Voilà
la "Démocratie" en Turquie!
3.000 journalistes poursuivis sur
une période de 8 ans
42 éditeurs
responsables toujours en prison
Un nouveau parti
socialiste menacé d'interdiction
4,5 million de
citoyens fichés comme "suspects"
Six films censurés
aux Journées du Film d'Istanbul
Rapport d'Helsinki
Watch sur la destruction de l'identité ethnique
Amnesty
International: "La torture continue en Turquie"
Résistance en
masse des prisonniers politiques dans toute la Turquie
Le quotidien Cumhuriyet du 20 avril 1988 rapporte qu'au cours d'une
période de huit ans, du 12 septembre 1980 jusqu'en avril 1988, le
nombre de journalistes inculpés pour leurs publications a atteint des
dimensions alarmantes. Les tribunaux civils et militaires ont jugé, au
cours de cette période, 3.000 journalistes et écrivains dans 2.000
procès ayant rapport aux "délits de presse".
Après le coup militaire, quatre journaux quotidiens
et 20 revues ont été fermées par les commandants de la loi martiale, 50
journalistes ou écrivains ont été jugés devant des tribunaux militaires
dans 404 différentes affaires pénales. 32 journalistes ont été
condamnés à un total de 3.000 ans d'emprisonnement par les tribunaux
militaires et 2.500 ans de ces peines ont été ratifiés par la cour
militaire de cassation.
En vertu du Code de la procédure pénale en Turquie,
aussi élevé que puisse être le total de différentes peines de prison
pour une personne, il est automatiquement commué à 36 ans
d'emprisonnement et 12 ans de résidence surveillée.
Dans la période 1980-83, en plus des procés de
presse traités par des tribunaux militaires, 796 journalistes ont été
jugés dans 632 procès par la cour de presse spéciale à Istanbul. Bien
que cette cour spéciale ait été abolie par le gouvernement Özal en
1983, depuis lors, dans une période de cinq ans, 2.127 journalistes ont
été assignés devant des cours criminelles pour 1.426 "délits de presse".
Alors que les journalistes qui sont accusés de
publications "incompatibles avec la moralité publique" tel-les que
l'impression de photos indécentes sont jugés de-vant la cour criminelle
de première instance, les délits tels que "propagande communiste",
"propagande sépara-tiste", "propagande religieuse", "affaiblissement du
sentiment national" et "discréditer le gouvernement" sont traités par
des tribunaux militaires, des cours de la sûreté de l'état ou des cours
d'Assises.
Rien qu'en 1987, 541 journalistes ont été jugés par
différents tribunaux dans 340 procès de presse.
42 JOURNALISTES TOUJOURS EN PRISON
Le comité pour les écrivains et journalistes
emprisonnés de l'International PEN a publié en février 1988 un nouveau
rapport détaillé sur les écrivains et journalistes dont on sait qu'ils
ont été kidnappés, emprisonnés, bannis, arrêtés, ou qui sont en
jugement.
Une autre liste concernant le même sujet a été
pu-bliée par le quotidien Cumhuriyet du 20 avril 1988.
Confrontant ces rapports avec les informations
provenant d'autres sources, nous mettons à jour ci-des-sous la liste
des journalistes turcs en prison:
Hasan Selim Acan: Editeur du journal Halkin
Kurtulusu, condamné à un total de 331 ans de prison. Le procureur
réclame 100 années de plus pour onze affaires encore en cours.
Nevzat Açan: Editeur de Halkin Kurtulusu, condamné
par la cour militaire d'Istanbul à un total de 20 ans et 6 mois
d'emprisonnement. Emprisonné à Canakkale.
Fuat Akyürek: Editeur de Saglikcinin Sesi, condamné
à 10 ans et 6 mois. Emprisonné à Canakkale.
Kazim Arli: Editeur du journal Oncü entre juin et
août 1980. Arrêté le 11septembre 1985 et condamné à 23 ans et 6 mois
par la cour militaire d'Istanbul, le 27 juin 1986. Un autre procès est
en cours contre lui pour appartenance à une organisation de gauche.
Détenu à la Prison Fermée d'Ankara.
Irfan Asik: instituteur et éditeur d'un journal
politique mensuel appelé Partizan jusqu'à ce qu'il ait été supprimé
après le coup d'état militaire. Arrêté le 4 décembre 1980, alors qu'il
donnait cours, jugé 13 fois pour différents articles, condamné à un
total de 111 ans réduit en appel à 36 ans. Avec remise de peine,
libération probable en 1995. A la prison de Canakkale.
Güzel Aslaner: éditeur du journal Halkin Birligi.
Condamné à 31 ans le 30 juin 1983.
Aydogan Büyüközden: condamné à 36 ans de prison pour
des articles dans le quotidien Aydinlik. Emprisonné à Bursa.
Mehmet Cerit: éditeur du périodique Halkin Yolu.
Condamné devant la cour militaire d'Istanbul le 22 avril 1981 à 18 ans
et 11 mois.
Mehmet Coban: journaliste au journal d'Ankara
Iktibas. Inculpé sous le coup de l'article 163 pour propagande
anti-laïque. Condamné à 6 ans et 3 mois.
Mustafa Colak: journaliste pour Ozgürlük, accusé de
"faire de la propagande communiste". Arrêté en décembre 1981, condamné
à 9 ans de prison, incarcéré à Canakkale. Reçu 8 autres années pour
appartenance à l'Association de la Jeunesse Révolutionnaire
Patriotique. Total en conséquence de 17 années.
Servet Ziya Corakli: écrivain et poète. Condamné le
13 décembre 1986 à 6 ans et 8 mois d'emprison-nement pour distribution
des brochures "illégales".
Mete Dalgin: éditeur responsable du journal Halkin
Birligi, peine totale de 3 ans d'emprisonnement.
Ilker Demir: éditeur des revues Ilke et Kitle de
1975 à 1977. Arrêté le 3 avril 1984 et reconnu coupable dans un certain
nombre de procès devant les cours militaires à un total de 23 ans et un
mois pour des accusations de propagande communiste. A la prison d'Aydin.
Galip Demircan: éditeur d'Halkin Kurtulusu. Condamné
à 13 ans et 6 mois d'emprisonnement. A la pri-son d'Istanbul.
Mustafa Dum: éditeur responsable du journal Ileri.
Condamné à 13 ans et 6 mois de prison. Dans la prison de type E de
Canakkale.
