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A non-government information service on Turkey
Un service d'information non-gouvernemental sur la Turquie


138

12e année - N°138
Avril 1988
38 rue des Eburons - 1000 Bruxelles
Tél: (32-2) 215 35 76 - Fax: (32-2) 215 58 60
 Rédacteur en chef: Dogan Özgüden - Editrice responsable: Inci Tugsavul



Voilà la "Démocratie" en Turquie!

    3.000 journalistes poursuivis sur une période de 8 ans
    42 éditeurs responsables toujours en prison
    Un nouveau parti socialiste menacé d'interdiction
    4,5 million de citoyens fichés comme "suspects"
    Six films censurés aux Journées du Film d'Istanbul
    Rapport d'Helsinki Watch sur la destruction de l'identité ethnique
    Amnesty International: "La torture continue en Turquie"
    Résistance en masse des prisonniers politiques dans toute la Turquie

Le quotidien Cumhuriyet du 20 avril 1988 rapporte qu'au cours d'une période de huit ans, du 12 septembre 1980 jusqu'en avril 1988, le nombre de journalistes inculpés pour leurs publications a atteint des dimensions alarmantes. Les tribunaux civils et militaires ont jugé, au cours de cette période, 3.000 journalistes et écrivains dans 2.000 procès ayant rapport aux "délits de presse".
    Après le coup militaire, quatre journaux quotidiens et 20 revues ont été fermées par les commandants de la loi martiale, 50 journalistes ou écrivains ont été jugés devant des tribunaux militaires dans 404 différentes affaires pénales. 32 journalistes ont été condamnés à un total de 3.000 ans d'emprisonnement par les tribunaux militaires et 2.500 ans de ces peines ont été ratifiés par la cour militaire de cassation.
    En vertu du Code de la procédure pénale en Turquie, aussi élevé que puisse être le total de différentes peines de prison pour une personne, il est automatiquement commué à 36 ans d'emprisonnement et 12 ans de résidence surveillée.
    Dans la période 1980-83, en plus des procés de presse traités par des tribunaux militaires, 796 journalistes ont été jugés dans 632 procès par la cour de presse spéciale à Istanbul. Bien que cette cour spéciale ait été abolie par le gouvernement Özal en 1983, depuis lors, dans une période de cinq ans, 2.127 journalistes ont été assignés devant des cours criminelles pour 1.426 "délits de presse".
    Alors que les journalistes qui sont accusés de publications "incompatibles avec la moralité publique" tel-les que l'impression de photos indécentes sont jugés de-vant la cour criminelle de première instance, les délits tels que "propagande communiste", "propagande sépara-tiste", "propagande religieuse", "affaiblissement du sentiment national" et "discréditer le gouvernement" sont traités par des tribunaux militaires, des cours de la sûreté de l'état ou des cours d'Assises.
    Rien qu'en 1987, 541 journalistes ont été jugés par différents tribunaux dans 340 procès de presse.

