HYPOCRISIE!
Alors que le régime
d'Ankara se pose en ardent défenseur des droits de la minorité turque
en Bulgarie et verse des larmes de crocodile sur son sort en Turquie:
- la
pression exercée sur les Kurdes tourne à l'extermination
- les prisonniers
politiques périssent lors de grèves de la faim
- les tribunaux
militaires prononcent encore des peines capitales.
La dictature d'Evren-Ozal, que l'opinion publique
internationale accuse depuis des années d'oppresser
impitoyablement le peuple turc, s'est soudainement transformée en
ardent défenseur des droits de l'hommes et des libertés fondamentales.
Mais ce ne sont pas les droits du peuple turc dont il est question mais
bien ceux de la minorité turque de Bulgarie.
Il est vrai que, depuis des années, près d'un
million de Turcs y subissent une répression nationale. Le gouvernement
bulgare les force à changer de nom et les prive du droit de communiquer
dans leur langue maternelle et de développer leur propre culture. Il ne
fait aucun doute que les autorités bulgares méritent les plus sévères
remontrances de la part de tous les défenseurs des droits de l'homme,
et ce en raison de telles pratiques, contraires aux conventions
internationales et aux principes du socialisme. De fait, toutes le
forces politiques de Turquie, y compris les organisations communistes
pro-soviétiques, ont condamné Sofia pour l'oppression exercée sur la
minorité turque en Bulgarie.
Quant au régime d'Ankara, il se couvre de ridicule
en voulant se faire le défenseur des droits de l'homme en Bulgarie.
En effet, même en ne tenant pas compte de la
répression qu'il exerce depuis près de 9 ans, les événements tragiques
survenus cet été suffisent à démontrer le caractère despotique du
régime turc.
- Alors qu'Evren et Ozal s'apitoyaient sur le sort des Turcs de
Bulgarie, les forces gouvernementales menaient une véritable opération
d'extermination contre les Kurdes du Kurdistan turc.
- Les traitements inhumains dont sont victimes des
milliers de détenus et de prisonniers politiques dans les prisons
turques étant devenus réellement intolérables qu'ils n'ont eu d'autre
alternative que d'entamer une grève de la faim. La réaction brutale du
gouvernement a entraîné la mort de deux détenus politiques: c'était un
meurtre prémédité perpétré sur les ordres des dirigeants d'Ankara.
- Des milliers de détenus politiques, qui sont
maintenus en détention alors qu'aucune preuve tangible n'existe contre
eux, passent toujours en jugement devant des tribunaux militaires alors
que la loi martiale a été levée dans tout le territoire. Récemment, un
tribunal militaire d'Ankara a condamné à mort 7 prisonniers politiques
et 39 autres à la prison à perpétuité.
Ces récents événements démontrent que la place de la
Turquie dans les arènes humanitaires internationales se trouve dans le
box des pays accusés de violer les droits de l'homme et non auprès du
procureur.
DECES DE GREVISTES DE LA FAIM DANS LES PRISONS
Suite au décès de deux grévistes à la prison
d'Aydin, le mouvement de protestation contre les traitements inhumains
auxquels les prisonniers politiques sont soumis en Turquie, a pris une
ampleur considérable.
Au moment où est rédigé cet article, près de 2.000
prisonniers politiques mènent une grève de la faim à travers toute la
Turquie, la vie de 70 d'entre eux est menacée.
C'est la première fois que toutes les forces de
l'opposition sont engagées dans différentes actions ayant pour but de
forcer le gouvernement turc à mettre fin aux pratiques répressives dans
les prisons et d'obtenir la proclamation d'une amnistie générale.
Cependant, le premier ministre Ozal ne tenant aucun
compte des protestations, a déclaré: "Si les grévistes refusent d'être
soignés et ce malgré tous nos efforts, laissez-les mourir! Que
pouvons-nous faire d'autre?"
La mort des deux grévistes, Mehmet Yalçinkaya et
Hüseyin Hüsnü Eroglu, est intervenue les 2 août dernier à la prison
d'Aydin après que 280 prisonniers aient été transférés de la prison
d'Eskisehir à celles de Nazilli et d'Aydin.
Yalçinkaya et Eroglu, ainsi que leurs camarades,
avaient déjà défailli de faim avant leur transfert et n'étaient pas en
état d'être transportés en voiture sur une distance de 300 km.