Mustafa Eker: éditeur responsable de Kurtulus
Sosyalist Dergi, condamné à 13 ans et 5 mois d'emprison-nement.
Emprisonné à Istanbul.
Bektas Erdogan: arrêté en 1979 et condamné à 36 ans
d'emprisonnement. Dans la prison de Bursa.
Fettah Erkan: éditeur de Devrimci Derlenis, condamné
à 11 ans et 8 mois de prison pour insulte à l'armée.
Muhittin Göktas: journaliste de la revue Kivilcim.
Condamné à une peine de 7 ans et 6 mois de prison.
Yasar Kaplan: éditeur d'un magazine littéraire
appelé Aylik Dergi. Condamné en février 1986 à 6 ans et 3 mois de
prison pour son ouvrage "Le livre de la démo-cratie". Dans la prison de
type E de Bursa.
Bayram Kazakli: éditeur de la maison d'édition
Devrimci Kurtulus. Arrêté en 1983 et condamné à 15 ans d'emprisonnement
pour avoir publié quatre livre.
Remzi Kücükertan: Condamné pour ses articles pa-rus
dans la revue Devrimci Proletarya. Emprisonné à Gaziantep.
Recep Marasli: propriétaire de la maison d'édition
Komal à Istanbul. Arrêté en janvier 1982 et jugé six fois. Un autre
procès est en attente. Le total de la sentence est de 36 ans, peine
qu'il purge dans la prison militaire de Diyarbakir.
Feyzullah Ozer: éditeur de l'hebdomadaire Kitle.
Arrêté en octobre 1981 et condamné à 18 ans et 6 mois pour des
articles qu'il a écrit entre 1977 et 1978. Dans la prison de type
E de Canakkale.
Mehmet Ozgen: éditeur des journaux Bagimsiz Tür-kiye
et Devrimci Militan. Condamné dans six procès à 33,5 ans de prison.
Dans la prison de Canakkale.
Candemir Ozler: Arrêté en mai 1981 pour des articles
qu'il a publié dans Savas Yolu. Condamné à 23 ans et 10 mois. Dans la
prison de type E de Canakkale.
Haci Ali Özler: emprisonné pour ses articles dans la
revue Emegin Birligi.
Ali Rabus: éditeur de Birlik Yolu. Condamné à 18 ans
d'emprisonnement. Dans la prison de Canakkale.
Alaattin Sahin: éditeur de l'hebdomadaire Halkin
Yolu en 1977. 44 procès ont été ouverts contre lui. Condamné pour 25 de
ces procès à un total de 108 ans, commué en 36 ans. Dans la prison de
Canakkale. Au moins 163 ans sont réclamés par l'accusation dans les 19
affaires en cours.
Ersan Sarikaya: éditeur de la revue littéraire
Güney. Condamné à 7 ans et 6 mois d'emprisonnement. Dans la prison de
Kayseri.
Orhan Selen: poète. Condamné à 8 ans de prison en
1985. Emprisonné à Bursa.
Osman Tas: Arrêté en janvier 1981. Editeur de Halkin
Kurtulusu, condamné à un total de 770 ans dont 660 ans ratifiés et
commués en 36 ans. Dans la prison Metris à Istanbul.
Mustafa Tütücübasi: condamné à un total de 42 ans
d'emprisonnement par défaut pour des articles dans le journal Halkin
Sesi.
Hasan Fikret Ulusoydan: éditeur responsable du
périodique Halkin Sesi en 1975-76. Arrêté sous 23 différentes
inculpations en 1980. Total des peines de 75 ans, commuées à 36 ans.
Deux procès n'ont pas encore été décidés. Dans la prison Metris à
Istanbul.
Hüseyin Ülger: éditeur de Genc Sosyalist. Emprisonné
en 1979. Purge une peine de 17 ans d'emprison-nement dans la prison de
Canakkale pour ses activités journalistiques.
Ali Haydar Yildirim: éditeur responsable de cinq
numéros du périodique Militan Genclik. Arrêté en 1981. Condamné à un
total de 14 ans et 6 mois.
Mustafa Yildirimtürk: éditeur pour huit numéros de
Halkin Kurtulusu en 1977. Condamné à un total de 215 ans dont 155 ans
ratifiés. Sentence commuée automatiquement à 36 ans. A la prison Metris
à Istanbul.
Veli Yilmaz: éditeur de Halkin Kurtulusu et Halkin
Kurtulusu Yolunda Genclik. Condamné à un total de 1.170 ans dont 750
ans ratifiés. Toutes les peines ont été automatiquement commuées à 36
ans. A la prison Metris d'Istanbul.
Dogan Yurdakul: éditeur responsable du quotidien
Aydinlik. Condamné par défaut à 18 ans de prison.
Par ailleurs, Kubilay Akpinar du périodique Günese
Cagri et Ertugrul Mavioglu de Yeni Cözüm sont détenus à Istanbul
pour leurs procès en cours.
PERSECUTION RECENTE DES INTELLECTUELS
1.3, les écrivains Emil Galip Sandalci et Ragip
Zarakolu, respectivement président et vice-président de l'Association
pour les Droits de l'Homme (IHF) à Istanbul sont en procès devant une
cour criminelle pour avoir lancé une campagne en faveur de l'amnistie
générale et contre la peine capitale.
2.3, à Istanbul, le professeur Yalcin Kücük, les
éditeurs Mehmet Emin Sert et Sait Üner, et un candidat socialiste
indépendant aux dernières élections législati-ves, sont jugés devant la
cour de la sûreté de l'Etat d'Is-tanbul pour avoir fait de la
propagande communiste au cours de la campagne électorale. Tous risquent
jusqu'à 10 ans de prison.
2.3, l'Association des Femmes pour le Combat
Démocratique (DEMKAD) est dissoute sous prétexte que ses buts ne sont
pas compatibles avec la Constitution.
3.3, un concert public du célèbre chanteur populaire
Rahmi Saltuk à Ankara est interdit par le gouverneur sous prétexte
qu'il serait nuisible pour l'ordre public.
4.3, le numéro de mars 1988 du mensuel Emegin
Bayragi est confisqué sur décision de la cour de la sû-reté de l'Etat
pour avoir publié des articles sur la Commune de Paris et la Journée
des Femmes.
6.3, à Izmir, 52 représentants de différentes
asso-ciations estudiantines sont pris en détention par la police après
avoir tenu un meeting à l'Université Egéenne pour discuter leurs
problèmes.