 42 JOURNALISTES TOUJOURS EN PRISON

    Le comité pour les écrivains et journalistes emprisonnés de l'International PEN a publié en février 1988 un nouveau rapport détaillé sur les écrivains et journalistes dont on sait qu'ils ont été  kidnappés, emprisonnés, bannis, arrêtés, ou qui sont en jugement.
    Une autre liste concernant le même sujet a été pu-bliée par le quotidien Cumhuriyet du 20 avril 1988.
    Confrontant ces rapports avec les informations provenant d'autres sources, nous mettons à jour ci-des-sous la liste des journalistes turcs en prison:
    Hasan Selim Acan: Editeur du journal Halkin Kurtulusu, condamné à un total de 331 ans de prison. Le procureur réclame 100 années de plus pour onze affaires encore en cours.
    Nevzat Açan: Editeur de Halkin Kurtulusu, condamné par la cour militaire d'Istanbul à un total de 20 ans et 6 mois d'emprisonnement. Emprisonné à Canakkale.
    Fuat Akyürek: Editeur de Saglikcinin Sesi, condamné à 10 ans et 6 mois. Emprisonné à Canakkale.
    Kazim Arli: Editeur du journal Oncü entre juin et août 1980. Arrêté le 11septembre 1985 et condamné à 23 ans et 6 mois par la cour militaire d'Istanbul, le 27 juin 1986. Un autre procès est en cours contre lui pour appartenance à une organisation de gauche. Détenu à la Prison Fermée d'Ankara.
    Irfan Asik: instituteur et éditeur d'un journal politique mensuel appelé Partizan jusqu'à ce qu'il ait été supprimé après le coup d'état militaire. Arrêté le 4 décembre 1980, alors qu'il donnait cours, jugé 13 fois pour différents articles, condamné à un total de 111 ans réduit en appel à 36 ans. Avec remise de peine, libération probable en 1995. A la prison de Canakkale.
    Güzel Aslaner: éditeur du journal Halkin Birligi. Condamné à 31 ans le 30 juin 1983.
    Aydogan Büyüközden: condamné à 36 ans de prison pour des articles dans le quotidien Aydinlik. Emprisonné à Bursa.
    Mehmet Cerit: éditeur du périodique Halkin Yolu. Condamné devant la cour militaire d'Istanbul le 22 avril 1981 à 18 ans et 11 mois.
    Mehmet Coban: journaliste au journal d'Ankara Iktibas. Inculpé sous le coup de l'article 163 pour propagande anti-laïque. Condamné à 6 ans et 3 mois.
    Mustafa Colak: journaliste pour Ozgürlük, accusé de "faire de la propagande communiste". Arrêté en décembre 1981, condamné à 9 ans de prison, incarcéré à Canakkale. Reçu 8 autres années pour appartenance à l'Association de la Jeunesse Révolutionnaire Patriotique. Total en conséquence de 17 années.
    Servet Ziya Corakli: écrivain et poète. Condamné le 13 décembre 1986 à 6 ans et 8 mois d'emprison-nement pour distribution des brochures "illégales".
    Mete Dalgin: éditeur responsable du journal Halkin Birligi, peine totale de 3 ans d'emprisonnement.
    Ilker Demir: éditeur des revues Ilke et Kitle de 1975 à 1977. Arrêté le 3 avril 1984 et reconnu coupable dans un certain nombre de procès devant les cours militaires à un total de 23 ans et un mois pour des accusations de propagande communiste. A la prison d'Aydin.
    Galip Demircan: éditeur d'Halkin Kurtulusu. Condamné à 13 ans et 6 mois d'emprisonnement. A la pri-son d'Istanbul.
    Mustafa Dum: éditeur responsable du journal Ileri. Condamné à 13 ans et 6 mois de prison. Dans la prison de type E de Canakkale.
    Mustafa Eker: éditeur responsable de Kurtulus Sosyalist Dergi, condamné à 13 ans et 5 mois d'emprison-nement. Emprisonné à Istanbul.
    Bektas Erdogan: arrêté en 1979 et condamné à 36 ans d'emprisonnement. Dans la prison de Bursa.
    Fettah Erkan: éditeur de Devrimci Derlenis, condamné à 11 ans et 8 mois de prison pour insulte à l'armée.
    Muhittin Göktas: journaliste de la revue Kivilcim. Condamné à une peine de 7 ans et 6 mois de prison.
    Yasar Kaplan: éditeur d'un magazine littéraire appelé Aylik Dergi. Condamné en février 1986 à 6 ans et 3 mois de prison pour son ouvrage "Le livre de la démo-cratie". Dans la prison de type E de Bursa.
    Bayram Kazakli: éditeur de la maison d'édition Devrimci Kurtulus. Arrêté en 1983 et condamné à 15 ans d'emprisonnement pour avoir publié quatre livre.
    Remzi Kücükertan: Condamné pour ses articles pa-rus dans la revue Devrimci Proletarya. Emprisonné à Gaziantep.
    Recep Marasli: propriétaire de la maison d'édition Komal à Istanbul. Arrêté en janvier 1982 et jugé six fois. Un autre procès est en attente. Le total de la sentence est de 36 ans, peine qu'il purge  dans la prison militaire de Diyarbakir.
    Feyzullah Ozer: éditeur de l'hebdomadaire Kitle. Arrêté  en octobre 1981 et condamné à 18 ans et 6 mois pour des articles qu'il a écrit entre 1977 et 1978. Dans la prison de type E  de Canakkale.
    Mehmet Ozgen: éditeur des journaux Bagimsiz Tür-kiye et Devrimci Militan. Condamné dans six procès à 33,5 ans de prison. Dans la prison de Canakkale.
    Candemir Ozler: Arrêté en mai 1981 pour des articles qu'il a publié dans Savas Yolu. Condamné à 23 ans et 10 mois. Dans la prison de type E de Canakkale.
    Haci Ali Özler: emprisonné pour ses articles dans la revue Emegin Birligi.
    Ali Rabus: éditeur de Birlik Yolu. Condamné à 18 ans d'emprisonnement. Dans la prison de Canakkale.
    Alaattin Sahin: éditeur de l'hebdomadaire Halkin Yolu en 1977. 44 procès ont été ouverts contre lui. Condamné pour 25 de ces procès à un total de 108 ans, commué en 36 ans. Dans la prison de Canakkale. Au moins 163 ans sont réclamés par l'accusation dans les 19 affaires en cours.
    Ersan Sarikaya: éditeur de la revue littéraire Güney. Condamné à 7 ans et 6 mois d'emprisonnement. Dans la prison de Kayseri.
    Orhan Selen: poète. Condamné à 8 ans de prison en 1985. Emprisonné à Bursa.
    Osman Tas: Arrêté en janvier 1981. Editeur de Halkin Kurtulusu, condamné à un total de 770 ans dont 660 ans ratifiés et commués en 36 ans. Dans la prison Metris à Istanbul.
    Mustafa Tütücübasi: condamné à un total de 42 ans d'emprisonnement par défaut pour des articles dans le journal Halkin Sesi.
    Hasan Fikret Ulusoydan: éditeur responsable du périodique Halkin Sesi en 1975-76. Arrêté sous 23 différentes inculpations en 1980. Total des peines de 75 ans, commuées à 36 ans. Deux procès n'ont pas encore été décidés. Dans la prison Metris à Istanbul.
    Hüseyin Ülger: éditeur de Genc Sosyalist. Emprisonné en 1979. Purge une peine de 17 ans d'emprison-nement dans la prison de Canakkale pour ses activités journalistiques.
    Ali Haydar Yildirim: éditeur responsable de cinq numéros du périodique Militan Genclik. Arrêté en 1981. Condamné à un total de 14 ans et 6 mois.
    Mustafa Yildirimtürk: éditeur pour huit numéros de Halkin Kurtulusu en 1977. Condamné à un total de 215 ans dont 155 ans ratifiés. Sentence commuée automatiquement à 36 ans. A la prison Metris à Istanbul.
    Veli Yilmaz: éditeur de Halkin Kurtulusu et Halkin Kurtulusu Yolunda Genclik. Condamné à un total de 1.170 ans dont 750 ans ratifiés. Toutes les peines ont été automatiquement commuées à 36 ans. A la prison Metris d'Istanbul.
    Dogan Yurdakul: éditeur responsable du quotidien Aydinlik.  Condamné par défaut à 18 ans de prison.
    Par ailleurs, Kubilay Akpinar du périodique Günese Cagri et Ertugrul Mavioglu de Yeni Cözüm sont détenus à Istanbul  pour leurs procès en cours.

