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A non-government information service on Turkey
Un service d'information non-gouvernemental sur la Turquie

231

21e année - N°231
Mars-Avril 1997
38 rue des Eburons - 1000 Bruxelles
Tél: (32-2) 215 35 76 - Fax: (32-2) 215 58 60
 Rédacteur en chef: Dogan Özgüden - Editrice responsable: Inci Tugsavul
 

ADORATION DU LOUP

Démonstration de force des militaires, sous prétexte de défendre le laïcisme, pour remplacer le gouvernement islamiste par un gouvernement turco-islamiste.

LES MILITAIRES ET LEURS ALLIES HERITEN DU TURCO-ISLAMISME DU FÜHRER DES LOUPS GRIS

    Les militaires et leurs alliés des cercles politiques ont mis au point une nouvelle manoeuvre au nom de la défense du laïcisme et du sauvetage du pays de l'emprise du parti islamiste RP, et ont engagé la Turquie dans une autre entreprise risquée. Celle-ci consiste d'une part à soumettre le pays à la suprématie du semi-militaire Conseil de sécurité nationale (MGK), et d'autre part à adorer les Loups gris, symbole du racisme et de la xénophobie.
    Lors de sa réunion du 28 février 1997, le MGK imposait au gouvernement un ultimatum très détaillé, semblable à ceux qui ont précédé les coups d'Etat de 1971 et 1980, et ordonnait à la coalition RP-DYP l'adoption une série de mesures dont l'interruption des pratiques anti-laïques et des manifestations.
    En fait, des déclarations faites récemment par Erbakan et d'autres leaders du RP avaient déjà irrité des sections laïques de la population.
    Les militaires ont profité de l'occasion pour s'affirmer comme la seule garantie capable de protéger l'acquis laïque de la société face aux pratiques du RP.
    Par exemple, pour riposter contre la cérémonie "Journée Al-Quds (Jérusalem)" organisée par l'autorité municipale du RP à Sincan, près d'Ankara et à laquelle a été invité l'ambassadeur iranien Muhammad Reza Bagheri, qui a loué la marche de la Turquie vers un Etat islamiste, les militaires ont ordonné un défilé de plus de 30 tanks, de véhicules blindés de transport de troupes et de Jeeps dans la rue principale de Sincan.
    Cette démonstration de force sans précédents fut interprétée dans les médias comme un signe avant-coureur de la préparation d'un nouveau coup d'Etat militaire si le RP continue à diriger le pays.
    Le MGK, dans une atmosphère favorable à l'interférence des militaires, rencontrait le gouvernement le 28 février dernier et lui ordonnait de prendre les mesures suivantes :
    * En aucun cas ne devraient être tolérés des actes contre le système démocratique et laïc turc, basé sur la suprématie de la loi.
    * Le gouvernement devrait appliquer dans leur intégralité les lois sous protection de l'article 174 de la Constitution concernant l'inviolabilité des réformes introduites sous la République.
    * Les procureurs devraient agir immédiatement dans des cas où ces lois s'avèrent avoir été violées. Les institutions religieuses considérées fautives d'avoir enfreint ces lois devraient être fermées.
    * Ceux dont les tenues religieuses enfreignent le code vestimentaire ne devraient être encouragés d'aucune manière.
    * La politique éducative devrait à nouveau aller dans le sens de la loi sur l'"Uniformité de l'Education".
    * L'éducation de base obligatoire devrait être prolongée jusqu'à l'âge de huit ans.
    * Les écoles formant le clergé islamique, qui en soi représentent un besoin social, devraient être limitées aux niveaux nécessaires. Les écoles qui excèdent les besoins devraient devenir des écoles professionnelles.
    * Les écoles coraniques aux mains de fondamentalistes devraient être fermées et celles qui sont nécessaires devraient être rattachées au Ministère de l'Education.
    * Il existe un processus par lequel des cadres fondamentalistes reçoivent des postes publics. Le gouvernement devrait y mettre fin.
    * Les efforts iraniens pour essayer de déstabiliser le régime turc devraient être observés attentivement et contrecarrés quand cela s'avère nécessaire.
    * Les attaques personnelles contre l'intégrité des Forces armées turques semblent en augmentation ces derniers temps. Il faudrait les en empêcher.
    * Les officiers renvoyés des forces armées pour activités fondamentalistes ne devraient pas se voir offrir un emploi par des municipalités sympathisantes ou par le service public.
    * Les partis devraient répondre des discours et déclarations que font leurs maires partout dans le pays.
    * Les organisations financières sous le contrôle de sectes religieuses devraient être contrôlées de près et empêchées de devenir des forces économiques.
    * Les médias audio-visuels qui adoptent une ligne anti-laïque devraient être contrôlés de près et si nécessaire être mis au pas des stipulations de la Constitution.
    * Les transferts financiers aux municipalités en provenance d'organisations telles que Milli Görüs (Vue Nationale), association pro-islamique dont le siège se trouve en Europe, devraient être interdits.
    C'est sous la pression croissante de l'armée que le gouvernement aborde le 13 mars dernier une discussion sur les actions envisagées par le MGK contre les mouvements fondamentalistes et décide de "formuler des mesures en accord avec les décisions du MGK".
    Le MGK est un conseil à dominance militaire composé de cinq hauts commandants de l'armée, du premier ministre et des ministre de la Défense, de l'Intérieur et des Affaires étrangères.
    A la réunion controversée du MGK succédèrent des déclarations des commandants militaires qui ont menacé le gouvernement et se sont déclarés les protecteurs réels de la République et des principes laïques de l'Etat. Même au cours de leurs visites à l'étranger, le chef d'Etat-major, Ismail Hakki Karadayi, en Israël, et le chef adjoint de l'Etat-Major, Cevik Bir, aux Etats-Unis, font des déclarations comme s'ils étaient les véritables maîtres du pays.
    Erbakan se trouve non seulement face à la "menace de coup d'Etat" des militaires mais également à celle de son partenaire de coalition de quitter le gouvernement. Dans les deux cas il riposte avec la menace de convoquer des élections anticipées. Le vice-président du RP, Aydin Menderes, et ses six amis disent que leur parti devrait abandonner sa "politique de tension", adopter une politique de compromis, et devenir le gouvernement non seulement de la partie islamiste de la société mais de tout le pays.
    Pour ce qui est de section du gouvernement provenant du DYP et dirigée par Ciller, certains de ses membres, craignant un coup d'Etat militaire, ont lancé une campagne pour l'abandon immédiat de l'exécutif.
    Il est un fait que la partie du gouvernement contrôlée par le RP a intensifié ses déclarations et pratiques fondamentalistes donnant l'impression de mener le pays vers un régime islamiste.
    Cependant, il faut reconnaître que la montée de l'islamisme n'est pas un problème apparu au cours des derniers mois. C'est un processus qui a démarré avec la fondation d'écoles religieuses pendant la période d'Inönü, successeur d'Atatürk en 1950.
    Pendant la période du Parti Démocrate (DP), dans les années 60, l'appel à la prière était remplacé par celui en arabe et on a procédé à la création de cours coraniques, l'encouragement de fraternités islamiques et l'ouverture du pays à l'influence du fondamentalisme saoudite.
    Même les trois coups d'Etat militaires de 1960, 1971 et 1980 n'ont rien changé et le mouvement islamiste s'implanta dans chaque coin du pays.
    Le premier ministre Necmettin Erbakan fonda son premier parti islamiste, le Parti de l'Ordre (NP), en 1970. Après l'interdiction de ce parti par le Tribunal constitutionnel, il fonda son deuxième parti islamiste, le Parti de salut national (MSP), en 1973. Il fut alors admis dans des coalitions gouvernementales, une première fois par Bülent Ecevit en 1973 et ensuite par Demirel dans les années ultérieures.
    Bien qu'en 1980 la junte militaire ferma le parti d'Erbakan, avec tous les autres partis, pour contrer le mouvement de gauche elle inclut un article spécial dans la Constitution qui rendit les cours islamiques obligatoires, y compris dans les écoles d'enseignement secondaire.
    C'est cette même junte qui encouragea la construction de nouvelles mosquées et autorisa l'Arabie Saoudite à financer les salaires d'enseignants religieux pour les enfants d'immigrants turcs partout en Europe.
    Pendants les opérations de répression contre les opposants kurdes, ce sont des avions de l'Armée qui larguent des tracts dans les zones kurdes appelant les musulmans à soutenir les forces armées, appelées Armée du Djihad (Guerre sainte), contre les guérillas kurdes athées.
    La complicité de tous les hommes politiques turcs, y compris Özal, Demirel, Ciller et Yilmaz, avec les fraternités islamiques est si évidente que pendant les dernière élections législatives tous ces leaders ont conclu des pactes secrets avec les leaders fondamentalistes et leur ont demandé leur soutien en échange de plus de concessions s'ils arrivaient au pouvoir.
    Tansu Ciller, par exemple, qui pendant sa campagne de pression qui a précédé la ratification de l'union douanière par le Parlement européen, et qui se présentait comme la seule garantie contre l'arrivée au pouvoir du RP en Turquie, n'a pas du tout hésité à tenir des entretiens secrets avec le parrain religieux Fethullah Gülen. Ce n'est pas étonnant puisque le nombre de nouvelles mosquées et de nouveaux cours de coran a atteint des records pendant les deux ans qu'elle a gouverné.
    C'est elle aussi qui, oubliant ses promesses à l'Union européenne, n'a pas cessé de répéter des slogans du style "Nos yeux sur le drapeau turc, nos oreilles vers l'Ezan (prière islamique)!" et "Nous implanterons nos mosquées en Europe!". C'est encore Ciller qui a formé un gouvernement de coalition avec le RP pour éviter de comparaître devant la cour suprême pour ses affaires de corruption.
    Au Parlement, non seulement le groupe du RP, mais aussi ceux du DYP et de l'ANAP, sont pleins de députés appartenant à différentes fraternités religieuses. Quand cela s'avère nécessaire ils forment un puissant bloc sans distinction de partis et bloquent toute loi considérée nocive pour le mouvement islamiste.
    Mais malgré l'existence de ce bloc multi-partis, l'association DYP-RP ne semble pas pouvoir durer longtemps sous la pression des militaires et de leurs alliés dans le monde politique.
    Considérant les concessions que les militaires et leurs alliés politiques ont faites aux islamistes, la récente démonstration de force laïque n'a aucun sense. D'autre part, les premières mesures adoptées par Erbakan en tant que premier ministre ont été l'augmentation des salaires des militaires et l'approbation de tous leurs coûteux projets d'armement.
    La véritable raison du mécontentement de l'Armée est en fait  qu'au cours des derniers mois des fonctionnaires et militants du RP ont commencé à contester l'omniprésence des militaires en politique et à revendiquer la suprématie civile au nom, bien sûr, de l'islamisme.
    L'Armée craint que cette ouverture ne conduise à la reconnaissance d'autres forces civiles comme celles de gauche et kurdes. Aux yeux des militaires et de leurs alliés politiques, cette tendance doit être interrompue immédiatement en mettant le RP dans une impasse: Erbakan doit soit accepter, sous la pression des militaires, quelques mesures de laïcisation comme la fermeture des sections les plus basses des écoles religieuses et hypothéquer ses chances dans les prochaines élections ou abandonner le gouvernement du pays.
    Si Erbakan choisit la deuxième option, étant donné que les militaires restent les maîtres du monde politique turc, le successeur du RP ne formera jamais un gouvernement qui respecte les normes démocratiques européennes, il formera un exécutif qui suivra fidèlement une politique turco-islamiste développée en premier par le fasciste MHP et récupérée dans son ensemble par les militaires après le coup d'Etat de 1980.
    Le décès du Basbug (Führer) du mouvement fasciste turc, l'ex colonel Alparslan Türkes, survenu le 6 avril dernier, fut pour les militaires et leurs alliés politiques un occasion en or pour dicter cette orientation turco-islamiste à toutes les sections anti-RP de la population.
    Türkes, champion de l'ultra-nationalisme, ennemi juré de toutes les forces de gauche et démocratiques, fondateur de l'organisation fasciste les Loups Gris et père de l'idée d'unir tous les peuples parlant le turc dans le monde, de l'Adriatique à la muraille de Chine, sous la bannière de l'Empire Turan, fut proclamé le leader de notre ère méritant le plus de confiance. Les autorités ainsi que les médias ont imposé son image à la population comme exemple unique à suivre par tous les Turcs.
    Le Führer fut inhumé le 8 avril 1997 au milieu de manifestations publiques enflammées et l'assistance d'un million de personnes venues de toutes les parties de la Turquie. Les funérailles se sont transformées en une démonstration de force de l'ultra-nationalisme turc.
    Les médias n'ont cessé de chercher dans leurs archives. Tous les jours ils trouvaient de nouveaux attributs pour exalter la personnalité de Türkes. Des débats et des interviews sur la "Mission de Türkes" se sont succédé atteignant la forme d'un lavage de cerveau.
    Ses slogans, du style "Le 21e siècle sera le siècle turc", ont été abondamment reproduits par la presse.
    Personne, à l'exception des rédacteurs de gauche, n'a rappelé que Türkes était responsable de l'assassinat de plus de 5.000 personnes victimes de la violence politique avant 1980 et d'avoir eu recours à un coup d'Etat militaire pour poursuivre sa politique turco-islamiste. Personne n'a évoqué le fait qu'il était radicalement opposé à une solution pacifique à la sale guerre qui sévit dans le Kurdistan turc et le principal adversaire de toute réforme pour la démocratisation du pays.
    On n'a pas du tout rappelé que les Loups Gris constituent l'épine dorsale des forces criminelles spéciales qui agissent dans le Kurdistan turc.
    Même les révélations les plus récentes sur l'implication des Loups Gris de Türkes dans des relations avec la mafia ont été totalement passées sous silence.
    Tous les leaders politiques, y compris les sociaux démocrates Deniz Baykal (CHP) et Bülent Ecevit (DSP) étaient présents aux funérailles et autres cérémonies pour la glorification de Türkes. Ecevit fut le premier leader politique à se rendre dans au siège du MHP après l'annonce de la mort de Türkes.
    De véritables larmes, des larmes de crocodile et les larmes de Ciller se sont mêlées. Le nom d'Alparslan Türkes a été commémoré avec de nombreux attributs, des nouveaux découverts par centaines chaque jour et ceux déjà familiers comme "Le leader légendaire", "Le dernier Basbug", "Indubitablement le leader du nationalisme turc", "Un expert dans la politique de l'équilibre", "Le leader de la paix sociale, de l'unité, de l'intégrité et du consensus", "Un homme investi d'une cause", et ainsi de suite.
    Après la chute de l'islamiste RP, vient le tour d'un  gouvernement turco-islamiste soutenu par les militaires quelle que soit sa composition. Pour éviter une plus grande popularisation du RP en tant que parti martyrisé dans l'oppostion, ce nouveau gouvernement ne sera pas en reste par rapport au gouvernement sortant pour ce qui est des concessions aux islamistes.
    Preuve en est que pendant les funérailles la foule portant les drapeaux aux trois croissants du MHP criait "Allah est le plus grand!" ainsi que "Turquie, la plus grande!" et "Le 21e siècle, le siècle turc!"
    Le respect des normes démocratiques européennes n'est plus une préoccupation des alliés politiques des militaires. Ils sont partisans d'un renforcement de la Turquie turco-islamiste et expansionniste par l'oppression des Kurdes et autres minorités nationales ou religieuses et en faisant tout leur possible pour faire de la Turquie la plus grande et du 21 siècle le siècle turc.
    En Turquie, en vient d'entrer dans l'ère de l'"Adoration du Loup".

