessitent de grands efforts physiques.
    C'est dire que les membres de la mafia de la rue sont en général à la retraite avant leurs 30 ans. Ces gens ont une vie très active entre 18 et 30 ans, mais ils vieillissent prématurément et ont l'air d'être dans la cinquantaine quand ils n'ont que 30 ans. Leur habillement est un autre trait distinctif et est commun à la plupart des membres de gang.
    En été ils préfèrent s'habiller de vêtements faits de matériaux brillamment colorés, spécialement des chemises de soie décorées de motifs colorés. Beaucoup d'entre eux ont un goût pour les souliers à pointe effilée, avec des hauts talons. A ce style d'habillement quelque peu extravagant s'ajoute des attitudes et modes de comportement caractéristiques des membres de la mafia, qui aiment jouer le rôle d'un "émeutier" plus vrai que nature.
    Un amusement de prédilection pour les membres de gang consiste dans le fait d'envoyer des fleurs aux chanteuses dans les casinos et de se mélanger avec l'élite sociale et celle du monde du spectacle. Mis à part leur usage excessif de drogues, beaucoup aiment s'adonner à boire du  whisky. Et il y a un fort danger de coups de feu perdus lorsque la drogue et l'alcool, si abondamment consommés, commencent à faire perdre sang froid et jugement.
    Les membres de la mafia préfèrent se marier très jeunes et avoir des fils qui les suivent à la trace dans leurs activités criminelles. Ceux qui s'enrichissent aiment envoyer leurs enfants dans des collèges privés et même à l'étranger pour leur fournir une bonne éducation. Bien qu'ils soient mariés, c'est une chose acceptée pour un mafioso de prendre une ou plusieurs maîtresses. Ils n'ont pas peur de faire face aux circonstances sociales en rapport avec leurs maîtresses. Cela fait partie de ce monde à dominance mâle que leurs femmes n'aient pas le droit d'objecter à ce comportement.

    • Quelles sont leurs activités?

    La mafia, qui justifie ses crimes en prétendant défendre les gens pauvres et faibles et non pour faire de l'argent, a de nombreuses branches en Turquie. La réalité est que certaines de ces branches se sont déplacées des rues et, telles un cancer ou un virus, sont entrées dans les organes de l'état lui-même, donnant ainsi à la mafia de bien meilleures opportunités pour accumuler de l'argent. La mafia de la rue récolte de l'argent par les moyens suivants:

    • L'encaissement de dettes

    Les membres de la mafia qui sont engagés dans l'encaissement de dette interviennent lorsqu'il y a des problèmes pour l'encaissement d'argent dans le secteur du commerce et sont connus pour leurs méthodes impitoyables. Le milieu prend 50 % sur le montant qui doit être encaissé ainsi qu'un paiement du créancier pour couvrir les "frais" du gang. Ainsi, pour l'encaissement d'une dette, les membres du gang obtiennent jusqu'aux deux tiers de la somme totale d'argent due.
    Les membres de la mafia utilisent le nom d'un leader connu et puissant de la mafia avec lequel ils sont associés pour menacer leur cible en vue de récolter l'argent. Si cette menace s'avère insuffisante pour déterminer le débiteur à payer, la mafia recourt à la violence et aux armes à feu. Ils sont en action chaque jour et leurs activités sont souvent relatées dans les journaux, en faisant l'une des branches de la mafia les mieux connues dans le pays.

    • Le jeu

    La mafia était impliquée dans le jeu en Turquie bien avant l'ouverture des grands casinos, qui ont donné une nouvelle vie à une ancienne profession. Dans le monde du jeu, où d'énormes quantités d'argent circulent, les membres de la mafia sont connus pour leur richesse et leur train de vie luxueux.
    Des membres ont investi leur argent en Suisse et aux États-Unis et sont renommés pour leur répugnance à voir paraître des nouvelles de leurs activités dans les médias. Un membre de la mafia qui entend qu'on rendra compte de ses activités dans leurs journaux ou à la radio ou à la télévision n'hésite jamais à utiliser la menace d'une intervention de la mafia pour tuer l'histoire. Il existe aussi une rumeur d'après laquelle d'énormes sommes d'argent jouent un rôle quand la menace d'intervention de la mafia n'est pas suffisamment efficace.

    • La vente de terrains appartenant à l'état

    La mafia a des branches dans les agences de l'état dans des villes comme Istanbul, Ankara, Izmir, Bursa et Adana. Elle vend des terrains appartenant à l'état pour encourager le développement de bidonvilles et s'occupe de ses affaires sans user d'armes à feu. Les membres sont connus pour être proches des représentants municipaux de leurs région et sont connus pour donner des pots-de vins.

    • Opérations sur les lotissements de parking

    Une nouvelle activité maffieuse dérivée de la vente des terrains de l'état, qui prévaut principalement dans les grandes villes et est prise en charge par des immigrants vers les grands centres urbains concerne les lotissements de parking. L'occupation des rues par ces gens, leurs extorsions d'argent auprès des propriétaires de voiture, et leur extension jusqu'à la presque totalité des grandes villes soulève des questions quand à savoir si les fonctionnaires municipaux et la police sont aussi associés avec cette branche de la mafia. Les membres de la mafia des lotissements de parking n'hésitent pas à endommager les voitures de ceux qui refusent de payer l'argent. Les propriétaires de voiture qui introduisent des plaintes auprès des autorités sont ignorés, renforçant l'idée que la municipalité et la police puissent être impliqués dans le crime organisé.

    • Ouverture de jardins de thé et d'emplacements de marché

    Les jardins de thé et les emplacements de marché sont dominés par les noms connus du monde du crime et constituent de grandes sources d'argent. La mafia transforme chaque terrain inoccupé sur les rives du Bosphore à Istanbul en jardins de thé ou en place de marché sans aucun bail légal. Cette branche de la mafia est bien connue pour ses relations étroites avec les fonctionnaires du gouvernement à tous les niveaux. Ces membres de gang parviennent à maintenir leur mode de vie illégal grâce à leurs amis dans le gouvernement et ils déterminent leurs propres prix pour les marchandises sur leurs emplacements de marché. Par exemple, le prix d'une tasse de café dans un jardin de thé avec une belle vue peut aller jusqu'à 250.000 LT. La non intervention des autorités municipales amène de nouveau à l'esprit la même question. Sont elles des partenaires du crime?

    • Information exclusive

    Certains membres de la mafia gagnent leur vie en informant les gens des propriétés de l'état qui vont être mises en vente ou lorsqu'on invite à faire des offres pour un contrat avant qu'il soit officiellement annoncé. Ces gens sont généralement élégamment habillés et apparaissent fréquemment  dans les cercles officiels, effectuant le travail pour leurs patrons qui n'apparaissent pas en public.
    Ils tiennent des réunions avec des membres du parlement, des ministres et des bureaucrates dans les hôtels luxueux d'Ankara en ce qui concerne la construction de voies publiques, bâtiments plaza, parking places ou jardins appartenant aux municipalités de la ville.

    • A l'intérieur du système judiciaire

    Il existe une rumeur d'après laquelle différentes branches du crime organisé interfèrent aussi avec le système judiciaire turc. Leur influence sur certains avocats et juges dans des affaires de corruption grave ou dans des affaires concernant des familles connues et leurs intérêts a beaucoup retenu l'attention des médias récemment.

    • L'obtention de visas

    Actifs dans les rues où se trouvent les ambassades et consulats étrangers, ces mafiosi aident à l'obtention de visas pour des citoyens turcs afin qu'ils puissent entrer dans des pays qui exigent un visa. Ces membres approchent les gens qui veulent obtenir un visa, leur demandent de suivre des procédures dont ils ont une brève description, et leur donnent des garanties qu'ils recevront les documents requis.
    Le paiement varie suivant le pays. Ils peuvent demander 2000 DM pour l'Allemagne et 3000 dollars pour les États-Unis. La personne qui passe un accord avec la mafia paie la moitié de la somme d'avance et le reste après qu'il ou elle ait obtenu le visa. Ils sont fréquemment volés par le membre de la mafia qui peut facilement disparaître après avoir pris l'argent.
    La mafia accroît ses activités à travers la société dans le but de renforcer son emprise sur l'économie et sur le pouvoir et est devenue une réalité à laquelle il faut faire face. La mafia se développe chaque jour et draine dans ses rangs de nombreux jeunes gens qui sont attirés par les possibilités d'une vie criminelle à cause du manque d'opportunités dans le monde du travail et du système  éducationnel inadéquat qui offre peu d'espoir d'un emploi rentable pour beaucoup de gens. Les activités de la mafia apparaissent attrayantes pour le jeune et enrichissent ceux qui s'y engagent
    Dans une société où l'acquisition de la richesse devient de plus en plus un centre d'intérêt principal  pour beaucoup de gens, spécialement les jeunes, la mafia est un tremplin idéal vers les buts auxquels ils aspirent. Dans un pays où la population voit les débordements des riches et des puissants paradant devant elle quotidiennement dans les médias, où la corruption est considérée comme un mode de vie acceptable, où on voit le crime et l'injustice  impunis et de fait récompensés, y a-t-il de quoi s'étonner que les rangs de la mafia se gonflent de nouvelles recrues .
    Les membres du crime organisé sont connus pour leur courage aveugle et leur à prendre n'importe quel risque.
    Ils ne craignent pas de se faire tuer et ne quittent pas leur travail avant la fin de leur vie. La mafia est un style de vie plutôt qu'une façon de gagner de l'argent, et c'est un style de vie adopté par de plus en plus de gens en Turquie. Nous verrons dans les jours prochains comment le premier ministre Mesut Yilmaz réussira à tenir sa promesse d'éliminer la mafia.

GREVES DE LA FAIM DANS LES PRISONS TURQUES

    Alors que des centaines de délégués venus de monde entier se rassemblaient à Istanbul pour Habitat II, des milliers de prisonniers politiques dans 37 prisons de Turquie poursuivaient des grèves de la faim en protestation contre les conditions de vie inhumaines dans les prisons.
    Les protestations ont commencé l'année passée en décembre avec l'occupation par les détenus de la prison d'Umraniye, se sont ensuite étendues aux autres prisons et se sont terminées dans le sang avec l'intervention des forces de sécurité.
    Maintenant les prisons, qui avaient été silencieuses pendant un certain temps, sont une fois de plus en train d'entrer en ébullition à cause de l'attitude répressive du ministre de la justice Mehmet Agar.
    La nouvelle vague de protestations a commencé par une grève de la faim  dans la prison de type E de Diyarbakir et s'est étendue à d'autre prisons exactement comme cela s'était produit l'année passée. La prison de Yavuzeli, les prisons de Gaziantep et de Bursa, la prison Tokat Zile et la prison fermée de Mardin ont suivi la prison de Sakarya avec des grèves de la faim à partir du 23 mai. Les personnes détenues dans ces prisons ont annoncé qu'ils continueront leur grève de la faim si leurs exigences ne sont pas satisfaites.
    Il a été de plus annoncé que la condition physique de 11 des prisonniers qui sont en grève de la faim prolongée n'est pas bonne. L'attention a été attirée sur le fait que les prisonniers souffrent continuellement d'hémorragies, ont des problèmes circulatoires et qu'ils soufrent d'hallucinations auditives, au point qu'ils peuvent mourir à chaque instant.
    Le quotidien Cumhuriyet du 16 juin rapporte que les grèves de la faim dans les prisons depuis le coup d'état de 1981 ont coûté la vie à quinze prisonniers. L'année passée, le prisonnier politique Fesih Beyazcicek a perdu la vie le 23 juillet 1995 à la prison de Yozgat, et Remzi Altintas, le 13 août 1995, à la prison d'Amasya.
    Les prisonniers ont dit qu'ils sentaient que le premier ministre et les autres responsables officiels incluant le président de la république font la sourde oreille devant leurs justes revendications et qu'ils ont décidé de boycotter complètement les tribunaux de l'état.
    Les familles qui soutiennent la grève de la faim dans les prisons ont entamé leur propre grève de la faim dans de nombreuses villes grandes et petites.
    En Europe, des milliers d'immigrés de Turquie ont aussi fait la grève de la faim en signe de solidarité.
    Le président de l'HADEP Murat Bozlak a désigné le nouveau ministre de la justice comme la personne à tenir pour responsable s'il y avait  des décès. Bozlak a attiré l'attention sur le fait que la pression dans les prisons a été en s'augmentant.
     L'association des droits de l'homme (IHD) a également accusé Agar d'être l'instigateur des grèves de la faim. "En dépit des innombrables accusations qui ont été faites contre lui Agar a maintenant été fait ministre de la justice. Cette situation fait ressortir à nouveau la réalité qu'il prône en permanence pour un état policier. La police qui intervient dans de nombreuses affaires de la communauté est utilisée d'une façon telle qu'il n'agisse pas pour empêcher quelque chose ou pour faire cesser un incident, mais sont utilisés pour ouvrir le feu sur la population," disait un communiqué du IHD.
    "Le résultat d'ouvrir le feu est soit la mort par impact à la tête ou dans la poitrine ou le fait d'être estropié ou blessé. Dans nombres des assauts dans les prisons beaucoup des prisonniers et des personnes en détention ont perdu la vie.
    "Le même comportement qui s'applique dans la rue est utilisé dans les prisons, et on pénètre dans les cellules en faisant usage de  bombes lacrymogènes et de barres de fer. Même les blessés qui sont emmenés à l'hôpital sont frappés dans les ambulances et leur traitement empêché. Dans cette situation, les assertions du gouvernement à propos des meurtres ont pour but de rendre légitimes les meurtres comme moyen défensif et de tromper l'opinion publique.
    "Si le ministère de la justice devait se transformer en une organisation qui encourage le terrorisme d'état, ceci signifie que l'avenir de la population dans la société, et leurs libertés et droits fondamentaux courront le risque de tomber dans une ère de profonde obscurité et de danger."