PERSECUTION RECENTE DES INTELLECTUELS

    1.3, les écrivains Emil Galip Sandalci et Ragip Zarakolu, respectivement président et vice-président de l'Association pour les Droits de l'Homme (IHF) à Istanbul sont en procès devant une cour criminelle pour avoir lancé une campagne en faveur de l'amnistie générale et contre la peine capitale.
    2.3, à Istanbul, le professeur Yalcin Kücük, les éditeurs Mehmet Emin Sert et Sait Üner, et un candidat socialiste indépendant aux dernières élections législati-ves, sont jugés devant la cour de la sûreté de l'Etat d'Is-tanbul pour avoir fait de la propagande communiste au cours de la campagne électorale. Tous risquent jusqu'à 10 ans de prison.
    2.3, l'Association des Femmes pour le Combat Démocratique (DEMKAD) est dissoute sous prétexte que ses buts ne sont pas compatibles avec la Constitution.
    3.3, un concert public du célèbre chanteur populaire Rahmi Saltuk à Ankara est interdit par le gouverneur sous prétexte qu'il serait nuisible pour l'ordre public.
    4.3, le numéro de mars 1988 du mensuel Emegin Bayragi est confisqué sur décision de la cour de la sû-reté de l'Etat pour avoir publié des articles sur la Commune de Paris et la Journée des Femmes.
    6.3, à Izmir, 52 représentants de différentes asso-ciations estudiantines sont pris en détention par la police après avoir tenu un meeting à l'Université Egéenne pour discuter leurs problèmes.    
    9.3, à Istanbul, Cengiz Turhan, éditeur responsable du quotidien Yeni Gündem, est condamné par la cour de la sûreté de l'Etat à sept ans et six mois d'emprisonne-ment pour propagande communiste.
    10.3, à Ankara, huit dirigeants de deux associations estudiantines sont arrêtés pour meetings non autoisés.
    17.3, le procureur inculpe deux journalistes du quotidien 200O'e Dogru, Mme Fatma Yazici et M. Irfan Tastemur, pour avoir dévoilé un rapport confidentiel de l'Organisation Nationale de Renseignement (MIT). L'é-diteur responsable du quotidien Sabah, M. Oguz Atay risque également des poursuites pour avoir fait des quotations de cet article.
    18.3, Arslan Sener Yildirim est jugé devant la cour de la sûreté de l'Etat pour un article intitulé "Syndicats et parti de la classe ouvrière" paru dans la revue Yeni Cözüm et risque 15 ans de prison pour propagande communiste.

4,5 MILLIONS FICHES COMME "SUSPECTS"

    Le quotidien Cumhuriyet des 14 et 15 mars 1988 rapporte que le nombre de citoyens enrégistrés comme "suspects" s'est élevé à 1.683.000 en 1987 alors qu'il était seulement de 40.000 avant le coup d'état militaire. De ces citoyens, plus de 700.000  sont des enseignants et des étudiants. Parmi les autres on trouve des fonctionnaires, des ouvriers, des policiers, des officiers de l'armée et leurs parents. Beaucoup de ces fiches sont basées sur des dénonciations.
    Même si un suspect est acquitté par un tribunal, son dossier est toujours conservé dans les archives du mi-nistère de l'Intérieur et de l'Organisation Nationale de Renseignement (MIT).
    Avec ces 1,7 millions de victimes de la répression politique, le nombre de tous les citoyens qui ont été soumis à diverses enquêtes et à des fichages pour de simples formalités administratives est estimé à 4,5 millions.
    Dans le seul Kürdistan turc, rapporte Cumhuriyet, au moins 2 millions de citoyens ont été fichés par les autorités de la loi martiale depuis le coup d'état militaire.

6 FILMS CENSURES AU FESTIVAL D'ISTANBUL
    Des changements de dernière minute ont été apportés au programme des 7èmes Journées Internationales du Film d'Istanbul en avril  1988.
    Le Cri, de Tengiz Abuladze, a été interdit sous prétexte qu'il était contraire aux principes islamiques. Betty Blue, tourné par Jean-Jacques Beinex a été interdit pour des raisons de pornographie, et Su da Yanar (L'eau aussi prend feu) d'Ali Özgentürk sous prétexte qu'il contient des scènes considérées comme "nuisibles à l'éthique morale de la société."
    Deshima de Beat Kuert et O Bobo de Jose Alvaros Morais ont également été éliminés des journées du film. Cette fois, le comité voulait supprimer huit scènes érotiques des deux films, mais le comité organisateur s'est opposé à l'idée de montrer des films incomplets dans un festival international. La projection des films a donc été complètement annulée.
    Un incident d'un demi mètre, de Samir Zikra, n'a pas été inclus au festival pour arrivée tardive.
    Le réalisateur américain Elia Kazan et neuf autres membres du jury du Prix International du Film Golden Tulip ont protesté contre l'interdiction des films. Le jury a affirmé dans sa déclaration:
    - qu'il est peu civilisé de faire obstacle à l'intérêt international pour le cinéma turc en censurant des films dans un festival international,
    - que les autorités devraient reconnaître l'impor-tance de l'un des meilleurs réalisateurs turcs, Yilmaz Güney, et lever l'interdiction touchant ses films.
    Dans une action parallèle, des acteurs et producteurs turcs ont fait une marche silencieuse en signe de pro-testation.

DEUX ROMANS CONDAMNES A  LA DESTRUCTION

    Une cour criminelle à Istanbul a ordonné le 22 mars 1988 la confiscation et la destruction des exemplaires de Tropic of Capricorn de Henry Miller et Sudaki Iz(Trace dans l'eau) de Ahmet Altan sur base du fait que les deux romans sont nuisibles à la moralité publique à cause de leur "obscénité." Le verdict était basé sur la "loi contre les publications nuisibles."
    Altan, protestant contre le verdict, a dit:" Dans un pays où les juges décident comment il faut écrire les livres il n'y aura plus ni littérature ni justice. Il est plus difficile d'écrire des livres que les brûler."

9 NOUVELLES CONDAMNATIONS A MORT

    Le 24 mars 1988, la cour de la loi martiale d'Istan-bul a condamné 9 membres du TKP/ML à la peine capitale, 15 à la prison à vie et 126 autres à des peinses de prison allant jusqu'à 12 ans.
    A Adana, le 8 mars 1988, la cour de la loi martiale a condamné un membre des Combattants Révolutionnaires à la prison à vie et 26 autres à des peines de prison allant jusqu'à 12 ans.
    Un nouveau procès a commencé le 9 mars 1988 à la cour de la sûreté de l'Etat de Diyarbakir contre 15 membres supposés du PKK. Cinq risquent la peine capitale.
    A Erzincan, lors du procès de la Dev-Yol, le procureur militaire a réclamé 116 peines de mort et diverses peines de prison pour 382 autres.
    Avec l'approbation de nouvelles peines capitales par la cour militaire de cassation, le nombre de condamnations à mort en attente d'être ratifiées par la Grande Assemblée Nationale s'est élevé à 194 le 25 mars 1988.