2 c
LES LOUPS GRIS RECOIVENT 10.000 DOLLARS POUR MENER DES ATTENTATS CONTRE ASALA

    Oral Celik, un des complices d'Ali Agca dans son attentat contre le Pape, déclarait le 29 janvier dernier à la commission d'enquête sur l'accident de Susurluk que lui-même et Abdullah Catli avaient perpétré leurs actions au nom de l'Etat.
    Un célèbre loup gris a déclaré à la commission, qui enquêtait sur le mystérieux accident de la route survenu à Susurluk le 3 novembre dernier et les dénonciations de l'existence de "gangs d'Etat" qui en ont résulté, que lui-même et Catli avaient perpétré des attentats contre l'organisation terroriste arménienne ASALA et qu'ils n'avaient reçu que 10.000 dollars de l'Etat pour couvrir leurs dépenses. Il a souligné que l'Etat n'avait pas honoré d'autres promesses qu'il avait faites.
    Celik, extradé vers la Turquie après avoir purgé une peine de prison à l'étranger pour trafic de drogue et s'être impliqué dans la tentative d'assassinat du Pape Jean-Paul II, a été déclaré innocent de toutes les charges qui pesaient contre lui en Turquie par les trois cours compétentes et se trouve maintenant en liberté.
    Au cours d'un témoignage de deux heures, Celik a déclaré que lui-même et Catli s'étaient mis d'accord avec l'Etat sur le besoin de réduire ASALA au silence. Il a expliqué que l'organisation de renseignement avait couvert leurs dépenses et qu'ils avaient présente à l'organisation une liste d'amis emprisonnés et une demande pour leur mise en liberté. On leur avait promis de satisfaire leurs demandes. D'après Celik, lui et Catli ont mené des opérations contre ASALA dans beaucoup d'endroits, y compris en France, en Grèce et au Canada et ils ont tenu leurs promesses. Il a demandé à la commission si ASALA existait toujours.
    Selon Celik ils ont agi au nom de l'Etat après le coup d'Etat du 12 septembre 1980. Il s'est plaint d'avoir été accusé à tort de plusieurs crimes, dont l'assassinat du journalistes Abdi Ipekci. Il dit avoir purgé de longues années de prison alors que ceux avec qui ils avaient passé des accords n'ont pas tenu leurs promesses. Il a répété qu'il n'était pas impliqué dans le complot contre le Pape. Il était protégé par quatre personnes qu'il a présentées comme des membres de sa famille en entrant et sortant du Parlement.

3 c
ANKARA ELABORE UN PLAN DE DEFENSE DE 31 MILLIONS DE DOLLARS POUR LA PROCHAINE DECENNIE

    Le Ministère turc de la Défense révélait le 11 avril dernier un programme de modernisation et d'acquisition de matériel de défense pour la prochaine décennie d'une valeur de 31 millions de dollars. Ce programme a pour objet un renforcement des forces armées.
    Ce Programme d'achat de dix ans (OYTEP) prévoit l'acquisition de milliers de véhicules tactiques blindés, plus de 100 hélicoptères de combat, des avions-citernes de ravitaillement en vol et de reconnaissance, des vaisseaux de guerre, des systèmes de missiles, des systèmes de communication par satellite et de programmes de modernisation pour avions de combat.
    Le Ministre de la Défense Turan Tayan soulignait que c'est la première fois qu'on annonce un programme de défense aussi détaillé et complexe et a ajouté qu'ils présenteraient ce programme au secteur privé et aux entrepreneurs essayant d'attirer leur attention sur le secteur de la défense.
    Tayan déclarait qu'au cours des années 80, en particulier, la Turquie avait intensifié les efforts de son industrie de défense, apportant des changements radicaux tels que l'établissement du Sous-secrétariat pour l'industrie de défense (SSM). Au cours d'un briefing prononcé l'année dernière, l'Etat-major annonçait qu'il faudrait 150 milliards de dollars pour le financement de l'achat d'armement et des opérations des forces armées turques au cours des 25 prochaines années. Au cours de cette période, l'armée aurait besoin de 60 milliards de dollars, la marine de 25 et les forces aériennes de 65 en armes et équipement.
    Des fonctionnaires de l'Etat-Major avaient souligné que malgré l'existence dans le secteur privé turc d'organisations industrielles de défense, il existe de nombreuses compagnies privées capables d'assumer des projets dans le domaine de la défense. Ils ont énuméré une série de mesures pour attirer ces entreprises vers le secteur militaire.
    La Turquie dispose de la deuxième force la plus importante au sein de l'OTAN, n'arrivant derrière les Etats-Unis qu'en ce qui concerne le nombre de soldats.
    L'industrie de défense est actuellement dominée par trois organes d'Etat : le Haut conseil de coordination de l'industrie de défense, dirigé par le premier ministre, est composé de 14 membres, y compris le chef de l'Etat-major. Le Conseil exécutif de l'industrie de défense, qui comprend le ministre de la Défense et le chef de l'Etat-major, est également administré par le premier ministre. Le SSM est la dernière de ces entités.

4
COMMISSION PARLEMENTAIRE CEDE AUX PRESSIONS

    La commission d'investigation parlementaire qui était chargée d'enquêter sur les "gangs d'Etat" ou le dénommé "triangle mafia-police-politique" révélé par un accident de circulation survenu à Susurluk le 3 novembre 1996 a finalement cédé à la pression de la coalition gouvernementale RP-DYP et a masqué la responsabilité de Ciller et de ses complices dans cette sale affaire.
    Le rapport, remis au bureau du président du Parlement le 3 avril dernier, confirme l'existence de gangs soutenus par des fonctionnaires de la sûreté de l'Etat et de nombreux hommes politiques, mais en même temps rejette les insinuations selon lesquelles de nombreuses organisations criminelles ont été fondées par l'Etat lui-même.
    Après trois mois d'enquête, la Commission Susurluk n'a traité aucun cas concret ayant trait aux gangs. Sans le rapport de la Cour de la sûreté de l'Etat (DGM) qui inculpe l'ancien ministre de l'Intérieur, Mehmet Agar, et le député du DYP d'Urfa, Sedat Bucak, d'avoir créé des gangs, le rapport de la commission d'enquête parlementaire serait un complet fiasco.
    La Commission Susurluk a joint le rapport de DGM à son propre document. Curieusement, le rapport concernant la levée de l'immunité parlementaire demeure au bureau de premier ministre, empêchant toute action officielle. Etant donné que le document de DGM remis à la commission Susurluk n'avait été envoyé qu'à titre d'information, le bureau du président du Parlement ne peut entreprendre une action officielle.
    Les noms d'hommes politiques liés à la mafia n'ont pas été mentionnés dans le rapport en raison de la dure position adopté par les membres du DYP et du RP.
    Au cours de l'enquête de Susurluk, la commission s'est bien gardée de mentionner les noms de la vice-premier ministre Tansu Ciller et de son mari Özer Ciller. Des fonctionnaires de l'Etat, y compris le personnel de l'Organisation nationale de renseignement (MIT), qui ont fourni des informations à la Commission, ont constamment mentionné le nom d'Özer Ciller. D'autres affirmations selon lesquelles des rapports de renseignement avaient été remis à Özer Ciller, au lieu du premier ministre, ne figurent pas dans les conclusions du rapport.
    Il est significatif que dans le rapport on précise que le bureau du chef d'Etat-major a répondu en "termes durs" au lieu de fournir ouvertement des informations à la commission. Le rapport souligne aussi que la MIT n'a pas fourni l'information demandée.
    Le président de la Commission Susurluk, Mehmet Elkatmis, du Parti du Bien-être (RP), a convoqué une conférence de presse au cours de laquelle il a présenté le rapport et a déclaré que le "premier ministre de l'époque" était responsable des relations maintenues avec le gang, entre Agar et Catli.
    Selon lui "Il ne devrait pas y avoir de secrets d'Etat pour le Parlement" et il a déploré qu'on ait empêché l'accès de la Commission à d'importantes informations sous prétexte qu'il s'agissait de "secrets d'Etat" ou de "secrets commerciaux".
    D'après Elkatmis six des neuf membres de la commission n'étaient pas d'accord avec les jugements exprimés dans les conclusions du rapport et les membres de l'opposition ont émis des réserves alors que les membres du DYP ont approuvé l'ensemble du document.
    Elkatmis a souligné que les crimes commis par le gang ont eu lieu en 1995, ce qui laisse supposer que Tansu Ciller, premier ministre à l'époque, a des responsabilités politiques. Agar, poursuit-il, a également rejeté les responsabilités sur le Conseil de sécurité nationale (MGK) et a déclaré à la Commission: "Tout ce que j'ai fait l'a été dans le cadre des décisions du MGK".
    Le président de la Commission a précisé que dans le rapport on fait allusion à la "responsabilité politique" de la manière suivante, "des personnes qui ont fait l'objet d'un rapport du MIT se sont vu attribuer les postes les plus élevés", et que ces individus et ces postes devraient faire l'objet d'investigations. Le RP ne doit rien à personne, précise-t-il, et la commission a décidé de ne pas entendre la vice-premier ministre Tansu Ciller et son mari Özer Ciller par manque de temps. Selon lui, ils ont accompli leur devoir et il a la conscience tranquille.
    La partie la plus critique du rapport de la commission, qui résume plus de 100.000 documents et interviews de 57 personnes impliquées dans l'affaire, est la section sur les résultats et les propositions. Les critiques se sont concentrées sur la même partie car on espérait que la Commission suggère au Parlement la mise en oeuvre d'un processus de restructuration de l'Etat. Ce dernier serait impliqué dans des activités illégales. Le Parlement devrait également se débarrasser de ceux qui utilisent leur statut parlementaire pour aider et protéger les membres du gang.
    Mais le rapport révèle qu'en fin de compte ni les ramifications politiques des gangs - 13 d'entre elles ont été officiellement révélées depuis l'accident de Susurluk - ni les "sombres connexions" entre le monde clandestin et les établissements d'Etat ne pourront être totalement établis et clarifiés. La Commission dans son rapport ne fait allusion qu'à 12 noms ayant des liens avec l'ancien ministre de l'Intérieur Mehmet Agar.
    Le rapport affirme que certaines des armes et des balles trouvées dans la voiture accidentée à Susurluk - d'une grande quantité et qualité et de celles qui pourraient être utilisées pour des assassinats et des meurtres discrets - ont été enregistrées à la Direction générale des affaires de sécurité.
    La Direction générale n'a pu fournir une explication satisfaisante lorsque la commission lui a demandé comment et pourquoi ces armes et ces balles se sont retrouvées dans la voiture. La commission pense que la personne qui voyageait dans la Mercedes avait reçu les armes et les documents -qui disaient que les porteurs étaient autorisés à porter des armes et que les forces de police devaient essayer de faciliter leur travail- grâce aux instructions de Mehmet Agar, qui à l'époque était directeur général de la sûreté, et d'Ibrahim Sahin, alors chef en fonctions du Département d'opérations spéciales.
    On pense que les permis de port d'armes et les passeports verts (privilégiés) de Yasar Oz et Mehmet Özbay (dont le véritable nom était Abdullah Catli) ont également été délivrés suite à des instructions d'Agar alors qu'il occupait le poste de directeur général de la sûreté. Ces documents ont permis à de nombreux fugitifs connus pour avoir pris part à de nombreux actes illégaux de porter des armes et de quitter facilement le pays et d'y retourner. En d'autres termes, ces documents ont conféré de nombreux privilèges à ces personnes.
    Lorsque les membres des équipes spéciales impliquées dans l'assassinat du roi du casino Ömer Lütfü Topal - à savoir A. Carki, E. Ersoy et O. Yorulmaz- ont été arrêtés comme suspects, le député de Sanliurfa du Parti de la juste voie (DYP), Sedat Bucak, a essayé d'obtenir la mise en liberté de ces personnes et d'empêcher que l'enquête ne progresse. Suivant les instructions d'Agar (actuellement député du DYP), Sahin, chef en fonctions du Département des opérations spéciales et responsable des équipes spéciales, s'est rendu d'Ankara à Istanbul et les trois détenus ont été immédiatement transférés de la Direction générale d'Istanbul à la Direction générale d'Ankara où ils ont été interrogés et illégalement mis en liberté après une simple investigation.
    La section du rapport de la commission parlementaire offrant une vue générale de la question de Susurluk fait allusion à des forces "incontrôlables" et précise: "Il est très possible que ces forces incontrôlables maintiennent des contacts avec des fonctionnaires de plusieurs bureaux d'Etat. On a l'impression qu'une partie des forces de sécurité et certains hommes politiques maintiennent des liens avec des organisations criminelles illégales qu'on pourrait qualifier de mafia ou de gangs".
    Le rapport ne donne pas d'informations détaillées sur des thèmes comme le blanchiment d'argent, les meurtres en série d'hommes d'affaires d'origine kurde dont on pense qu'ils ont des connexions politiques, le rôle de fonctionnaires des services de renseignement dans des massacres et la fuite D'Abdullah Catli d'une prison suisse et son transfert secret en Turquie. Dans ces circonstances, il n'est pas étonnant que le rapport soit largement insatisfaisant.
    Les "suppléments" de 310 pages annexés aux 22 pages du rapport de la commission, en revanche, contiennent quelques informations hautement significatives. Des milliers de documents rassemblés par la commission à partir de plusieurs sources et la transcription de témoignages de 57 personnes entendues par la commission n'ont pu être attachés au rapport de la commission et furent envoyés au bureau du président du Parlement.
    Voilà pourquoi une maison d'édition a lancé une campagne sous le nom "Vous écrivez votre rapport", et de nombreux magazines ont imprimé des rapports alternatifs inspirés par les députés de l'ANAP membres de la commission d'investigation. Ceux-ci ont déclaré qu'ils prépareraient un rapport alternatif.
    La maison d'édition Scala a inclus le plus important compte rendu de la réunion de la commission dans un livre intitulé "Documents Susurluk", publié la veille de la publication du rapport de la Commission. Parallèlement à cette publication sans précédents, la maison d'édition Scala en appelait au public pour qu'il écrive son propre rapport, tenant en compte les documents présentés dans le livre.
    L'ouvrage, de 625 pages, fut élaboré par le journaliste Veli Özdemir, qui n'a pas révélé comment il a pu réunir tous les textes des documents originaux. "Nous pensons toujours que nous pourrions imprimer l'histoire de ce livre dans une autre étude", affirme le rédacteur de la maison d'édition.

5-c
LA TURQUIE ET LA KKTC ACCUSEES DE BLANCHIMENT D'ARGENT DE LA DROGUE

    Un reportage diffusé par la BBC le 11 avril 1997 citait la République turque de Chypre du Nord (KKTC) parmi les endroits privilégiés des trafiquants de drogue britanniques pour blanchir leur argent. Dans son programme du vendredi midi, la chaîne de télévision BBC 1 affirmait que 90% de l'héroïne qui circule au Royaume-Uni arrive via la Turquie. Elle soutenait que la RTCN était la destination où de nombreux dealers britanniques allaient blanchir leur argent. "L'héroïne produite dans la frange sans loi, ou aux alentours, de l'est de la Turquie est envoyée en Europe", expliquait le correspondant.
    Chypre du Nord a plus de banques qu'il ne faut pour sa population. Plus de 60 banques pour 80.000 personnes. La réglementation est floue et la vigilance permissive dans cette destination verte d'argent sale", déclare un correspondant dans la RTCN. Ajoutez à ça plus de 30 casinos où l'argent change de propriétaire illégalement et rapidement et nous y trouvons une combinaison parfaite pour le blanchiment d'argent", ajoute-t-il. Les fonctionnaires des douanes ne doutent pas un instant que Chypre soit un lieu de blanchiment d'argent, affirmait le correspondant de la BBC. "Nous voyons des messagers sortir des grandes quantités d'argent de ce pays vers des pays producteurs d'héroïne ou d'autres comme Chypre", expliquait Michael Newson, du département d'investigation des douanes, au reporter.
    "L'héroïne qui circule via la Turquie arrive en Europe et finalement en Grande Bretagne. Mais au moment du paiement, les dealers britanniques emmènent leur argent sous les cieux plus cléments de Chypre du Nord où on peut le faire circuler jusqu'à ce que son origine ne soit plus très claire et on peut alors le transférer en Turquie", poursuivait le correspondant.
   