LA TURQUIE TRADUITE DEVANT LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME

    La commission européenne des droits de l'homme a accepté deux nouveaux dossiers contre la Turquie comme "admissibles" et en a référé devant la cour européenne des droits de l'homme le 17 avril 1996.
    Le premier dossier, "Aziz Mentes et autres contre Turquie", concerne des allégations de la part de quatre femmes d'après lesquelles des soldats turcs ont brûlés leurs maisons le 25 juin 1993. Le rapport dit que selon les plaignants, les forces de sécurité turques étaient arrivées le jour suivant une attaque contre le village de Sagoze dans la province de Bingöl par le PKK le 23 juin. "Toujours d'après les plaignants, les forces de sécurité ont brûlé leurs maisons le jour suivant sur base du fait que les villageois avaient aidé les séparatistes du PKK."
    La commission a déclaré admissibles les plaintes des demandeurs d'après lesquelles le 25 juin 1993, les forces de sécurité de l'état ont brûlé leurs maisons, détruisant leurs propriétés et les forçant à évacuer leur village et causant, dans le cas de Suriye Uvat qui était enceinte à cette époque, la naissance prématurée de jumeaux qui sont décédés peu de temps après. La commission a trouvé la Turquie en violation avec l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme, qui assure le droit au respect de la vie de famille.
    Le rapport cite aussi la Turquie comme étant en violation de l'article 3, qui protège contre la torture et les traitements inhumains ou dégradants. Selon le rapport, la Turquie est également dans l'illégalité au regard des articles 6.1 et 13, qui demandent des remèdes domestiques effectifs. "La décision de la Turquie de ne pas faire suivre les dossiers de ces femmes dans le système légal domestique est fondamentalement défectueuse," argue le rapport.
    La seconde demande acceptée par la commission comme "admissible" est la plainte de Sükran Aydin d'après laquelle elle a été violée en détention.
    "Dans les premières heures du 29 juin 1993, la plaignante, son père Sevdo Aydin et sa belle-soeur Ferahdiba Aydin ont été prises de leur village Tasit, dans le district de Derik, par les gardiens de village et les officiers de gendarmerie. Ils ont été emmenés dans les locaux de la gendarmerie de Derik. Durant sa détention, on a bandé les yeux de la plaignante. Elle a emmenée dans une 'salle de torture' où elle a été battue, déshabillée, placée dans un pneu et arrosée d'eau pressurisée. Dans une autre salle séparée, elle a été déshabillée et violée par un membre des forces de sécurité. Elle et les autres membres de sa familles ont été libérés après trois jours,                                                                                                                                                                            environ le 2 juin 1993,"dit le rapport, citant les plaintes alléguées par la demanderesse.
    Selon le rapport, la commission a trouvé la Turquie en violation avec l'article 3, considérant le traitement de Aydin pendant sa détention comme assez grave pour pouvoir être considéré comme torture. Elle a établi que le droit à  une audition correcte par le système judiciaire (comme défini dans l'article 6.1) avait aussi été violé.

"OU EST TALAT TÜRKOGLU," DEMANDE LE IHD

    La branche d'Istanbul d'IHD a tenu une conférence de presse en plein air à Istanbul pour faire entendre leur allégation d'après laquelle Talat Türkoglu a disparu aux mains des forces d'état.
    Talat Türkoglu a été porté disparu depuis le 1 avril. Sa femme et sa famille affirment que Türkoglu a été arrêté et est en détention. L'IHD a affirmé que les questions au ministre de l'intérieur Ülkü Güney et aux autres autorités n'ont pas encore reçu de réponse.
    "Nous demandons une fois encore à l'état," dit la déclaration du IHD, "où est Türkoglu? Vous qui nous gouvernez, combien de temps continuerez vous maintenir le silence? Si Türkoglu ne réapparaît pas vivant la responsabilité en reviendra au présent gouvernement et à la mentalité qui existe dans l'état."