Après l'annonce de leur mort, dans un premier temps,
les autorités pénitentiaires ont déclaré qu'ils avaient succombé lors
d'un affrontement entre prisonniers politiques et les gardes. Mais,
dans un second temps, elles se sont contredites d'elles-mêmes en
admettant qu'ils avaient succombé après 35 jours de jeune.
Quelqu'en soient les causes, pour les parents et les
avocats des victimes, ces morts sont des meurtres prémédités commis par
le ministre de la justice et les autorités pénitentiaires.
Après que la grève de la faim ait été entamée, les
pressions sur les détenus politiques de la prison d'Eskisehir sont
allées en augmentant. Les autorités pénitentiaires ont utilisé la
découverte de deux tunnels à l'intérieur de la prison comme prétexte
pour prendre des mesure coercitives. On a interdit à tous les détenus
de correspondre avec leur famille et de recevoir des colis de
l'extérieur. Des parents de détenus ont déclaré avoir été battus par
des gardes alors qu'ils essayaient de leur rendre visite.
Le 20 juillet dernier, en guise de protestation
contre ces mesures répressives, 280 personnes ont menacé de s'immoler
par le feu si les droits des prisonniers n'étaient pas respectés.
Le 27 juillet, l'Association de Solidarité avec les
Familles de Prisonniers (TAYAD) a annoncé que les détenus politiques de
la prison d'Ankara ont également subi des mesures coercitives sous
prétexte de la découverte d'un nouveau tunnel.
Le 2 août dernier, les prisonniers ont été évacués
de la prison d'Eskisehir et envoyés dans les prisons de Nazilli et
d'Aydin suivant les instructions du ministère de la Justice. Ces deux
prisons sont déjà bien connues pour les mauvais traitements qu'on y
inflige aux prisonniers. Ainsi, les détenues y organisent très souvent
des actions de protestation.
Le transfert des prisonniers et la mort de deux
d'entre eux ont provoqué une série de protestations. Les familles de
détenus ont organisé une manifestation devant le ministère de la
Justice. La police a arrêté cinq personnes.
Le même sort a été réservé à des parents de
prisonniers qui manifestaient devant les prisons de Eskisehir, Aydin et
Nazilli. Plus tard, l'état d'urgence a été décrété dans la ville de
Aydin et tous les contacts entre les prisonniers, leurs avocats et
leurs familles ont été interrompus.
Les conditions de vie dans les prisons turques
étaient déjà au-dessous des normes internationales. Les règlements
entrés en vigueur il y a un an: le 1er août 1988, devaient encore
restreindre un peu plus les droits des prisonniers. Ces mesures, telles
que couper les cheveux imposer un uniformes carcéral ou restreindre des
visites des parents, ont provoqué des mouvements de protestation aussi
bien dans les prisons qu'à l'extérieur.
Ainsi, le 16 juillet dernier, à Istanbul, la police
a utilisé des matraques pour disperser des parents de détenus qui
manifestaient devant la prison de Bayrampasa, plusieurs personnes ont
été blessés et 5 autres ont été arrêtées par la police. Deux
journalistes ont également été blessés durant l'affrontement et leurs
caméras ont été détruites par les policiers. Les troubles se sont
prolongés à l'extérieur de la prison lorsque des manifestants ont été
battus et embarqués par la police.
Les prisonniers protestaient également contre le
fait que certains d'entre eux sont incarcérés depuis huit ans sans
avoir jamais été condamnés! Leurs procès sont toujours en cours et
conduits par des tribunaux militaires et ce, malgré la levée de la loi
martiale. Des milliers de détenus ont été acquittés ou condamnés à des
peines de prison de quelques mois après avoir passé leur jeunesse en
prison. Le verdict du procès des militants de Dev-Yol est l'exemple le
plus récent de la justice intolérable pratiquée en Turquie (voir: 7
peines capitale pour Dev-Yol).
Pour échapper à cette injustice, les prisonniers
politiques tentent souvent de s'échapper quitte à mettre leur vie en
danger. Selon le numéro du 31 juillet 1989 du quotidien Hürriyet,
3.824 prisonniers politiques se sont échappés depuis le coup d'Etat du
12 septembre 1980.