5
CILLER A PERDU LA CONFIANCE DU PARLEMENT EUROPEEN

    La perte de confiance envers le vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères, Tansu Ciller, a pu être observée au cours d'un important mouvement européen en mars dernier à Ankara.
    Après des entretiens avec l'Association des droits de l'homme (IHD) et le Parti de la démocratie du peuple (HADEP) le 23 mars dernier, la présidente du groupe socialiste du Parlement européen, Pauline Green, déclarait : "Nous ne prêterons pas attention à ce que Ciller a pu écrire ou signer - à partir de maintenant nous ne ferons attention qu'à l'application de ceci", accentuant son expression en laissant tomber sur le sol un bout de papier qu'elle tenait à la main.
    Le président de l'IHD, Akin Birdal, a souligné que le Parlement européen avait perdu toute confiance dans le vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères, Tansu Ciller. Celle-ci s'était livrée à une importante campagne de pression avant la signature de l'Union douanière, et avait demandé au groupe socialiste du Parlement européen de soutenir sa cause pendant cette campagne, s'appuyant sur la menace d'un éventuel "accès au pouvoir des fondamentalistes" si elle n'obtenait pas ce soutien.
    Constamment pressé dans le domaine des droits de l'homme, le gouvernement turc annonçait une réforme de la législation concernant ce domaine, et la vice-premier ministre annonçait expressément que "les tortures telles que la `pendaison palestine'" étaient maintenant impensables et ce pour toujours.
    Green a dit interpréter ces paroles, qui indiquent une connaissance explicite de ces techniques de torture, "comme une confession" et s'est montrée très claire quant au rôle des militaires, mettant l'accent sur l'importance de la conscience civile sur toute organisation, y compris les militaires.
    Green et ses collègues ont également mentionné les handicaps que crée l'absence d'une solution démocratique au problème kurde. Dans ce sens, la présidente du groupe socialiste rappelle: "Nous forcerons le respect des droits de l'homme".

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100e RASSEMBLEMENT DES MERES DU SAMEDI POUR DENONCER LA DISPARIION DE LEURS PROCHES

    Le 12 avril 199, les mères du samedi se rassemblaient pour la 100e veillée hebdomadaire dans une place d'Istanbul où elles réclament des informations sur la disparition de leurs proches, tout un symbole du problème complexe des violations des droits de l'homme.
    Quelque 200 personnes se sont réunies à Galatasaray avec des photos en noir et blanc de leurs fils, filles, pères et frères aperçus pour la dernière fois entre les mains des forces de sécurité.
    Elles se réunissent là chaque samedi depuis mai 1995, et ont fait le serment de continuer jusqu'à ce que cessent les disparitions et on les renseigne sur la disparition de leurs proches.
    "Nous viendrons ici chaque semaine jusqu'à ce qu'on retrouve les personnes disparues", déclarait le père d'Hasan Ocak, dont le corps apparaissait par la suite dans une sépulture municipale. "Nous devons retrouver les ossements de tous les `disparus'".
    L'Association des droits de l'homme (IHD) de Turquie affirme qu'elle est en train d'étudier 792 rapports de disparitions survenues entre 1992 et 1996. Amnesty International précise que ses enquêteurs sont solidement documentés sur au moins 135 cas.
    Les experts assurent cependant que dans neuf provinces en proie à l'agitation et soumises aux restrictions de l'état d'urgence, de nombreuses `disparitions' ne sont pas dénoncées.
    On pense que la plupart des disparus ont été tués, soit par les forces de sécurité, soit par des escadrons de la mort d'extrême droite. Des défenseurs des droits de l'homme affirment avoir trouvé des corps qui portaient encore des traces d'encre utilisée par la police pour prendre empreintes digitales.
    Les autorités disent n'avoir aucune trace de la plupart des personnes disparues, et laissent entendre que beaucoup d'entre elles ont rejoint des groupes armés clandestins, comme le PKK, ou sont déjà en prison.
    "La dignité humaine finira par vaincre la torture", scandaient les mères du samedi. "Si vous n'élevez pas la voix vous serez les prochains sur la liste".
    Une équipe policière d'"assistance", créée pour aider les familles à retrouver leurs proches, traînait paresseusement, face à la méfiance et le rejet des familles. Ce n'est là qu'un nouvel aspect de la longue série de mesures de maquillage adoptées dans le domaine de la violation des droits de l'homme.
    "Nous payons l'essence qu'ils consomment et les salaires qu'ils reçoivent", protestait un manifestant pointant son doigt vers un mini-bus de la police. "Ils devraient épargner notre argent et se limiter à répondre à nos questions".
    Peu d'agents ont été condamnés dans les cas de tortures. Ceux déclarés coupables n'ont écopé que de peines légères.
    "Notre opinion est que la réforme est une farce, un théâtre pour l'autorité de la loi", déclarait Bernd Marschang, un juriste allemand de l'Association internationale des juristes démocratiques qui se trouvait à la disposition du rassemblement. "Il n'y a pas de volonté de punir les responsables des assassinats politiques", déclarait Marschang à Reuters.
    Les Mères du samedi et d'autres défenseurs des droits de l'homme ont cependant déclaré qu'ils retourneraient chaque week-end jusqu'à ce qu'ils sachent la vérité aussi amère soit-elle.
    "Nous reviendrons jusqu'à ce que le gouvernement accepte que ces personnes ont disparu alors qu'elles étaient détenues", affirme Eren Keskin, juriste et vice-présidente de l'Association des droits de l'homme. "Nous ne pourrons jamais les trouver parce qu'elles ont toutes disparu", a-t-elle déclaré.

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RASSEMBLEMENT DES PROCHES DES VICTIMES D'ASSASSINATS MYSTERIEUX NON ELUCIDES

    Dans un autre acte, les familles des victimes de mystérieux assassinats non élucidés survenus au cours des 20 dernières années se sont réunies le 26 mars 1997 pour faire entendre leurs protestations.
    L'accident survenu sur la route de Susurluk le 3 novembre dernier aurait apporté des indices sur l'existence d'un gang au sein de l'Etat qui serait le principal suspect dans la série de meurtres mystérieux qui ont fait sensation en Turquie depuis les années 70.
    Les familles des nombreuses victimes de meurtres non élucidés, rassemblées dans la Galerie d'art Marti, située dans la rue Istiklal d'Istanbul, ont demandé aux responsables une enquête immédiate de leurs cas.
    Sezen Oz, épouse du procureur Dogan Oz, assassiné le 24 mars 1979 à Ankara, y a déclaré : "En voilà assez ! Nous exigeons qu'on cesse de protéger les assassins, et qu'on les arrête, on les enferme et on les condamne sans plus attendre".
    C'était la voix d'une femme qui, pendant près de 20 ans, a attendu que l'Etat éclaircisse le cas de son mari sans que les assassins n'aient subi la moindre poursuite ou condamnation.
    Par ailleurs, quelque 15 épouses, enfants, frères et maris des victimes  - dont ceux du journaliste Abdi Ipekci (assassiné en 1979) et le journaliste Cetin Emec (assassiné en 1990), ont exprimé leurs sentiments pendant le rassemblement, où on a également lu une déclaration commune.
    La déclaration soulignait que tous ces événements passés montrent que l'adjectif "mystérieux" n'est pas celui qui convient.
    "Les identités des assassins ont été révélées suite à des règlements de comptes au sein de l'Etat", disait-on dans la déclaration. "Malgré tout cela, ces assassinats sont restés `mystérieux' vu que les assassins n'ont pas été arrêtés et emprisonnés".
    Les familles des victimes se sont adressées aux partis politiques, au Parlement turc et à la Présidence pour qu'on informe le public sur les investigations de tous ces cas, et pour qu'on explique pourquoi le processus n'est toujours pas conclu.

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LA TURQUIE PREPARE LE 2000e ANNIVERSAIRE DU CHRIST!

    Alors que des actes racistes se poursuivent en Turquie, dans une nouvelle opération de charme dirigée au monde occidental, les autorités turques se préparent pour le 2000e anniversaire de la naissance du Christ, c'est ce que rapportait l'agence de presse Anatolie le 26 mars dernier.
    Selcuk, Demre, Tarsus, Iskenderun, Iznik, Cappadoce et bien d'autres localités ont eu d'importantes populations chrétiennes à travers les âges - faisant de la Turquie un musée en plein air. Outre les endroits cités ci-dessus, à Istanbul se trouve le patriarcat grec Fener et à Mardin l'Eglise Deyr-ul Zafaran, qui a une signification particulière pour les Syriaques.
    Selon des informations reçues du Ministère du Tourisme, on a préparé un inventaire des reliques et des lieux de culte des trois religions.
    Personne n'ignore que les populations chrétiennes, tel que les Arméniens, les Assyriens, les Grecs, ont soit été massacrées ou forcées de quitter le pays. Ce plan pour célébrer le 2000e anniversaire du Christ n'est donc qu'une nouvelle manoeuvre hypocrite et malintentionnée des autorités turques.

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LES DOSSIERS SUR LES "MEURTRES NON RESOLUS" S'ACCUMULENT DANS LA DGMS

    Les procureurs principaux des Cours de la sûreté de l'Etat de Turquie ont un total de 13.665 dossiers concernant des "meurtres non résolus", selon les chiffres recueillis le 11 février dans la Direction Générale des Dossiers Criminels et Statistiques correspondant à la période jusqu'à fin 1995.
    Le bureau du procureur principal de la CSE de Diyarbakir arrive en tête avec un total de 11.699 dossiers, tandis que celui de Konya en a le moins, avec 22 dossiers.
    Les dossiers concernant les cas de meurtres non résolus représentent 56,4 % de la charge totale de travail des procureurs principaux des CSE. Un total de 2.401 dossiers ont été soumis aux bureaux des procureurs entre le 1er janvier 1995 et le 31 décembre 1995.
    Les bureaux des CSE de Malatya, Erzincan, Izmir et Istanbul figurent parmi ceux qui ont le plus de dossiers concernant des cas de meurtres non résolus.
    En 1995, 255 cas de ce type ont été résolus.

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UN GOUVERNEUR SE DIT PRET A "TUER POUR LE PAYS"

    Le nombre de gardiens de village spécialement entraînés dans la province du sud-est de Van, connus comme "force éclair", est passé de 100 à 420 depuis leur création l'année dernière. L'agence de presse Anatolie rapportait à ce propos les paroles du gouverneur de Van, Abdülkadir Sari, prononcées le 2 mars dernier : "ça ne nous fait pas plaisir de tuer des gens, mais pour le pays nous sommes prêts à le faire s'il le faut".
    La force éclair fut fondée l'année dernière pour combattre les militants du PKK et ses 400 membres ont reçu un équipement hautement technologique. Les gardiens récemment formés ont également reçu des certificats des mains du gouverneur Sari.
    Selon Sari l'organisation terroriste a déclaré les provinces du sud-est de Van et Hakkari des zones libérées, mais elle a également subi les plus lourdes pertes dans ces mêmes régions.
    Faisant allusion aux objectifs atteints par cette force, il a déclaré : "En 1996 ont été tués plus de terroristes qu'au cours des 12 années antérieures".

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DES DOCUMENTS SECRETS REVELENT LES MESURES ANTI-PKK DE L'ETAT POUR 1997
   
    Des documents secrets provenant du Ministère de l'Intérieur et qui révèlent les mesures que les autorités pensent adopter en 1997 contre la présence militaire, politique et culturelle du PKK, ont été révélés par le Turkish Daily News le 17 mars dernier.
    Initialement remis le 3 janvier 1997 à la Direction régionale de l'état d'urgence, à tous les gouverneurs provinciaux, au Commandement général de la gendarmerie, à la Direction générale de la sûreté et au Secrétariat général du Conseil de sécurité nationale, les documents contiennent des suggestions pour qu'on organise des protestations anti-terroristes, pour qu'on surveille les étudiants universitaires et de l'enseignement supérieur qui pourraient rejoindre l'organisation et pour qu'on empêche MED-TV de diffuser des programmes en Turquie.
    Le document de quatre pages, classé secret, énumère les mesures à prendre contre le PKK sous deux titres :
    * "Mesures à appliquer à des moments spécifiques"
    * "Mesures à appliquer de manière continue".

    Mesures à appliquer à des moments spécifiques

    "En réponse à l'utilisation par l'organisation terroriste séparatiste PKK d'intellectuels, artistes et autres personnes influentes qui peuvent impressionner le public aussi bien dans le pays qu'à l'étranger pour servir sa cause :
    "Les personnes qui peuvent être considérées des penseurs et sont actuellement utilisées par l'organisation devraient être identifiées et on devrait obtenir des renseignements sur leur situation et leur passé.
    "Les personnes qui pourraient être utilisées par l'organisation devraient être présentées, dans le pays et à l'étranger, de manière à leur enlever toute influence.
    "Les institutions et organisations internationales devraient être correctement informées sur les personnes que l'organisation présente comme penseurs et des dossiers préparés à cet effet devraient être envoyés à ces institutions et organisations.
    Le document précise que ces mesures devraient intervenir entre janvier et mai 1997.
    Concernant d'autres actions à mener au cours des cinq premiers mois de l'année, le document prévoit qu'on n'abandonne pas le système des gardiens de village, du moins pas à court terme.
    "Face à la possibilité que l'organisation s'en prenne à des gens qui prennent le parti de l'Etat et exerce sur eux des pressions psychologiques les accusant d'espionnage ou de banditisme, ou fasse des massacres ou des actions armées; il conviendrait de prendre des mesures pour remonter le moral des citoyens qui soutiennent l'Etat, en particulier des gardiens de village temporaires, et le public devrait être correctement informé sur les rapports malintentionnés publiés dans la presse et qui préconisent l'abolition du système des gardiens de village.

    Projet spécial pour le Newroz

    La célébration du Newroz, le 21 mars -un festival pour le printemps prochain- apparaît comme motif spécial d'actions pour le mois de mars. Le festival est célébré par de nombreuses populations du Moyen-Orient, mais au cours des dernières années il a acquis des connotations politiques.
    "Pour éviter que l'organisation n'exploite le Newroz, il conviendrait de mettre en place les différentes phases du projet spécial".
    Le "projet spécial" mentionné dans le document n'a pas été élaboré.

    Mesures à appliquer de manière continue

    Ces activités à mener pendant toute l'année concernent principalement les stratégies de recrutement du PKK, sa propagande -aussi bien en Turquie qu'à l'étranger- et le soutien des groupes et personnes qui combattent le PKK.
    "Face à la création des dénommés quartiers de front dans des provinces définies par l'organisation et les activités de création d'institutions logistiques, d'éducation, finance, santé, sections militaires, tribunaux populaires et autres, les collaborateurs devraient être rapidement identifiés, soumis à un processus de persuasion, être mis publiquement en évidence et, si nécessaire, pénalisés".
    Le document du Ministère de l'Intérieur demande également que soient élaborés des programmes d'information, que soient faites des visites, en présence de visiteurs internationaux (représentants d'organisations non gouvernementales, défenseurs des droits de l'homme et membres d'institutions internationales dont le Ministère considère qu'ils sont utilisés par le PKK), aux populations locales qui ont souffert du terrorisme.
    Selon le document, il faudrait "amener" les victimes du terrorisme à demander une reconnaissance "aux organisations comme le Comité Helsinki Watch et Droits de l'Homme Internationaux à l'aide de documents et informations, et introduire des plaintes contre l'attitude partiale des ces institutions".