2 MOIS DE TERRORISME D'ÉTAT

    3.4, à Istanbul, Ali Ocak, qui a été détenu le 15 mars, affirme avoir été torturé en détention policière.
    3.4, un groupe de Loups gris fait un raid sur une cantine universitaire et blesse sérieusement six étudiants de gauches..
    3.4, les forces de sécurité annoncent l'arrestation de 16 militants du PKK à Istanbul et de six militants du DHKP-C à Adana.
    4.4, à Birecik, un étudiant de l'école secondaire de 15 ans, F.I., est mis en arrestation par un tribunal local pour avoir brandi un drapeau kurde à l'école.
    4.4, les forces de sécurité arrêtent 22 personnes pour activités du DHKP-C à Istanbul.
    5.4, le procureur d'Ankara a inculpé 385 étudiants universitaires pour avoir tenu des manifestations sans autorisation et occupé des bâtiments universitaires. Les inculpés risquent des peines lourdes d'emprisonnement allant jusqu'à neuf ans.
    6.4, à Adana, Zeki Zeper affirme avoir été torturé dans un bureau de police.
    6.4, le quotidien Demokrasi rapporte que le village de Dilek, à Mardin, a été vidé de ses habitants par les forces de sécurité et environ 150 habitants ont du migrer vers la ville de Dargecit.
    7.4, à Diyarbakir, Ramazan Uran, blessé dans une attaque armée, est décédé à l'hôpital.
    7.4, la branche de Kirsehir du IHD a été mise en feu par des assaillants non identifiés. Une conférence de presse organisée pour protester contre cette attaque a été interdite par la police. 17 personnes ont été mises en détention pour manifestation non autorisée.
    8.4, dans le village de Besikkaya à Mardin, Hasret Gündüz, 37 ans, est victime de l'explosion d'une mine placée par les forces de sécurité.
    9.4, à Eskisehir, 24 étudiants universitaires sont inculpés pour une manifestation qu'ils ont tenue le 17 mars contre l'augmentation du minerval universitaire.
    9.4, la CSE d'Ankara condamne trois membres du parti communiste révolutionnaire de Turquie (TDKP) à des peines de prison allant jusqu'à 15 ans.
    10.4, le procès de 51 étudiants d'université pour des actions de protestations contre l'augmentation du minerval universitaire commence devant une cour criminelle d'Istanbul. Le procureur requiert des peines de prison allant jusqu'à 19 ans
    10.4, à Ankara, un groupe d'étudiants d'université est attaqué par des Loups gris alors qu'ils manifestent contre les attaques antérieures de ces mêmes assaillants. Les loups gris blessent neuf étudiants et un journaliste photographe du Cumhuriyet, Tarik Tinazay.
    10.4, les forces de sécurité annoncent l'arrestation de 15 personnes à Elazig et de 9 personnes à Bingöl pour soutien à des organisations illégales.
    10.4, à Diyarbakir, Hasan Gen est tué par balle par un tireur non identifié.
    11.4, le président du IHD Abdurrahman Saran est inculpé pour son discours lors d'une manifestation en protestation contre les incidents de la prison d'Umraniye. Il risque une peine de prison de trois mois au minimum.
    11.4, à Karakocan, l'ancien du village de Cayirgülü, Kaya Altun, ainsi que deux autres personnes sont mis en détention pour aide au PKK.
    12.4, à Istanbul, le membre du IHD Tamis Akpinar est mis en détention et soumis à la torture alors qu'il se rend à la police pour retirer son passeport.
    13.4, l'ex-député du CHP de Tunceli Sinan Yerlikaya est accusé par le procureur du SSC d'Ankara d'avoir donné de l'aide et un abris à de militants du TIKKO. En vertu de l'article 169 du code pénal turc, Yerlikaya risque une peine de prison allant jusqu'à 5 ans.
    13.4, les forces de sécurité détiennent huit personnes au total à Rize et Artvin pour activités du PKK.
    14.4, à l'université Hacettepe d'Ankara, huit étudiants sont mis en détention pour avoir refusé de montrer leur carte d'identité aux gendarmes.
    14.4, à Nusaybin, Yusuf Demir est tué par balles par des tireurs non identifiés.
    14.4, des manifestations pour la paix, la démocratie et les droits syndicaux, organisées par la Confédération des unions des employés publics (KESK) sont interdites par les gouverneurs de Gaziantep et de Samsun. Cette décision fait l'objet d'une protestation sous forme de manifestation non autorisée et environ 80 personnes sont emmenées en détention.
    14.4, le bureau de Giresun du parti pour la liberté et la solidarité (ÖDP) fait l'objet d'une descente de police et certains documents sont confisqués. La police met aussi le président local de l'ÖDP Mustafa Erol et un autre responsable du parti en détention.
    14.4, à Mersin, les forces de sécurité qui attaquent une maison et une orangerie tuent par balles quatre personnes accusées d'être des sympathisants du PKK. L'IHD  accuse la police d'exécuter des gens sans jugement.
    14.4, Izmir, cinq personnes sont mises en détention pour avoir agité des écharpes tricolores kurdes (vert-jaune-rouge) au cours d'une cérémonie de mariage.
    14.4, une descente de police sur certaines maisons à Gaziemir conduit à l'arrestation de quatre personnes.
    14.4, à Hasankeyf, les forces de sécurité arrêtent 40 personnes dont le président local de l'HADEP Hayrettin Topkan.
    15.4, à Ankara, des Loups gris attaquent la cantine de l'université Gazi et blessent trois étudiants de gauche.
    16.4, à Adana, l'étudiant Meral Ordu affirme avoir été torturé durant sa détention policière.
    17.4, le procureur d'Ankara ouvre une procédure judiciaire contre les représentants d'une série d'organisations démocratiques et de syndicats accusés d'avoir soutenu une action étudiante contre l'augmentation du minerval universitaire.
    17.4, à Ankara, les forces de sécurité détiennent 33 étudiants universitaires au cours d'une opération disciplinaire.
    18.4, le campus central de l'université Hacettepe à Ankara est attaquée par un groupe de Loups gris. A Istanbul, la police blesse un étudiant au cours d'une  manifestation de protestation.
    19.4, à Istanbul, 20 personnes sont détenues par la police accusées d'activités illégales.
    20.4, à Diyarbakir, Mehmet Senyigit est assassiné en détention policière et son corps retrouvé à la morgue de l'hôpital d'état.
    21.4, après une rencontre pour la paix et la  démocratie, organisée par l'HADEP à Istanbul, six participants sont mis en détention par la police.
    22.4, un tribunal pénal d'Ankara commence à juger l'ex-député du SHP Mahmut Alniak pour avoir insulté le défunt président de la république, Turgut Özal, et sa famille. Il risque une peine de prison pouvant aller jusqu'à 4 ans.
    22.4, à Istanbul, dix militants du parti du travail (EP) et du parti du pouvoir socialiste (SIP) sont mis en détention lorsqu'ils distribuent des tracts du premier mai.
    22.4, le bureau provincial de Siirt de l' HADEP fait l'objet d'une descente de police, et neuf membres du parti sont mis en détention.
    22.4, à Maras, trois professeurs, Nurettin Arslan, Haci Ömer Serin et Aydin Yilmaz sont tués par balle par des tireurs non identifiés.
    23.4, des posters du premier mai  produits par le parti pour la liberté et la solidarité (ÖDP) sont interdits par le gouverneur d'Istanbul.
    24.4, le procureur  d'Istanbul a entamé une procédure légale contre 453 détenus politiques pour leurs actions de résistance à la prison de Bayrampasa au début de janvier 1996.
    25.4, le président de Batman de l'HADEP Rifat Basalak est mis en détention policière.
    25.4, la CSE de Kayseri condamne quatre personnes à des peines de prison allant jusqu'à 18 ans et 9 mois pour participation aux activités du l'armée de libération des ouvriers et paysans  de Turquie (TIKKO).
    26.4, le vice-président de l'HADEP Osman Özcelik est arrêté par la CSE d'Ankara pour son communiqué de presse sur l'assassinat de onze paysans kurdes par les forces de l'état à Güclükonak le 15 janvier. Le même jour, à Hasankeyf, le président local de l'HADEP Hayrettin Topkan est mis en état d'arrestation par un tribunal. A Diyarbakir, un responsable de l'HADEP, Veli Türkyilmaz est mis en détention policière après un raid contre sa maison.
    27.4, un responsable de l'HADEP de Turgutlu, Seyhmus Celik ainsi que quatre autres personnes sont mises en état d'arrestation par la CSE  d'Izmir. Le même jour, à Batman, les forces de sécurité arrêtent 16 personnes.
    28.4, le soldat Ömer Marulcu est arrêté par un tribunal militaire pour avoir participé à la rencontre pour la paix et la démocratie, organisée par l'HADEP à Istanbul le 21 avril.
    1.5, à Tunceli, Hasan Tuntas, 58 ans, qui avait été abattu le 30 avril par des soldats, meurt  dans un hôpital de la ville.
    1.5, les forces de sécurité annoncent l'arrestation de huit personnes accusées de participer aux activités de la TIKKO.
    2.5, sept étudiants universitaires qui avaient été détenus par la police le 17 avril sont mis en état d'arrestation par une décision de la CSE d'Ankara; l'IHD affirme que les étudiants ont été soumis à la torture durant leur détention policière.
    2.5, à Siirt, une fille de 17 ans, Hazal Sevim est tuée par balle par les forces de sécurité alors qu'elle faisait paître des animaux.
    2.5,  à Ankara, un étudiant du secondaire, Yasin Akkaya, qui avait été détenu le 12 avril, affirme avoir été torturé par les policiers pour le forcer à devenir un informateur de la police.
    2.5, à Mersin, quatre personnes qui avaient été détenues en avril sont mises en état d'arrestation par un tribunal.
    3.5, à Istanbul, une personne non identifiée est tuée par balle par des gardes militaires sous le prétexte qu'il n'obéissait par à l'ordre de ne pas pénétrer dans une zone interdite.
    3.5, à Karacabey, Hasan Tanis qui avait  été mis en détention un jour auparavant, est trouvé poignardé au poste de police. Il meurt alors qu'il est emmené à l'hôpital.
    3.5, à Izmir, sept membres supposés de l'union des communistes révolutionnaires de Turquie (TIKB) sont mises en état d'arrestation par un tribunal local.
    4.5, au cours d'une cérémonie de commémoration pour un ancien maire de Fatsa, Fikri Sönmez, qui fut une des victimes du régime du 12 septembre, les forces de sécurité  mettent plus de 50 personnes en détention.
    4.5, à Izmir, deux membres du parti du travail (EP), Özgür Turna et Ferhat Kanza, affirment avoir été torturés dans un local des loups gris où ils avaient été emmenés après avoir été détenus un certain temps au bureau de police.
    5.5, le président de la chambre des médecins de Diyarbakir et chef de l'hôpital de la sécurité sociale, Seyfettin Kiziltan, est mis en détention par la police au cours d'une descente sur sa maison. Accusé d'aider le PKK, Kiziltan a déjà été mis en détention l'année passée pour avoir donné des soins médicaux à un militant du PKK blessé.
    6.5, la CSE d'Ankara condamne trois  membres du Hizbullah à la peine capitale en vertu de l'article 146/1 du code pénal turc, pour tentative de renverser le régime constitutionnel et d'établir un ordre religieux. Les peines de mort sont par la suite commuées en prison à vie. Dans la même affaire, six autres inculpés sont condamnés à des peines de prison allant jusqu'à 9 ans en vertu de l'article 169 du TPC.
    6.5, la CSE d'Istanbul condamne trois militants du PKK à des peines d'emprisonnements allant jusqu'à 12 ans.
    7.5, la CSE d'Istanbul entame le procès de 115 étudiants d'universités, dont 26 sont en état d'arrestation, pour avoir occupé le 23 mars certains bâtiments de l'université d'Ankara en protestation contre l'augmentation du  minerval universitaire. Le procureur réclame pour les inculpés des peines d'emprisonnement allant jusqu'à 9 ans.
    7.5, à Hakkari, un responsable de l'HADEP, Mustafa Gümüslü est mis en détention par la police au cours d'une descente  sur sa maison.
    7.5, à Siirt, Tahir Özer et Ali Cetinkaya qui avaient été kidnappés le 2 mai par des agresseurs non identifiés sont trouvés assassinés.
    8.5, à Siirt, le responsable de l'HADEP Abdülsamet Calapkulu ainsi que 18 autres personnes qui avaient été mises en détention le 22 avril, sont mis en état d'arrestation par un tribunal local. A Istanbul, quatre membres de la section de la jeunesse de l'HADEP sont détenues par la police. Le même jour, à Adana, la police détient cinq personnes pour activités du PKK.
    8.5, un ancien député du SHP, Mahmut Alniak est inculpé à nouveau par le procureur pour une conférence de presse qu'il a tenue en 1993 à Sirnak. En vertu de l'article 159/1 du code pénal turc, Alniak risque une peine de prison allant jusqu'à 6 ans pour avoir insulté les forces armées.
    9.5, deux représentants de la fondation pour les droits de l'homme de Turquie (TIHV), Mustafa Cinkilic et le docteur Turan Köse sont traduit devant une cour pénal d'Adana. Accusés de ne pas avoir informé le directorat de la police de l'identité des victimes de la torture demandant un traitement de réhabilitation, chacun d'entre eux risque une peine de prison allant jusqu'à six mois en vert des articles 526 et 530 du code pénal turc.
    11.5, le président d'Ankara du Syndicat des ouvriers de l'industrie de la guerre (Harp-Is) Necmettin Dogan, le vice-président Ibrahim Yalcin et trois autres responsables du syndicat sont inculpés par le procureur d'Ankara pour un communiqué de presse qu'ils ont publié en 1994. Chacun d'entre eux risque une peine d'emprisonnement allant jusqu'à deux ans.
    11.5, on rapporte que des dizaines d'étudiants d'université ont été mis en détention par la police ces derniers jours.
    12.5, à Istanbul, un groupe de 200 personnes qui visitent la tombe de l'une des victimes des incidents du premier mai sont dispersés par la police qui fait usage de la force et blesse 10 personnes. 60 personnes qui se rendaient à la visite en bus sont aussi stoppées à Tuzla et toutes sont emmenées en détention.
    12.5, à Hakkari, trois anciens responsables du DEP, Ferzende Abi, Sirin Abi et Bazi Bor, sont mis en état d'arrestation par un tribunal local. Le même jour, Rifat Özbek, membre de l'HADEP et son fils, Sahin Özbek, sont mis en détention policière à Seyhin.
    12.5, à Istanbul, les forces de  sécurité annoncent l'arrestation de quinze personnes pour participation aux activités du parti communiste du travail de Turquie-léniniste (TKEP-L). Le même jour, les opérations de police à Denizli, Aydin, Mugla et Manisa conduisent à l'arrestation de neuf membres supposé du DHKP-C et d'un membre du TDKP.
    13.5, à Istanbul, Irfan Agdas, 17 ans, est tué par balles par la police alors qu'il vendait le périodique Kurtulus.
    13.5, à Mersin, une femme du nom de Remziye Karakoc affirme avoir été torturée et harcelée sexuellement par la police après avoir été détenue en même temps que son père Mehmet Karakoc.
    14.5, une centaine d'étudiants universitaires sont dispersés par la police qui fait usage de la force alors qu'ils tiennent une manifestation de protestation au cours de la cérémonie de la réunion du conseil d'éducation nationale. 81 étudiants sot mis en détention.
    14.5, à Istanbul, au cours des funérailles d'Irfan Agdas, tué par balles par la police le jour précédent en vendant Kurtulus, plus de 300 personnes sont dispersées par les forces de sécurité et quinze personnes mises en détention.
    14.5, deux cantines d'étudiants de l'université d'Ankara sont attaquées par les loups gris et huit étudiants de gauche sérieusement blessés.
    14.5, Sükran Polat, 16 ans, qui avait été détenu le 8 mai à Istanbul, affirme avoir été forcé en détention à être un informateur de la police.
    14.5, à Sirnak, un fonctionnaire public, Ahmet Ürün, ainsi qu'une autre personne non identifiée sont trouvés assassinés dans le terrain vague des quartiers généraux de la brigade. Les parents d'Ürün affirment qu'ils ont été tués sous la torture au moins deux semaines plus tôt et brûlés par des soldats pour cacher leur crime.
    14.5, le président de l'HADEP de Bingöl Niyazi Azak est mis en détention policière.
    15.5, à Istanbul, Önder Ürün affirme avoir été torturé par les loups gris après avoir été kidnappé le 13 mai.
    16.5, le procureur de la CSE d'Ankara entame une action légale contre un ancien membre du parlement, Hasan Mezarci, pour un discours qu'il a prononcé en 1992. Accusé de propagande séparatiste, Mezarci risque une peine de prison allant jusqu'à trois ans.
    17.5, à Ankara, 130 étudiants de différentes provinces de Turquie organisent une rencontre alternative du conseil éducationnel. Alors qu'ils se rendent au ministère de l'éducation nationale, les étudiants sont attaqués par la police et 60 d'entre eux sont emmenés en détention. Les détenus sont battus brutalement dans les voitures de police pendant qu'ils sont emmenés aux quartiers généraux de la police. Le même jour, à l'université technique du Moyen-Orient (ODTÜ), les gendarmes mettent en détention quinze étudiants.
    18.5, à Istanbul, un congrès international sur les disparitions en détention est harcelé par la police. Au cours d'une action pour allumer des bougies à la mémoire des victimes, 33 personnes dont un citoyen anglais et un citoyen français sont mis en détention. Une autre action pour visiter la tombe d'une victime du premier mai conduit aussi à l'arrestation de 30 personnes.
    18.5, à Ankara, un nouvelle manifestation de protestation contre la mise en détention d'étudiants un jour auparavant conduit à l'arrestation de 148 autres étudiants.
    18.5, à Van, Nazmi Balik, 45 ans, est trouvé assassiné dans sa maison.
    19.5, à Izmir, deux suspects de vol, Hüseyin Sunal et Hüseyin Türkmen affirment après leur libération avoir été soumis à la torture en détention.
    19.5, à Izmir, une rencontre organisée par le parti  pour la liberté et la solidarité (ÖDP) est interdite par le gouverneur.
    20.5, Akin Rencper, 18 ans, qui avait  été maintenue en détention à Istanbul en liaison avec les incidents du premier mai meurt à Ankara à cause des mauvais traitements qui lui ont été infligés aux quartiers généraux de la police.
    20.5, à Erzincan, 18 personnes sont mises en détention par les forces de sécurité dans le cadre d'une opération contre l'armée e libération des ouvriers et paysans de Turquie (TIKKO).
    20.5, à Adana, les forces de sécurité annoncent l'arrestation de 13 personnes acusées d'être membres de l'unité de propagande armée marxiste léniniste (MLSPB) et d'Octobre (Ekim).
    21.5, la cour de cassation ratifie une sentence d'un an d'emprisonnement contre l'imam Hasan Hüseyin Kiymik pour avoir insulté Atatürk.
    21.5, à Adana, l'association pour la culture et la solidarité de Yüregir est fermée par ordre du gouverneur d'Ankara.
    21.5, à Adana, sept personnes sont détenues comme membres de l'union des communisstes révolutionnaires de Turquie (TIKB).
    22.5, un nouveau procès contre l'ancien député du SHP Mahmut Alniak commence devant une cour pénale d'Anakara. Accusé d'avoir insulté l'ancien ministre de l'intérieur Mustafa Kalemli, maintenant président de l'assemblée nationale, Alniak risque une peine de prison allant jusqu'à deux ans.
    22.5, à Bursa, les Loups gris attaquent un bus transportant des étudiants de gauche et en blessent sept d'entre eux.
    23.5, à Van, la police détient les ancien membres du DEP Zahir Kartal et Burhan Keskin.
    23.5, une rixe entre les Loups gris et des étudiants de gauches à la faculté des sciences politiques de l'université d'Ankara fait deux blessés parmi les étudiants.
    23.5, un festival organisé à Balikesir par l'ÖDP ainsi qu'un concert du chanteur folklorique Ferhat Tunc à Izmir sont interdits par les gouverneurs locaux.
    23.5, à Ankara, les forces de sécurité détiennent trente personnes en relation avec le PKK et 13 autres personnes en relation avec October (Ekim) à Ankara.
    23.5, cinq étudiants de l'université Gazi d'Ankara et quatre étudiants de l'université Atatürk à Erzincan sont emmenés en détention policière.
    24.5, les Loups gris qui attaquent l'université Akdeniz à Antalya blessent quatre étudiants.
    24.5, douze dirigeants de la Confédaration des syndicats des fonctionnaires publics (KESK) sont mis en détention devant les locaux du gouverneur d'Istanbul au cours d'une action de protestation.
    27.5, à Van, l'ancien responsable du DEP Ferzende Abi affirme avoir été torturé au cours de sa détention policière de 15 jours. Le même jour, à Ergani, Hasip Erdogan, 42 ans, aa aussi déclaré avoir été torturé.
    27.5, à Ankara, la section de Maltepe du parti de la liberté et de la solidarité (ÖDP) est la cible d'un attentat à la bombe.
    28.5, à Ankara, Yasin Cetin et Hakki Seker affirment avoir été torturés.
    28.5, à Istanbul, sept responsables du Syndicat des travailleurs de la santé (Tüm Saglik Sen) sont mis en détention policière. Le même jour quarante personnes sont également détenues pour activités du DHKP-C.
    28.5, à Pervari, les forces de sécurité à la recherche de Tahir Aydinalp arrêtent sa mère Maver Aydinalp, âgée de 80 ans, et sa femme Diyari Aydinalp.
e    29.5, les seize étudiants qui avaient été torturés et sont toujours jugés par la CSE d'Izmir sont à nouveau inculpés. Ils doivent être jugés par une cour pénale en vertu de l'article 536 du code pénal turc. Chacun d'entre eux risque une peine de prison pouvant aller jusqu'à deux ans pour une campagne de poster non autorisée.
    29.5, à Istanbul, dix personnes sont détenues pour activités du DHKP-C.

EXPLOSION SOCIALE DU PREMIER MAI DANS LA METROPOLE D'HABITAT II

    Au cours des deux derniers mois, la plus grande métropole de Turquie, Istanbul a été la scène de deux événements spectaculaires: des célébrations sanglantes du premier mai, et les rencontres d'Habitat II du 3 au 14 juin 1996. Tous les sujets discutés à Habitat II étaient, en fait, les vraies raisons de l'explosion sociale du premier mai à Istanbul: urbanisation sauvage, chômage, manque de droits démocratiques, discriminations ethniques et d'opinion, etc.
    Les célébrations pacifiques de la journée de l'unité, de la solidarité et des luttes de la classe ouvrière, organisées par les confédérations syndicales ont tourné à l'affrontement quand la police a attaqué les manifestants et tué par balle un jeune homme.
    La réponse des manifestants a aussi été violente. Des jeunes gens en colère ont cassé des vitrines de magasin armés de bâtons et ont incendié des voitures. Trois civils ont été tués et plus d'une centaine de manifestants, policiers et passants ont été blessé au cours des confrontations au cours de la journée.
    Selon les responsables, ces gens qui ont fait des dégâts dans le district de Kadiköy étaient des terroristes, militants et ennemis de l'état. Ils n'avaient qu'un seul but: renverser l'ordre existant et amener l'ordre alternatif qu'ils voulaient.
    C'est le même argument qui est utilisé par les autorités dans l'analyse du conflit sans fin dans le sud est de la Turquie. C'est une poignée de "terroristes du PKK" qui sont responsables de la guerre qui dure depuis 13 ans. Si la puissante armée de Turquie annihile cette "bande de terroristes", la Turquie du sud-est se transformera en un paradis!
    Avec le même raisonnement, les autorités, fermant les yeux sur les réalités économiques et sociales de métropoles comme Istanbul, ont lancé une chasse à l'homme après les incidents du premier mai. Des centaines de jeunes gens ont été arrêtés et envoyé devant les tribunaux.
     Cependant, des millions de jeunes gens sont toujours en train de vivre dans les conditions insupportables de bidonvilles qui représentent 60 % de la population d'Istanbul. Les jeunes et les enfants d'Istanbul participent au travail en nombre croissant chaque jour. La proportion des jeunes de 12 à 19 ans qui travaillent s'est accrue de 64% entre 1980 et 1990.
    Quelque soient leurs options politiques, qu'elles soient radicales de gauche ou fondamentalistes islamiques, ils sont à la recherche de solutions à leurs problèmes par des voies radicales, parce qu'ils n'ont pas été autorisés à opter pour des voies démocratiques. Beaucoup d'entre eux cherchent vengeance pour la mort de leur camarades, vengeance pour tout ce dont ils sont privés.
    Leurs actions prennent très souvent des formes violentes quand ils voient que les gens les plus corrompus du pays  peuvent occuper les postes de premier ministre et de ministres et que les chefs de la police tirent profit de la mafia qui exploite les bidonville.
    Les partis sociaux démocrates qui avaient connu un moment un fort soutien populaire dans les grandes villes ont déjà perdu toute leur crédibilité à cause de leur complicité avec les politiciens de droite corrompus et de leur implication directe dans des irrégularités et des pratiques répressives.
    Les événements de Gazi de l'année passée ont été l'une de ces explosions sociales violentes. Les événements du premier mai de cette année sont un nouveau pas dans la radicalisation de l'opposition dans les bidonvilles des métropoles.
    Une autre signe de cette radicalisation a sans nul doute été les spectaculaires résultats obtenus par les fondamentalistes islamiques du RP aux élections locales du 2 juin.