9.3, à Istanbul, Cengiz Turhan, éditeur responsable
du quotidien Yeni Gündem, est condamné par la cour de la sûreté de
l'Etat à sept ans et six mois d'emprisonne-ment pour propagande
communiste.
10.3, à Ankara, huit dirigeants de deux associations
estudiantines sont arrêtés pour meetings non autoisés.
17.3, le procureur inculpe deux journalistes du
quotidien 200O'e Dogru, Mme Fatma Yazici et M. Irfan Tastemur, pour
avoir dévoilé un rapport confidentiel de l'Organisation Nationale de
Renseignement (MIT). L'é-diteur responsable du quotidien Sabah, M. Oguz
Atay risque également des poursuites pour avoir fait des quotations de
cet article.
18.3, Arslan Sener Yildirim est jugé devant la cour
de la sûreté de l'Etat pour un article intitulé "Syndicats et parti de
la classe ouvrière" paru dans la revue Yeni Cözüm et risque 15 ans de
prison pour propagande communiste.
4,5 MILLIONS FICHES COMME "SUSPECTS"
Le quotidien Cumhuriyet des 14 et 15 mars 1988
rapporte que le nombre de citoyens enrégistrés comme "suspects" s'est
élevé à 1.683.000 en 1987 alors qu'il était seulement de 40.000 avant
le coup d'état militaire. De ces citoyens, plus de 700.000 sont
des enseignants et des étudiants. Parmi les autres on trouve des
fonctionnaires, des ouvriers, des policiers, des officiers de l'armée
et leurs parents. Beaucoup de ces fiches sont basées sur des
dénonciations.
Même si un suspect est acquitté par un tribunal, son
dossier est toujours conservé dans les archives du mi-nistère de
l'Intérieur et de l'Organisation Nationale de Renseignement (MIT).
Avec ces 1,7 millions de victimes de la répression
politique, le nombre de tous les citoyens qui ont été soumis à diverses
enquêtes et à des fichages pour de simples formalités administratives
est estimé à 4,5 millions.
Dans le seul Kürdistan turc, rapporte Cumhuriyet, au
moins 2 millions de citoyens ont été fichés par les autorités de la loi
martiale depuis le coup d'état militaire.
6 FILMS CENSURES AU FESTIVAL D'ISTANBUL
Des changements de dernière minute ont été apportés
au programme des 7èmes Journées Internationales du Film d'Istanbul en
avril 1988.
Le Cri, de Tengiz Abuladze, a été interdit sous
prétexte qu'il était contraire aux principes islamiques. Betty Blue,
tourné par Jean-Jacques Beinex a été interdit pour des raisons de
pornographie, et Su da Yanar (L'eau aussi prend feu) d'Ali Özgentürk
sous prétexte qu'il contient des scènes considérées comme "nuisibles à
l'éthique morale de la société."
Deshima de Beat Kuert et O Bobo de Jose Alvaros
Morais ont également été éliminés des journées du film. Cette fois, le
comité voulait supprimer huit scènes érotiques des deux films, mais le
comité organisateur s'est opposé à l'idée de montrer des films
incomplets dans un festival international. La projection des films a
donc été complètement annulée.
Un incident d'un demi mètre, de Samir Zikra, n'a pas
été inclus au festival pour arrivée tardive.
Le réalisateur américain Elia Kazan et neuf autres
membres du jury du Prix International du Film Golden Tulip ont protesté
contre l'interdiction des films. Le jury a affirmé dans sa déclaration:
- qu'il est peu civilisé de faire obstacle à
l'intérêt international pour le cinéma turc en censurant des films dans
un festival international,
- que les autorités devraient reconnaître
l'impor-tance de l'un des meilleurs réalisateurs turcs, Yilmaz Güney,
et lever l'interdiction touchant ses films.
Dans une action parallèle, des acteurs et
producteurs turcs ont fait une marche silencieuse en signe de
pro-testation.
DEUX ROMANS CONDAMNES A LA DESTRUCTION
Une cour criminelle à Istanbul a ordonné le 22 mars
1988 la confiscation et la destruction des exemplaires de Tropic of
Capricorn de Henry Miller et Sudaki Iz(Trace dans l'eau) de Ahmet Altan
sur base du fait que les deux romans sont nuisibles à la moralité
publique à cause de leur "obscénité." Le verdict était basé sur la "loi
contre les publications nuisibles."
Altan, protestant contre le verdict, a dit:" Dans un
pays où les juges décident comment il faut écrire les livres il n'y
aura plus ni littérature ni justice. Il est plus difficile d'écrire des
livres que les brûler."
9 NOUVELLES CONDAMNATIONS A MORT
Le 24 mars 1988, la cour de la loi martiale
d'Istan-bul a condamné 9 membres du TKP/ML à la peine capitale, 15 à la
prison à vie et 126 autres à des peinses de prison allant jusqu'à 12
ans.
A Adana, le 8 mars 1988, la cour de la loi martiale
a condamné un membre des Combattants Révolutionnaires à la prison à vie
et 26 autres à des peines de prison allant jusqu'à 12 ans.
Un nouveau procès a commencé le 9 mars 1988 à la
cour de la sûreté de l'Etat de Diyarbakir contre 15 membres supposés du
PKK. Cinq risquent la peine capitale.
A Erzincan, lors du procès de la Dev-Yol, le
procureur militaire a réclamé 116 peines de mort et diverses peines de
prison pour 382 autres.
Avec l'approbation de nouvelles peines capitales par
la cour militaire de cassation, le nombre de condamnations à mort en
attente d'être ratifiées par la Grande Assemblée Nationale s'est élevé
à 194 le 25 mars 1988.
29 PRISONNERS S'ECHAPPENT DE PRISON
La résistance des prisonniers politiques a atteint
son paroxysme le 24 mars 1988, quand 29 détenus de la prison
militaire Metris de sécurité maximale à Istanbul ont organisé une
évasion spectaculaire, à travers un tunnel de 50 mètres.
Les détenus, dont dix-huit appartiennent à l'Armée
de Libération des Ouvriers et Paysans (TIKKO), branche de guérilla du
Parti communiste de Turquie/ Marxiste-Léniniste (TKP/ML), avaient
commencé à creuser le tunnel quelque six mois auparavant, descendant
dans le système d'égouts de la prison à partir d'une cours où ils
étaient périodiquement amenés pour la promenade.