Les grévistes qui ont été transferés de la prison
d'Eskisehir à celle de Aydin, ont mené leur action malgré les pressions
dont ils ont fait l'objet. Le 17 août dernier, 50ème jour de leur
action, au moins 70 d'entre eux étaient mourants.
Tandis que le nombre de prisonniers qui joignaient
leur action par solidarité, ne cessait de croître: ainsi près de 2.000
détenus ont entamé récemment une grève de la faim dans les prisons de
Bayrampasa (Istanbul), Mamak (Ankara), Bartin, Bursa, Diyarbakir,
Kahramanmaras, Iskenderun, Siirt, Malatya, Adana, Erzincan, Canakkale,
Aydin, Buca (Izmir), Urfa, Ergani, Ceyhan, Amasya et Gaziantep.
SEPT PEINES CAPITALES POUR DEV-YOL
Le 19 juillet dernier s'est terminé l'un des procès
politiques de masse, qui avait commencé en 1982, par sept peines
capitales et 39 peines de prison à perpétuité.
Au total 723 prévenus ont comparu devant le tribunal
militaire, ils étaient tous accusés d'appartenir à l'organisation de
gauche DEV-YOL (la Voie révolutionnaire), elle même accusée de violence
politique dans le but de renverser l'ordre politique et social en place.
La Cour militaire a prononcé des peines de prison
pour 346 prévenus allant de 2 ans et 9 mois à 20 ans; 177 prévenus ont
été acquittés tandis que 23 ont succombé lors de leur détention. Quant
aux autres prévenus, les charges retenues contre eux ont été
abandonnées pour diverses raisons de procédure.
Toutes ces sentences sont en instance d'appel.
Il y avait 49 prévenus présents à l'audience finale,
tous en état d'arrestation. Les autres avaient été relâchés durant le
procès car la durée de la peine de prison qu'ils risquaient
n'outrepasserait certainement pas la durée de leur détention provisoire.
Après avoir écouté le verdict, les détenus ont formé
une chaîne en se tenant par la main et ont chanté des chants
révolutionnaires. Dans leur défense, les prévenus ont soutenu qu'ils
avaient été mis en accusation sur base de confessions qu'on leur avait
arrachées sous la torture et qu'on les avait obligés, en utilisant les
mêmes moyens, à confesser près de 121 actes criminels.
DEV-YOL a dénoncé la mort de quatre prévenus
survenue en prison, suite aux tortures qu'on leur a infligées.
Dès avant la lecture du verdict, Oguzhan Muftuoglu,
un dirigeant de Dev-Yol, avait annoncé que l'organisation ne
considérerait pas la sentence comme légale. Il a affirmé "tout au long
de ce procès, nous n'avons pas cessé de dire que ce tribunal n'était
pas compétent pour nous juger. Nous avons demandé que les membres de
l'organisation soient traduits devant des juridictions civiles. Et
malgré nos demandes répétées, vous avez insisté pour rendre un verdict.
Votre verdict est dépourvu de toute base légale ou constitutionnelle.
Il est illégal".
Le porte-parole du groupe a déclaré que le tribunal
militaire viole la constitution et les lois en continuant à juger des
gens alors que la loi martiale a été levée.
L'autre raison pour laquelle le verdict est contesté
réside dans le fait que le tribunal militaire se emploie double
standard lorsqu'il s'occupe de procès politiques.
Les prévenus appartenant à DEV-YOL ont été condamnés
sur base de l'article 146 du code pénal qui prévoit la peine capitale
et des lourdes peines de prison pour les coupables de "crimes contre
l'Etat". Selon la constitution de 1982, les personnes ayant été
condamnées sur base de l'article 146 ne pourront jamais être graciées.
Or, les Loups Gris, militants du parti
d'extrême-droite MHP, principaux responsables de la terreur politique
qui avait précédé le coup d'Etat de 1980, ont été jugés et condamnés
sur base de l'article 313 du code pénal qui vise les "organisations
criminelles" et qu'on applique aux délits de droits commun et non aux
crimes contre l'Etat. Ainsi, ils peuvent profiter d'une éventuelle
amnistie. Déjà le chef du MHP, l'ex-colonel Turkes, ainsi que d'autres
dirigeants de l'organisation des Loups Gris, ont été relâchés et se se
sont aussitôt engagé dans la vie politique turque, alors que les
militants de gauche sont toujours en prison.