    Mettre fin à la coopération avec le PKK

    Concernant la coopération entre le PKK et d'autres organisations légales en Turquie, tel que des groupes d'extrême-gauche, les Yézidis -un groupe religieux- les Alévis et les groupes radicaux islamiques, le document prévoit deux plans.
    "Les possibles leaders idéologiquement proches des organisations de gauche seront éclairés et ceux qui ne peuvent être réorientés se verront miner leur influence sur le public".
    Le Ministère de l'Intérieur a également établi des plans pour maintenir la langue kurde en marge de la société.
    "Des mesures administratives et locales devraient être prises contre ceux qui tentent d'encourager le développement de la langue kurde, qui créent des institutions de recherche dans le but de faire du kurde une langue d'éducation et de mettre sur pied des cours d'éducation et d'alphabétisation destinés à des activités de façade".
    En ce qui concerne la chaîne pro-PKK MED-TV, qui diffuse des programmes principalement en kurde, le Ministère de l'Intérieur a ordonné l'organisation de nouvelles campagnes par lettre, fax et télégramme adressées aux gouvernements concernés. MED-TV se verra également interdire la production de programmes en Turquie.

    Le rouge, le jaune et le vert sont des couleurs turques

    On a également ordonné qu'on arbore les couleurs rouge, jaune et vert pendant les réunions académiques comme s'il s'agissait de couleurs traditionnelles turques.
    Pour éviter que le PKK ne cherche de nouveaux champs d'activité, on empêchera le commerce de rue dans les provinces d'Adana, Icel, Antalya, Sivas, Konya, Nevsehir, Kirsehir, Tokat, Ankara, Istanbul et Izmir. Les immigrants kurdes provenant du Sud-est gagnent souvent leur vie dans les grandes villes occidentales grâce au commerce de rue.
    Les cours de Coran, considérés comme un possible domaine d'activité du PKK, et qui pourraient être "dirigés" par le Mouvement Islamique du Kurdistan, seront contrôlés de près.
    En conclusion, ce document classé secret prévoit qu'à la fin de mars, juin, septembre et décembre, des rapports de travail sur les ordres cités ci-dessus soient remis au Secrétariat général du Comité de coordination de l'état d'urgence du Ministère de l'Intérieur.
   
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ECEVIT EXPULSE TROIS DEPUTES DU DSP

    Trois députés, Bülent Tanla, Gökhan Capoglu et Bekir Yurdagül, qui avaient critiqué l'attitude du leader du DSP, Ecevit, et de sa femme, Rahsan Ecevit, ont été expulsés du parti le 3 avril dernier par le Conseil de discipline sur ordre d'Ecevit. Ceci réduit le nombre de députés du DSP à 68.
    Egalement à la demande du leader du parti, Ecevit, le Conseil a donné des avertissements à cinq autres députés du DSP, Cevdet Selvi, Fikret Ünlü, Tahir Köse, Yüksel Aksu et Hilmi Develi.
    Le vice-président du DSP, Cevdet Selvi, s'est montré critique à l'égard de ces expulsions et qualifia la décision d'"incorrecte et injuste". Il a précisé qu'au lieu d'expulser ces députés du parti il aurait fallu trouver "une solution plus constructive". Selon lui, "si cette mentalité perdure au sein du DSP, on peut penser que le malaise ne fera que s'accroître dans le parti".
    Depuis les dernières élections, ces députés ont rejoint le Parti de la Juste Voie (DYP) et l'un d'entre eux est passé au Parti de la Mère Patrie (ANAP).

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TERREUR D'ETAT EN DEUX PREMIERS MOIS DE 1997

    Le 1.1, à Batman, Fuat Suna et Mehdi Suna sont abattus bar des inconnus.
    Le 2.1, à Batman, Selman Suna, blessée pendant l'attaque armée meurt à l'hôpital.
    Le 6.1, le dirigeant de HADEP Izzet Tepecik et un groupe de membres du parti sont arrêtés à Dörtyol.
    Le 7.1, à Istanbul, le Bureau des Juristes pour le peuple est perquisitionné par la police et trois avocats,  Efkan Bolac, Metin Narin et Alper Tunga Saray arrêtés.  Le prédisent local du HADEP Vakkas Bayhan et un membre du parti sont arrêtés à Aksaray.  A Diyarbakir, Mehmet Lala est retrouvé assassiné dans une voiture.  Tevfik Kusun qui a été arrêté par police le 29 novembre à Diyarbakir est retrouvé abattu sur l'autoroute Adiyaman-Urfa.
    Le 8.1, la CSE commence à juger 127 membres de la confrérie Aczmendi pour avoir insulté Atatürk et désobéi aux ordre de la police.  Halil Sahin et son fils Giyasettin Sahin, 9, sont abattus à Batman.  Un ancien prisonnier politique, Naziri Caliskan, 42, meurt de cancer à Istanbul à cause de ne pas être traité pendant neuf ans d'emprisonnement.  A Cermik (Diyarbakir), Yasin Yerlikaya et Yasar Aktan sont tués à une attaque armée par des inconnus.
    Le 9.1, à Istanbul, le membre de HADEP Adil Dizek affirme avoir été torturé après sont enlèvement par la police le 6 janvier.  A Izmit, Fahrettin Yildizhan est abattu par police pour avoir refusé un contrôle policier.
    Le 10.1, à Istanbul, D.H., âgé de 14 ans, affirme avoir été torturé pendant trois jours après son arrestation le 6 janvier.
    Le 11.1, à Izmir, 20 personnes sont mises en état d'arrestation par un tribunal pour appartenir au parti communiste marxiste-léniniste (MLKP).
    Le 12.1, le quotidien Demokrasi signale que deux prisonniers politique, Polat Iyit, à Istanbul, et Veysi Celikten, à Malatya, ne sont pas permis d'avoir un traitement médical alors qu'ils souffrent de maladies graves.
    Le 13.1, le procureur de la CSE de Diyarbakir inculpe les membres d'une mission du Comité d'enquête sur les cas de torture de l'IHD pour leur enquête sur la torture de dix prisonniers du 24 septembre 1996 à Diyarbakir.
    Le 14.1, à Mus, le bureau local de la Confédération des syndicats des employés publics (KESK) est perquisitionné par la police.
    Le 15.1, à Istanbul, le prisonnier politique Polat Iyit meurt à la prison de Bayrampasa à cause de ne pas être permis d'avoir un traitement à l'hôpital contre le cancer du poumon.  A Istanbul, un groupe de Loups gris du MHP attaquent l'Université d'Istanbul et poignardent un étudiant de gauche.  Suite à une décision de tribunal, la police ferme une série de lieux de culte Aczmendi à Elazig, Malatya, Urfa, Antep et Sivas.
    Le 16.1, à Mus, trois enseignants, Güler Er, Nil Sarikaya et Özlem Özaydin affirment avoir été torturées et harcelées sexuellement par police après leur arrestation du 14 janvier.  A Adana, Erol Özkan affirme avoir été torturé après son arrestation du 14 janvier.  A Izmir, la police arrête onze membres du MLKP.  A Istanbul, l'infirmière Nuran Kovankaya, également représentante du Syndicat des Services de la Santé (SES), est arrêtée par la police politique.
    Le 18.1, à Istanbul, pendant les funérailles de Polat Iyit, victime du mauvais traitement à la prison de Bayrampasa, la police attaque les participants et blesse plusieurs personnes dont le correspondant d'Özgür Gelecek Bektas Topan et le correspondant de Partizan Sesi Serif Sezer. La caméra de la chaîne de TV Samanyolu est également cassée par la police.
    Le 19.1, le président de l'Union des étudiants de l'Université d'Istanbul Fatih Sinan Aslan et l'ancien président Hakan Günaslan sont arrêtés par police     alors qu'ils visitent à l'hôpital un étudiant blessé par des Loups Gris.  A Bolu, des étudiants de droite attaquent et blessent des étudiant qui refusent de jeûner pendant le ramadan.  A Seydo Karatas de 15 ans est tué à l'explosion d'une mine posée par des forces de sécurité.
    Le 20.1, dix parents de prisonniers politiques sont traduits devant un tribunal pénal à Izmir pour avoir participé à un sit-in. Chacun risque une peine de prison jusque trois ans.
    Le 21.1, à Savur, les forces de sécurité abattent Murat Akman pendant un raid sur sa maison.  La CSE de Diyarbakir commence à juger les dirigeants de HADEP Niyazi Bulgan, Mevlut Ilkin, Vakkas Demir, Selahattin Behcet et Kamber Turunc pour aider une organisation illégale.  La CSE d'Ankara condamne, à deux procès contre le parti-front révolutionnaire pour la libération du peuple (DHKP-C), quinze personne à la peine de prison de jusque 23 ans et 7 mois.  A Van, quinze personnes sont mises en état d'arrestation pour appartenir au PKK.
    Le 22.1, l'ancien bâtonnier du Barreau d'Istanbul Turgut Kazan est inculpé à Ankara suite à une plainte du ministre de la Justice Sevket Kazan.  A Diyarbakir, vingt avocats sont jugés par la CSE sous accusation d'avoir des relations avec le PKK.  La IHD signale que le prisonnier politique Mehmet Salk Celikpence risque la mort car il n'est pas permis d'avoir un traitement pour sa maladie grave.  A Yatagan, le président du Syndicat des travailleurs du secteur énergétique (TES-IS) Erol Soganci et deux autres dirigeants sont arrêtés par des gendarmes.  Le membre de HADEP Tahir Han est condamné par la CSE d'Ankara à un an de prison et une amende de 100 millions de LT pour un discours.
    Le 23.1, les anciens député du DEP Mehmet Emin Sever, Mahmut Uyanik et Muzaffer Demir, et l'ancien député du CHP Abdülkerim Zilan sont traduits devant la CSE d'Ankara pour aider le PKK et par la propagande séparatiste. Chacun risque une peine de prison jusque 7 ans et demi.  La CSE de Malatya commence à juger onze dirigeants de HADEP pour la propagande séparatiste.  La CSE d'Ankara condamne huit membres de l'Union communiste révolutionnaire de Turquie(TIKB) et neuf membres du MLKP à des peines de prisons de jusque 15 ans. L'étudiant universitaire Sadik Arslan, arrêté le 17 janvier à Istanbul, est soumis à la torture à un poste de police.  La IHD annonce que les prisonniers politique ayant participé à une grève de la faim, pendant laquelle 12 prisonniers étaient morts, ne sont pas permis d'avoir un traitement médical nécessaire et risquent la mort.  A Diyarbakir, 24 prisonniers politiques qui avaient participé à une action de résistance soldée par la mort de dix prisonniers, sont traduits devant un tribunal pénal pour avoir endommagé la propriété publique.
    Le 24.1, à Ankara, six personnes sont battues par police pour avoir pris de l'alcool pendant le ramadan.
    Le 25.1, un groupe d'étudiants ayant entamé une action de protestation contre la condamnation des jeunes étudiants de lycée par la CSE d'Izmir sont arrêtés et harcelés par la police à Istanbul.
    Le 27.1, quatre représentants du parti du travail de Belgique (PTB), Hilde Meesters, Axel Bernard, Julien Verbsteegh et Pascal Prielyncr sont arrêtés par la police à Ankara pendant une tentative d'introduire une pétition à l'Assemblée nationale sur la condamnation des jeunes étudiants à Izmir.
    Le 28.1, le président de l'Association contre la guerre d'Izmir (SKD) Osman Murat Ülke est condamné par une tribunal militaire de l'Etat-Major à une peine de 6 mois et une amende de 540 mille de LT pour avoir contesté le service militaire. Le tribunal décide également de l'envoyer un régiment militaire à Bilecik.  La CSE d'Ankara condamne deux membres du MKLP membres à une peine de prison de 12 ans et demi chacun.  Le procès des 28 membres de Hizbullah sont traduits devant la CSE de Diyarbakir. 21 d'entre eux risquent la peine capitale pour avoir participé à l'assassinat de 54 personnes dans plusieurs provinces.  Le bureau du parti du travail (EMEP) est perquisitionnée par la police.
    Le 31.1, à Izmir, 18 personnes sont mises en état d'arrestation pour avoir participé aux activités du PKK.  La CSE de Diyarbakir condamne Türkiye Altun à une peine de trois ans et demi pour aider le PKK.
    Le 4.2, le leader de la confrérie Aczmendi Müslüm Gündüz est inculpé par le procureur de la CSE d'Ankara pour des activités anti-laïques. Il risque une peine de jusque 10 ans.  La CSE d'Ankara condamne 22 étudiants à des peines de prison de jusque 20 ans pour appartenir au MLKP.
    Le 5.2, la police abat un étudiant de lycée, Kamuran Özcan, pendant un raid sur sa maison.  A Nusaybin, Musa Sayik est abattu par des inconnus.  Le procès du vice-président de l'IHD Mahmut Sakar et un autre dirigeant, Vedat Cetin, commence à la CSE de Diyarbakir.
    Le 7.2, à Istanbul, sept membres du parti du pouvoir socialiste (SIP) sont attaqués par des Loups Gris.
    Le 12.2, à Istanbul, 433 étudiants d'université sont inculpés par le procureur pour une manifestation du 6 novembre 1996 pendant laquelle plusieurs étudiants avaient été brutalement battus et blessés par la police.  Le bureau de l'IHD à Elazig est fermé pour dix jours par le gouverneur pour avoir des publications illégales.
    Le 13.2, le président de l'IHD Akin Birdal et 21 autres dirigeants de parti ou d'association sont traduits devant un tribunal pénal à Ankara pour une manifestation en solidarité avec les grévistes de la faim dans les prisons.  Un prisonnier politique accusé d'appartenir au PKK, Mehmet Emin Cakan, est retrouvé mort dans la prison d'Agri.
    Le 16.2, le prisonniers politique Celal Türker, condamné à une peine de douze ans pour avoir participé aux activités du PKK et malade de tuberculose, meurt à Ceyhan.
    Le 17.2, à Istanbul, la police abat Nurettin Demir, membre présumé de l'Union des communistes révolutionnaires de Turquie (TIKB). Pendant ses funérailles, la police attaque les participants et en arrête 35.
    Le 18.2, l'ancien député d'origine kurde du DYP Abdülmelik Firat est condamné par la CSE d'Ankara à un an de prison et une amende de 100 million de LT pour un discours qu'il avait donné en Allemagne.  Cinq personnes sont condamnées par la CSE d'Istanbul à la prison à perpétuité pour appartenir à une organisation islamique radicale.
    Le 19.2, vingt réfugies politiques iraniens sont arrêtés à Ankara pour un sit-in devant le bureau du Haut commissariat de l'ONU.
    Le 21.2, l'activiste kurde Hüseyin Deger est retrouvé assassiné au campus de l'Université de Dicle à Diyarbakir.  A Izmit, le détenu Hizir Akkus est tué pendant son interrogatoire au poste de police.
    Le 25.2, un groupe des Loups gris du MHP attaquent la Faculté des lettres de l'Université d'Istanbul et blessent 19 étudiants et deux journalistes.  La CSE de Diyarbakir condamne dix dirigeants de l'IHD et des associations différentes à un an de prison et une amende de 100 mille de LT chacun pour avoir participé à la conférence de presse de Leyla Zana  en 1992.
    Le 27.2, à un procès contre le DHKP-C, la CSE d'Ankara condamne une personne à la prison à perpétuité et douze autres personnes à des peines de prison de jusque 13 ans.  La CSE d'Istanbul condamne six membres de IBDA-C à des peines de prison de jusque 20 ans et 10 mois.
    Le 28.2, treize personnes sont traduites devant la CSE d'Istanbul pour avoir fondé une organisation islamiste radicale, Ceysullah (Soldats de Dieu). Cinq inculpés risquent la peine capitale.  La CSE d'Istanbul condamne trois membres de IBDA-C à la prison à perpétuité et deux autres à une peine de 33 ans.