29 PRISONNERS S'ECHAPPENT DE PRISON
    La résistance des prisonniers politiques a atteint son paroxysme le 24 mars 1988, quand 29  détenus de la prison militaire Metris de sécurité maximale à Istanbul ont organisé une évasion spectaculaire, à travers un tunnel de 50 mètres.
    Les détenus, dont dix-huit appartiennent à l'Armée de Libération des Ouvriers et Paysans (TIKKO), branche de guérilla du Parti communiste de Turquie/ Marxiste-Léniniste (TKP/ML), avaient commencé à creuser le tunnel quelque six mois auparavant, descendant dans le système d'égouts de la prison à partir d'une cours où ils étaient périodiquement amenés pour la promenade.
    Les forces de sécurité ont été alertées dans tout le pays et une opération de recherche a été mise sur pied, spécialement à Istanbul, afin de capturer les fugitifs.
    Metris a été construite après le coup d'état du 12 septembre en Turquie pour détenir les prisonniers politiques. La prison consiste en six blocs reliés par des corridors et entourés des quartiers destinés aux gardiens de prison et aux administrateurs. Metris a pu contenir plus de 2.500 détenus en même temps et est devenu internationalement connue pour son infamie.
    Quelques jours plus tard, le 30 mars 1988, une ban-nière portant l'inscription "Kizildere n'est pas le der-nier, notre lutte continuera", signée par la Devrimci Birlik (union révolutionnaire) a été pendue du haut d'un bâtiment à Istanbul. L'allusion fait à un groupe de militants de gauche qui s'étaient échappés d'un prison militaire en 1981 et avaient tous été tués à Kizildere, petite ville dans la région de la Mer noire.

NOUVELLE PHASE DANS LA GUERILLA

    Deux mouvements de résistance armée, le Front National de Libération du Kurdistan (ERNK) et l'Armée de Libération des Ouvriers et des Payasans de Turquie(TIKKO) ont annoncé que leurs luttes contre l'Etat turc prendront de nouvelles dimensions en 1988.
    Le ERNK est conduit par le Parti Ouvrier du Kurdis-tan (PKK) et le TIKKO par le Parti Communiste de Turquie/Marxiste-Léniniste (TKP/ML).
    Lors d'une conférence de presse tenue le 21 mars 1988 à Bruxelles, à l'occasion de l'anniversaire de la fondation du ERNK, le porte-parole du PKK Hüseyin Yildirim a annoncé qu'en 1987 les forces de guérilla kurdes ont abattu 344 personnes dont 12 officiers de l'armée et 22 protecteurs de village. En conséquence, le nombre des mercenaires appelés "protecteurs de village"est tombé de 25.000 à 6.000 suite à des défections. Yildirim a ajouté que les forces de la guérilla auxquels se joignent continuellement des paysans pau-vres kurdes prendront bientôt la forme d'une armée de li-bération et porteront des coups plus sévères à l'Etat.
    D'un autre côté, après l'évasion spectaculaire des 18 militants du TIKKO de la prison militaire Metris, le porte-parole du TKP/ML, A. H. Celik a tenu une confé-rence de presse à Bruxelles le 29 mars 1988 et a déclaré que cet événement marquerait un tournant dans la guerre de guérilla menée par les militants du TIKKO. Il a annoncé que dans les mois à venir, leurs forces de gué-rilla mèneraient une série d'opérations militaires tant dans le Kurdistan turc que dans des grands villes telles qu'Istanbul, et prendraient pour cible les centres du terrorisme d'Etat ainsi que certaines figures importantes, civiles et militaries du régime.

GREVES DE LA FAIM DANS LES PRISONS

    En dépit des promeses du gouverement d'améliorer les conditions d'emprisonnement, les pratiques inhumaines continuent toujours et poussent des centaines de prisonniers politiques à de nouvelles actions.
    De nombreux prisonniers politiques de la prison militaire de Diyarakir ont été transférés dans les prisons civiles de Sanliurfa et de Gaziantep. Etant donné que les conditions de vie dans ces prisons sont pires que dans la première, les détenus qui restent à Diyarbakir ont entamé un nouvelle grève de la faim le 3 mars 1988.
    Dans le cours du mois de mars, des centaines de prisonnier politiques dans les prisons de Buca (Izmir), Sagmalcilar (Istanbul) et Adana ont commencé une grève de la faim et leurs parents se sont joints à leurs actions devant des prisons.
    L'action de protestation de 27 détenus de la prison de Buca s'est transformée en un soulèvement violent à cause de l'incompréhension de l'administration pénitentiaire. La police a mis en détention 74 proches des détenus qui protestaient contre la brutalité exercée à l'encontre des prisonniers.
AI: "TURQUIE: LA TORTURE CONTINUE"

    Amnesty International Newsletter, dans son numéro d'avril 1988, rapporte qu'en dépit du fait que le gouvernement d'Ankara a signé les conventions de l'Europe et des Nations unies contre la torture au début ce cette année, la torture continue d'être pratiquée en Turquie.
    Nous résumons ci-dessous l'article intitulé "Turquie: la torture continue":
    "Dans les cinq semaines suivant la signature par la Turquie des conventions contre la torture, AI a appelé le gouvernement à quatre reprises à enquêter sur les allégations d'après lesquelles des détenus étaient torturés. L'un d'entre eux était Baba Erdogan, qui a été détenu par la police à Istanbul pendant 22 jours sans pou-voir contacter un avocat ou sa famille. Après son transfert en prison le 12 février il a dit qu'il avait été sévèrement torturé, de même que huit autres détenus.
    "Abdullah (Ahmet) Ekinci, âgé de 50 ans, en faveur de qui AI avait lancé un appel au gouvernement turc en janvier, disait en février qu'il avait été torturé pendant 23 jours par des moyens divers, dont les chocs électri-ques, les passages à tabac, le déshabillage, l'enfermé-ment dans une petite cage et les brûlures de cigarettes.
     "AI a demandé à plusieurs reprises au gouvernement turc de mettre en application les mesures légales existantes qui pourraient protéger les détenus contre la torture; en particulier celle qui concerne les contacts des détenus avec les avocats et la famille dès le début. Il a aussi demandé au gouvernement d'instituer des enquêtes indépendantes sur toutes les allégations."