HABITAT II S'EST TENU SOUS REPRESSION POLICIERE

    Alors que l'officiel Habitat II organisé par les Nations unies se tenait dans la plus belle vallée d'Istanbul, une des villes les plus polluées au monde, au cours de la première moitié de juin 1996, les autorités turques n'ont pas manqué de montrer leur hostilité à l'encontre des défenseurs des droits de l'homme.
    Après que les sujets des droits de l'homme aient été exclus du programme officiel de la conférence, le 31 mai, la police turque a interdit toutes les activités d'Habitat Alternatif organisées par 35 organisations non gouvernementales qui boycottent la conférence officielle Habitat II.
    Habitat Alternatif devait être un forum pour des organisations ne participant pas aux activités dans l'officiel Habitat pour mettre en lumière un certain nombre de questions, telles que les violations des droits de l'homme en Turquie, qui n'étaient pas à l'agenda de la conférence officielle.
    Les activités de l'Habitat Alternatif ont débuté le 29 mai dans les salles de rencontre en dehors de la vallée d'Habitat, le lieu de réunion au centre d'Istanbul pour le sommet officiel. Cependant, les autorités turques n'ont pas pu supporter cette action alternative plus de deux jours. Ils ont fourni l'excuse pour l'interdiction d'Habitat Alternatif que les ONG n'avaient pas reçu l'autorisation du bureau du gouverneur pour réunir leur contre-conférence.
    Le président d'Istanbul de l'Association des droits de l'homme (IHD), Ercan Kanar a déclaré que l'état avait peur des réalités et du fait que ses crimes allaient être attaqués à l'Habitat Alternatif et a annoncé que l'état se mettait en flagrant délit par cet acte.
    En dehors d'une série d'interventions de routine de la police, l'action policière la plus spectaculaire pendant Habitat II a été la mise en détention d'environ 1.500 personnes, dont plusieurs participants étrangers à la conférence Habitat II des Nations unies, le 8 juin quand ils ont mené des protestations pour la défense des droits de l'homme en Turquie.
    L'une des manifestations était organisée par la Confédération des syndicats de la fonction publique (KESK) pour la reconnaissance des droits syndicaux des employés publics. L'autre était la traditionnel rencontre du samedi des mères organisant une protestation pour leurs fils et filles disparus au cours de leur détention.
    La police a immédiatement attaqué les manifestants avec des bâtons en bois et arrêté les manifestants qui organisaient un sit-in sur la rue Istiklal à la place Galatasaray.
    Cette répression a fait l'objet d'une protestation le jour suivant par les représentants des ONG dans la vallée d'Habitat. Des centaines de participants d'Habitat II de différents pays se sont rassemblés au campus ITU Taskisla avec des lignes noires sur leurs bouches symbolisant le bâillonnement de la liberté de parole. Un orateur a ensuite lu une déclaration dénonçant la brutalité policière contre des manifestants pacifiques.
    La déclaration disait que la police devrait aller chercher leurs collègues qui sont responsables pour les 400 personnes disparues en détention plutôt que d'attaquer les familles des personnes disparues.
    Les ONG ont aussi exprimé leur soutien au combat des employés turcs du service public pour leurs droits syndicaux et sociaux.
    Le même jour, quinze autres personnes ont été arrêtées alors qu'elles se rassemblaient devant les quartiers généraux de la police à Aksaray demandant des informations quant au sort de ceux qui avaient été arrêtés le samedi.
    Le chef de la police Kemal Yazicioglu a déclaré, "il faut qu'on sache que nous ne laisserons pas se dérouler des actions illégales qui ont pour objet de donner une mauvaise impression au monde en mettant la Turquie et la police turque en position difficile."
    Pourtant, ce n'est pas ce type d'actions mais l'attitude répressive du gouvernement et de la police qui mettent la Turquie en position honteuse.

JOURNÉE D'ACTION SUR LA TURQUIE AUX CENTRES DE PEN INTERNATIONAL

    Des écrivains à travers le monde ont organisé un jour de solidarité avec leur collègues emprisonnés et censurés en Turquie le 30 mai, rapporte le Comité pour les écrivains en prison (WiPC) de PEN International..
    Les membres des centres de PEN international à travers le monde agissent auprès des autorités turques, de leurs gouvernements et des représentations turques dans leurs pays, "appelant à ce que les lois turques soient mises au diapason avec les normes internationales protégeant la liberté d'expression."
    A cette occasion le WiPC a noté que de nombreux écrivains et intellectuels en Turquie sont en jugement en lien avec la publication du livre "liberté d'expression en Turquie", qui contient l'article de Yasar Kemal pour lequel il a été inculpé.
    "99 intellectuels qui ont signé comme éditeurs responsables du livre pour défier le gouvernement à propos des restrictions sur la liberté d'expression ont fait l'objet d'enquête et été inculpés," dit le WiPC, ajoutant, "L'un d'entre eux, l'auteur bien connu Aziz Nesin, est mort depuis et un second procès a été entamé à l'encontre de 86 autres qui ont été identifiés après enquête."
    Les 98 intellectuels se sont rendus au tribunal le 31 mai.
    Lors d'une rencontre récente de PEN international au Danemark, des écrivains de 19 pays ont endossé la signature comme éditeurs responsables de "liberté d'expression en Turquie", en geste de solidarité. Les écrivains en question sont du Danemark, de Suède, des États-Unis d'Amérique, d'Angleterre, de Suisse, d'Australie, du Canada, d'Autriche, du Japon, du Mexique, de Russie, du Kenya, d'Allemagne, de Norvège, du Népal, de la république tchèque, du Malawi, du Finlande et de Croatie.
    Le WiPC rapporte que, en 1995, "les groupes de défense des droits de l'homme ont concentré la pression sur le gouvernement pour amender l'article 8 de la loi anti-terreur," et, en octobre, cette loi a été légèrement amendée et plusieurs écrivains libérés comme résultat.
    Néanmoins, certains de ces écrivains ont maintenant été à nouveau condamnés, dit le WiPC, citant le docteur Haluk Gerger, autre récompensé du prix Hellman/Hammett
    "Les groupes de défense des droits de l'homme ont identifié environ 500 lois qui peuvent être utilisées pour restreindre la liberté d'expression en Turquie, "dit le WiPC.
    Le centre américain de PEN a lancé un "message de solidarité à 98 écrivains et intellectuels turcs se trouvant en procès en Turquie le 31 mai 1996, de la part de 98 écrivains à travers le globe", à la fois en anglais et en turc.

LE CPJ DÉSIGNE MESUT YILMAZ "ENNEMI DE LA PRESSE"

    Le premier ministre turc Mesut Yilmaz figure parmi 10 personnalités dans le monde identifiés par le comité pour la protection des journalistes (CPJ) comme "ennemis de la presse."
    "Quatrième sur la liste des ennemis de la presse, Yilmaz dirige un gouvernement qui détient à chaque moment plus de journalistes en prison qu'aucun autre pays au monde," dit le CPJ, ajoutant, "Yilmaz n'a rien fait pour améliorer la situation par rapport au record lamentable en matière de liberté de la presse de son prédécesseur Tansu Ciller."
    La liste des ennemis de la presse est publiée annuellement le 3 mai pour marquer le jour mondial de la liberté de la presse.
    "Chacun de ces 10 hommes est activement impliqué dans l'éradication de la presse indépendante," a dit le directeur exécutif du CPJ William Orme. "Des masses de journalistes actifs ont été tués, emprisonnés, ou exilés comme résultat de leurs actions directe ou sous le couvert."
    Les autres ennemis de la presse sont, dans l'ordre, Abu Abdul Rahman Amin, chef du groupe islamique armé rebelle d'Algérie, le dirigeant chinois Deng Xiaoping, le président nigérien Sani Abacha, le président du Tadjikistan Emomali Rakhmonov, le président de l'Indonésie Suharto, le président cubain Fidel Castro, le roi de l'Arabie saoudite Fahd bin Abdulaziz Ibn Saud, le président du Kenya Daniel arap Moi et le premier ministre de Slovaquie Vladimir Meciar.