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ZARAKOLU RECOMPENSE PAR LE PEN AMERICAN CENTER

    Le 10 avril 1997 l'éditrice turque Ayse Nur Zarakolu recevait le prix Liberté d'écrire PEN/Barbara Goldsmith remis par le PEN American Center pour son combat pour la liberté d'expression.
    Mme Zarakolu, fondatrice du Comité pour la liberté de publication de Turquie et directrice de la maison d'édition Belge, était condamnée en 1995 à deux ans de prison pour avoir publié un livre sur le génocide d'Arméniens turcs par l'armée turque en 1915, fait que le gouvernement turc continue de nier à l'heure actuelle.
    Bien qu'elle n'ait pas encore fait de la prison pour cette condamnation, elle risque de nouvelles poursuites pour d'autres livres controversés de la maison d'édition Belge, surtout celui intitulé "Transferts d'armes et violations des lois de la guerre en Turquie". Il s'agit d'un rapport de Human Rights Watch, organisme basé à New York. Zarakolu a déjà écopé de plus de 5.000 dollars d'amende.
    Elle avait déjà passé l'automne dernier en prison pour avoir publié un livre sur la guerre civile kurde et bien qu'en ce moment elle soit en liberté elle pourrait être emprisonnée à tout moment.

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CPJ: 78 JOURNALISTES DANS LES PRISONS TURQUES

    La Turquie est en tête de liste pour ce qui est du nombre de journalistes en prison, avec pas moins 78 des 185 journalistes emprisonnés dans le monde entier, c'est ce qu'affirme un rapport du Comité pour la protection des journalistes (CPJ), de New York, publié le 14 mars dernier par l'agence de presse Anatolie.
    Le rapport "Attentats contre la presse en 1996", cite la Turquie, suivie de l'Ethiopie avec 18 journalistes emprisonnés, la Chine avec 17, Koweït avec 15 et le Nigeria et la Birmanie avec 8 chacun.
    Vingt-sept journalistes ont perdu la vie dans l'exercice de leurs fonctions en 1996, poursuit le rapport. Vingt-six d'entre eux ont été assassinés et un est mort dans l'accident qui coûta la vie au secrétaire du commerce américain, Ron Brown, survenu en Croatie.
    Un total de sept journalistes ont été assassinés en Algérie, considéré l'endroit le plus dangereux pour cette profession. Six autres sont morts en Russie.
    Le rapport, qui rappelle que 57 journalistes ont été tués en 1995, indique qu'un total de 474 journalistes ont été assassinés au cours de la dernière décennie.
   
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LA PERSECUTION DES MEDIAS EN DEUX PREMIERS MOIS DE  1997

    Le 2.1, le rédacteur du quotidien Özgür Gündem Bülent Balta est emprisonné pour purger sa peine à laquelle il a été condamné pour certains articles.  Deux éditeurs du journal  Akdeniz à Isparta, Ismail Rüstü Celik et Mehmet Ali Celik sont attaqués par des agresseurs inconnus.  A Osmaniye, le bureau du quotidien Özgür Cukurova est perquisitionné par la police et l'éditeur Yeter Özcan est arrêté.
    Le 3.1, Özgür Gelecek, N°88, est confisqué par la CSE d'Istanbul pour la propagande séparatiste.
    Le 4.1, à Ankara, les bureaux des périodiques Kurtulus, Alinteri et Kizil Bayrak sont perquisitionnés par la police qui arrête également neuf personnes à l'intérieur dont quatre membres du groupe de musique Ekin, Derya Güzel, Cigdem Dagkiran, Özgür Aktan et Deniz Sarigül.
    Le 8.1, la CSE d'Istanbul condamne le rédacteur du périodique Özgür Gelecek, Murat Aricak, à un an de prison et une amende de 600 million de LT. La cour décide également d'interdire la parution de la revue pour un mois.  La CSE d'Istanbul interdit l'émission d'un programme sur les enfants torturés par la Show TV.  Le correspondent du périodique Devrimci Genclik Molla Zincir est arrêté à Istanbul.
    Le 11.1, l'ancien rédacteur du périodique Sosyalist Alternatif Aliyar Gökce est arrêté à Canakkale.
    Le 13.1, un livre de l'écrivain Haydar Arslan, Articles choisis de Devrimci Yol est confisqué par la CSE d'Istanbul. Une action en justice est lancée contre la maison d'édition Gökkusagi pour avoir édité ce livre.  Le numéro de janvier 96 de la revue Yeniden Newroz est confisqué par la CSE d'Istanbul pour la propagande séparatiste.
    Le 14.1, la représentante du périodique Tavir à Adana, Ayfer Arife Yildiz est mise en état d'arrestation par un tribunal.
    Le 15.1, l'ancien député du DEP Mahmut Alinak est emprisonné à Ankara pour purger une peine de prison de trois ans parce qu'il n'a pu payer une amende supplémentaire de 116 million de LT pour un de ses discours électoraux en 1991. Il avait déjà purgé une peine de neuf mois pour le même cas.  Le périodique Devrimci Emek est fermé pour quinze jours par la CSE d'Istanbul.
    Le 16.1, un livre écrit par le journaliste Lissy Schmidt, Le prix de la liberté: Reportages de la région kurde d'Irak, est confisqué par la CSE d'Istanbul pour la propagande séparatiste. Après neuf ans d'activités de journaliste en Turquie, Lissy Schmidt a été tué le 3 avril 1994 en Irak.  La CSE d'Istanbul condamne la rédactrice de la revue Partizan Sesi, Hatun Yildirim, à une peine de deux ans et demi et une amende de 1,5 million de LT.  La CSE d'Izmir condamne les rédacteurs des quotidiens Hürriyet, Yeni Asir et Ege à une amende de 90 million de LT chacun pour avoir affiché les nomes des policiers accusés de la torture. Le procureur de la CSE lance également une poursuite judiciaire pour cette raison contre les rédacteurs des quotidiens Milliyet, Cumhuriyet et Zaman.
    Le 19.1, le rédacteur de la revue Emegin Bayragi, Haydar Demir est emprisonné à Ayvalik pour purger sa peine de trois ans.  Deux correspondants du journal Kurtulus, Mehmet Yildiz et Nebahat Aslan, sont arrêtés à Istanbul. La CSE d'Istanbul confisque la revue Hedef N°63 pour la propagande d'une organisation illégale.  A Adana, le bureau de la revue Alinteri est perquisitionné et la correspondante Melek Tukur harcelée par la police.
    Le 20.1, le livre du Dr. Haluk Gerger, Le régime de la Turquie et la question kurde est confisqué par la CSE d'Istanbul.
    Le 21.1, Les émissions de la TV Kanal D est interdite pour un jour par le Conseil supérieur de la Radio-TV (RTÜK). Le même conseil interdit également pour une période indéfinie les émissions de la TV MRT  et des radios Uzay, Ribat, Konya, Net et Ülkü à Konya.
    Le 22.1, le poète Yilmaz Odabasi est de nouveau inculpé par un tribunal pénal d'Ankara pour son livre intitulé Le rêve et la vie alors qu'il était déjà traduit devant la CSE d'Ankara pour le même livre. Il est accusé d'avoir insulté Atatürk et l'hymne national turc.
    Le 23.1, les bureaux de la maison d'édition Komal et du périodique Sterka Rizgari sont perquisitionnés par la police et quatre personnes arrêté.
    Le 24.1, la CSE d'Istanbul confisque la revue Deng N°39, deux livres de Kemal Burkay intitulés La religion et la politique et Malmisanj, Kird, Kirmanci, Dimili où Zaza Kurdes, et deux livres de Munzur Cem intitulés Opinions erronées sur les Alévis, Kurmanci, Kirmanci and Dersim and Les roubais du Tsar.    Le 27.1, la RTÜK interdit les émissions de la Yildiz TV (Mardin), DRT, CRT-1 et CRT-2 (Ceyhan) et Kanal E (Elbistan) ainsi que les radios TEK (Elbistan), Duyan FM et Ceyhan FM (Ceyhan) pour ne pas avoir rempli certaines formalités officielles.  Deux journalistes du quotidien Cumhuriyet, Eren Güvener et Ayca Atikoglu, et l'écrivain Emre Yilmaz sont traduit devant un tribunal pénal à Istanbul pour avoir insulté un procureur.
    Le 28.1, le livre de Haydar Isik, Dersim Tertelesi, est confisqué par la CSE d'Istanbul pour la propagande séparatiste.  Le bureau du périodique Tavir à Adana est incendié par des inconnus après une perquisition policière.
    Le 29.1, la CSE d'Istanbul condamne un contributeur du périodique Hedef, Ismail Kalkan, à une peine de trois ans et 9 mois pour avoir aidé une organisation illégale.  Deux journalistes, Turan Gültekin (Yeni Asir) et Göktay Koraltan (Yeni TV) sont battus par les bodyguards pendant la visite du premier Erbakan à Izmir.
    Le 30.1, le RTÜK interdit les émissions des radios Vahdet FM, Hilal FM and Radio 27 pour ne pas avoir rempli certaines formalités administratives..
    Le 1.2, le poète Can Yücel est inculpé avec le rédacteur de la revue humoristique Leman par le procureur pour avoir insulté les valeurs religieuses. Il risque une peine de jusque deux ans.  Proleter Halkin Birligi N°30 est confisqué par la CSE d'Istanbul pour la propagande d'une organisation illégale.    Le 2.2, un panel organisé à Diyarbakir par le parti de la démocratie et de la paix (DBP) est interdit par le gouverneur. Un autre panel sur l'assassinat du journaliste Metin Göktepe à Istanbul est également interdit.  A Hatay, trois journalistes de la revue Güneyde Kardelen, Ismail Kilic, Mehmet Güzel et Semsettin Koyun sont inculpés par la CSE de Malatya pour propagande séparatiste. Chacun risque une peine de jusque 5 ans.
    Le 3.2, la Cour de cassation ratifie une amende de  5.450.000 de LT contre le directeur de la maison d'édition Yurt, Ünsal Öztürk, pour avoir publié deux livres de Ismail Besikci, Le fascisme du 12 septembre et la résistance du PKK et Un intellectuel, une organisation et la question kurde.  Deux journalistes de la radio Safak FM à Gaziantep, Siddik Akdogan et Nisan Kumru sont arrêtés pour avoir insulté Atatürk dans un programme.  Le RTÜK interdit pour un jour les émissions de deux radios, Hedef  Radyo à Ankara et Radyo Umut à Istanbul.
    Le 4.2, le rédacteur de la revue Sterka Rizgari est arrêté à Istanbul.  Le caricaturiste Ahmet Erkanli est incarcéré dans la prison de Bayrampasa à Istanbul pour purger une peine de dix mois en raison d'une de ses caricatures publiées par la revue Tavir.
    Le 5.2, le livre de H.C. Armstrong intitulé Le Loup Gris, écrit en 1932 sur Atatürk, est confisqué par un tribunal pénal d'Istanbul pour contenir des insultes contre Atatürk.  La police perquisitionne les bureaux de trois périodiques, Tavir à Adana, Özgür Atilim à Mersin et Deng à Istanbul.  Les émissions de la Metro TV à Diyarbakir sont interdites pour un jour par le  RTÜK.
    Le 6.2, la vice-présidente de IHD et l'avocate Eren Keskin est condamnée par la CSE d'Istanbul à une peine d'un an et 40 jours et une amende de 111 million de LT pour une interview publiée dans Medya Günesi. Le rédacteur de la revue Nesih Cilgin est également condamné à la même peine de prison et une amende de 131 million de LT.  L'ancien rédacteur d'Atilim, Eylem Semint est condamnée par un tribunal criminel d'Istanbul à une peine de dix mois et une amende de 1,5 million de LT pour avoir insulté la république turque.  A Osmaniye, l'éditeur du journal Özgür Cukurova, Yeter Özcan, est de nouveau arrêté par la police.  Les correspondantes de Dayanisma Dilek Korkmaz et Songül Demir sont arrêtées à Gebze.
    Le 7.2, à Istanbul, le journaliste Fatih Altayli est arrêté avec huit autres personne pour avoir tenu une manifestation non autorisée devant la résidence de Ciller à Istanbul.  Le RTÜK interdit les émissions de la TV Hizmet et de la Radio Hizmet à Ünye et deux autres radios locales à Korgan et Ulubey.
    Le 10.2, le rédacteur de la revue Hevdem, Siddik Demirel est arrêté à Eskisehir pour purger sa peine de prison de 20 mois.
    Le 11.2, la CSE d'Istanbul confisque Odak N°61, Devrimci Emek N°50, Aydinlik N°503 et le dernier numéro d'Emek pour instigation à l'hostilité.
    Le 12.2, la police arrête trois journalistes, Kamber Saygili (Özgür Atilim), Zeynel Engin (Partizan Sesi) et Emine Bas (Özgür Radyo) à Istanbul alors qu'ils couvrent une conférence de presse par un groupe d'ouvriers.  Le bureau de la revue Alinteri est perquisitionné à Istanbul et son numéro N°90 confisqué par la CSE.
    Le 13.2, le livre du journaliste Mustafa Aktas, Viens à ma voix, est confisqué par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.  Le RTÜK interdit Dost Radio et Dost TV à Erzincan.
    Le 14.2, Le RTÜK interdit Radio Genclik FM à Batman et Radio FM 12 à Bingöl.
    Le 15.2, à Iskenderun, les bureaux de IHD, HADEP et de la revue Özgür Atilim sont perquisitionnés par la police.  A Istanbul, le dernier numéro de deux journaux, Selam et Radikal, sont confisqués par le procureur.
    Le 18.2, douze activistes de l'IHD et de l'Association anti-guerre d'Izmir (ISKD) sont traduit devant un tribunal militaire de l'Etat-Major sous accusation d'avoir publié un communiqué contre le service militaire. Chacun risque une peine de deux ans.  Douze étudiants de lycée sont jugés par la CSE d'Istanbul pour avoir constitué un comité pour les droits démocratiques.
    Le 19.2, les journalistes Faruk Demirel et Ragip Polat sont arrêtés à Ankara pendant qu'ils couvrent une action syndicale contre la privatisation d'une centrale thermique.
    Le 20.2, l'écrivain et l'éditeur Muzaffer Erdost est condamné par la CSE d'Ankara à une peine d'un an et une amende de 100 million de LT pour son livre intitulé Trois Sivas.  La CSE d'Istanbul confisque les périodiques Sokak N°1, Proleter Halkin Birligi N°31, Partizan Sesi N°54 pour propagande séparatiste et Selam pour propagande intégriste.
    Le 21.2, la police arrête le correspondent de Partizan Sesi  Ahmet Özlü à Adana, les correspondants d'Özgür Atilim Sultan Secik, Bayram Namaz et Ferhat Akcay à Istanbul.  La cour de cassation ratifie une interdiction de 15 jours contre la revue Hedef.  La CSE d'Ankara condamne l'écrivain Medeni Ayhan à une peine d'un an et une amende de 100 million de LT pour son livre Le philosophe kurde Ehmede Xane.  Le RTÜK interdit pour un jour les Kanal D et Kanal 7.
    Le 24.2, deux journalistes de Demokrat Radyo à Izmir, Savas Öztürk et Necmi Aksoy sont inculpés pour leur programme sur les incidents dans les prisons.  Le RTÜK interdit Metro TV à Diyarbakir et Sok Radio à Icel pour 30 jours, et Kanal D et Show TV à Istanbul pour un jour.  Le livre de Yalcin Kücük, L'histoire en bref, est confisqué pour avoir insulté les autorités de l'Etat.  Le procès des correspondants du quotidien Demokrasi à Van, Adil Harmanci et Ayse Harmanci, s'ouvre à la CSE de Diyarbakir.  L'éditeur d'Özgür Halk Aral Yilmaz est arrêté à Elazig.
    Le 25.2, l'éditorialiste du quotidien Hürriyet Emin Cölacan et le rédacteur Dogan Satmis sont inculpés par le procureur d'Ankara pour avoir insulté le premier ministre Erbakan.  Le bureau d'Alinteri est perquisitionné par la police à Adana et le numéro N°91 de la revue est confisqué par la CSE d'Istanbul.
    Le 28.2, l'épouse du journaliste Zeynel Abidin Kizilyaprak (Nû Roj), recherché par la police,  Rahime Henden affirme avoir été détenue comme otage par la police le 27 février jusqu'au moment que son mari se présente. Elle dit également avoir témoigné la torture appliquée à la correspondante d'Özgür Atilim Sultan Secik et deux autres personnes au poste de police politique.  Le livre de l'écrivain assassiné Turan Dursun, Le tabou ruiné est confisqué par un tribunal pénal d'Istanbul sous prétexte qu'il contient des insultes à Dieu.