HELSINKI WATCH: DETRUIRE L'IDENTITE ETHNIQUE

    Le comité U.S. Helsinki  Watch a publié, en mars 1988, un rapport spécial sur l'oppression des Kurdes en Turquie, basé en grande partie sur les informations réunies au cours d'une mission en juin 1987.
    Nous reproduisons ci-dessous certaines parties de ce rapport concernant la "destruction de l'identité ethnique".
    "Cette année, pour la première fois, la presse turque a rendu compte de façon effective de l'existence de Kur-des en Turquie. Et l'armée turque, en vue d'améliorer ses services de renseignement dans le sud-est, y a envoyé des unités spéciales de commandos turcs entraînés à parler et à lire la langue kurde interdite: l'usage du kur-de a beau être illégal en Turquie, c'est la seule langue connue dans  de nombreuses régions de l'est.
    "Le gouvernement turc, tardivement, investit une quantité importante de fonds publics dans la Turquie orientale. L'électricité, le téléphone et d'autre services sont progressivement apportés à certains des villages et un important projet d'irrigation, connu sous le nom d'Atatürk Dam, va, d'après le gouvernement, pouvoir transformer une grande partie de la région. Mais les effets de ces mesures ne sont pas encore apparents en gé-néral. L'analphabétisme et le chômage sont des problè-mes majeurs dans l'est, et les villes et les campagnes sont négligées économiquement. Les Kurdes de la Turquie orientale se plaignent fréquemment d'être traités comme des citoyens de seconde classe.
    "La question de l'identité kurde est compliquée. Les dirigeants du gouvernement turc affirment qu'il n'y a pas de discrimination à l'encontre des Turcs d'origine kurde, faisant référence à des Kurdes qui ont fait partie du gouvernement ou du parlement. Et, de fait, les Kur-des qui se considèrent eux-mêmes avant tout comme Turcs paraissent être acceptés comme tels. Ce sont les Kurdes fortement attachés à leur identité kurde qui posent des problèmes. Des siècles de mariages mixtes et d'assimilation ont également compliqué le caractère ethnique kurde, à la fois en ce qui concerne l'apparence physique et le sens de l'identité.
    "L'interdiction des spécificités kurdes est appliquée sélectivement en Turquie, ayant pour résultat des règles non écrites qui semblent souvent incompréhensibles pour un observateur extérieur. Certains des arts natifs des kurdes par exemple, ont été inclus dans les présentations officielles de la culture nationale turque. Les danses kurdes font partie de spectacles de danses folkloriques nationales; elles ne sont pas identifiées com-me kurdes, cependant, mais comme venant d'une région particulière. Un marchand de tapis d'Istanbul, d'autre part, affirme volontiers spontanément que ses kilims sont fait par des Kurdes, "un peuple tribal qui vit dans les montagnes lointaines de l'est anatolien." Certains des marchands de tapis d'Istanbul sont eux-mêmes des Kurdes qui font la navette entre Istanbul et leur village natif de l'est, achetant l'artisanat local pour le vendre dans les magasins de la ville.
    "L'art qui traite de façon réaliste des problèmes sociaux et économiques des Kurdes est strictement interdit. Le réalisateur Yilmaz Güney, dont le film obsédant, Yol, datant d'il y a quelques années, décrit l'âpreté et la beauté de la vie kurde, a passé des années en prison puis en exil, et est mort prématurément à Paris en 1984.
    "Vous pouvez dire que quelqu'un est d'origine kurde, mais vous ne pouvez pas parler d'une minorité kurde,", nous a dit un membre bien connu du parlement turc, expliquant la position officielle du gouvernement. Ensuite, quelque peu nerveusement, il nous a demandé de ne pas citer son nom. Il connaissait, bien sur, le cas de Serafettin Elci, ex-membre du parlement, qui avait été condamné à plus de deux années de travaux forcés en 1981 pour avoir déclaré sur la tribune du parlement, "Je suis kurde. Il y a des Kurdes en Turquie."
     Il savait aussi qu'au début de l'année passée un membre de son parti avait été exclu de son poste dans le parti et porté devant un comité disciplinaire, à cause du fait qu'il avait proposé au cours d'un forum ouvert que la plate-forme du parti soit imprimée en kurde en même temps qu'en turc. Beaucoup des membres du par-lement turc actuel défendent courageusement les droits des citoyens qui ont été battus, arrêtés ou torturés. Mais ils n'ont jamais mentionné ce que tout le monde sait de tout façon, à savoir que ces gens ont été maltraités parce qu'il sont Kurdes.
    "Dans l'est de la Turquie, où les Kurdes prédominent, les contradictions abondent. Le kurde est ouvertement parlé dans les rues, en dépit de la proscription officielle. Mais son usage est strictement interdit dans les bureaux du gouvernement, ainsi que dans les tribunaux et les prisons. Une loi de 1983 a interdit les pu-blications dans d'autres langues que le turc. Dans les villages, les autorités tolèrent souvent la célébration de mariages au cours desquels les costumes, la musique et les danses kurdes sont la coutume, mais on rapporte par ailleurs que des gens ont été arrêtés rien que parce qu'ils possédaient des cassettes de musique kurde."
    Après avoir détaillé différents aspects de la répression dans le Kurdistan turc, le comité U.S. Helsinki Watch recommande que le gouvernement turc:
    "- reconnaisse l'existence des Kurdes et leur garantisse les droits civils et politiques détenus par les autres Turcs;
    "- mette fin aux restrictions qui privent les Kurdes de leur identité ethnique; permette l'usage de la langue, de la musique et des danses kurdes et la célébration de cérémonies kurdes; permette l'usage des nom kurdes; permette l'emploi de la langue kurde par les prisonniers, les visiteurs et les avocats dans les prisons et les centres de détention;
    "- permette la constitution d'associations kurdes et la publication de livres et de périodiques en kurde;
    "- mette sur pied une commission parlementaire afin d'enquêter sur les problèmes de la minorité kurde et de recommander des mesures pour améliorer la situation;
    "- abolisse le système des protecteurs de village;
    "- prenne des mesures pour protéger la population ci-vile dans les régions où ont lieu les actions de guérilla;
    "- punissent de façon appropriée les abus et humiliations de civils par les forces de sécurité ou les autres forces militaires;
    "- mette fin au harcèlement des réfugiés kurdes à l'étranger, par exemple en permettant que des noms kurdes soient donnés aux enfants, et que le kurde soit indiqué, où c'est demandé, comme la langue maternelle d'une personne.
    "- mette fin aux efforts ayant pour but de déplacer les civils de régions troublées sauf dans le cas où leurs vies sont en danger, et dans ce cas seulement en accord avec le Protocole II des Conventions de Genève de 1949.
    "Nous restons préoccupés par les abus grossiers des droits de l'homme en Turquie, spécialement en ce qui concerne l'usage de la torture, la continuation des pratiques d'incarcération prisonniers politiques par mil-liers, et les conditions d'emprisonnement exécrables. Nous déplorons le fait que restent en vigueur les législations répressives en Turquie, qui ne fournissent aucune protection légale, même pour les droits actuellement reconnus pour les citoyens turcs.