DEUX MOIS DE PRESSION SUR LES MEDIA

    2.4, la cour militaire de l'Etat-Major condamne un ancien éditeur responsable du quotidien Özgür Gündem, Besim Döner, à quatre mois de prison et 320.000 LT d'amende pour publication anti-militariste. La cour militaire condamne aussi Ali Akkaya, Selma Genc et Mesude Basigüzel à deux mois de prison chacun pour propagande anti-militariste.
    3.4, à Istanbul, un correspondant du périodique Proleter Halkin Birligi, Muammer Kalkan affirme avoir été torturé en détention policière.
    3.4, l'ancien député du DEP Hatip Dicle qui est en prison en même temps que trois autres députés kurdes, est condamné par la CSE d'Istanbul à une peine de 2 ans de prison pour un article qu'il avait écrit pour le quotidien Yeni Politika. Le même jour, l'éditeur de Yeni Politika, Necati Taniyan est condamné pour un autre article à une amende de 163 millions de LT.
    4.4, l'éditeur responsable du quotidien Evrensel, Ali Erol est condamné par la CSE d'Istanbul à deux ans de prison et 600.000 LT d'amende. La cour décide aussi d'interdire la publication du journal pour un mois.
    4.4, un ancien éditeur responsable du quotidien Özgür Gündem, Ömer Özdemir est condamné par la cour militaire de l'Etat-Major à deux mois de prison et 220.000 LT d'amendes pour une publication anti-militariste. L'auteur de l'article, Arif Hikmet Iyidogan est lui aussi condamné à la même peine.
    4.4, une cour pénal d'Istanbul condamne six membres du groupe musicale Yorum, Hakan Alak, Satilmis Lüker, Irsad Aydin, Özcan Senver, Güner Algül, Olcay Karadah, Ahmet Latif Tiftikci et Fatih Ertüre à un an d'emprisonnement chacun pour une action de protestation menée en août 1995. Les emprisonnements sont ensuite commués en amende de 150.000 LT pour chacun.
    5.4, le président de l'Institut kurde, Sefik Beyaz est mis en prison pour purger sa peine d'une an d'emprisonnement. Il a été condamné par la CSE d'Istanbul pour son discours lors d'un meeting organisé par le groupe des Verts du parlement européen à Istanbul le 29 avril 1994, sur le thème "nationalisme et racisme en Europe." La peine est fondée sur l'article 312/2 du code pénal turc.
    8.4, le directeur de la maison d'édition Yurt, Ünsal Öztürk est condamné par une cour pénale d'Ankara à 18 mois de prison pour avoir publié le livre du leader du PKK Abdullah Öcalan intitulé Le fascisme du 12 septembre et la résistance du PKK. L'emprisonnement est ensuite commué en amende de 1,7 millions de LT.
    9.4, l'éditeur responsable du quotidien Evrensel, Ali Erol est condamné à deux ans de prison et 74 millions d'amende pour un article qu'il a publié. La cour condamne aussi l'éditeur du journal, Vedat Korkmaz, à une amende de 146,5 millions et interdit la publication du journal pour un mois.
    10.4, la cour de cassation ratifie une peine de 18 ans de prison à l'encontre du sociologue Ismail Besikci pour son livre intitulé Un intellectuel, une organisation et la question kurde. Cette sentence a été rendue par une cour pénale d'Ankara sur l'accusation d'insulte à Atatürk. Pour le même livre, Besikci est également en procès devant deux autres cours pour deux accusations différentes. La CSE d'Ankara le juge sur base de propagande séparatiste, et une cour criminelle sur l'accusation d'insulte à l'assemblée nationale, au gouvernement et aux forces de la sûreté de l'état. Besikci se trouve en prison depuis le 14 novembre 1993.
    12.4, le numéro spécial du premier mai du périodique Öncü Partizan est confisqué par décision d'une cour pénale d'Istanbul.
    13.4, une interdiction de 30 jour sur la publication du périodique Hedef est ratifiée par la cour de cassation et rendue effective. La haute cour ratifie aussi une peine d'un an de prison et une amende de 4 millions de LT contre l'ancien éditeur responsable de la revue, Asli Günes.
    15.4, un caricaturiste du quotidien Evrensel, Ertan Aydin, est emprisonné à Istanbul pour purger sa peine de 10 mois de prison pour une caricature qu'il a faite pour l'ancien quotidien Özgür Gündem. Il est accusé d'avoir insulté l'état en vertu de l'article 159 du code pénal turc. Aydin a déjà fait quatre mois de prison en 1995 pour une autre caricature.
    16.4, les forces de sécurité mettent en détention l'éditeur responsable du périodique Odak, Erhan Duman, et deux employés de la maison d'édition Günes Ülkesi, Nazif Cetinkaya et Nihal Ciplak.
    18.4, la CSE d'Istanbul condamne l'éditeur du quotidien Evrensel, Vedat Korkmaz et l'éditeur responsable Ali Erol, respectivement à 160 millions de LT et 80 millions de LT pour avoir publié un communiqué du DHKP-C. La cour décide aussi d'interdire la publication du journal pendant 10 jours.
    17.4, deux correspondants de Batman du quotidien Demokrasi, Salih Güler et Lale Kurt sont emmenés en détention au cours d'une visite privée dans la maison de leurs amis.
    17.4, une cour pénale d'Istanbul interdit la publication de trois revues, Sosyalizm Yolunda Kizil Bayrak, Ekim Gencligi et Kizil Bayrak sous le prétexte que l'éditeur et rédacteur de ces revues, Ahmet Turan, n'est plus à la tête de ces publications.
    17.4, le bureau principal du quotidien Hürriyet à Istanbul est attaqué par des assaillants armés.
    18.4, la CSE d'Istanbul décide d'interdire pour un mois la publication des périodiques Partizan Sesi et Atilim.
    19.4, le rédacteur en chef du périodique Zülfikar, Hüseyin Karatas est condamné par la CSE d'Istanbul à 16  mois de prison et 133 millions de LT d'amende pour son livre de poème intitulé Dersim est la ballade d'une révolte.
    19.4, deux éditeurs du quotidien Akit, Abdurrahman Dilipak et Yilmaz Yalciner sont traduits devant un tribunal pénal d'Istanbul en vertu des articles 311 et 312 du code pénal turc. Chacun d'entre eux risque une peine de prison de  deux ans minimum.
    20.4, une cour pénale d'Istanbul interdit la publication des revues Liseli Arkadas et Karadeniz Günesi sous le prétexte qu'elles n'ont pas rempli certaines formalités bureaucratiques.
    21.4, les périodiques Yeni Demokratik Genclik, n° 42, et Özgür Gelecek, n° 73, sont confisqués par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
    22.4, l'actrice de théâtre Bilgesu Erenus est mise en prison à Ankara pour servir sa peine de deux mois d'emprisonnement rendue par la cour militaire de l'Etat major à cause du fait qu'elle avait appelé toutes le mères à refuser d'envoyer leurs garçons au service militaire. La sentence a été ratifiée par la cour militaire de cassation.
    22.4, on rapporte que le correspondant de Giresun du quotidien Türkiye, Bekir Bayram a été battu au bureau de police.
    22.4, les périodiques Odak, n° 53, et Öncü Partizan, spécial n° 3, sont confisqués par la CSE d'Istanbul en vertu de l'article 6 de l'ATL.
    23.4, à Istanbul, l'éditeur responsable du périodique Partizan Sesi, Özlem Dalmaz, et le correspondant Sadeli Aydin; cinq employés du périodique Sosyalizm Yolunda Kizil Bayrak, Safter Korkmaz, Cana Kaya, Selma Baran,  Ali Taskale et Zehir Colak ont été mis en détention pour avoir distribué des affiches du premier mai.
    23.4, les deniers numéros des périodiques Emekcinin Alinteri, Proleter Halkin Birligi et Kaldirac sont confisqués par la CSE d'Istanbul en vertu de l'article 6 de l'ATL.
    24.4, une peine de 10 mois de prison à l'encontre du président de l'IHD d'Istanbul Ercan Kanar, pour son article publié par le défunt Özgür Gündem, est ratifiée  par la cour de cassation . Néanmoins, l'exécution de la sentence est suspendue sous condition de ne pas commettre d'autre infraction.
    25.4, le haut conseil de la radio et de la télévision (RTÜK) décide d'interdire la diffusion de Kanal 50 TV à Nevsehir pour un jour et lance un avertissement à de nombreuses TV et radios locales.
    29.4, une cour pénale d'Istanbul confisque le périodique Gencligin Sesi, n°15, en vertu de l'article 312 du code pénal turc, pour avoir publié des photos des jeunes leaders assassinés.
    30.4, le gouverneur de Diyarbakir interdit la vente de certaines musiques et vidéocassettes contenant des chansons en kurde.
    2.5, les bureaux d'Adana des périodiques Alinteri, Kurtulus et Tavir sont l'objet d'une descente et perquisitionnées par la police. Tous les matériaux imprimés sont confisqués et douze personnes se trouvant dans les bureaux sont mises en détention.
    2.5, un livre intitulé Le philosophe Ehmede  Xane du Kurdistan, écrit par Medeni Ayhan, est confisqué par la CSE d'Ankara en vertu de l'article 8.
    3.5, à Istanbul, les correspondants d'Atilim, Sabiha Budak, Incigül Basel, Mehtap Kurucay et Filiz Budak sont emmenés en détention au cours d'une descente policière sur la maison de Budak. Le père Ibrahim Budak est lui aussi détenu au cours de l'opération.
    3.5, l'éditeur responsable du périodique Devrimci Genclik, Attila Yesil, est condamné à seize mois de prison et une amende de 133 millions pour un article qu'il a publié en 1994. La cour décide aussi d'interdire la publication du périodique pour un mois pour propagande séparatiste en vertu de l'article 8.
    4.5, à Fatsa, tous les journalistes couvrant une visite collective à la tombe  d'une victime du premier mai sont expulsés par la force de la ville.
    5.5, le livre du député du RP d'Ankara Hasan Hüseyin Ceylan, La trahison concernant Sainte Sophie est confisqué par la CSE d'Ankara en vertu de l'article 312 du code pénal turc. Par ailleurs, le périodique Proleter Halkin Birligi n°12 est confisqué par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
    6.5, le correspondant d'Adana d'Evrensel Necati Öztürk et l'employé Izzet Sarikaya sont emmenés en détention
    7.5, les forces de sécurité effectuant un raid contre le bureau de Sivas du périodique Kurtulus mettent en détention le correspondant Hülya Dagli.
    7.5, le président de l'IHD d'Istanbul Ercan Kanar, est condamné par la CSE d'Istanbul à une amende de 83 millions pour certains articles dans un numéro de 1993 du communiqué de presse de l'IHD, Insan Haklari Bülteni. L'éditeur responsable du communiqué de presse, Izzet Eray est également condamné à cinq mois de prison et 42 millions de LT d'amende.
    8.5, Seyit Soydan et Halit Elci sont condamnés par la CSE d'Istanbul à une amende de 4,2 millions chacun pour leurs articles dans la revue Savasa Karsi Baris. L'éditeur responsable de cette revue Ömer Ucar est condamné aussi à la même amende.
    8.5, la CSE d'Istanbul confisque Özgür Gelecek, N°74 en vertu de l'article 312 et Partizan, N°16 en vertu de l'article 6 de la LAT.
    9.5, le correspondant d'Atilim Incigül Basel, après sa libération, affirme avoir été battue et sexuellement harcelée par la police.
    9.5, l'éditeur d'Evrensel Ali Erol est condamné par la CSE d'Istanbul à deux ans de prison et 600.000 LT d'amendes pour un article publié le 18 décembre 1995.
    12.5, on rapporte que le correspondant de Lüleburgaz d'Evrensel et un correspondant d'Ankara de Kizil Bayrak ont été emmenés en détention par la police au cours d'une descente sur leurs maisons. Le même jour, au cours d'une visite à la tombe d'une victime du premier mai, les correspondants de Özgür Gelecek, Yeni Demokrat Genclik et Uzun Yürüyüs sont détenus en même temps que 60 personnes.
    14.5, la soliste d'un groupe musical, Kizilirmak, Ilkay Akkaya est condamnée par la CSE de Malatya à un an de prison et 100 millions de LT d'amende. Sa peine de prison est ensuite commuée en une amende de 93 millions de LT. Elle est accusée de propagande séparatiste dans une chanson en vertu de l'article 8.
    16.5, le directeur de la maison d'édition Yurt, Ünsal Öztürk est condamné par une cour pénale d'Ankara à une peine de 18 ans de prison pour avoir publié le livre de Besikci intitulé Un intellectuel, une organisation et la question kurde. Sa peine de prison est ensuite commuée en un amende de 2 millions 725 mille LT.
    17.5, le journaliste du Cumhuriyet Ergin Yildizoglu est maintenu en détention pendant cinq heures en liaison avec un précédent mandat de la cour contre lui.
    17.5, à Samsun, un concert du groupe musical Gündogarken est attaqué par les Loups gris.
    19.5, la CSE d'Istanbul confisque le périodique Odak N°54 et Roza N°2 pour propagande séparatiste.
    18.5, à Adana, un employé du périodique Özgür Halk, Veysel Erol affirme avoir été forcé en détention policière à devenir un informateur de la police.
    19.5, à Izmir, quatre personnes collant des affiches d'Evrensel sur les murs sont emmenés en détention par la police.
    20.5, le bureau d'Iskenderun du périodique Özgür Atilim est attaqué par la police et deux employés, Altan Koman et Bülent Inanc emmenés en détention. Le même jour, les bureaux de Alinteri, Kurtulus et Tavir font l'objet de descentes de police et deux personnes sont détenues.
    21.5, la CSE d'Istanbul condamne l'éditeur du périodique Newroz Atesi, Nedime Tunc, à un an d'emprisonnement et une amende de 160 millions de LT en vertu de l'article 8. Le même jour, la CSE d'Istanbul condamne une autre personne, Hüseyin Durmaz, à 16 mois de prison et une amende de 333 millions de LT pour propagande séparatiste selon l'article 8.
    21.5, le périodique Ri Heval n°5 et Uzun Yürüyüs n°3 sont confisqués par la CSE d'Istanbul en vertu de l'article 8, Yeni Demokrat Genclik n° 43 et Özgür Gelecek n°75 en vertu de l'article 6 de l'ATL.
    22.5, à Istanbul, le correspondant d'Evrensel Irfan Kurt et les correspondants de Kurtulus Bülent Sari, Banu Güdenoglu, Arzu Uzun et Özcan Özgül sont arrêtés alors qu'ils se rendaient à une conférence de presse concernant l'assassinat de Irfan Kurt à Alibeyköy.
    22.5, l'éditeur d'Evrensel Ali Erol est condamné par la CSE d'Istanbul à un an de prison et une amende de 550 millions de LT pour propagande d'organisations illégales. L'éditeur du journal Vedat Korkmaz est lui aussi condamné à une amende de 146,6 millions. La cour décide aussi d'interdire la publication du journal pendant 20 jours.
    23.5, la police d'Istanbul arrête le journaliste de la Finish Broadcasting Company Leena Reikko en même temps que son cameraman, Kemal Gokakan, ainsi que deux réfugiés kurdes qu'elle était en train d'interviewer. La police confisque la bande vidéo de l'interview.
    23.5, la CSE d'Istanbul condamne le correspondant du Cumhuriyet Oral Calislar à une amende de 5 millions en vertu de l'article 6/2 de l'ATL pour un livre contenant des reportages avec les leaders kurdes  Öcalan et Burkay. Le directeur de la maison d'édition Yar, Muzaffer Erdogdu est aussi condamné à une amende de 25 millions de LT. La cour décide également de confisquer le livre.
    23.5, l'employé d'Özgür Atilim Talip Kizilkaya est détenu à Istanbul.
    26.5, le périodique Aydinlik est confisqué par une cour pénale d'Istanbul pour empêcher la publication d'un reportage accusant le ministre de la justice. Le même jour , les périodiques Partizan Sesi et Öncü Partizan sont aussi confisqués par la CSE d'Istanbul en vertu des articles 6 et 312.
    26.5, le correspondant d'Iskenderun du journal Güney Uyanis (Adana), Sükran Kaplan est emmené en détention policière.
    27.5, l'avocat Eren Keskin est condamné par la CSE d'Istanbul à 13 mois de prison et une amende de 111 millions de LT pour un article qu'elle a écrit au quotidien défunt Özgür Gündem. Dans une autre affaire, Keskin est condamné à une amende de 50 millions de LT pour avoir publié un livre sur la conférence kurde à Paris en 1993.

"LE MINISTRE TURC DE LA JUSTICE EST UN SUPER TORTIONNAIRE"

    Le ministre turc de la justice et ancien directeur général de la police Mehmet Agar a été accusé, le 8 mai devant le Congrès des États-Unis, d'être un "super tortionnaire".
    Le docteur Inge Genefke, un expert danois sur la torture et le directeur médical du Conseil international de réhabilitation pour les victimes de la torture (CIRT), témoignant devant le sous-comité pour les opérations internationales et les droits de l'homme, a dit qu'en Turquie la torture était effectuée par la police. Elles s'est référée à Mehmet Agar, l'ancien chef de la police turque, comme au "super tortionnaire de la Turquie".
    L'audition est menée afin d'attirer l'attention sur le procès d'Adana des membres de la Fondation des droits de l'homme de Turquie (TIHV) le 10 mai. "Le CIRT était derrière la fondation des centres du TIHV en Turquie et entretient une étroite collaboration avec nos collègues de Turquie en ce qui concerne la réhabilitation des victimes de la torture," a dit Genefke.
    "La raison pour laquelle un docteur et un avocat du centre TIHV d'Adana ont été traduits en procès en Turquie était qu'ils refusaient de donner au ministre turc de la santé les noms de leurs clients traités dans ces centres.
    "Le CIRT est profondément concerné par ceci. Notre principe est de protéger nos clients autant que possible, et muni de ce principe  nous travaillons sous le plus strict secret professionnel qui est une condition universelle et fondamentale pour tout traitement médical. Une attaque contre ce silence professionnel serait totalement destructrice pour notre travail avec les victimes de la torture.
    "De plus, dans un pays comme la Turquie où  l'état est derrière l'exécution de la torture, il est évident que seul un pourcentage infinitésimal des victimes osent se mettre en avant et risquer leur propre sécurité, leur vie et la vie et la sécurité de leur familles," a-t-elle dit.