LES RELATIONS GERMANO-TURQUES SE DEGRADENT

    Les relations entre l'Allemagne et le Turquie se dégradent depuis que l'Allemagne a réagi à la menace de la vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères Tansu Ciller de bloquer l'expansion de l'OTAN si l'UE accepte d'anciens membres du Pacte de Varsovie avant la Turquie.
    Alors que la partie allemande interprétait ceci comme un "chantage", les Démocrates chrétiens européens conduits par le chancelier Helmut Kohl ont fait une déclaration disant que la Turquie ne pourrait jamais faire partie de l'Union européenne pour la différence sur les domaines "civilisationnel" et "culturel".
    Suite à cette situation de tension, la remarque du premier ministre Necmettin Erbakan qui considérait que les leaders politiques "devraient baisser les yeux de honte" devant le traitement qu'ils infligent à la Turquie, faite quelques heures avant la visite du ministre allemand des Affaires étrangères, Klaus Kinkel, à la fin du mois de mars, a failli faire annuler le voyage. Finalement, une note officielle du Ministère turc des Affaires étrangères a calmé les esprits et la visite de Kinkel, bien qu'avec du retard, s'est déroulée comme prévu.
    Le 26 mars, après s'être entretenu avec Ciller et des parlementaires turcs, Kinkel a fait savoir qu'il était arrivé en Turquie avec la tête bien haute et qu'aucun fonctionnaire allemand ne se rendrait dans ce pays avec un sentiment de honte.
    A propos de la question de l'expansion de l'OTAN, Kinkel a dit que tous les pays devaient agir de manière responsable.
    Le ministre allemand des Affaires étrangères a également déclaré que les questions des droits de l'homme et le "problème kurde" étaient un des obstacles qui se dressent sur la route d'Ankara vers l'UE.

L'ALLEMAGNE IMPOSE DES VISAS A DES ENFANTS TURCS

    La Chambre haute du Parlement allemand approuvait le 14 mars dernier une réglementation selon laquelle les enfants des travailleurs étrangers doivent obtenir des visas et des permis de résidence. Cette réglementation s'adresse étrangers et aux enfants de moins de 16 ans provenant de Turquie, de Tunisie, du Maroc et de l'ex-Yougoslavie. Elle touche quelque 600.000 adultes et 800.000 enfants.
    Le ministre de l'Intérieur Manfred Kanter a souligné que l'Allemagne n'était pas un pays d'immigration. Il a ajouté qu'avec le gouvernement actuel, l'Allemagne ne deviendra jamais un pays d'immigrants. Kanter, qui a répété que cette nouvelle réglementation était destinée à combattre le "commerce humain" et a assuré que le visa et le permis de résidence ne seraient pas un grand problème pour les familles concernées.
    L'ambassadeur turc à Bonn, Volkan Vural, avait déjà abordé le problème avec le sous-secrétaire du Ministère de l'Intérieur, Kurt Schelter, et lui avait dit que la file pour demander le visa et le permis avait donné aux Turcs résidents en Allemagne un sentiment d'isolement.

LE FEU DEVASTE DEUX FAMILLES KURDES EN HOLLANDE ET EN ALLEMAGNE

    Deux récentes incendies en Hollande et en Allemagne qui ont anéanti deux familles d'immigrants kurdes ont provoqué de nouvelles tensions entre la Turquie et l'Europe. Après ces incendies, les médias turcs ont assimilé les victimes à des personnes d'origine turque, ont rappelé qu'au cours de six dernières années 31 citoyens de leur pays avaient perdu la vie dans des attentats criminelles ou racistes et ont lancé une violente campagne contre les autorités hollandaises et allemandes.
    Premièrement, le 25 mars dernier un incendie survenu dans le domicile d'une famille kurde à La Haye, causait la mort d'une mère et de ses cinq enfants. Le père et les trois autres enfants ont été sauvés sains et saufs. Les corps des victimes ont été enterrés le 29 mars dans la municipalité d'Eleskirt, dans la province occidentale d'Agri. Pendant les funérailles on a entendu des personnes crier "Maudite soit l'Europe".
    Les médias voient comme possible mobile raciste les attaques perpétrées cette même nuit avec des bombes de pétrole contre des bâtiments voisins abritant un centre turco-azerbaïdjan et une association islamique turque.
    Le premier ministre Wim Kok a déclaré aux reporters que même le soupçon d'une attaque raciste est préoccupant pour le pays, qui s'enorgueillit de la tolérance de sa société. "Il est dramatique de penser qu'il pourrait s'agir d'incendies criminels avec une quelconque intention ethnique. Ce serait un phénomène tout à fait nouveau pour la Hollande et un sérieux avertissement", dit-il.
    Le 31 mars, un autre incendie dévastait une autre famille dans le centre de la ville allemande de Krefeld, dans le bas Rhin. Trois membres de la famille sont morts et trois autres ont été blessés après avoir sauté par la fenêtre de leur appartement au troisième étage d'un building qui en compte 13.
    Cette fois, les leaders et les médias turcs, convaincus que l'incendie était l'oeuvre de racistes allemands, ont violemment critiqué les autorités allemandes réagissant à la prise de position de Kohl qui excluait la Turquie de la famille européenne.
    Le ministre turc de l'Intérieur, Meral Aksener, a déclaré aux journalistes que les Allemands, incapables de se débarrasser des immigrants turcs, essayaient maintenant des anéantir par le feu.
    La police allemande déclarait cependant quelques jours plus tard que l'incendie qui avait coûté la vie à trois personnes semblait avoir été provoqué par le père de famille.
    C'est suite à cette révélation que les médias allemands et les leaders politiques ont accusé leurs homologues turcs de provoquer la population turque sans aucune preuve de ce qu'ils avançaient et d'être la cause d'une dégradation des relations entre la Turquie et l'Europe.

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ACTES RACISTES EN TURQUIE PENDANT L'ANNEE CONTRE LE RACISME

    Pendant cette année de lutte contre le racisme et la xénophobie, la Turquie reste un des pays où les actes de racisme et de xénophobie ont continué comme avant.
    En premier lieu, les opérations de répression contre la population kurde n'ont jamais cessé.
    Par ailleurs, le Comité de l'IHD pour le contrôle des droits des minorités publiait le 21 mars dernier un rapport dans lequel on rappelle les faits suivants :
    - Une église historique d'Erzurum pourrait être transformée en mosquée.
    - A Edirne, une synagogue de 93 ans fut démolie.
    - A Diyarbakir, un cimetière assyrien risque d'être démoli pour la construction d'une nouvelle autoroute.
    - A Eyüp, Istanbul, l'église arménienne Vierge Marie a subi un attentat à la bombe.
    - A Istanbul, le quartier gitan de Sulukule a subi une descente des Loups Gris et une personne a été kidnappée.
    Très récemment, le ministre de l'Intérieur, Meral Aksener, insultait les Arméniens en qualifiant le leader du PKK Öcalan de "graine arménienne" pour l'humilier.

LA TURQUIE PLONGEE DANS LE NOIR PAR DROITS DE L'HOMME POUR L'ECLAIRCISSEMENT

    La campagne "Une minute dans le noir pour l'éclaircissement" organisée par l'Initiative citoyens pour l'éclaircissement reçut beaucoup d'attention et un grand soutien partout en Turquie de part des citoyens qui pendant tout le mois de février ont éteint leurs lumières chaque nuit à 21 heures.
    L'Initiative citoyens pour l'éclaircissement, plusieurs organisations non gouvernementales (ONG), groupes démocratiques, partis politiques, écrivains, artistes, acteurs et actrices, hommes d'affaires et citoyens ont assisté au coloré meeting organisé pour célébrer le début de cette campagne d'un mois.
    Les principales chaînes de télévision ont diffusé la campagne dans leurs journaux télévisés de plus grande audience et ont prévu, pendant tout le mois de février, une sirène d'une minute pour rappeler au public d'éteindre leurs lumières.
    La campagne devait mettre en exergue l'inquiétude du public devant les derniers scandales qui font craindre l'existence d'un "Etat secret".
    Un des hommes d'affaires les plus importants de Turquie, Sakip Sabanci, a également éteint les lumières de sa résidence chaque nuit à 21 heures pendant toute la campagne. La pénombre a également envahi le siège du Holding Sabanci, les Tours jumelles, pour soutenir la campagne.
    Malgré cette participation populaire, les cercles gouvernementaux ont accusé les promoteurs de la campagne de mener une conspiration. Voici quelques-unes des critiques qui ont été formulées.
    - Necmettin Erbakan : "Ce sont des parasites et des conspirateurs. Ces gens n'ont rien d'autre à faire que de créer des intrigues".
    - Mehmet Gölhan (vice-président du DYP): "Pourquoi les gens devraient désirer la lumière ?  Comme s'il avait de l'obscurité dans ce pays".
    - Le quotidien islamiste Zaman : "Surtout n'éteignez pas vos lumières. Assurez-vous qu'elles sont bien allumées chaque soir à 21 heures car chaque minute d'obscurité dans cette mentalité peut se transformer en oppression éternelle".
    - Sevket Kazan : "L'opposition s'occupe avec des actions infantiles. Ce n'est pas en jouant avec les interrupteurs électriques que la Turquie deviendra plus juste. Par cette action ils jouent à `souffler les bougies'.
    Le commentaire de Kazan comporte une grave insulte contre les millions de citoyens qui forment la communauté alévi et annonce le début d'une nouvelle crise.
    L'expression "souffler les bougies" fait allusion à une croyance populaire fallacieuse sur les traditions alévis. Selon cette croyance, quand les familles alévis se réunissent pendant la nuit, elles éteignent les lumières et s'adonnent à des orgies incestueuses.
    L'origine de cette croyance vient du fait que contrairement aux musulmans sunnites, les hommes et les femmes alévis prient ensemble dans leurs rituels Cem. De plus, leurs prières ne correspondent pas au classique namaz musulman mais prennent la forme d'une danse accompagnée d'une forme de musique religieuse jouée par des hommes et des femmes.
    L'infâme massacre perpétré en juillet 1993 à Sivas, dans lequel 37 intellectuels alévis ont été brûlés par des religieux fanatiques sunnites fut un tournant dans la montée de la tension. Avant d'être nommé ministre de la Justice, Kazan avait été avocat des suspects du massacre de Sivas.
    Comme on s'y attendait, les principales personnalités de la communauté alévi ont rapidement réagi aux commentaires de Kazan. Un des principaux intellectuels alévis, Riza Zelyut, a demandé la démission immédiate du ministre de la Justice. Le président de l'association culturelle Pir Sultan Abdal, Murtaza Demir, a déclaré que "Sevket Kazan occupe un place exceptionnelle parmi les partisans de la charria et du Parti Refah comme ennemi juré des Alévis".
    Le 16 février, le décès d'un des participants à la campagne, Celal Cankoru, alors qu'il se trouvait dans une voiture de police après la manifestation "une minute d'obscurité pour l'éclaircissement" à Antalya a donné lieu à une nouvelle vague de protestations.
    Le lendemain, les manifestants se sont rassemblés une nouvelle fois sous strict contrôle policier et ont éteint leurs bougies à 21 heures, pour exiger une société propre et en mémoire de Cankoru.
    Au premier slogan, "Ne gardez pas le silence ou votre tour viendra" ils ont jouté celui-ci, "les citoyens sont ici, où sont les assassins?"

LES VIOLATIONS DES DROITS DE L'HOMME CONTINUENT MALGRE LA NOUVELLE LOI

    Le 6 mars dernier les amendements aux procédures de détention devenaient loi et le gouvernement les présentait comme une mesure pour combattre la torture et les mauvais traitements. La nouvelle loi réduit substantiellement la période maximale de détention policière de 30 à 10 jours dans les provinces soumises à l'état d'urgence et de 14 à 7 dans le reste du pays.
    En vertu de l'amendement, les personnes arrêtées pour des délits commis dans la juridiction des cours de la sûreté de l'Etat pourront voir leur avocat après le 4e jour de détention.
    Cependant, le 10 mars dernier Amnesty International considérait qu'il est peu probable que ces changements évitent la torture et qu'en fait la nouvelle loi diffère peu d'un projet précédent qualifié d'inacceptable" par le Comité européen pour la prévention de la torture (CEPT).
    "Bien que nous accueillons favorablement la tant attendue réduction des périodes de détention, les clauses de cette loi ont une portée insuffisante pour combattre ce qui est maintenant un système invétéré d'abus", avertit Amnesty International. "Nous regrettons que notre appel pour qu'on mette fin aux détentions à huis-clos soient restés sans réponse".
    Malheureusement, rien dans cette loi ne confirme les paroles de la vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères Tansu Ciller, à savoir: "A partir de maintenant, les normes turques sur les périodes de détention sont conformes aux normes européennes". Ni la loi européenne ni la loi internationale sur les droits de l'homme, prévoient une détention à huis-clos de quatre jours.
    L'Association des droits de l'homme (IHD) annonçait le 9 avril dernier que les violations des droits de l'homme étaient toujours d'actualité en Turquie malgré cet amendement.
    Le IHD rapporte que 12 personnes s'étaient dirigées au groupe en mars dernier pour dénoncer les tortures subies, contre trois en février. En mars aussi, une personne est morte suite à un coup de feu de la police, 23 personnes ont été battues dans les prisons ou dans les tribunaux, 14 journalistes ont été arrêtées et 29 publications ont été confisquées.
    Le IHD rapportait les faits suivants qui se sont produits en janvier-février 1997:
    * Il s'est produit seize assassinats non résolus
    * 25 personnes ont été exécutées sans procès, après avoir été torturées ou pendant leur détention.
    * 183 personnes sont mortes au cours d'affrontements.
    * Des agressions contre des civils se sont soldées par 15 morts et 20 blessés.
    * Treize personnes ont "disparu" pendant leur détention.
    * 43 personnes ont été torturées ou s'en sont plaintes.
    * 1.608 personnes ont été arrêtées, dont 32 appartenaient au monde de la presse.
    * 171 personnes ont été arrêtées.
    * Deux villages et hameaux ont été évacués.
    * Neuf places ont été bombardées.
    * 43 associations, syndicats et agences de presse ont été fermées.
    * 32 associations, syndicats et agences de presse ont subi des descentes.
    * 29 publications ont été confisquées.
    * 157 prisonniers de conscience demeuraient en prison à la fin du mois de février.
    * Les cours ont infligé des peines de prison de plus de 34 ans et des amendes de plus de 3.095.000.000 TL pour des activités d'opinion et politiques.