Les forces de sécurité ont été alertées dans tout le
pays et une opération de recherche a été mise sur pied, spécialement à
Istanbul, afin de capturer les fugitifs.
Metris a été construite après le coup d'état du 12
septembre en Turquie pour détenir les prisonniers politiques. La prison
consiste en six blocs reliés par des corridors et entourés des
quartiers destinés aux gardiens de prison et aux administrateurs.
Metris a pu contenir plus de 2.500 détenus en même temps et est devenu
internationalement connue pour son infamie.
Quelques jours plus tard, le 30 mars 1988, une
ban-nière portant l'inscription "Kizildere n'est pas le der-nier, notre
lutte continuera", signée par la Devrimci Birlik (union
révolutionnaire) a été pendue du haut d'un bâtiment à Istanbul.
L'allusion fait à un groupe de militants de gauche qui s'étaient
échappés d'un prison militaire en 1981 et avaient tous été tués à
Kizildere, petite ville dans la région de la Mer noire.
NOUVELLE PHASE DANS LA GUERILLA
Deux mouvements de résistance armée, le Front
National de Libération du Kurdistan (ERNK) et l'Armée de Libération des
Ouvriers et des Payasans de Turquie(TIKKO) ont annoncé que leurs luttes
contre l'Etat turc prendront de nouvelles dimensions en 1988.
Le ERNK est conduit par le Parti Ouvrier du
Kurdis-tan (PKK) et le TIKKO par le Parti Communiste de
Turquie/Marxiste-Léniniste (TKP/ML).
Lors d'une conférence de presse tenue le 21 mars
1988 à Bruxelles, à l'occasion de l'anniversaire de la fondation du
ERNK, le porte-parole du PKK Hüseyin Yildirim a annoncé qu'en 1987 les
forces de guérilla kurdes ont abattu 344 personnes dont 12 officiers de
l'armée et 22 protecteurs de village. En conséquence, le nombre des
mercenaires appelés "protecteurs de village"est tombé de 25.000 à 6.000
suite à des défections. Yildirim a ajouté que les forces de la guérilla
auxquels se joignent continuellement des paysans pau-vres kurdes
prendront bientôt la forme d'une armée de li-bération et porteront des
coups plus sévères à l'Etat.
D'un autre côté, après l'évasion spectaculaire des
18 militants du TIKKO de la prison militaire Metris, le porte-parole du
TKP/ML, A. H. Celik a tenu une confé-rence de presse à Bruxelles le 29
mars 1988 et a déclaré que cet événement marquerait un tournant dans la
guerre de guérilla menée par les militants du TIKKO. Il a annoncé que
dans les mois à venir, leurs forces de gué-rilla mèneraient une série
d'opérations militaires tant dans le Kurdistan turc que dans des grands
villes telles qu'Istanbul, et prendraient pour cible les centres du
terrorisme d'Etat ainsi que certaines figures importantes, civiles et
militaries du régime.
GREVES DE LA FAIM DANS LES PRISONS
En dépit des promeses du gouverement d'améliorer les
conditions d'emprisonnement, les pratiques inhumaines continuent
toujours et poussent des centaines de prisonniers politiques à de
nouvelles actions.
De nombreux prisonniers politiques de la prison
militaire de Diyarakir ont été transférés dans les prisons civiles de
Sanliurfa et de Gaziantep. Etant donné que les conditions de vie dans
ces prisons sont pires que dans la première, les détenus qui restent à
Diyarbakir ont entamé un nouvelle grève de la faim le 3 mars 1988.
Dans le cours du mois de mars, des centaines de
prisonnier politiques dans les prisons de Buca (Izmir), Sagmalcilar
(Istanbul) et Adana ont commencé une grève de la faim et leurs parents
se sont joints à leurs actions devant des prisons.
L'action de protestation de 27 détenus de la prison
de Buca s'est transformée en un soulèvement violent à cause de
l'incompréhension de l'administration pénitentiaire. La police a mis en
détention 74 proches des détenus qui protestaient contre la brutalité
exercée à l'encontre des prisonniers.
AI: "TURQUIE: LA TORTURE CONTINUE"
Amnesty International Newsletter, dans son numéro
d'avril 1988, rapporte qu'en dépit du fait que le gouvernement d'Ankara
a signé les conventions de l'Europe et des Nations unies contre la
torture au début ce cette année, la torture continue d'être pratiquée
en Turquie.
Nous résumons ci-dessous l'article intitulé
"Turquie: la torture continue":
"Dans les cinq semaines suivant la signature par la
Turquie des conventions contre la torture, AI a appelé le gouvernement
à quatre reprises à enquêter sur les allégations d'après lesquelles des
détenus étaient torturés. L'un d'entre eux était Baba Erdogan, qui a
été détenu par la police à Istanbul pendant 22 jours sans pou-voir
contacter un avocat ou sa famille. Après son transfert en prison le 12
février il a dit qu'il avait été sévèrement torturé, de même que huit
autres détenus.
"Abdullah (Ahmet) Ekinci, âgé de 50 ans, en faveur
de qui AI avait lancé un appel au gouvernement turc en janvier, disait
en février qu'il avait été torturé pendant 23 jours par des moyens
divers, dont les chocs électri-ques, les passages à tabac, le
déshabillage, l'enfermé-ment dans une petite cage et les brûlures de
cigarettes.
"AI a demandé à plusieurs reprises au
gouvernement turc de mettre en application les mesures légales
existantes qui pourraient protéger les détenus contre la torture; en
particulier celle qui concerne les contacts des détenus avec les
avocats et la famille dès le début. Il a aussi demandé au gouvernement
d'instituer des enquêtes indépendantes sur toutes les allégations."
HELSINKI WATCH: DETRUIRE L'IDENTITE ETHNIQUE
Le comité U.S. Helsinki Watch a publié, en
mars 1988, un rapport spécial sur l'oppression des Kurdes en Turquie,
basé en grande partie sur les informations réunies au cours d'une
mission en juin 1987.
Nous reproduisons ci-dessous certaines parties de ce
rapport concernant la "destruction de l'identité ethnique".
"Cette année, pour la première fois, la presse
turque a rendu compte de façon effective de l'existence de Kur-des en
Turquie. Et l'armée turque, en vue d'améliorer ses services de
renseignement dans le sud-est, y a envoyé des unités spéciales de
commandos turcs entraînés à parler et à lire la langue kurde interdite:
l'usage du kur-de a beau être illégal en Turquie, c'est la seule langue
connue dans de nombreuses régions de l'est.