Le 10 juillet dernier, 22 avocats des prévenus de
DEV-YOL ont annoncé qu'ils allaient introduire une plainte auprès de la
Commission européenne des Droits de l'Homme pour le fait que leurs
clients ont purgé une détention provisoire de 9 ans!
EVASION DE 2 PRISONNIERS MALADES
Les pratiques inhumaines du gouvernement turc ne
transparaissent pas uniquement à travers les grèves de la faim, mais
aussi dans le cas de deux prisonniers politiques atteints de leucémie.
Hamdullah Erbil (voir Info-Türk, Juin 89) a été
relâché le 21 juin dernier, suite à une campagne internationale de
protestation. Mais le gouvernement turc s'est alors livré à un autre
type de torture: il lui a refusé le passeport dont il avait besoin pour
se rendre en RFA et y suivre un traitement. Erbil a été obligé de
quitter le pays clandestinement. Depuis le 28 juin il se trouve à
Hambourg où il est traité par un spécialiste, c'est là qu'il a demandé
l'asile politique.
Quant à l'autre détenu atteint de leucémie, Inkilap
Dal, il avait été arrêté après le coup d'Etat du 12 septembre 1980. Il
a passé cinq années dans différentes prisons. Sa santé s'était
détériorée alors qu'il se trouvait en détention à la prison d'Aydin et
les médecins avaient diagnostiqué une leucémie. Bien qu'il ait été
relâché l'année passée, on a refusé de lui délivrer un passeport pour
quitter le pays et se faire soigner à l'étranger. Actuellement, une
campagne est menée pour le sauver d'une mort certaine.
D'autre part, Abdulkadir Konuk, prisonnier politique
condamné à la peine de mort, s'est échappé d'un hôpital le 24 avril
dernier et ce, grâce à une opération couronnée de succès, organisée par
ses camarades, alors qu'il était soigné pour une maladie cardiaque.
Après avoir quitté la Turquie, il s'est rendu à Düren (RFA), y a
demandé l'asile politique et y est actuellement soigné par des médecins
allemands.
LE DOUBLE STANDARD DE LA JUSTICE
Le quotidien Cumhuriyet, dans ces numéros des 10
juin et 24 juillet 1989, a dévoilé récemment un nouveau fait scandaleux
concernant les procès politiques.
Les membres de la même organisation ont fait l'objet
de jugements contradictoires prononcés par des cours différentes. Ceux
qui ont été jugés par des tribunaux militaires ont été condamnés à de
lourdes peines de prisons alors que ceux qui ont comparu devant des
juridictions civiles, après que la loi martiale ait été levée ont été
acquittés récemment ou simplement relâchés faute de preuve suffisantes.
Les exemples les plus frappants de cette injustice
sont les procès intentés contre des membres de la Confédération des
syndicats progressistes de Turquie (DISK) ainsi que de l'Unions des
enseignants de Turquie (TOB-DER).
Après le coup d'Etat de 1980, les autorités de la
loi martiale ont accusé la DISK d'activités subversives et ont sommé
tous ses dirigeants de se rendre aux autorités. Des 1.477 dirigeants de
la DISK qui se sont rendus, 264 ont été condamnés par une cour
militaire à des peines de prison allant jusqu'à 10 ans et ont passé des
années en prison.
Mais d'autres dirigeants de la DISK ne se sont pas
rendus et sont partis à l'étranger. Après la levée de la loi martiale,
495 d'entre-eux se sont rendus aux autorités civiles. Le Procureur de
Bakirkoy (Istanbul), chargé du dossier, à déclaré, à la fin de son
enquête, que l'accusation portée contre 495 dirigeants du DISK était
sans fondement et les a tous fait relâcher. Cette décision rendu par
une autorité civile prouve que les 264 autres dirigeants de la DISK,
qui ont été condamnés par des juridictions de la loi martiale, l'ont
été sans preuve et sont les victimes depuis de années, de l'injustice
militaire.
La même injustice a été observée lors du procès des
officiels du TOB-DER.
Après le coup d'Etat militaire, 49 enseignants
avaient été arrêtés pour avoir fait partie de la direction du TOB-DER
et avaient été condamnés à des peines de prison allant jusqu'à 9 ans
par une cour militaire d'Ankara.