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APPARITION DE VOIX EN TURQUIE QUI "NIENT L'HOLOCAUSTE"

    Au cours de sa première visite en Turquie comme délégation formelle, la Ligue anti-diffamation (ADL), dont le siège se trouve aux E.U., a rencontré des fonctionnaires gouvernementaux à qui elle a exprimé le désir que la Turquie demeure un pays "pluraliste".
    Le directeur national de la ADL, Abraham Foxman, déclarait le 26 mars dernier que la délégation avait exprimé son inquiétude devant le développement d'une atmosphère mûre pour l'anti-sémitisme et l'intolérance. "Il y a des signes inquiétants d'une tendance vers des commentaires anti-sémites, une plus grande tolérance à leur encontre et l'apparition de voix qui `nient l'holocauste'", explique Foxman, dont le groupe a également rencontré des membres de la communauté juive à Istanbul.
    "Nous avons demandé au gouvernement d'y être sensible et de dénoncer cette situation. On nous a assuré que de tels faits ne s'inscrivent pas dans la tradition du pays".
    ADL cite comme exemple la publication en Turquie l'année dernière d'un livre qui niait l'holocauste. Lorsque le célèbre artiste Bedri Baykam a décidé d'écrire un article pour dénoncer ce livre, poursuit Foxman, "Il fut poursuivi pour diffamation".
    Le livre, dont le titre traduit est "Le mensonge du génocide juif", est l'oeuvre d'Harun Yahya, qui aux dires de Bedri Baykam serait un pseudonyme utilisé par les extrémistes islamistes.

L'ETAT D'URGENCE PROLONGE UNE NOUVELLE FOIS POUR QUATRE MOIS

    Malgré les multiples promesses de lever l'état d'urgence, l'Assemblée nationale, cédant aux directives des militaires, le prolongeait dans neuf provinces, à partir du 30 mars, pour quatre mois supplémentaires.
    Les neuf provinces peuplées principalement par des Kurdes et soumis à l'état d'urgence depuis plus de dix-neuf ans sont Batman, Bingöl, Bitlis, Diyarbakir, Hakkari, Tunceli, Siirt, Sirnak et Van.
    L'Assemblée nationale votait, par 245 votes sur 421 députés présents, en faveur du prolongement de l'état d'urgence. Avec ce vote, le Parti du bien-être (RP) qui était un ardent opposant de ce régime d'exception, démontrait une nouvelle fois son hypocrisie.

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HRW ACCUSE DE TORTURE LES UNITES ANTI-TERRORISTES TURQUES

    Dans un rapport intitulé Turquie: Tortures et mauvais traitements par la police anti-terreur aux cours des détentions préventives, publié le 11 mars, Human Rights Watch/Helsinki apporte des documents sur les tortures et mauvais traitements systématiques infligés par les unités anti-terroristes de la police en Turquie.
    "La torture par les unités anti-terroristes n'a un caractère ni spontané ni isolé. Ces unités ont méthodiquement fait de la torture et des abus un élément de leurs opérations quotidiennes. Ils utilisent du matériel spécial: des sangles spéciales pour attacher les détenus, des tuyaux à haute pression, des chevalets pour suspendre les suspects par les bras, et des instruments pour infliger des chocs électriques", affirme HRW dans son rapport.
    HRW rapporte les faits suivants dans son document:
    "En décembre 1996, la ministre des Affaires étrangères Ciller se compromettait à ce que le gouvernement `mette définitivement fin la pratique du délit de torture', peu après que le Comité du Conseil de l'Europe pour la prévention de la torture ait publié une `Déclaration publique' dénonçant le fréquent recours à la torture par la police. Bien que des actions en justice soient parfois introduites contre la police pour recours présumé à la torture et aux abus, leur nombre total reste modeste par rapport au problème et la procédure est problématique.
    "En vertu d'une loi promulguée pendant la période ottomane [Memurin Muhakemat Hakkinda Kanunu Muvakkat], la police et d'autres fonctionnaires civils ne peuvent être traduits en justice pour faute à moins qu'un gouverneur d'un Conseil d'administration provincial ne donne son accord. Celui-ci ne s'est pas souvent produit dans la région soumise à l'état d'urgence où se produisent les abus.
    "Les procès, après leur ouverture, s'éternisent. Les policiers sont rarement arrêtés lorsqu'ils sont accusés de délits criminels, et en vertu de la loi anti-terreur de 1991, les agents de la police anti-terreur ne peuvent être arrêtés lorsqu'ils sont mis en accusation. L'Etat prend à sa charge les frais de justice. En avril 1996, onze policiers étaient accusés d'avoir assassiné en janvier 1996 le journaliste détenu Metin Göktepe; depuis lors il n'y a eu que deux audiences, et aucun des policiers n'a été arrêté.
    "Dans les cas où des policiers sont condamnés, les sentences sont généralement peu sévères. Dans un cas, en 1996, deux policiers condamnés pour avoir battu et maltraité un enfant de 12 ans ont vu leurs peines commuées en une amende de 50.000 TL, quelque 8 dollars à l'époque.
    "Les procureurs publics ont de larges pouvoirs de contrôle sur la police au cours des enquêtes criminelles mais n'en font pas pleinement usage, spécialement dans les cas impliquant des membres de services de sécurité".
    Le rapport, envoyé avec une lettre au premier ministre Necmettin Erbakan le 14 mars dernier contient ces recommandations:
    - Les unités de police anti-terreur devraient être dissoutes et les abus policiers devraient être poursuivis de manière agressive.
    - Les lois qui entravent ces actions devraient être modifiées.
    - Les périodes de détention des détenus de la sûreté doivent être réduites et ces détenus doivent avoir un accès immédiat à leur avocat.

BILAN ANNUEL DU TERRORISME D'ETAT EN 1996

    Le ministère de la justice a annoncé le 21 janvier 1997 que 56.082 personnes se trouvées dans 562 prisons de la Turquie à la fin de l'année 1996. De ces prisonniers 9.241 sont des prisonniers politiques; 528 de droite et 8.713 de gauche.
    Les chiffres suivants relatifs à la terreur d'état en 1996 sont établis par l'Association des droits de l'homme (IHD):
    * 78 morts et 46 blessés résultant de meurtres et attaques non résolus.
    * 190 personnes ont été exécutées sans procès, suite à des tortures ou pendant leur détention.
    * 2.589 personnes sont mortes au cours d'affrontements.
    * Les attaques contre des civils ont causé 119 morts et 133 blessés.
    * 194 personnes ont "disparu" pendant leur détention.
    * 346 personnes ont été torturées ou s'en sont plaintes.
    * 20.434 personnes ont été arrêtées, dont 32 appartenaient au monde de la presse.
    * 271 personnes ont été arrêtées.
    * 68 villages et hameaux ont été évacués.
    * 109 places ont été bombardées.
    * 132 associations, syndicats et agences de presse ont été fermées.
    * 134 associations, syndicats et agences de presse ont subi des descentes.
    * 195 publications ont été confisquées.
    * Il y avait 140 prisonniers de conscience dans les prisons à la fin de 1996.
    * Les cours ont infligé des peines de prison de plus de 173 ans pour des activités d'opinion et politiques.

ANKARA PREND UNE NOUVELLE FOIS EN OTAGE LA FETE NATIONALE KURDE, NEWROZ, ET SES COULEURS

    Les autorités turques, par une manoeuvre scandaleuse, prenaient une nouvelle fois en otage le 21 mars dernier les festivités de Nouvelle Année kurde (Newroz). Alors que les kurdes se voient interdire la célébration de leur propre jour de nouvel an dans de nombreuses cités et villes kurdes, des fonctionnaires turcs organisaient de nombreuses cérémonies sous le nom de "Nevruz" avec la participation de ministres, hauts commandants et membres des forces de sécurité.
    A Diyarbakir, malgré la répression, plus de 100.000 kurdes  dansaient et chantaient autour de feux pour célébrer leur fête nationale. La célébration officielle ne put réunir plus de 20.000 personnes dans cette même ville. Le même jour, toujours à Diyarbakir, une marche organisée par des sympathisants du PKK  subissait une attaque des forces de sécurité et de nombreux personnes étaient arrêtées.
    Pour les Kurdes, ces festivités commémorent la légende du forgeron Kawa qui terrasse le tyran Dehhak et libère son peuple, considéré l'ancêtre du peuple kurde.
    Afin d'empêcher que les Kurdes ne célèbrent leur fête nationale, les autorités turques affirmaient récemment que le "Nevruz" commémore le départ de Göktürk de la légendaire région d'Ergenekon, en Asie centrale, et la conquête de leur indépendance.
    Cette année, les autorités turques imaginaient une nouvelle manoeuvre et revendiquaient les couleurs nationales kurdes (rouge-jaune-vert) comme étant historiquement les couleurs de la nation turque.
    Dans un message spécial, le président Süleyman Demirel disait ceci: "Nous ne devons pas permettre qu'arrivent à leur fin ceux qui essayent de nuire à la paix au travers du Nevruz, qui en fait, depuis des millénaires sert la paix".
    Concernant les raisons pour lesquelles les couleurs revendiquées par les Kurdes dominent sur les posters officiels du "Nevruz" imprimés par le Ministère de la Culture, Mehmet Kahraman, ministre titulaire de ce portefeuille, soutenait que les Turcs "Göktürk" ont été les premiers à utiliser ces couleurs il y a des siècles en Asie centrale.
    Un communiqué de la Direction des affaires religieuses dit ceci, "N'oublie pas qu'il est une responsabilité religieuse et  nationale d'éviter que des ennemis, sur le sol national ou à l'étranger, n'altèrent le sens de cette journée".
    Le président de l'IHD, Akin Birdal, a souligné la signification spéciale que Newroz a pour le peuple kurde et a demandé aux autorités de lui permettre de célébrer ce jour sans encombres.

DES ARMES POUR COMMETTRE DES ASSASSINATS AVEC DES LICENCES DE CHASSE

    Un projet de loi soumis au Parlement pour l'interdiction de la vente de fusils à répétition à des personnes porteuses d'une licence de chasse n'a pu être approuvé le 26 mars dernier à cause de l'opposition des députés du RP et de l'ANAP.
    Depuis 1990 on assiste à une explosion des ventes de fusils de chasse à répétition en raison de la permissivité des conditions de vente. En fait, quiconque devient membre d'un club de chasse peut se procurer une telle arme pour 250 dollars. Leur vente se produit surtout à Istanbul et depuis deux ans ils ont de plus en plus de succès auprès des islamistes radicaux. Selon des chiffres non officiels, 500.000 personnes possèdent ce type de fusil en Turquie.
    Les fusils disponibles ont un magasin pour sept douilles et peuvent être transformés pour tirer automatiquement 12 salves en ajoutant une pièce d'acier au canon, une méthode très utilisée par les criminels.
    Un ferry d'Eurasie était détourné il y a un an en Turquie, sur la route Trabzon/Sochi-Istanbul, par des membres d'une organisation clandestine pour protester contre la guerre en Tchétchénie. Cinq militants, munis de ces fusils à répétition ont tenu en otage les passagers et les membres de l'équipage pendant trois jours.
    Ce type de fusil est également très utilisé par les membres de la mafia. Il intervient dans 50% de toutes les attaques à main armée qui se produisent à Istanbul, où quasiment tous les jours la pègre se livre à un règlement de compte interne. L'arme peut perforer les voitures blindées et les mafiosi en ont constamment dans leur voiture.
    Mesut Yilmaz, leader de l'ANAP, principal parti de l'opposition, était parmi ceux qui ont voté contre l'abolition de la vente des fusils à répétition à des personnes munies d'une licence de chasse, bien que précédemment il avait accusé des électeurs du RP de se munir de telles armes.

HADEP PROTESTE CONTRE L'EMPRISSONNEMENT D'ANCIENS DEPUTES KURDES

    Les membres du Parti de la Démocratie du Peuple (HADEP) et un groupe comprenant des proches de détenus ont protesté le 2 mars dernier contre l'arrestation et détention depuis mars 1994, d'anciens députés du DEP. Le chef adjoint de HADEP, Sedat Yurttas, l'avocat qui s'occupe du cas DEP, Yusuf Alatas, et les anciens députés Mahmut Alinak et Mehmet Emin Sever, se sont adressés aux personnes rassemblées devant la Prison Centrale d'Ankara, dans laquelle sont détenus les anciens députés, y compris l'activiste kurde Leyla Zana.
    Le groupe a déposé des fleures devant la porte de la prison pour ceux qui y sont détenus. Des policiers en civil et en uniforme étaient en service devant la prison quand les manifestants sont arrivés. Yurttas, Alatas et Sever, s'adressant au groupe, ont souligné la nécessité urgente d'adopter une approche plus démocratique sur la question kurde et a mis l'accent sur le tort que les "gangs" ont causé dans la région, faisant allusion aux innombrables meurtres mystérieux et assassinats politiques commis dans la région du sud-est.
    "Vous avez le droit de créer des gangs assassins, et de tuer des citoyens par la force de l'Etat, mais vous n'avez pas le droit de faire de la politique pour le bien du peuple", observait Alinak.
    HADEP risque un procès en relation avec la fermeture du parti. La cause en est un incident survenu au cours du deuxième congrès du parti où le drapeau turc était jeté à terre et remplacé par un portrait géant du leader de l'organisation illégale PKK.
    Murat Bozlak, chef du HADEP, demeure à la prison Elmadag d'Ankara avec les principales personnalités du parti. Le procureur demande pour lui une peine de prison de 20 ans en vertu de la loi anti-terreur "pour avoir dirigé une organisation illégale".
   
EN MARS L'AGITATION REGAGNAIT LES PRISONS TURQUES

    Suite à un incident survenu à la Prison de Buca à Izmir, l'agitation s'est propagée dans de nombreuses prisons turques.
    Le 24 mars dernier, un groupe de détenus de la prison de Buca, s'insurgeant contre les conditions inhumaines dans lesquelles ils se trouvent, attaquaient des gardes de sécurité avec des objets contondants après les heures de visite, en blessaient quatre, ainsi qu'un soldat, prenaient un des gardes en otage et puis le relâchaient.
    Les prisonniers politiques des prisons de Bursa, Bergama et Umraniye se sont joints à la protestation en signe de soutien envers leurs amis de Buca.
    L'Association des droits de l'homme (IHD) a annoncé que la raison de l'émeute provient de la tension qui ne cesse de croître entre les détenus et les fonctionnaires des prisons après qu'un tunnel prévu pour une évasion ait été découvert le mois dernier. La découverte de ce tunnel donnait lieu à la rédaction d'une circulaire destinée à assurer un contrôle stricte de la prison. La tension est encore montée d'un cran lorsqu'on décidait de transférer 44 prisonniers dans un autre centre pénitencier.
    "Nous avons envoyé des délégations non seulement à la prison de Buca, mais également à d'autres prisons en proie aux protestations des détenus. Nous voulons servir de médiateurs dans cette affaire", affirme-t-on au IHD.
    Au cours des quatre dernières années, on a découvert deux tunnels dans la prison de Buca, concrètement dans les pavillons où les détenus mènent actuellement un acte de protestation.
    Le 26 mars, lorsque la protestation entrait dans son troisième jour, le président de l'Association du Barreau d'Izmir, Cetin Turan, annonçait que son organisation avait envoyé une pétition au Ministère de Justice lui demandant d'établir un dialogue avec les prisonniers sur l'amélioration de l'alimentation et des conditions de vie que ceux-ci réclament.
   
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PERINCEK, LEADER DU IP COMPARAIT DEVANT UNE CSE

    Le leader du Parti des travailleurs (IP), Dogu Perincek, comparaissait le 24 mars dernier devant la Cour de la sûreté de l'Etat d'Ankara accusé d'avoir fait de la propagande séparatiste au cours d'un meeting du Parti des travailleurs et villageois de Turquie le 27 décembre 1992.
    Les procureurs de la CSE demandent une peine de prison d'un à trois ans. Perincek s'est déclaré innocent des accusations qui ont été portées contre lui.
    Perincek a déclaré que de toute sa vie il n'avait jamais fait un discours contenant de la propagande séparatiste. Il a ajouté que le texte de son discours pouvait servir pour sa défense et a demandé à ce que l'enregistrement puisse être écouté dans la salle d'audience.