"Le gouvernement turc, tardivement, investit une
quantité importante de fonds publics dans la Turquie orientale.
L'électricité, le téléphone et d'autre services sont progressivement
apportés à certains des villages et un important projet d'irrigation,
connu sous le nom d'Atatürk Dam, va, d'après le gouvernement, pouvoir
transformer une grande partie de la région. Mais les effets de ces
mesures ne sont pas encore apparents en gé-néral. L'analphabétisme et
le chômage sont des problè-mes majeurs dans l'est, et les villes et les
campagnes sont négligées économiquement. Les Kurdes de la Turquie
orientale se plaignent fréquemment d'être traités comme des citoyens de
seconde classe.
"La question de l'identité kurde est compliquée. Les
dirigeants du gouvernement turc affirment qu'il n'y a pas de
discrimination à l'encontre des Turcs d'origine kurde, faisant
référence à des Kurdes qui ont fait partie du gouvernement ou du
parlement. Et, de fait, les Kur-des qui se considèrent eux-mêmes avant
tout comme Turcs paraissent être acceptés comme tels. Ce sont les
Kurdes fortement attachés à leur identité kurde qui posent des
problèmes. Des siècles de mariages mixtes et d'assimilation ont
également compliqué le caractère ethnique kurde, à la fois en ce qui
concerne l'apparence physique et le sens de l'identité.
"L'interdiction des spécificités kurdes est
appliquée sélectivement en Turquie, ayant pour résultat des règles non
écrites qui semblent souvent incompréhensibles pour un observateur
extérieur. Certains des arts natifs des kurdes par exemple, ont été
inclus dans les présentations officielles de la culture nationale
turque. Les danses kurdes font partie de spectacles de danses
folkloriques nationales; elles ne sont pas identifiées com-me kurdes,
cependant, mais comme venant d'une région particulière. Un marchand de
tapis d'Istanbul, d'autre part, affirme volontiers spontanément que ses
kilims sont fait par des Kurdes, "un peuple tribal qui vit dans les
montagnes lointaines de l'est anatolien." Certains des marchands de
tapis d'Istanbul sont eux-mêmes des Kurdes qui font la navette entre
Istanbul et leur village natif de l'est, achetant l'artisanat local
pour le vendre dans les magasins de la ville.
"L'art qui traite de façon réaliste des problèmes
sociaux et économiques des Kurdes est strictement interdit. Le
réalisateur Yilmaz Güney, dont le film obsédant, Yol, datant d'il y a
quelques années, décrit l'âpreté et la beauté de la vie kurde, a passé
des années en prison puis en exil, et est mort prématurément à Paris en
1984.
"Vous pouvez dire que quelqu'un est d'origine kurde,
mais vous ne pouvez pas parler d'une minorité kurde,", nous a dit un
membre bien connu du parlement turc, expliquant la position officielle
du gouvernement. Ensuite, quelque peu nerveusement, il nous a demandé
de ne pas citer son nom. Il connaissait, bien sur, le cas de Serafettin
Elci, ex-membre du parlement, qui avait été condamné à plus de deux
années de travaux forcés en 1981 pour avoir déclaré sur la tribune du
parlement, "Je suis kurde. Il y a des Kurdes en Turquie."
Il savait aussi qu'au début de l'année passée
un membre de son parti avait été exclu de son poste dans le parti et
porté devant un comité disciplinaire, à cause du fait qu'il avait
proposé au cours d'un forum ouvert que la plate-forme du parti soit
imprimée en kurde en même temps qu'en turc. Beaucoup des membres du
par-lement turc actuel défendent courageusement les droits des citoyens
qui ont été battus, arrêtés ou torturés. Mais ils n'ont jamais
mentionné ce que tout le monde sait de tout façon, à savoir que ces
gens ont été maltraités parce qu'il sont Kurdes.
"Dans l'est de la Turquie, où les Kurdes
prédominent, les contradictions abondent. Le kurde est ouvertement
parlé dans les rues, en dépit de la proscription officielle. Mais son
usage est strictement interdit dans les bureaux du gouvernement, ainsi
que dans les tribunaux et les prisons. Une loi de 1983 a interdit les
pu-blications dans d'autres langues que le turc. Dans les villages, les
autorités tolèrent souvent la célébration de mariages au cours desquels
les costumes, la musique et les danses kurdes sont la coutume, mais on
rapporte par ailleurs que des gens ont été arrêtés rien que parce
qu'ils possédaient des cassettes de musique kurde."
Après avoir détaillé différents aspects de la
répression dans le Kurdistan turc, le comité U.S. Helsinki Watch
recommande que le gouvernement turc:
"- reconnaisse l'existence des Kurdes et leur
garantisse les droits civils et politiques détenus par les autres Turcs;
"- mette fin aux restrictions qui privent les Kurdes
de leur identité ethnique; permette l'usage de la langue, de la musique
et des danses kurdes et la célébration de cérémonies kurdes; permette
l'usage des nom kurdes; permette l'emploi de la langue kurde par les
prisonniers, les visiteurs et les avocats dans les prisons et les
centres de détention;
"- permette la constitution d'associations kurdes et
la publication de livres et de périodiques en kurde;
"- mette sur pied une commission parlementaire afin
d'enquêter sur les problèmes de la minorité kurde et de recommander des
mesures pour améliorer la situation;
"- abolisse le système des protecteurs de village;
"- prenne des mesures pour protéger la population
ci-vile dans les régions où ont lieu les actions de guérilla;
"- punissent de façon appropriée les abus et
humiliations de civils par les forces de sécurité ou les autres forces
militaires;
"- mette fin au harcèlement des réfugiés kurdes à
l'étranger, par exemple en permettant que des noms kurdes soient donnés
aux enfants, et que le kurde soit indiqué, où c'est demandé, comme la
langue maternelle d'une personne.
"- mette fin aux efforts ayant pour but de déplacer
les civils de régions troublées sauf dans le cas où leurs vies sont en
danger, et dans ce cas seulement en accord avec le Protocole II des
Conventions de Genève de 1949.
"Nous restons préoccupés par les abus grossiers des
droits de l'homme en Turquie, spécialement en ce qui concerne l'usage
de la torture, la continuation des pratiques d'incarcération
prisonniers politiques par mil-liers, et les conditions
d'emprisonnement exécrables. Nous déplorons le fait que restent en
vigueur les législations répressives en Turquie, qui ne fournissent
aucune protection légale, même pour les droits actuellement reconnus
pour les citoyens turcs.