ACTIVISTES CHRETIENS ARRETES

    Un groupe de 30 Turcs qui se nomment eux-mêmes les Mesih Inanlilari (Croyants du Christ) ont été mis en détention policière en mars dans sept villes de Turquie, dans l'attente d'enquêtes sur leurs activités illégales supposées.
    Simultanément, 15 ressortissants chrétiens d'Alle-magne de l'Ouest, de Grande Bretagne, des Etats Unis, de Suède et de Corée du sud employés en Turquie ont été détenus eux aussi pendant plusieurs jours pour interro-gatoire concernant des violations supposées de l'article 163 du Code pénal turc qui interdit la "subversion des principaux nationaux de sécularité dans des buts reli-gieux."


>∏LA REUNION DES
EMIGRES POLITIQUES
SUR LA QUESTION
DU RETOUR EN TURQUIE

    Les émigrés politiques qui ont quitté la Turquie pour s'exiler en Europe occidentale après le coup d'état militaire de 1980  ont tenu leur première réunion à Cologne le 20 mars 1988, dans le but de discuter des problèmes relatifs à leur retour éventuel au pays.
    Certains réfugiés politiques, considérant le climat  politique comme suffisamment favorable, ont déjà rendu  publique leur intention de retourner en Turquie même sans l'obtention de garanties.
    Deux dirigeants du Parti communiste unifié de Turquie (TBKP), Nabi Yagci et Nihat  Sargin, étaient retournés en Turquie avec des passeports nationaux délivrés par des consulats turcs  avec  la  permission du gouvernement. Yagci avait même demandé la permission d'effectuer son service militaire dans l'armée turque après son retour.
    Pourtant, ils avaient été arrêtés au moment de leur arrivée à l'aéroport d'Ankara et doivent mainte-nant faire face à un procès à Ankara (Voir: Persécution de deux dirigeants communistes).
    Actuellement, il y a en Europe des dizaines de milliers de réfugiés politiques en provenance de Turquie et environ 15.000 d'entre eux ont été privés de la nationalité turque par le gouvernement. De nombreux émigrés politiques en Europe risquent de lourdes sentences en Turquie. Ceux qui n'ont pas encore été inculpés pourraient être accusés de voyager illégalement à l'étranger.
    Beaucoup d'émigrés risquent également des peines de prison d'au moins cinq ans pour leurs activités et déclarations à l'étranger contre le régime turc, en vertu de l'article 140 du Code pénal turc.
    Avant le meeting de Cologne, la presse de droite rapportait que ce serait un rassemblement des membres du TKP et de leurs sympathisants. Pourtant, à l'ouverture du meeting, les organisateurs réfutaient catégoriquement cette affirmation et soulignaient que c'était une initiative d'émigrés d'opinions philosophiques et politiques variées.
    De fait, au cours du meeting rassemblant 250 réfugiés politiques parmi lesquels des écrivains, des journalistes, des musiciens, des personnalités du spectacle et des syndicalistes, les participants ont exprimé des points de vue différents sur la question. Alors que certains défendaient l'idée d'un retour immédiat, d'autres considéraient une telle action comme prématurée et disaient que les émigrés, dans le but d'exercer une pression sur le régime, devraient refuser de retourner avant l'obtention de la libération de tous les prisonniers politiques et l'annulation des lois antidémocratiques.
    A l'issue du meeting, les participants arrivèrent aux conclusions ci-dessous et exprimèrent leur volonté de lutter  pour ces objectifs communs:    
I.    a) La réunion de solidarité et de coordination des réfugiés politiques, en tant qu'initiative indépendante, exclut de son champ d'actions et d'information les divergences d'opinion et les discussions parmi les partis et groupes politiques auxquels appartiennent les réfugiés politiques.
    b) Il a été adopté comme principe d'être extrêmement méticuleux pour que les travaux de solidarité et de coordination entre les réfugiés politiques ne prennent pas la forme d'un soutien direct à quelconque parti ou groupe politique ou se transforment en une plate-forme à l'encontre de quelconque parti ou groupe politique.
    c) Les travaux de solidarité et de coordination des réfugiés politiques, prenant en considération les circonstances et les avantages éventuels qui pourraient se produire, se basent, non sur une formation composée de représentants de partis et groupes politiques, mais sur une forme d'action à laquelle adhère chaque personne à titre personnel.
    d) Les travaux de solidarité et de coordination excluent de leurs champs d'action tout commentaire, discussion ou pratique de divers partis et groupes ou des personnes relatifs à un retour en Turquie, et de faire quelconque évaluation commune sur de telles discussions et pratiques. Ces travaux visent à accomplir des fonctions en vue de faciliter le retour des réfugiés politiques en général et de diminuer au minimum les peines et les problèmes qui pourraient surgir du retour quelles que soient sa date et sa modalité.
II.    a) Le retour à la Turquie ainsi que la situation et les problèmes dans les pays d'accueil des réfugiés politiques, leurs relations et celles de leurs proches avec la Turquie, de même que les pressions auxquelles ils sont soumis sont inhérents à une même entité. Les travaux de solidarité et de coordination ne perdent jamais de vue cette inhérence bien qu'ils aient pour but principal de créer les conditions favorables pour le retour à la Turquie.
    b) Le retour des réfugiés politiques à la Turquie est un processus qui peut s'étendre sur une très longue période à cause d'une série des différences à plusieurs niveaux, notamment dans les statuts juridiques et les états personnels des réfugiés politiques. Les travaux de solidarité et de coordination se développeront dans une perspective visant à assurer le retour de tous les réfugiés politiques en Turquie.
III.    a) Les problèmes des réfugiés politiques spécifiques aux pays dans lesquels ils se trouvent actuellement ne peuvent pas se dissocier des luttes démocratiques des pays en question. Les problèmes relatifs à leur retour en Turquie ne se dissocient pas, eux non plus, de la lutte pour la démocratie en général. Ils ne peuvent se résoudre qu'en tenant en considération les nécessités de cette entité.
    b) Tous les travaux destinés à développer la solidarité et la coordination entre les réfugiés politiques et à faciliter le retour à la Turquie est une partie intégrante des luttes pour les droits démocratiques et les libertés en Turquie. Il constitue l'axe des travaux de solidarité et de coordination d'assurer que cette intégrité soit apprise, avec toutes ses dimensions, par toutes les institutions, formations, groupes et personnes et que les efforts soient développés en vue de réaliser les nécessités de ces luttes.
    c) La lutte visant à assurer le retour des réfugiés politiques à la Turquie est liée profondément à la lutte en Turquie en vue de:
    1. Arrêter la torture et traduire les tortionnaires devant la justice
    2. Rendre conforme aux normes internationales la durée de garde à vue et arrestation
    3. Assurer pour les prisonniers le libre entretien avec leurs avocats et parents
    4. Arrêter toutes les poursuites et procès politiques ayant été intentés par un pouvoir anti-démocratique
    5. Mettre en liberté tous les détenus et prisonniers politiques
    6. Annuler les lois et les articles de lois antidémocratiques, notamment ceux de la Constitution de 1982, du Code pénal, du Code de nationalité et de la Loi relative au passeport national
    7. Arrêter les pratiques répressives particulières à l'encontre du peuple kurde.
    Il ne s'agit pas de revendications et objectifs que les réfugiés politiques soulèvent particulièrement pour eux-mêmes.
IV.    a) Il faut souligner le fait que les répressions, particulièrement au Kurdistan de Turquie, ont amené des milliers de personnes à quitter la Turquie et à chercher asile à l'étranger. Par conséquent, les travaux de solidarité et de coordination devront se développer dans une prise de conscience de la nécessité d'une solidarité avec ces derniers toujours soumis à la pression du fait de leur identité ethnique et appartenances religieuses. Bien qu'il existe une différence entre cette catégorie de réfugiés et les réfugiés politiques, cette solidarité est un devoir pour toutes les forces démocratiques tant en Turquie qu'à l'étranger.
    b) Toutes les mesures seront prises pour que les travaux en vue de faciliter le retour des réfugiés politiques à la Turquie ne soient pas utilisés dans les pays où se trouvent des milliers de réfugiés politiques par les gouvernements de ces pays ou par les milieux de droite pour développer une fausse image favorable sur la situation politique en Turquie. Ces travaux doivent non plus pas servir de prétexte au refus des demandes de statut de réfugiés politiques ou au retardement des décisions relatives à ces demandes et, en général, à la création d'une atmosphère défavorable à l'égard des réfugiés politiques. Tout sera fait, au contraire, en vue de développer une atmosphère de soutien, de compréhension et de sympathie pour les réfugiés politiques.
    Il a été décidé de transformer le groupe organisateur de cette réunion en Comité de Solidarité et de Coordination des Réfugiés Politiques, avec les cooptations et élargissements nécessaires.
    Le Comité de Solidarité et de Coordination des Réfugiés Politique, suite à son élargissement, est composé de:
    Tektas Agaoglu (écrivain), Dursun Akçam (écrivain), Bayram Ayaz (syndicaliste), Yalcin Cerit (éditeur), Sümeyra Cakir (musicienne), Kemal Daysal (syndicaliste), Ilkay Demir (médecine), Melike Demirag (musicienne), Gönül Dincer (dirigeante d'organisation de femmes), Engin Erkiner (éditeur), Bahtiyar Erkul (syndicaliste), Gültekin Gazioglu (syndicaliste), Zeki Kilic (syndicaliste), Zülal Kilic (dirigeante d'organisation de femmes), Süleyman Kirteke (syndicaliste), Dogan Özgüden (journaliste-écrivain), Demir Özlü (écrivain-juriste), Ömer Polat (écrivain), Orhan Silier (universitaire), Müslim Sahin (syndicaliste), Murat Tokmak (syndicaliste), Yücel Top (juriste), Selahattin Uyar (syndicaliste), Yücel Yesilgöz (juriste), Sanar Yurdatapan (musicien).
   