 

CAMPAGNE MONDIALE POUR  BESIKCI

    L'Association des droits de l'homme (IHD) lançait le 14 mars dernier une campagne mondiale pour la mise en liberté de 140 prisonniers politiques poursuivis pour leurs "opinions". Au cours de cette campagne on attire l'attention de l'opinion mondiale sur le cas singulier d'Ismail Besikci, emprisonné à maintes reprises depuis 1971 et actuellement en prison pour avoir exprimé ses opinions contre la position officielle de l'Etat.
    De manière générale, il s'est produit une augmentation des critiques et de l'irritation aussi bien en Turquie que dans le monde entier devant la persécution d'écrivains, intellectuels, journalistes et étudiants qui, normalement, sont considérés comme la force motrice de la société civilisée.
    Depuis des décennies, un nombre rapidement croissant d'écrivains sont traînés d'une cour de sûreté à l'autre. La persécution d'intellectuels a atteint un niveau que la société ne peut plus tolérer.
    En signe de protestation contre les violations de la liberté de pensée par l'interdiction de livres et la persécution d'écrivains et journalistes, plus de mille intellectuels ont signé le livre "Liberté de pensée". Par cet acte ils s'exposent à des sanctions si des poursuites sont engagées contre le livre.
    Un groupe de représentants de PEN (Associations internationales d'écrivains) provenant de diverses parties du monde se sont également rassemblés à Istanbul en mars dernier pour exprimer leur soutien aux signataires du livre "Liberté de Pensée".
    Des écrivains comme le vice-président de PEN en Suède, Lars Erik Blomovist, Joanne Leedom de PEN USA, Alexander Tkachenko de PEN Russie ainsi que beaucoup d'autres écrivains et membres de PEN d'Ecosse, d'Angleterre, d'Allemagne, de Palestine, de Finlande, de Hollande, d'Israël, du Canada et du Mexique, étaient présents à Istanbul pour introduire des actions contre
eux-mêmes et être jugés en compagnie de leurs homologues turcs qui ont signé le livre.
    Les cours de la sûreté de l'Etat ont rejeté la demande du statut d'écrivains invités. Ces écrivains voulaient assister aux débats organisés par des conférenciers et des étudiants de l'Université d'Istanbul, mais ont été empêchés par la police et se sont vu refuser leur admission par le président de l'université.
    L'écrivain israélien Abraham Heffner, faisant allusion à la présence policière dans l'université, a fait ce commentaire: "Laissez-les entrer dans l'université. Qu'ils assistent aux conférences et qu'ils s'imprègnent de l'atmosphère du savoir, ils apprendront certainement quelque chose".
    Pour démarrer sa campagne, le IHD a affiché des posters du sociologue turc Ismail Besikci, condamné à 103 ans de prison pour ses articles et ses livres.
    Le 27 mars, juste après le lancement de cette campagne, la cour de cassation ratifiait une autre peine de prison sévère contre Besikci. Il avait été condamné par la CSE d'Ankara à 4 ans et 4 mois de réclusion et à payer une amende de 333 millions de TL pour avoir fait de la propagande séparatiste dans ses 15 différents livres.
    Cette dernière décision porte le nombre total d'années de prison ratifiées contre Besikci à 41 et la cour de cassation doit encore décider sur des peines totalisant 37 ans. Besikci risque encore des peines de prison de quelques siècles dans le cadre de procès en suspens devant les cours de la sûreté de l'Etat.
    Besikci, de 58 ans, s'est licencié à la faculté de sciences politiques de l'Université d'Ankara et est devenu chercheur assistant en sociologie à l'Université Atatürk à Erzurum. Témoin sur place des faits dramatiques qui se produisaient dans le Kurdistan turc au cours de son service militaire et de travaux académiques, il a écrit une première étude critique intitulée Le système en Anatolie orientale, fondations socio-économiques et ethniques. Suite à la publication de ce livre, il a été expulsé de son poste universitaire et arrêté en 1972. Il est resté en prison jusqu'à l'amnistie générale de 1974.
    Privé du droit de travailler à l'université, il fut de nouveau emprisonné en 1979.
    Remis en liberté en 1980, il était condamné en 1981 pour une lettre qu'il avait adressée à l'Union des écrivains suisses, alors qu'il se trouvait en détention, et est resté en prison jusqu'en 1987.
    Besikci fut à nouveau arrêté en 1991 pour un livre sur l'établissement forcé des Kurdes, mais était relâché quelques mois plus tard suite à la réforme du Code pénal turc.
    Immédiatement après cette remise en liberté, il était à nouveau arrêté en 1991 pour l'ensemble de ses oeuvres en vertu de la nouvelle Loi anti-terreur.
    L'interminable emprisonnement de Besikci et d'autres intellectuels de Turquie constitue une situation des plus honteuses non seulement pour les dirigeants de la Turquie mais également de l'Europe dont ce pays est un partenaire privilégié dans le cadre de l'Union européenne et du Conseil de l'Europe.
    Les défenseurs des droits de l'homme et de la liberté d'expression peuvent envoyer leur soutien à cette campagne à l'adresse suivante de l'Association des droits de l'homme (IHD) en Turquie :
    Insan Haklari Dernegi Genel Merkezi
    Tunali Hilmi Caddesi 104/4
    Ankara
    TURQUIE

SANAR YURDATAPAN VICTIME D'UN COMPLOT POLICIER

    Le compositeur et activiste des droits de l'homme Sanar Yurdatapan était arrêté le 16 avril 1997 à l'aéroport Atatürk d'Istanbul alors qu'il rentrait d'une courte visite en Allemagne. Après un interrogatoire à huis-clos jusqu'au 22 avril, il était mis en détention par la CSE d'Istanbul qui l'accusait de collaboration avec des organisations illégales.
    Yurdatapan est le porte-parole de l'initiative Ensemble pour la paix (BIBA) et principal promoteur de l'initiative Liberté de pensée, un groupe composé de plus de 1.000 intellectuels, universitaires, écrivains et artistes.
    Il a également organisé un groupe d'investigation qui s'est rendu à Güclükonak, lieu du massacre de 11 Kurdes en janvier 1996. Par la suite il a également enquêté sur d'autres assassinats commis par les forces de sécurité de l'Etat.
    Il fut arrêté en 1996 et accusé de préparer un programme pour la chaîne kurde Med-TV.
    Récemment, il a interviewé deux anciens activistes du PKK, Murat Demir et Murat Ipek, devenus agents des forces spéciales  et qui avaient participé à de nombreux assassinats d'autres agents. Après le scandale de Susurluk, ces deux hommes ont toutefois décidé de révéler les faits et ont accordé une série d'interviews télévisées à Yurdatapan.
    Les autorités turques accusent maintenant ce dernier de s'être procuré deux faux passeports en Allemagne pour faire sortir du pays Demir et Ipek et lancer ainsi, avec leur participation, une nouvelle campagne à l'étranger contre la Turquie.
    Yurdatapan sera jugé en même temps que Demir et Ipek par la CSE d'Istanbul en vertu de l'Article 169 du Code pénal turc.

FARCE DE PROCES POUR L'ASSASSINAT DU JOURNALISTE GÖKTEPE

    Le 11 avril 1997 avait lieu à Afyon (300 kilomètres à l'est d'Aydin) la troisième audience du procès contre des officiers de police accusés de l'assassinat du journaliste Metin Göktepe. Une délégation de Reporters sans frontières (RSF) a assisté à l'audience, comme elle l'avait déjà fait pour celles du 18 octobre 1996 et du 6 février 1997.
    Après cette troisième audience, RSF souligne le manque de foie en la justice qui caractérise ce cas. L'audience s'est déroulée dans une petite salle où quelques journalistes turcs, parmi les centaines présents, n'ont pu entrer. Après deux heures d'un débat confus, la cour remit l'audience jusqu'au 28 mai sans même faire allusion à l'essentiel de l'affaire. Les avocats de la défense ont demandé que les trois juges soient dessaisis de l'affaire en raison de leur manque d'indépendance.
    Metin Göktepe, journaliste du quotidien Evrensel, était arrêté le 8 janvier dernier et battu à mort par des officiers de la police d'Istanbul. Sous la pressions des médias et de l'opinion publique, les autorités ont finalement ouvert une enquête qui a conduit à l'inculpation de 48 officiers de police.
    D'autre part, Reporters sans frontières (RSF) rapportait le 9 mars dernier qu'en Turquie beaucoup plus de journalistes avaient été victimes d'actes violents aux mains de la police en 1996 que l'année précédente. En 1996, 154 journalistes ont subi des agressions, l'un d'entre en était même mort.
    31 journalistes ont également subi des tortures pendant leur détention. En 1995, RSF a enregistre 50 agressions contre des journalistes.

DES JOURNALISTES DE YENI DÜZEN MENACES DE MORT

    Le 5 mars 1997, le journal chypriote turc Yeni Düzen rapportait avoir reçu des menaces de mort d'Azmi Karamahmutoglu, président de l'"Organisation Coeurs Idéalistes" de Turquie.
    Yeni Düzen explique dans un article publié en première page sous le titre "Menace de mort" que Karamahmutoglu a envoyé une lettre aux journalistes du quotidien dans laquelle il les menacerait de mort.
    Dans sa lettre, Karamahmutoglu aurait écrit, "Je vois que vous voulez devenir des 'journalistes enquêteurs'. Vous voulez donc être comme Abdi Ipekci, et Ugur Mumcu ou Kutlu Adali [trois journalistes assassinés], mais pour cela se posent des conditions". Adali était un écrivain éditorialiste de Yeni Düzen.

UN CORRESPONDANT DU NEW YORK TIMES ARRETE EN TURQUIE

    Le 2 mars 1997, le correspondant du New York Times Stephen Kinzer était arrêté lors d'un contrôle militaire près de la ville de Kozluk et emmené à Batman où il était retenu pendant 19 heures avant d'être remis en liberté. Selon le New York Times, Kinzer subit sept heures d'interrogatoire au cours desquelles les agents de la sécurité l'accusaient d'espionnage pour le compte du PKK.
    Au cours de l'arrestation et de l'interrogatoire on l'a également empêché de contacter l'ambassade des Etats-Unis et le New York Times pour les avertir de sa situation.
    Le New York Times, dans une lettre adressée au premier ministre Erbakan, s'est déclaré "étonné et profondément affligé" par le "traitement scandaleux" infligé à son correspondant à Istanbul par les militaires et la police dans le sud-est de la Turquie. "Kinzer fut conduit, armes à la main, au poste de commandement de la police où il fut retenu pendant 19 heures. Il y fut interrogé pendant sept heures par la police qui l'accusait d'être un espion du PKK. On prit ses empreintes digitales et il fut photographié comme un délinquant commun. Il passa la nuit en prison et fut forcé de signer des documents qu'il ne comprenait pas".

CINQ JOURNALISTES ARRETES ET TORTURES PENDANT LEUR DETENTION

    Le 7 mars dernier, Hatum Tamizalp et Ali Cankaya, deux journalistes du bimensuel Proleter Halkin Birligi, étaient arrêtés au cours d'une descente de police dans le quartier d'Alibeyköy à Istanbul.
    Le raison de leur arrestation est la découverte par la police d'éditions de Proleter Halkin Birligi en leur possession. Des officiers de police les ont alors accusés d'affiliation à une "organisation illégale".
    Aussi bien Temizalp que Cankaya ont été détenus pendant sept jours et soumis à divers degrés de torture. Sur base d'informations reçues récemment par la CPJ, à plusieurs reprises, pendant deux jours, Temizalp reçut des coups de poing et des coups de pied des officiers de police.
    Dans un autre cas, trois journalistes ont été arrêtés et placés en détention aux alentours du 12 mars près de la capitale Ankara. Il s'agit d'Orhan Kavci de l'hebdomadaire Kizilbayrak, de Gülay Yücel et de Nihat Ozcan, tous deux reporters de l'hebdomadaire Kurtulus.

ARRESTATION DE L'EDITEUR RECEP MARASLI

    Amnesty International rapporte une nouvelle arrestation de l'éditeur Recep Marasli le 6 mars 1997 à l'aéroport d'Ankara, en compagnie de son épouse, Nuran Marasli, alors qu'ils essayaient de fuir du pays.
    Ils ont été emmenés à la section anti-terreur du quartier général de la police d'Ankara. Le couple était traduit devant la cour le 12 mars, après quoi Marasli était mis en prison et sa femme était relâchée.
    Amnesty International rapporte que cette arrestation a un lien avec ses publication et écrits mais les détails des charges qui pèsent contre lui demeurent peu clairs.
    Marasli était resté en prison pendant des années après le coup d'Etat militaire de 1980 en raison de ses écrits et publications antérieurs.
    PEN International s'est montré très inquiet pour sa santé. Celle-ci serait affectée gravement et de manière permanente à cause des tortures subies lors de sa détention précédente. Il aurait des problèmes pour marcher et maintenir l'équilibre et aurait besoin de soins médicaux et de traitements constants.

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ZARAKOLU ET KÜRKCÜ CONDAMNE POUR UN RAPPORT DE HRW

    Le 14 mars dernier, la CSE d'Istanbul condamnait l'écrivain-traducteur Ertugrul Kürkcü et l'éditrice Ayse Nur Zarakolu pour avoir publié en turc le rapport produit en 1995 par Human Rights Watch, Transfert d'armes et violation des droits de la guerre en Turquie. La cour a également ordonné la confiscation du rapport. (Ce rapport avait été reproduit par Info-Türk).
    Tous deux étaient accusés en vertu de l'article 159/1 du Code pénal turc pour "avoir diffamé et rabaissé l'armée et les forces de sécurité de l'Etat".
    Le traducteur Kürkcü a écopé d'une peine de prison de dix mois, suspendue pendant deux ans. Si pendant ces deux ans, Kürkcü viole encore une fois ce même article du code pénal il sera immédiatement jeté en prison pour y purger la peine de dix mois et sera poursuivi pour la nouvelle infraction.
    Ayse Nur Zarakolu, propriétaire de la maison d'édition Belge, qui publia la traduction, reçut une amende de 1,5 million de TL.
    Au cours de la semaine qui suivit l'audience de janvier, trois autres charges étaient portées contre Zarakolu pour la publication de textes en rapport avec les minorités de Turquie. Elle a maintenant un total de 21 procès en suspens.
    Un communiqué de presse de HRW mettant en cause le verdict, indique que dans le cas du traducteur, en particulier, la sentence musèle ses activités comme traducteur, journaliste et intellectuel pendant deux ans. Et bien que la sentence contre Zarakolu est largement symbolique, les procureurs de l'Etat l'ont plus que compensée par une intensification sans précédents d'autres actions en justice contre l'éditrice.

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LA TURQUIE DEMEURE UN DES PAYS OU L'ON PERSECUTE LE PLUS LES JOURNALISTES

    En mars, 45 journalistes étaient arrêtés et huit autres subissaient des agressions et des mauvais traitements, c'est ce que rapportait le 14 avril dernier l'agence de presse Anatolie citant comme source l'Union des journalistes de Turquie (TGS).
    114 journalistes, écrivains et éditeurs demeurent en prison. Le Conseil suprême de la radio et la télévision (RTÜK) ordonnait à trois reprises la fermeture de chaînes de radio et de télévision, adressait 17 avertissements également à des chaînes de radio et de télévision et interdisait quatre livres.
    Selon TGS, parmi les journalistes arrêtés figurent trois étrangers, dont le reporter du New York Times, Stephen Kinzer, et deux journalistes finlandais. Le rapport de 1996 du Comité pour la protection des journalistes, aux Etats-Unis, a accusé la Turquie d'être "le pays où le plus grand nombre de journalistes se trouvent en prison".
    Une déclaration publiée à la suite de la 56e réunion du Conseil général de l'Institut international de la presse (IPI) conclut que la Turquie se trouve au même niveau que la Zambie et la Colombie en ce qui concerne la liberté de la presse. Les prisons turques retiennent plus de journalistes que celles d'aucun autre pays démocratique.