ACTIVISTES CHRETIENS ARRETES
Un groupe de 30 Turcs qui se nomment eux-mêmes les
Mesih Inanlilari (Croyants du Christ) ont été mis en détention
policière en mars dans sept villes de Turquie, dans l'attente
d'enquêtes sur leurs activités illégales supposées.
Simultanément, 15 ressortissants chrétiens
d'Alle-magne de l'Ouest, de Grande Bretagne, des Etats Unis, de Suède
et de Corée du sud employés en Turquie ont été détenus eux aussi
pendant plusieurs jours pour interro-gatoire concernant des violations
supposées de l'article 163 du Code pénal turc qui interdit la
"subversion des principaux nationaux de sécularité dans des buts
reli-gieux."
>∏LA REUNION DES
EMIGRES POLITIQUES
SUR LA QUESTION
DU RETOUR EN TURQUIE
Les émigrés politiques qui ont quitté la Turquie
pour s'exiler en Europe occidentale après le coup d'état militaire de
1980 ont tenu leur première réunion à Cologne le 20 mars 1988,
dans le but de discuter des problèmes relatifs à leur retour éventuel
au pays.
Certains réfugiés politiques, considérant le
climat politique comme suffisamment favorable, ont déjà
rendu publique leur intention de retourner en Turquie même sans
l'obtention de garanties.
Deux dirigeants du Parti communiste unifié de
Turquie (TBKP), Nabi Yagci et Nihat Sargin, étaient retournés en
Turquie avec des passeports nationaux délivrés par des consulats
turcs avec la permission du gouvernement. Yagci avait
même demandé la permission d'effectuer son service militaire dans
l'armée turque après son retour.
Pourtant, ils avaient été arrêtés au moment de leur
arrivée à l'aéroport d'Ankara et doivent mainte-nant faire face à un
procès à Ankara (Voir: Persécution de deux dirigeants communistes).
Actuellement, il y a en Europe des dizaines de
milliers de réfugiés politiques en provenance de Turquie et environ
15.000 d'entre eux ont été privés de la nationalité turque par le
gouvernement. De nombreux émigrés politiques en Europe risquent de
lourdes sentences en Turquie. Ceux qui n'ont pas encore été inculpés
pourraient être accusés de voyager illégalement à l'étranger.
Beaucoup d'émigrés risquent également des peines de
prison d'au moins cinq ans pour leurs activités et déclarations à
l'étranger contre le régime turc, en vertu de l'article 140 du Code
pénal turc.
Avant le meeting de Cologne, la presse de droite
rapportait que ce serait un rassemblement des membres du TKP et de
leurs sympathisants. Pourtant, à l'ouverture du meeting, les
organisateurs réfutaient catégoriquement cette affirmation et
soulignaient que c'était une initiative d'émigrés d'opinions
philosophiques et politiques variées.
De fait, au cours du meeting rassemblant 250
réfugiés politiques parmi lesquels des écrivains, des journalistes, des
musiciens, des personnalités du spectacle et des syndicalistes, les
participants ont exprimé des points de vue différents sur la question.
Alors que certains défendaient l'idée d'un retour immédiat, d'autres
considéraient une telle action comme prématurée et disaient que les
émigrés, dans le but d'exercer une pression sur le régime, devraient
refuser de retourner avant l'obtention de la libération de tous les
prisonniers politiques et l'annulation des lois antidémocratiques.
A l'issue du meeting, les participants arrivèrent
aux conclusions ci-dessous et exprimèrent leur volonté de lutter
pour ces objectifs communs:
I. a) La réunion de solidarité et de coordination des
réfugiés politiques, en tant qu'initiative indépendante, exclut de son
champ d'actions et d'information les divergences d'opinion et les
discussions parmi les partis et groupes politiques auxquels
appartiennent les réfugiés politiques.
b) Il a été adopté comme principe d'être extrêmement
méticuleux pour que les travaux de solidarité et de coordination entre
les réfugiés politiques ne prennent pas la forme d'un soutien direct à
quelconque parti ou groupe politique ou se transforment en une
plate-forme à l'encontre de quelconque parti ou groupe politique.
c) Les travaux de solidarité et de coordination des
réfugiés politiques, prenant en considération les circonstances et les
avantages éventuels qui pourraient se produire, se basent, non sur une
formation composée de représentants de partis et groupes politiques,
mais sur une forme d'action à laquelle adhère chaque personne à titre
personnel.
d) Les travaux de solidarité et de coordination
excluent de leurs champs d'action tout commentaire, discussion ou
pratique de divers partis et groupes ou des personnes relatifs à un
retour en Turquie, et de faire quelconque évaluation commune sur de
telles discussions et pratiques. Ces travaux visent à accomplir des
fonctions en vue de faciliter le retour des réfugiés politiques en
général et de diminuer au minimum les peines et les problèmes qui
pourraient surgir du retour quelles que soient sa date et sa modalité.
II. a) Le retour à la Turquie ainsi que la situation
et les problèmes dans les pays d'accueil des réfugiés politiques, leurs
relations et celles de leurs proches avec la Turquie, de même que les
pressions auxquelles ils sont soumis sont inhérents à une même entité.
Les travaux de solidarité et de coordination ne perdent jamais de vue
cette inhérence bien qu'ils aient pour but principal de créer les
conditions favorables pour le retour à la Turquie.
b) Le retour des réfugiés politiques à la Turquie
est un processus qui peut s'étendre sur une très longue période à cause
d'une série des différences à plusieurs niveaux, notamment dans les
statuts juridiques et les états personnels des réfugiés politiques. Les
travaux de solidarité et de coordination se développeront dans une
perspective visant à assurer le retour de tous les réfugiés politiques
en Turquie.
III. a) Les problèmes des réfugiés politiques
spécifiques aux pays dans lesquels ils se trouvent actuellement ne
peuvent pas se dissocier des luttes démocratiques des pays en question.