LE JOURNALISTE GERGER A NOUVEAU CONDAMNE

    L'écrivain et journaliste docteur Haluk Gerger a été, le 15 mai, condamné par un tribunal d'Istanbul à 20 mois de prison et à une amende de 500.000 LT pour un article publié dans l'édition du 30 juin 1995 du quotidien Evrensel sur l'état d'urgence dans la Turquie du sud-est.
    Au cours du même procès, Mme Fatma Bayer, ancien rédacteur en chef de l'Evrensel, a été aussi condamnée à 20  mois de prison; cependant, la sentence a été ensuite commuée en 3,5 LT d'amende.
    Ils sont tous deux condamnés en vertu de l'article 312 du code pénal turc pour "avoir incité le public à l'inimitié mutuelle en faisant de la discrimination régionale et raciale".
    Gerger est un écrivain et un journaliste indépendant spécialisé dans les armes et la stratégie nucléaire, les nations unies et les questions internationales. Anciennement un professeur assistant dans les relations internationales à l'université d'Ankara, il est un membre fondateur de l'Association des droits de l'homme de Turquie (IHD) et a été secrétaire général de l'Association des nations unies de Turquie de 1984 à 1994.
    Le 9 décembre 1993, il a été condamné à 20 mois  de prison et à une amende de 108 millions de LT au cause d'un message de solidarité qu'il avait envoyé à une réunion du 23 mai 1993 à Ankara. Cette réunion s'était tenue pour commémorer l'exécution en 1972 de trois prisonniers politiques. Il a été jugé en vertu de l'article 8 de la loi anti-terreur pour "propagande séparatiste". Sa sentence de 20 mois de prison a été ratifiée par la cour d'appel fin avril 1994, bien qu'il n'ait servi effectivement que 15 mois.

TRANSFERTS D'ARMES ET L'INDUSTRIE D'ARMEMENT (II)

    Dans ce numéro, nous reproduisons un deuxième extrait du rapport du Human Rights Watch, intitulé Transferts d'armes et violations des droits de la guerre en Turquie. Cette partie contient la livraison d'armes à la Turquie par ses partenaires européens ainsi que l'industrie d'armement de la Turquie.

    Fédération de Russie

    Parce que les conditions de la Russie pour la vente d'armes ne sont pas aussi strictes que celles de nombreux pays occidentaux, la Turquie s'est récemment tournée vers la Russie pour une bonne part de son équipement. La crise économique de la Turquie l'a aussi poussée à considérer les armes russes moins onéreuses. Au début de 1994, le Ministre turc de la Défense a visité Moscou et a signé un accord de coopération militaire pour permettre la production conjointe d'armes et l'importation d'armes russes.
    En 1994, la Turquie a rapporté au registre des Nations-Unis qui l'avait reçu 115 véhicules de combat BTR-60/80 de la Fédération de Russie. La soumission russe au registre a noté que ces véhicules venaient "avec munitions". Comme indiqué ci-dessous, la Turquie a fait savoir que les BTR russes avaient été utilisés dans le Sud-est. Les BTR sont utilisés par la Gendarmerie et les troupes de l'armée dans les violations qu'elles commettent telles que des destructions de village, des exécutions sommaires et la torture.
    En 1992, la Russie a vendu à la Turquie un nombre indéterminé d'hélicoptères de transport Mi-8 Hip-E et Mi-17 Hip-H, des véhicules blindés, des fusils et des jumelles pour la vision nocturne. SIPRI note que cette vente consistait en 17 hélicoptères Mi-17 et valait 75 millions $. Cependant, malgré que le marché du Mi-17 était conclu en février 1995, en septembre 1995 Moscou annonçait qu'il suspendait ses livraisons en prétextant l'existence d'un litige concernant les payements.  Malgré les problèmes avec cet accord particulier, la Russie espère maintenant vendre ses hélicoptères de combat Ka-50 à la Turquie après l'annonce par la Turquie qu'elle acquérira 200 nouveaux hélicoptères dans les dix prochaines années.
    Toujours selon SIPRI, dix transporteurs de troupe ont été délivrés à la Turquie en 1992 pour la Gendarmerie, comme partie d'un plus grand marché d'une valeur de 75 millions $. La Russie continue toujours à promouvoir plus de vente de véhicules blindés tel que BTR-80. Par exemple, le BTR-80 a été présenté à la Foire International de l'Industrie de la Défense et de l'Aviation Civile qui s'est tenue à Ankara en septembre 1995.

    France

    La France n'a pas encore été un fournisseur majeur d'armes de la Turquie mais a été impliqué dans des accords de coopérations. Par exemple, la France et l'Allemagne coproduisent l'hélicoptère de transport Cougar AS-532UL (Eurocopter), vingt desquels ont été vendus à la Turquie en 1994 dans un marché d'une valeur 253 millions $. Bien que la France ait condamné la Turquie pour son incursion en Irak au printemps 1995, il n'a pas modifié ses plans de réaliser la vente.  Dans un accord de juin 1995, la France a approuvé la vente de trente autres hélicoptères Cougar à la Turquie pour 370 millions $. Depuis que les hélicoptères de transport ont été utilisés dans les villages où les violations ont eu lieu, il y a des raisons d'être inquiet à propos de la construction des hélicoptères turcs.

    Italie

    L'Italie est devenue un fournisseur d'armes clé pour la Turquie en 1975, après que les États-Unis aient imposé un embargo sur les armes contre la Turquie pour son invasion de Chypre (qui est resté en application jusqu'en 1978).  A ce moment là, la Turquie a acheté des avions de combat Starfighter à l'Italie. Plus récemment, la compagnie italienne Agusta a conclu un marché pour quarante avions d'entraînement, dont la plupart étaient construits en Turquie sous un accord de licence de production.
    D'après SIPRI, l'Italie a transféré cent véhicules blindés pour le transport de troupes M-113 à la Turquie en 1991 comme une partie de processus de cascade FEC.  Entre 1990 et 1992, l'Italie a aussi vendu des radars et des missiles air-air Aspide pour les frégates de type MEKO à la Turquie.

    Les Pays-Bas

    Les Pays-Bas ont eu une petite portion du marché des armes de la Turquie. En 1988 le gouvernement a décidé d'augmenter l'aide à destination des trois pays les plus pauvres de l'OTAN: la Grèce, le Portugal et la Turquie. Les Pays-Bas ont fourni à la Turquie soixante avions de chasse NF-5 entre 1989 et 1993.  Du personnel néerlandais entraînera les forces turques dans l'utilisation de l'avion NF-5, ainsi que pour l'ancien avion Starfighter F-104 vendu à la Turquie au début des années 1980.     La compagnie néerlandaise Eurométal a également signé un contrat avec la Turquie pour fournir des obus d'artillerie M-483-AI. La livraison des obus M-483-AI est prévue pour les obusiers jusqu'à 150mm et ont une portée de trente kilomètres.  C'est un accord de coproduction dans lequel la majorité des obus seront produits dans une usine MKEK en Turquie. D'autres ventes ou ventes potentielles à la Turquie incluent des radars, des systèmes d'information de combat pour la Marine Turque, 40 milles roquettes pour obusiers, et des chars Leopard-1.
    Cette relation en matière de défense a cessé brièvement en avril 1995 lorsque la Turquie a annoncé qu'elle n'achèterait plus d'équipement militaire aux Pays-Bas, le plaçant ainsi dans la liste "rouge", parce que les Pays-Bas avaient permis au parlement kurde en exil auto-proclamé de se réunir à La Haye.  Alors, le 24 juin 1995, la Turquie a levé l'interdiction, prétendument "à cause des efforts néerlandais pour aider la Turquie dans sa lutte contre le PKK". Les Pays-Bas voient arriver une commande de huit frégates de la part de la Turquie.

    Les autres

    Les autres pays de l'OTAN ou extérieures à celle-ci ont eu des relations mineures en matière de défense avec la Turquie.  Le Royaume-Uni, par exemple, a été, il y a peu, grandement impliqué dans la fourniture de radios, d'équipements de vision nocturne et de détecteurs de mines.
    L'Espagne a vendu des avions de chasse Phantom de seconde main à la Turquie dans les années 1980, et plus récemment, elle a signé un contrat pour équiper les avions de transport légers.  Cet accord implique une coproduction pour cinquante-deux avions CN-235 entre la compagnie espagnol CASA et la compagnie turque TAI.
    La Suisse a été un fournisseur régulier d'armes portatives et de munitions de la Turquie jusqu'en 1994, lorsqu'elle a imposé un embargo sur les armes à l'encontre de la Turquie à cause des violations turques des droits de l'homme. Malgré une série de courts embargos depuis 1991, la Turquie a réussi à obtenir de la Suisse de la technologie et de l'équipement à travers l'acquisition de licences. De plus, la branche italienne de la compagnie suisse Oerlikon Contrave a fourni à la Turquie des canons 25mm pour véhicules blindés.
    En 1986, le gouvernement canadien a transféré cinquante avions CF-104 de ses bases d'Allemagne vers la Turquie.  D'après une source, "les CF-104, ensemble avec les F-4 et F-5, sont fréquemment utilisés pour des attaques contre des bases du PKK". Le gouvernement canadien envisage également la vente d'avions de chasse/d'entraînement CF-5 à la Turquie. La République tchèque ambitionne apparemment de s'attaquer au marché turc potentiellement lucratif. En 1993, les Forces de Police Turques étaient les plus grands consommateurs de pistolets CZ-75 9 x 18mm, produits par la firme tchèque Uhersky Brod.
    En 1994, la Turquie a acheté un nombre non spécifié de bombes de 250 kilos et 1.000 kilos du Pakistan.  Le gouvernement turc a déclaré que la raison pour laquelle il s'était tourné vers le Pakistan consistait dans les délais de réception de telles commandes par les États-Unis.
    Israël a également exprimé un intérêt dans le partage de la technologie et la vente d'armes à la Turquie. La Turquie et Israël sont actuellement occupés à  discuter le partage de la technologie des Forces Aériennes telles que le système de ciblage nocturne. Plus tôt dans l'année, la Turquie a choisi Israël Aircraft Industries (IAI) pour développer ses chasseurs Phantom F-4 dans un marché d'une valeur de 500 millions $. Le marché, qui apportera une remise à niveau à cinquante-quatre F-4, a été finalisé en septembre 1995.  Les autorités israéliennes voient se marché comme le début de "futurs projets stratégique bilatéraux". Les prémisses de liens militaires étroits possibles sont arrivés en 1994, lorsque la Turquie et Israël se sont mis d'accord pour échanger des attachés militaires, le premier échange de la sorte depuis 1980.

    L'Industrie turque de l'armement: Production Conjointe

    La Turquie a commencé à développer une industrie d'armement locale après que les États-Unis aient imposé un embargo sur les armes à destination de la Turquie pour son invasion de Chypre en 1974. Actuellement la Turquie est impliquée dans un certain nombre d'opérations de coproduction de même que dans la production de ses propres systèmes d'armes.  La création de Turkish Aerospace Industries en 1984 était le début d'une production d'armes indépendante. L'impulsion ultérieure pour développer sa propre industrie d'armement est venu avec la décision de l'Allemagne de suspendre ces ventes d'armes en mars 1995 (révoquée en septembre 1995). Une nouvelle loi turque prévoit "de convertir son industrie locale de production militaire pour rencontrer les besoins de ces forces armées".
    Beaucoup des armes produites en Turquie aujourd'hui sont toujours sous licence ou coproduites par des industries étrangères. La plus grande co-entreprise a été le programme américain Onyx pour la Paix de F-16 cité ci-dessous.  La compagnie turque TUSAS Aerospace Industries (TAI) a été fondé pour produire les F-16 pour les Forces Aériennes Turques.  TAI est aussi impliqué avec une compagnie d'aviation italienne, Agusta, qui fourni une licence de production d'avions d'entraînement.
    Un autre projet de production conjointe dans lequel la Turquie est engagée est le projet Euro-Stinger, dont la licence est fournie par la compagnie américaine Raytheon.  Dans les années 1980, la Turquie est devenue le plus grand partenaire dans une co-entreprise avec l'Allemagne, la Grèce et les Pays-Bas pour développer une version européenne du Stinger américain, missile anti-aérien lancé à partir des épaules.  Les quatre pays participants fabriquent des pièces et assemblent le produit final dans les deux usines de Dornier, en Allemagne, ou de Roketsan A.S., en Turquie.
    La compagnie américaine FMC s'est mise dans une coentreprise avec la compagnie turque Nurol SS en 1989 pour former la compagnie FNSS, qui a assemblé et produit, sous licence, 1.698 véhicules blindés de combat.  La désignation de ces véhicules est non spécifiée, l'Institut de la Défense de la gestion de l'assistance de sécurité note qu'ils seront de "configurations diverses ... basées sur un design FMC", et les pièces seront fournies par de nombreuses compagnies américaines. Cependant, ce programme a été remis sine die à cause d'un manque de fonds.
    D'autres exemples de productions conjointes sont :
    * La compagnie turque Aselsan collaborant avec Philips (Pays-Bas), Texas Instruments (États-Unis) et Litton (États-Unis), pour produire des composants  pour les chasseurs F-16, et de l'équipement de vision nocturne pour les véhicules d'infanterie; Aselsan collabore également au projet Euro-Stinger. 
    * L'usine de rénovation de chars de Arifiye collabore avec Zeiss, Rheinmetall, MTU et GLS (tout basés en Allemagne) sur des chars M-48.
    * Baris assemble des lance-roquettes M-72 et des tubes de lancement pour le missile Euro-Stinger.
    * ENKA assemble l'hélicoptère Black Hawk  dans une co-entreprise réalisée avec United Technologies des États-Unis.
    * Eskisehir collabore avec Rolls Royce (Royaume-Uni), produisant des moteurs pour les avions de combat F-104, F-4 Phantom et Northrop F-5.
    * Kayseri Werkplaats est engagé dans une coentreprise avec Sergeant Fletcher (États-Unis), SIAI-August (Italie) et MBB (Allemagne) concernant la mise à niveau des M-113 et la production de composantes pour les F-16.
    * MKEK produit de l'artillerie anti-aérienne, des lance-roquettes, des mitrailleuses et des munitions, en travaillant avec Oerlikon Contraves (Suisse), Heckler & Koch (Allemagne), General Defense Corporation (États-Unis), Rheinmetall (Allemagne), Eurometall (Pays-Bas) et GIAT (France).
    Les autres usines turques rénovent également des systèmes et produisent des pièces et de l'équipement non létal. Comme la Turquie risque de plus amples restrictions dans l'aide étrangère et militaire, spécialement  de la part des États-Unis et de l'Allemagne, elle continuera vraisemblablement à développer sa propre industrie d'armement avec comme but ultime l'auto-suffisance à tout point de vue en production d'armes.