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1(suite au page 4)
LA REUNION DES EMIGRES POLITIQUES SUR LA QUESTION DU RETOUR EN TURQUIE
(de la page 1)
ge
Ed.Resp: Mateo Alaluf - 24 Venelle aux Quatre Nœuds - 1150 Bruxelles - Dep.Leg:2198
UN NOUVEAU PARTI SOCIALISTE MENACE D'INTERDICTION

    Un nouveau parti socialiste, bien que créé en pleine conformité avec les normes légales imposées par la Constitution de 1982 et le Code des partis politiques, a fait l'objet de procédures légales  deux semaines après sa fondation et tous ses fondateurs risquent de lourdes peines de prison.
    Tous les partis socialistes d'avant le coup d'état, le Parti Ouvrier de Turquie (TIP), le Parti Ouvrier Socialiste de Turquie (TSIP), le Parti du Travail de Turquie (TEP), le Parti de la Révolution Socialiste (SDP), le Parti  Socialiste de la Mère Patrie (SVP) et le Parti  Ouvrier  et Paysan de Turquie (TIKP) avaient été mis hors la loi en 1980 et définitivement supprimés  en même temps que d'autres partis politiques en 1981.
    Cependant, certains leaders de ces partis qui ont pu fuir la Turquie après le coup d'état militaire ont continué de mener leurs activités politiques à l'étranger au nom de ces partis.
    Le TSIP, le SVP et TEP sont toujours actifs à l'étranger en tant que partis politiques indépendants.
    Les dirigeants émigrés du TIP ont décidé de mettre un terme à l'indépendance de leur parti et de fusionner au Parti Communiste de Turquie (TKP), attaché à la ligne pro-soviétique et hors-la-loi en Turquie depuis plus de 60 ans.
    La tentative des dirigeants émigrés du TKP et du TIP pour fonder un  parti légal en Turquie sous le nom de Parti Communiste Unifié de Turquie (TBKP) en octobre 1987 a eu pour résultat l'arrestation de leurs deux principaux leaders et le gouvernement a annoncé que le temps n'était pas venu pour un parti communiste légal.
    Quant au SDP, proche de l'eurocommunisme, et le TIKP, attaché à la ligne pro-chinoise, leurs leaders qui n'ont pas fui la Turquie ont pris une intiative après les élections législatives de 1983 en vue de fonder un nouveau parti socialiste qui unirait tous les socialistes de Turquie sous la même bannière.
    Mais une série de meetings communs ont prouvé que les divergences idéologiques et politiques existaient toujours et que le rassemblement de tous les socialistes était encore très difficile. Suite à cela, 84 anciens dirigeants et sympathisants du TIKP défunt ont mis sur pied le Parti Socialiste (SP) à Ankara, et ont présenté les statuts et le programme du parti au Ministère de l'Intérieur le 1er février 1988.
    Bien que les porte-paroles des trois partis politiques représentés à l'Assemblée nationale aient affirmé que la fondation d'un parti socialiste était une nouvelle étape dans le processus de démocratisation, deux semaines plus tard, le 15 février 1988, le procureur de la République a demandé à la Cour constitutionnelle de dissoudre le nouveau parti sous prétexte que ses statuts ont comme but d'établir en Turquie un régime basé sur la domination de la classe ouvrière.
    Si la Cour constitutionnelle dissout le SP sur base de cette plainte, tous les fondateurs du parti pourront être frappés d'une peine de prison allant jusqu'à 20 ans en vertu de l'article 141 du Code pénal turc.