Les problèmes relatifs à leur retour en Turquie ne se dissocient pas,
eux non plus, de la lutte pour la démocratie en général. Ils ne peuvent
se résoudre qu'en tenant en considération les nécessités de cette
entité.
b) Tous les travaux destinés à développer la
solidarité et la coordination entre les réfugiés politiques et à
faciliter le retour à la Turquie est une partie intégrante des luttes
pour les droits démocratiques et les libertés en Turquie. Il constitue
l'axe des travaux de solidarité et de coordination d'assurer que cette
intégrité soit apprise, avec toutes ses dimensions, par toutes les
institutions, formations, groupes et personnes et que les efforts
soient développés en vue de réaliser les nécessités de ces luttes.
c) La lutte visant à assurer le retour des réfugiés
politiques à la Turquie est liée profondément à la lutte en Turquie en
vue de:
1. Arrêter la torture et traduire les tortionnaires
devant la justice
2. Rendre conforme aux normes internationales la
durée de garde à vue et arrestation
3. Assurer pour les prisonniers le libre entretien
avec leurs avocats et parents
4. Arrêter toutes les poursuites et procès
politiques ayant été intentés par un pouvoir anti-démocratique
5. Mettre en liberté tous les détenus et prisonniers
politiques
6. Annuler les lois et les articles de lois
antidémocratiques, notamment ceux de la Constitution de 1982, du Code
pénal, du Code de nationalité et de la Loi relative au passeport
national
7. Arrêter les pratiques répressives particulières à
l'encontre du peuple kurde.
Il ne s'agit pas de revendications et objectifs que
les réfugiés politiques soulèvent particulièrement pour eux-mêmes.
IV. a) Il faut souligner le fait que les répressions,
particulièrement au Kurdistan de Turquie, ont amené des milliers de
personnes à quitter la Turquie et à chercher asile à l'étranger. Par
conséquent, les travaux de solidarité et de coordination devront se
développer dans une prise de conscience de la nécessité d'une
solidarité avec ces derniers toujours soumis à la pression du fait de
leur identité ethnique et appartenances religieuses. Bien qu'il existe
une différence entre cette catégorie de réfugiés et les réfugiés
politiques, cette solidarité est un devoir pour toutes les forces
démocratiques tant en Turquie qu'à l'étranger.
b) Toutes les mesures seront prises pour que les
travaux en vue de faciliter le retour des réfugiés politiques à la
Turquie ne soient pas utilisés dans les pays où se trouvent des
milliers de réfugiés politiques par les gouvernements de ces pays ou
par les milieux de droite pour développer une fausse image favorable
sur la situation politique en Turquie. Ces travaux doivent non plus pas
servir de prétexte au refus des demandes de statut de réfugiés
politiques ou au retardement des décisions relatives à ces demandes et,
en général, à la création d'une atmosphère défavorable à l'égard des
réfugiés politiques. Tout sera fait, au contraire, en vue de développer
une atmosphère de soutien, de compréhension et de sympathie pour les
réfugiés politiques.
Il a été décidé de transformer le groupe
organisateur de cette réunion en Comité de Solidarité et de
Coordination des Réfugiés Politiques, avec les cooptations et
élargissements nécessaires.
Le Comité de Solidarité et de Coordination des
Réfugiés Politique, suite à son élargissement, est composé de:
Tektas Agaoglu (écrivain), Dursun Akçam (écrivain),
Bayram Ayaz (syndicaliste), Yalcin Cerit (éditeur), Sümeyra Cakir
(musicienne), Kemal Daysal (syndicaliste), Ilkay Demir (médecine),
Melike Demirag (musicienne), Gönül Dincer (dirigeante d'organisation de
femmes), Engin Erkiner (éditeur), Bahtiyar Erkul (syndicaliste),
Gültekin Gazioglu (syndicaliste), Zeki Kilic (syndicaliste), Zülal
Kilic (dirigeante d'organisation de femmes), Süleyman Kirteke
(syndicaliste), Dogan Özgüden (journaliste-écrivain), Demir Özlü
(écrivain-juriste), Ömer Polat (écrivain), Orhan Silier
(universitaire), Müslim Sahin (syndicaliste), Murat Tokmak
(syndicaliste), Yücel Top (juriste), Selahattin Uyar (syndicaliste),
Yücel Yesilgöz (juriste), Sanar Yurdatapan (musicien).
2
1(suite au page 4)
LA REUNION DES EMIGRES POLITIQUES SUR LA QUESTION DU RETOUR EN TURQUIE
(de la page 1)
ge
Ed.Resp: Mateo Alaluf - 24 Venelle aux Quatre Nœuds - 1150 Bruxelles -
Dep.Leg:2198
UN NOUVEAU PARTI SOCIALISTE MENACE D'INTERDICTION
Un nouveau parti socialiste, bien que créé en pleine
conformité avec les normes légales imposées par la Constitution de 1982
et le Code des partis politiques, a fait l'objet de procédures
légales deux semaines après sa fondation et tous ses fondateurs
risquent de lourdes peines de prison.
Tous les partis socialistes d'avant le coup d'état,
le Parti Ouvrier de Turquie (TIP), le Parti Ouvrier Socialiste de
Turquie (TSIP), le Parti du Travail de Turquie (TEP), le Parti de la
Révolution Socialiste (SDP), le Parti Socialiste de la Mère
Patrie (SVP) et le Parti Ouvrier et Paysan de Turquie
(TIKP) avaient été mis hors la loi en 1980 et définitivement
supprimés en même temps que d'autres partis politiques en 1981.
Cependant, certains leaders de ces partis qui ont pu
fuir la Turquie après le coup d'état militaire ont continué de mener
leurs activités politiques à l'étranger au nom de ces partis.
Le TSIP, le SVP et TEP sont toujours actifs à
l'étranger en tant que partis politiques indépendants.
Les dirigeants émigrés du TIP ont décidé de mettre
un terme à l'indépendance de leur parti et de fusionner au Parti
Communiste de Turquie (TKP), attaché à la ligne pro-soviétique et
hors-la-loi en Turquie depuis plus de 60 ans.
La tentative des dirigeants émigrés du TKP et du TIP
pour fonder un parti légal en Turquie sous le nom de Parti
Communiste Unifié de Turquie (TBKP) en octobre 1987 a eu pour résultat
l'arrestation de leurs deux principaux leaders et le gouvernement a
annoncé que le temps n'était pas venu pour un parti communiste légal.
Quant au SDP, proche de l'eurocommunisme, et le
TIKP, attaché à la ligne pro-chinoise, leurs leaders qui n'ont pas fui
la Turquie ont pris une intiative après les élections législatives de
1983 en vue de fonder un nouveau parti socialiste qui unirait tous les
socialistes de Turquie sous la même bannière.
Mais une série de meetings communs ont prouvé que
les divergences idéologiques et politiques existaient toujours et que
le rassemblement de tous les socialistes était encore très difficile.