YASAR KEMAL REÇOIT LE PRIX HELLMAN/HAMMETT

    Le Human Rights Watch (HRW) a attribué le prix Hellman/Hammett à l'écrivain turc de renommé mondial Yasar Kemal, qui a été jugé et reconnu coupable en mars 1996 de l'accusation "d'incitation à la haine raciale au moyen de la discrimination régionale et raciale".
    Kemal, qui a été condamné à 20 mois avec sursis, "a été averti que s'il répétait son crime dans les cinq prochaines années, la sentence deviendrait active."
    En choisissant Kemal, HRW " a noté le courage qu'il a montré dans la défense de la liberté d'expression pour lui-même et des pour les autres alors qu'il était en procès. Il est ironique que la Turquie, qui s'enorgueillit de voir Kemal placé sur la courte liste des candidats au prix Nobel, le harcèle dans le même temps lui et ses collègues pour l'expression de préoccupations justifiées."


RÉACTION D'ANKARA AU RAPPORT DE HRW

     Le Rapport du HRW concernant l'armement en Turquie a provoqué des réactions de colère chez les autorités turques, La réaction la plus spectaculaire a sans nul doute été la confiscation de sa version turque en Turquie en janvier 1996.
    Le 24 avril, l'éditeur de la version turque, Seyit Soydan, a été traduit devant la cour de la sûreté de l'état d'Istanbul en vertu de l'article 312 du code pénal turc.
    Soydan, rédacteur en chef de la revue Savasa Karsi Baris (la paix contre la guerre), est accusé de monter les gens les uns contre les autres sur base de différences régionales. Il risque une peine de prison de deux ans minimum.
    D'autre part, le directeur général adjoint du département des droits de l'homme du ministère des affaires étrangères d'Ankara, Türel Özkarol, a accusé HRW d'avoir falsifié les faits et d'être tendancieux.
    A cela, le directeur exécutif du HRW Kenneth Roth a répondu par écrit aux commentaires critiques faits par Özkarol.
    Dans une lettre qui a été rendue publique au début de mai 1996 par l'Inter Press Service (IPS), Roth a souligné que son organisation et le gouvernement de Turquie ont "des positions largement divergentes sur les questions principales" mais que l'empressement à maintenir un dialogue sur les droits de l'homme était apprécié.
    Parmi les questions sous contentieux se trouvent l'applicabilité des lois internationales, la méthodologie utilisée pour arriver aux assertions du rapport et la substance de ces assertions.
    Roth a rejeté l'idée que la référence du rapport au "conflit turco-kurde" était un moyen de caractériser la conflit comme une guerre civile. Il a insisté sur le fait que la rapport "a caractérisé la violence comme un conflit armé interne (en opposition à un conflit armé international) soumis aux lois internationales humanitaires." En conséquence l'article 3 des conventions de Genève de 1949 auxquelles la Turquie est complètement liée était applicable, c'est-à-dire, le cas d'hostilités armées prolongées et l'un au moins des protagonistes, un groupe relativement organisé."
    Roth a de plus rejeté une assertion d'Özkarol on invoquait "délibérément" les lois humanitaires dans le but de mettre le PKK sur une base égale avec l'état turc et d'accorder un certain degré de légitimité à cette organisation.
    Soulignant qu'un autre responsable turc, aussi du ministère des affaires étrangères, s'était référé aux résolutions des Nations unies contre le terrorisme comme étant des lois "souples", Roth a noté que les lois internationales existantes contre le terrorisme s'appliquent seulement à certains types d'attaques telles que les détournements d'avions. Néanmoins, si le droit humanitaire international ne s'applique pas au conflit dans le sud-est comme le gouvernement turc le proclame, alors les règles concernant le comportement policier doivent s'appliquer. Et ces règles telles que l'usage de la force létale seulement pour empêcher une menace immédiate contre la vie, sont beaucoup plus strictes.
    Roth note également que le HRW est accusé d'être tendancieux dans sa sélection des violations; néanmoins, il accuse le gouvernement d'avoir essayé de détourner la tentative faite pour enquêter sur les violences du PKK en mettant ainsi l'intégrité de la mission en péril. Les accusations au sujet de la non citation des noms de personnes interviewées ont été rejetées dans la lettre, ceci ayant été fait dans le but d'empêcher des représailles contre ces personnes qui avec parlé avec HRW.
    Roth a conclu sa lettre en exprimant l'espoir que le rapport qui est aussi disponible en anglais serait lu par les responsables du gouvernement de Turquie et par le public en général.