 PERSECUTION DE DEUX DIRIGEANTS COMMUNISTES

    Le procureur de la Cour de la sûreté de l'Etat à Ankara a demandé des peines de prison maximales totalisant quelques 550 années pour les deux dirigeants du Parti communiste unifié de Turquie (TBKP), Nabi Yagci et Nihat Sargin, après les avoir inculpés de charges allant de la direction  d'organisations illégales aux insultes au Président de la République.
    Le procureur a inculpé Yagci et Sargin pour avoir violé sept articles du Code pénal turc.
    Les activités de Yagci et Sargin en Europe tombent sous le coup de l'article 140 du Code pénal d'après lequel toute publication ou déclaration faite à l'étranger qui critique le régime est une offense contre l'Etat punissable de peines de prison d'au moins cinq ans. Les deux dirigeants de parti sont accusés d'avoir violé cet article 17 et 19 fois respectivement.
    La principale charge contre eux est la mise sur pied et la direction d'organisations illégales cherchant à renverser le régime établi en Turquie en faveur d'une dictature de la classe ouvrière, définie dans l'article 141 du Code pénal.
    Yagci est accusé 15 fois et Sargin 13 fois d'avoir violé l'article 142 qui traite de la propagande communiste.
    Le total minimum  possible des peines demandées par le procureur se monte à environ 66,5 ans pour chacun.
    Il y a 13 autres inculpés dans le procès qui ne sont pas sous arrestation. Le procureur demande des sentences allant de un à 12 ans pour les treize, parmi lesquels se trouvent les deux avocats de Yagci et Sargin.
    Les lourdes peines demandées par le procureur à l'encontre des deux dirigeants communistes ont provoqué des réactions en Europe occidentale ainsi que dans des pays socialistes.
    A Bruxelles Jef Ulburghs, un membre belge du Parlement européen, a organisé un conférence de presse, avec à ses côtés les femmes de Yagci et Sargin qui vivent toujours en exil, en protestation contre la persécution des deux hommes en Turquie.

v    
LE SCENARIO DE KIRKUK A NOUVEAU AU PROGRAMME

    Alors que le monde entier protestait contre l'utilisation des armes chimiques par l'armée irakienne sur des régions civiles occupées par les troupes iraniennes et kurdes, le premier turc Özal a été le premier chef de gouvernement à visiter la capitale irakienne. Les autorités iraniennes et les dirigeants kurdes ont tous deux accusé Özal de collaboration avec un criminel de guerre.
    Avant cette visite, à la fin du mois de mars 1988, un grand débat national avait été lancé en Turquie pour savoir si Ankara devait intervenir militairement à Kirkuk et Mosoul en cas de défaite Irakienne dans sa guerre avec l'Iran.
    Certains milieux politiques et diplomatiques proclament que la Turquie a le droit d'intervenir dans la région quand le status quo établi par le Traité de Lausanne de 1922 est mis en danger. Ils affirment qu'un contrôle conjoint kurdo-iranien sur le pipeline pétrolier turco-irakien compromettrait un tiers de l'approvisionnement en pétrole de la Turquie.
    Le principal parti d'opposition, le SHP social-démocrate a déclaré sa ferme opposition à toute aventure  militaire dans la région sous quelque prétexte que ce soit.
    Alors qu'Özal et sa délégation volaient vers Baghdad, les militaires turcs commençaient à déployer des unités de commando le long de la frontière avec l'Irak. Des convois de commandos en uniforme de combat ont été transportés de leurs bases dans la Turquie occidentale et centrale vers les régions frontalières.
    Au cours de la visite, le chef Irakien Saddam Hussein a essayé de dissiper les craintes d'Ankara au sujet d'une prise de contrôle kurde sur les régions riches en pétrole de Kirkuk et Mosoul. Il a affirmé que la région était sous le contrôle de Baghdad et que l'établissement d'un état kurde indépendant dans le nord de l'Irak était hors de question.
    Après les pourparlers, Özal a dit: "Je  déclare publiquement que notre intervention dans cette région est complètement hors de question quels que soient les événements."
    Özal a décrit les mouvements de troupes turcs comme des changement saisonniers de routine.
    Néanmoins, quelques jours plus tard, des patrouilles aériennes, des jets de la force aérienne turque, ont commencé dans les régions frontalières, pour la première fois depuis les huit années de guerre entre l'Iran et l'Irak. La Turquie a également fermé son espace aérien dans le sud-est aux vols militaires d'avions iraniens et irakiens sous prétexte que le principal poste frontalier avec l'Irak, Habur, a été bombardé par un avion de la force aérienne iranienne.

EXPORTATION TURQUE D'EAU VERS LE MONDE ARABE

    On s'attend à ce qu'une délégation de haut niveau visite prochainement les pays arabes afin d'avoir des entretiens sur le projet de "Eau pour la Paix" qui doit fournir de l'eau à la péninsule arabique à travers des pipelines géants depuis la Turquie.
    D'après le plan initial du gouvernement, deux pipelines transporteront l'eau des rivières de Seyhan et Ceyhan dans la Turquie du sud-est  vers la Jordanie et l'Arabie Saoudite, à travers la Syrie et le Liban.
    Le plan gigantesque doit coûter dans les 10 milliards de dollars aux cours actuels et créer des emplois pour plus de 50.000 personnes dans les pays qui y participeront.
    Les partis d'opposition appellent ce projet un des "rêves" du premier ministre Özal.