Suite à cela, 84 anciens dirigeants et sympathisants du TIKP défunt ont
mis sur pied le Parti Socialiste (SP) à Ankara, et ont présenté les
statuts et le programme du parti au Ministère de l'Intérieur le 1er
février 1988.
Bien que les porte-paroles des trois partis
politiques représentés à l'Assemblée nationale aient affirmé que la
fondation d'un parti socialiste était une nouvelle étape dans le
processus de démocratisation, deux semaines plus tard, le 15 février
1988, le procureur de la République a demandé à la Cour
constitutionnelle de dissoudre le nouveau parti sous prétexte que ses
statuts ont comme but d'établir en Turquie un régime basé sur la
domination de la classe ouvrière.
Si la Cour constitutionnelle dissout le SP sur base
de cette plainte, tous les fondateurs du parti pourront être frappés
d'une peine de prison allant jusqu'à 20 ans en vertu de l'article 141
du Code pénal turc.
PERSECUTION DE DEUX DIRIGEANTS COMMUNISTES
Le procureur de la Cour de la sûreté de l'Etat à
Ankara a demandé des peines de prison maximales totalisant quelques 550
années pour les deux dirigeants du Parti communiste unifié de Turquie
(TBKP), Nabi Yagci et Nihat Sargin, après les avoir inculpés de charges
allant de la direction d'organisations illégales aux insultes au
Président de la République.
Le procureur a inculpé Yagci et Sargin pour avoir
violé sept articles du Code pénal turc.
Les activités de Yagci et Sargin en Europe tombent
sous le coup de l'article 140 du Code pénal d'après lequel toute
publication ou déclaration faite à l'étranger qui critique le régime
est une offense contre l'Etat punissable de peines de prison d'au moins
cinq ans. Les deux dirigeants de parti sont accusés d'avoir violé cet
article 17 et 19 fois respectivement.
La principale charge contre eux est la mise sur pied
et la direction d'organisations illégales cherchant à renverser le
régime établi en Turquie en faveur d'une dictature de la classe
ouvrière, définie dans l'article 141 du Code pénal.
Yagci est accusé 15 fois et Sargin 13 fois d'avoir
violé l'article 142 qui traite de la propagande communiste.
Le total minimum possible des peines demandées
par le procureur se monte à environ 66,5 ans pour chacun.
Il y a 13 autres inculpés dans le procès qui ne sont
pas sous arrestation. Le procureur demande des sentences allant de un à
12 ans pour les treize, parmi lesquels se trouvent les deux avocats de
Yagci et Sargin.
Les lourdes peines demandées par le procureur à
l'encontre des deux dirigeants communistes ont provoqué des réactions
en Europe occidentale ainsi que dans des pays socialistes.
A Bruxelles Jef Ulburghs, un membre belge du
Parlement européen, a organisé un conférence de presse, avec à ses
côtés les femmes de Yagci et Sargin qui vivent toujours en exil, en
protestation contre la persécution des deux hommes en Turquie.
v
LE SCENARIO DE KIRKUK A NOUVEAU AU PROGRAMME
Alors que le monde entier protestait contre
l'utilisation des armes chimiques par l'armée irakienne sur des régions
civiles occupées par les troupes iraniennes et kurdes, le premier turc
Özal a été le premier chef de gouvernement à visiter la capitale
irakienne. Les autorités iraniennes et les dirigeants kurdes ont tous
deux accusé Özal de collaboration avec un criminel de guerre.
Avant cette visite, à la fin du mois de mars 1988,
un grand débat national avait été lancé en Turquie pour savoir si
Ankara devait intervenir militairement à Kirkuk et Mosoul en cas de
défaite Irakienne dans sa guerre avec l'Iran.
Certains milieux politiques et diplomatiques
proclament que la Turquie a le droit d'intervenir dans la région quand
le status quo établi par le Traité de Lausanne de 1922 est mis en
danger. Ils affirment qu'un contrôle conjoint kurdo-iranien sur le
pipeline pétrolier turco-irakien compromettrait un tiers de
l'approvisionnement en pétrole de la Turquie.
Le principal parti d'opposition, le SHP
social-démocrate a déclaré sa ferme opposition à toute aventure
militaire dans la région sous quelque prétexte que ce soit.
Alors qu'Özal et sa délégation volaient vers
Baghdad, les militaires turcs commençaient à déployer des unités de
commando le long de la frontière avec l'Irak. Des convois de commandos
en uniforme de combat ont été transportés de leurs bases dans la
Turquie occidentale et centrale vers les régions frontalières.
Au cours de la visite, le chef Irakien Saddam
Hussein a essayé de dissiper les craintes d'Ankara au sujet d'une prise
de contrôle kurde sur les régions riches en pétrole de Kirkuk et
Mosoul. Il a affirmé que la région était sous le contrôle de Baghdad et
que l'établissement d'un état kurde indépendant dans le nord de l'Irak
était hors de question.
Après les pourparlers, Özal a dit: "Je déclare
publiquement que notre intervention dans cette région est complètement
hors de question quels que soient les événements."
Özal a décrit les mouvements de troupes turcs comme
des changement saisonniers de routine.
Néanmoins, quelques jours plus tard, des patrouilles
aériennes, des jets de la force aérienne turque, ont commencé dans les
régions frontalières, pour la première fois depuis les huit années de
guerre entre l'Iran et l'Irak. La Turquie a également fermé son espace
aérien dans le sud-est aux vols militaires d'avions iraniens et
irakiens sous prétexte que le principal poste frontalier avec l'Irak,
Habur, a été bombardé par un avion de la force aérienne iranienne.
EXPORTATION TURQUE D'EAU VERS LE MONDE ARABE
On s'attend à ce qu'une délégation de haut niveau
visite prochainement les pays arabes afin d'avoir des entretiens sur le
projet de "Eau pour la Paix" qui doit fournir de l'eau à la péninsule
arabique à travers des pipelines géants depuis la Turquie.
D'après le plan initial du gouvernement, deux
pipelines transporteront l'eau des rivières de Seyhan et Ceyhan dans la
Turquie du sud-est vers la Jordanie et l'Arabie Saoudite, à
travers la Syrie et le Liban.
Le plan gigantesque doit coûter dans les 10
milliards de dollars aux cours actuels et créer des emplois pour plus
de 50.000 personnes dans les pays qui y participeront.
Les partis d'opposition appellent ce projet un des
"rêves" du premier ministre Özal.