CRITIQUES A L'EGARD D'ANKARA AU CONSEIL DE L'EUROPE

    Comme nous avons rapporté dans le numéro précédent, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a adopté le 25 avril 1996 une recommandation basée sur le rapport du député socialiste hongrois Andreas Barsony. Dans ce document, l'assemblée parlementaire demande à Ankara de chercher une solution pacifique à la question kurde et de lever l'article 8 de la Loi anti-terreur et les autres lois et articles anti-démocratiques  dans la législation turque.
    Ci-après, nous reproduisons quelques extraits des critiques des députés européens au cour des débats sur le rapport Barsony:
    M. GJELLEROD (Danemark)  déplore que le Comité des Ministres n'ait pas suivi la Recommandation 1266, ce qui oblige l'Assemblée à se pencher à nouveau sur la question turque. Cette recommandation était pourtant claire. Elle posait quatre conditions.
    La première a été satisfaite: la Turquie a retiré ses troupes du nord de l'Irak. Il faut cependant regretter qu'elle entrave l'intervention des organisations humanitaires.
    En ce qui concerne la deuxième condition, le Comité des Ministres n'a pas écouté l'Assemblée: aucun calendrier n'a été élaboré pour une réforme constitutionnelle et législative, qui demeure en conséquence bien lente. On peut toutefois se réjouir que le Premier ministre ait manifesté la volonté de régler le problème linguistique kurde et que le parlement ait procédé à certaines modifications législatives. L'orateur espère que le processus se poursuivra.
    Quant à la situation des droits de l'homme, elle semble assez désespérée. On continue de torturer dans les commissariats de police et même dans certaines prisons. Ces cinq dernières années, près de 3 000 personnes ont dû être traitées, pour cette raison, dans des centres de réhabilitation qui sont fort mal vus des autorités. On sait par ailleurs que quatre parlementaires restent emprisonnés. En octobre dernier, un ancien député a subi le même sort, pour un simple délit d'opinion.
    Le Comité des Ministres s'est montré plus coopératif en ce qui concerne le problème kurde mais la Turquie, elle, n'a pas manifesté beaucoup de bonne volonté. Au contraire, on a assisté au cours des derniers mois à de nouveaux actes de violence. Il faudrait que les hommes politiques et les fonctionnaires turcs, qui se montrent très susceptibles quand on aborde cette question des minorités, comprennent que la démocratie et l'autodétermination au niveau local ne sont pas forcément une menace contre l'intégrité de l’État.
    L'orateur invite donc la délégation turque à leur transmettre ce message. Ils peuvent être convaincus qu'ils ont des amis dans l'Assemblée, des amis qui ne se laissent pas manipuler par les lobbies et qui apprécieront leurs efforts.     M. SPERONI (Italie) félicite M. Bársony pour son excellent rapport. Il ne peut malheureusement en faire de même à l'adresse de la Grande Assemblée turque. Les réformes auxquelles elle a procédé semblent insuffisantes. Ainsi, le fameux article 8 révisé continue de` sanctionner de simples délits d'opinion, puisqu'il punit d'une peine de prison de un à trois ans «la propagande écrite et orale ainsi que les assemblées, réunions et manifestations ayant pour but de porter atteinte à l'unité indivisible de la République».
    Pour l'orateur, il faudrait cesser de considérer l'intégrité territoriale comme une chose sacrée. Les Baltes, les Tchèques et les Slovaques peuvent attester qu'il ne s'agit pas là d'un absolu, et que la séparation peut se faire pacifiquement.
    Mais si l'article 8 de la loi de 1991 punit la simple propagande, même si elle n'est pas en faveur du terrorisme, la Turquie se trouve en bonne compagnie. L'article 240 du Code pénal italien ne prévoit-il pas la prison à vie pour tout acte susceptible de conduire à la désintégration de l’État? Les Européens auraient décidément beaucoup à apprendre des Canadiens, qui ont toléré la propagande séparatiste des Québécois, et les ont même laissés organiser un référendum. Il y a beaucoup de problèmes que l'on pourrait résoudre en écoutant la volonté des peuples, comme le demandent la Charte des Nations Unies et l'Acte final d'Helsinki.
    Tous les États ont signé les conventions internationales. Il est impossible de distinguer un droit spécifique aux anciens pays colonisateurs et un autre droit pour les autres pays.
    L'orateur encourage la Turquie à poursuivre sur la voie de la démocratie, à punir éventuellement les actes terroristes mais en prenant garde de laisser à chacun le libre choix de ses opinions.
    Mme HOLAND (Norvège) (Interprétation) rappelle la Recommandation 1266 par laquelle l'Assemblée insistait sur la nécessité pour la Turquie de retirer ses forces du nord de l'Irak, de trouver une solution pacifique au problème kurde et de rendre sa Constitution et sa législation conformes aux principes et aux normes du Conseil de l'Europe.
    Les forces turques se sont effectivement retirées de l'Irak. Trop longtemps, des sabotages ont été commis dans le nord de l'Irak par la Turquie, après confiscation de l'ancien matériel des Nations Unies. C'est tout à fait inacceptable.
    Le rapport signale que certaines améliorations ont été apportées à la législation turque, même si elle est encore loin de remplir les exigences du Conseil de l'Europe. Ainsi, la loi antiterroriste ne respecte pas suffisamment les droits de l'homme et l'Assemblée devrait exiger le retrait de l'article 8 de cette loi. La liberté d'expression doit être davantage protégée. En outre, le Conseil de l'Europe attend toujours un échéancier des réformes démocratiques à venir.
    Le président de la délégation turque a envoyé aux parlementaires une lettre impressionnante, dont l'oratrice espère qu'elle ne reflète pas l'idée de tous les membres de la délégation. Le problème kurde y est envisagé exclusivement sous l'angle du terrorisme, niant ainsi tout problème ethnique. Il est inconcevable de refuser le droit d'exister à une large minorité. Mme Holand estime qu'il faut d'abord pouvoir accepter l'existence d'un problème avant d'être à même de le régler.
    Concernant la situation des droits de l'homme et la recherche d'une solution pacifique, rien n'avance. Le PKK a déclaré un cessez-le-feu unilatéral qui constitue un signe d'espoir dans la recherche du dialogue. Il est lamentable de constater que, depuis, les autorités turques ne se sont jamais montré disposées à négocier une solution pacifique.
    Mme Holand soutient l'amendement visant à nommer un rapporteur de la commission chargée de préparer un rapport qui serait examiné en septembre. Elle espère qu'à ce moment le Gouvernement turc manifestera davantage de marques de bonne volonté et que l'Assemblée pourra constater un progrès réel dans la voie d'une solution pacifique au conflit kurde.
    M. LUMMER (Allemagne) rappelle que l'Allemagne connaît bien le problème turc, et même le problème kurde, pour avoir une forte immigration sur son territoire. n comprend que les Turcs se sentent mis au pied du mur mais pense qu'eux aussi doivent admettre les mobiles de leurs partenaires.
    Ce n'est pas à l'Assemblée de donner des conseils précis, de condamner ou de jeter la première pierre, le problème doit trouver sa solution en Turquie même. Mais que ce pays cesse de le réduire à une question de terrorisme, qu'il le prenne enfin au sérieux et le résolve définitivement, en collaboration, bien sûr, avec le Conseil de l'Europe!
    M. BERGQVIST (Suède) souhaite la bienvenue à la nouvelle délégation turque. Les différends bien connus entre l'Assemblée et l'ancienne délégation avaient amené celle-ci à quitter le Conseil pendant quelques mois. Les discussions, cependant, ont été fructueuses: les parlementaires en ont appris davantage sur la Turquie et ont mieux compris les difficultés de la lutte contre le terrorisme. De son côté, peut-être la délégation turque a-t-elle aussi appris quelque chose. Quoi qu'il en soit, ses membres ont exercé d'efficaces pressions en vue de réformer la Constitution et la juridiction turques.
    Dans une lettre adressée lundi dernier à l'Assemblée, la nouvelle délégation turque justifie l'emprisonnement de quatre parlementaires, elle soutient que l'article 8 ne pose plus de graves problèmes et qu'avec la réforme constitutionnelle, la Turquie respecte tout autant les droits de l'homme que tout autre pays du Conseil de l'Europe. L'orateur ne peut accepter ces propos.
    La Turquie a encore de grand progrès à accomplir et, à moins de se voiler la face, on ne peut ignorer que l'invasion d'un pays voisin est une grave violation du droit international. Quant aux réformes constitutionnelles et juridiques, elles sont encore insuffisantes et Amnesty International, comme la Fondation pour les droits de l'homme en Turquie, font état de graves violations de ces droits.
    Un seul exemple: l'éditeur turc d'un roman suédois contenant des opinions controversées sur la religion a été accusé de blasphème, délit puni de six mois de prison en Turquie. Dans quel autre pays du Conseil de l'Europe verrait-on pareille chose? L'orateur espère que le paragraphe du Code pénal turc relatif au blasphème sera bientôt aboli.    
    M. BENETATOS (Grèce) constate qu'à écouter Lord Finsberg et M. Gjellerod, on aurait cru entendre parler de deux pays différents. S'il est vrai que la Turquie a donné suite à la recommandation de quitter l'Irak, c'est que n'importe quelles forces armées, une fois la victoire remportée, se retirent du champ de bataille. En revanche, des forces d'occupation demeurent sur place longtemps après l'invasion. C'est ce qui s'est passé à Chypre. Le retrait turc d'Irak répondait donc plus à une préoccupation d'ordre militaire qu'au souci d'obéir à la recommandation de l'Assemblée.
    Quatre collègues, représentants élus, sont emprisonnés. L'amélioration est certaine puisqu'ils étaient quatorze auparavant. Mais peut-être demain seront-ils cent? On peut se réjouir aussi dans la mesure où on est mieux en prison que dans la tombe... Pour certains journalistes et militants, il est malheureusement trop tard et ils ne peuvent plus en témoigner. Le travail du rapporteur permet de comprendre que la violation des droits de l'homme en Turquie résulte de la crainte qu'inspirent les minorités au régime.
    La solution jadis appliquée au problème arménien ne doit pas être celle du problème kurde. Ce message, la délégation turque doit le ramener dans ses foyers, et cela pour le bien des Kurdes comme des Turcs. Nul ici ne veut attenter à l'intégrité territoriale de la Turquie, mais celle-ci ne saurait faire l'autruche plus longtemps!
    M. BOLINAGA (Espagne) s'est rendu récemment au Kurdistan dans le cadre d'une mission d'observation et il a pu constater à quel point il était difficile de se déplacer librement. En une seule journée, il a subi pas moins de trente contrôles et il a été constamment suivi par une voiture de police. n a été fouillé, arrêté deux fois et le leader politique local qui l'a accueilli a été lui-même arrêté et interrogé. On peut imaginer ce que doit supporter la population civile dans cette région. L'excuse qui est invoquée par le régime turc est le terrorisme et le trafic de drogue.
    M. Bolinaga a-t-il le profil d'un terroriste et d'un trafiquant? Le conflit armé est le seul moyen que le peuple kurde a de défendre son identité culturelle. Force est de constater que, depuis le Traité de Berne de 1896 qui concernait les droits des Arméniens, peu de progrès ont été accomplis. Faudra-t-il que le débat se poursuive encore cent ans pour que les autorités turques aient le temps d'annihiler la culture et le peuple kurdes?
    Les nationalistes kurdes ont pourtant déclaré en décembre un cessez-le-feu unilatéral. Pourtant, la Turquie se refuse toujours à reconnaître la diversité des ethnies et des peuples qui la composent et bafoue les droits de l'homme avec une rare constance.
    M. Bolinaga ne défend pas le terrorisme mais il lui semble que les 3 000 villages qui ont été détruits, les millions de personnes déplacées, les 20 000 morts de ce conflit, le déploiement militaire au Kurdistan montrent bien que cette révolte armée est l'expression du désespoir d'un peuple. Le Gouvernement d'Ankara n'a pas voulu tenir compte du geste positif du PKK. Le Conseil naguère s'est penché sur la Tchétchénie...
    M. RUFFY (Suisse).—Je prends la parole—cela est dû au hasard—après mon collègue et ami Bolinaga dont je partage les craintes vis-à-vis de l'évolution de la Turquie.
    Dans nos pays respectifs, nous appartenons tous les deux à une minorité et nous estimons que les démocraties arrivent à maturité dans la mesure où elles parviennent à surmonter les problèmes de minorité.
    Je reconnais les qualités du rapport de M. Bársony. Les conditions dans lesquelles il a dû travailler ne sont pas aisées, mais il ne m'en voudra pas de ne pas partager son optimisme. En effet, si l'on considère l'évolution de la Turquie durant ces dix dernières années, on constate que les apports de notre Organisation concernant les droits des minorités, et plus particulièrement le respect des droits de l'homme, ont été quasiment nuls.
    A propos de la Turquie, je me pose donc des questions sur le sens et l'utilité de nos travaux. Bien sûr, on peut dire que l'on n'a pas le droit d'exiger des membres du Conseil de l'Europe qu'ils transforment rapidement leur constitution. Tout au moins, peut-on le leur demander. Mais combien de temps faudra-t-il attendre pour, par exemple, qu'un peuple de quinze millions d'habitants, dont l'existence a été niée malheureusement en 1923, et pas très loin, en définitive, de l'endroit où j'habite, puisse accéder, dans un premier temps, à une relative autonomie? Lorsque je vois les difficultés que nous devons surmonter pour faire passer ce message, je me demande si celui-ci est bien défini, si nous nous exprimons avec clarté. Nos interlocuteurs comprennent-ils ce que nous disons?
    M. Valleix a mis l'accent sur la géopolitique européenne en montrant l'importance de la Turquie. Nous l'avons tous reconnu: mais, au sein du Conseil de l'Europe, devons-nous, au nom de la géostratégie, faire des concessions en ce qui concerne les droits de l'homme et les droits des minorités? Je ne le crois pas! Je suis de ceux qui pensent que, dans cette enceinte, nous devons absolument défendre les droits de l'homme, et sans concession.
    Monsieur Demiralp, vous avez eu raison de condamner la purification ethnique en Bosnie-Herzégovine. Il est, en effet, absolument intolérable de traiter les peuples comme ceux-là l'ont été. Tous, en Europe, nous avons condamné ce qui s'est passé. Cependant, j'aimerais à cet égard vous rappeler la phrase d'un grand philosophe et linguiste viennois, qui avait dû s'exiler à Londres. Parlant de la langue, il a dit: die Sprache ist meine Welt. Lorsque, en Turquie, on empêche une population de plusieurs millions d'habitants de parler sa langue, on la prive non seulement d'une identité, mais aussi de tout horizon. Vous en faites des apatrides intellectuels et culturels.
    Vous devez comprendre que nous n'admettrons jamais que, pour des questions de territoire, des raisons d’État, vous alliez jusqu'à condamner une population à la perte de son identité!
    J'ajoute une remarque à votre égard, Monsieur Demiralp. J'ai dit qu'ici, on s'engageait mutuellement. Vous, vous aimeriez savoir comment évoluent les différentes législations des pays membres du Conseil de l'Europe. Je vous répondrai que, en Suisse, nous examinons les législations en fonction de ce qui se passe au sein de notre Organisation. Tous les quatre ans, nous étudions les conventions qui ont été ratifiées et celles qui ne l'ont pas été parce qu'il y avait des obstacles. Les législations internes n'ont pas encore été modifiées.
    Vous avez mentionné précisément le problème de la xénophobie et du racisme. Je peux vous assurer, Monsieur Demiralp, que nous avons introduit, l'année dernière, un nouvel article relatif au racisme dans le Code pénal. Ce n'était pas par hasard: cette novation était due à l'afflux de populations, de divers horizons, qui viennent dans notre pays pour des raisons de violence. Ce fait, s'ajoutant aux nombreuses difficultés vécues dans certaines couches de notre population, a provoqué des mouvements d'intolérance et de xénophobie. Alors nous réagissons sur le plan législatif. Mais nous n'avons pas encore surmonté, c'est vrai, certaines réactions impulsives, qu'il s'agit de maîtriser par d'autres moyens.
    Disant cela, je tiens à vous rendre attentifs. Notre collègue allemand a déclaré qu'en Allemagne plus d'un demi-million...
    M. KORAKAS (Grèce).—Madame la Présidente, vous auriez dû accepter que M. Ruffy continue encore quelques secondes son propos, car il a vraiment traité du problème de fond.
    La question dont nous débattons a déjà été au centre de nos préoccupations pendant plusieurs de nos séances. D'autres collègues avant moi ont rappelé comment les choses se présentent aujourd'hui. C'est pourquoi je serai bref.
    De quoi s'agit-il, au fond? D'une Constitution qui a été élaborée et appliquée par un régime dictatorial et militaire, une Constitution toujours en vigueur, même si nous n'avons plus une dictature militaire en Turquie. Non seulement, cette Constitution est toujours en vigueur, mais nous avons entendu M. Demiralp dire qu'il n'était pas question d'attendre encore des améliorations. Cette Constitution avait été réformée autant que possible et il n'y aurait plus moyen de faire quoi que ce soit!
    Selon cette Constitution, une population de plus de quinze millions de personnes, un peuple entier, n'est pas reconnue comme existante. C'est absurde, mais c'est ainsi. Il n'est pas possible, en Turquie, de prétendre qu'on appartient à un peuple qui s'appelle peuple kurde sous peine d'être accusé de séparatisme. Vous pouvez toujours déclarer sur tous les tons que vous n'êtes pas séparatiste, que vous voulez une Turquie unie, que, peut-être à la rigueur, lorsque les conditions le permettront, vous espérez obtenir une autonomie comme on en voit partout—comme en Suisse, n'est-ce pas, Monsieur Ruffy?— sans que cela touche l’État, ou le pays, rien n'y fait!
    Sur la base de cette Constitution ainsi que d'un Code pénal antidémocratique, avec un article 8, antiterroriste, qui a remplacé les articles 141 et 142 tout aussi antidémocratiques, l'opinion publique qui déplaît au régime est un crime. Dans ce contexte, un peuple entier se voit privé de ses droits élémentaires.
    Le prétexte, c'est le PKK Naturellement, il y aurait beaucoup à dire sur le terrorisme, notamment sur le terrorisme lorsqu'il est invoqué par de plus grands terroristes encore! Durant l'occupation nazie en Grèce, les résistants étaient aussi traités de «terroristes». On peut être d'accord ou pas avec le PKK mais, dans sa situation, que doit faire le peuple kurde pour affirmer son existence? Les prisons sont pleines non seulement de Kurdes mais aussi de Turcs qui osent plaider en leur faveur: tous sont considérés comme séparatistes, ennemis du pays.
    L'armée est mobilisée, 400.000 personnes, des milliers de villages sont détruits, des dizaines de milliers de personnes sont mortes des deux côtés. Les enfants du peuple turc et du peuple kurde s’entre-tuent. Pourquoi? Notre Assemblée a demandé retrait des Turcs de l'Irak, ce qui a été fait. Mais M. Demiralp déclare qu'ils y retourneront quand il le faudra!
    Soyons sincères, la démocratisation n'a pas eu lieu. Les kurdes ne sont toujours pas reconnus, la loi électorale est toujours antidémocratique et l'article 8, dont nous demandons l'abolition, n'a pas été réformé. Nous réclamons une solution pacifique, et il n'en est pas question. Vous avez entendu le représentant de la Turquie? Le prétexte, je le répète, c'est le PKK, et la sale guerre continue. Le PKK déclare un cessez-le-feu unilatéral? Personne ne lui répond!
    Je demande que nous prenions des mesures. Il n'est pas vrai que les députés ont été libérés. Deux l'ont été mais ils sont privés de leurs droits politiques, ils ne pourront plus exercer le métier de politique toute leur vie durant. Les quatre autres sont toujours en prison. Plus de 100 000 personnes ont été condamnées et privées de leurs droits politiques. Ce sont des choses qui ne peuvent nous laisser indifférents!
    Comment M. Bársony a-t-il pu écrire son rapport? Je me le demande! Il n'est pas allé en Turquie! On ne le lui a pas permis! Nous avons lu la lettre des délégués turcs lui proposant de remettre son voyage à plus tard en raison des élections. Après, on a invoqué la formation du gouvernement. Puis les débuts du gouvernement. A sa place, j'aurais hésité à présenter un rapport dans de pareilles conditions.
    Un mot pour terminer. Il faut dire au peuple kurde ce que nous attendons de lui. Il existe des députés kurdes en exil, élus légalement lors des élections législatives précédentes. Appelons-les pour demander leur avis. Demandons...
    M. LIE (Norvège) (Interprétation) a pris note des différentes déclarations de l'ancien et du nouveau Gouvernements turcs, mais il ne saurait se satisfaire de promesses. Il faut que les actes suivent les paroles. Le peuple kurde doit avoir les moyens de préserver sa culture, de communiquer et d'étudier dans sa langue. n faut aussi mettre fin à l'état d'urgence dans le sud-est du pays et fournir une assistance immédiate aux villageois déplacés, ce qui suppose de laisser les organisations humanitaires accéder à la région. Le conflit doit être réglé par le dialogue et les représentants kurdes légalement élus doivent être libérés et associés à ce processus politique. L'orateur condamne naturellement toute forme de terrorisme, convaincu qu'il est qu'une minorité peut s'épanouir dans le cadre d'un État.
    Il se félicite que la Turquie ait retiré ses forces du nord de l'Irak, mais il constate qu'elle exerce encore une influence importante dans la région puisqu'elle a fait échouer un projet dano-norvégien de déminage en confisquant du matériel appartenant à l'ONU. En conclusion, l'orateur souhaite instamment que le Premier ministre engage le dialogue comme il l'a promis.
    M. PAVLIDIS (Grèce) convient que M. Gül n'a pas tort quand il dit que l'Assemblée manque d'informations adéquates, mais la faute en est à la Turquie qui a refusé à M. Bársony la possibilité de se rendre sur place. L'orateur cite à l'appui les documents du Greffe relatifs à une réunion du Bureau en date du 26 janvier: l'Assemblée a autorisé la visite de la sous-commission des droits de l'homme, mais les autorités turques n'ont pas donné le feu vert.
    Fort heureusement, des informations sont disponibles par d'autres canaux. C'est ainsi qu'on a appris que le ministre de la Justice turc avait reconnu le 28 mars l'existence d'un grand nombre de cas de tortures, que le Président de la République avait admis que les droits de l'homme avaient été violés.
    D'autres informations émanent d'Amnesty International ainsi que d'une organisation internationale belge <<Juristes Sans frontières». Il y a également le dernier rapport du département d’État. Ce document de soixante-deux pages arrive à la conclusion qu'il reste beaucoup de lacunes en ce qui concerne le respect des droits de l'homme en Turquie, pas seulement à l'égard des Kurdes, mais aussi à l'égard des Turcs. La Cour européenne de Strasbourg est d'ailleurs appelée à statuer sur de nombreux cas précis.
    Il y a une semaine, s'est tenue à Istanbul une grande conférence de l'Union inter parlementaire où 140 parlements nationaux étaient représentés. Un comité d'experts sur les droits de l'homme a jugé inacceptable le cas des parlementaires turcs emprisonnés. Le même débat a été tenu il y a un an.