Récemment, un groupe de 20 professeurs, dont 17
avaient quitté la Turquie, ont été jugés par un tribunal civil d'Ankara
pour les mêmes fait, à savoir: les activités poursuivies par le TOB-DER
avant le coup d'Etat. Bien qu'ils étaient accusés des mêmes crimes, ils
ont tous été acquittés par la cour criminelle n°2 d'Ankara qui n'a
réuni aucune preuve contre eux. Parmi eux se trouvent le président du
TOB-DER: Gultekin Gazioglu, son secrétaire général: Mustafa Tuzun ainsi
que son trésorier: Ismet Ozdemir.
De plus, les deux organisations avaient été
dissoutes par des cours militaires sous prétexte que leur leaders
étaient impliqués dans des crimes contre l'Etat. Mais la décision des
juridictions civiles prouve que ces sanctions étaient également sans
fondement.
Les avocats des membres de la DISK et du TOB-DER ont
décidé d'essayer d'obtenir l'annulation du jugement prononcé contre les
dirigeants de ces deux organisations ainsi que la réouverture de ces
dernières.
UN NOUVEAU TRIBUNAL D'EXCEPTION
Le 22 juin dernier, le terrorisme d'Etat a connu une
nouvelle escalade: une seconde Cour de Sûreté de l'Etat a été ouverte à
Istanbul. De plus, le 14 juin, l'Assemblée Nationale votait une
prolongation de l'état d'urgence de quatre mois dans huit provinces
orientales et ce à dater du 19 juillet 1989.
En 1984, huit cours de Sûreté de l'Etat ont été mise
sur pied à Istanbul, Ankara, Diyarbakir, Erzincan, Izmir, Kayseri,
Konya et Malatya, 128 juges et procureurs, dont des militaires, ainsi
que 414 cadres administratifs sont chargés de les faire fonctionner.
Elles s'occupent des affaires ayant trait à la sûreté de l'Etat et qui
se sont déroulées après la levée de la loi martiale. Les actes qui ont
été commis antérieurement à cette levée sont toujours par des cours
martiales.
La 1ère Cour de Sûreté de l'Etat d'Istanbul a très
vite été débordée par les cas de centaines d'opposants au régime.
La 2de Cour de Sûreté de l'Etat d'Istanbul a
commencé par traiter le procès contre 129 personnes accusées d'avoir
célébré le 1er mai sans y avoir été autorisées préalablement.
Parmi les premiers prévenus traduits devant cette
cour se trouve O.B., un adolescent de 14 ans.
INCULPATION DES DIRIGEANTS DE L'IHD
Les leaders de l'Association des droits de l'Homme
de Turquie (IHD) sont très souvent poursuivis et mis en accusations
pour leurs déclarations et leurs actions de défense des droits de
l'Homme.
Ainsi, le secrétaire général Akin Birdal risque une
peine de 6 ans de prison pour avoir insulté le système judiciaire et
parlementaire turc lors d'un discours qu'il a prononcé à l'occasion
d'une manifestation le 27 novembre 1988.
De plus, le 9 juin dernier, le procureur de la Cour
de Sûreté de l'Etat d'Ankara a ouvert une autre enquête au sujet des
entretiens de Birdal et de trois autres dirigeants de l'IHD: Mehmet
Tali Ongoren, Yavuz Onen et Bulent Tanor avec des membres de la
Commission européenne des droits de l'Homme qui se sont déroulés à
Paris, le 10 mars 1989.
Le même jour, à Istanbul, le procureur public a
également ordonné une enquête sur Birdal, Emil Galip Sandalci
(président de la section d'Istanbul de l'IHD), Murat Celikkan et Esra
Koc pour les discours qu'ils ont prononcés lors d'une réunion à
Istanbul en février 1989.
Le 28 juin, sept dirigeants de la branche d'Antalya
de l'IHD ont fait l'objet d'une enquête pour avoir organisé un concert
du chanteur populaire Rahmi Saltuk en mai 1989.
Le même jour, le docteur Alparslan Berktay,
président de la branche d'Izmir, a été mis en accusation pour ses
déclarations contre la torture en Turquie.
Le 8 juillet, 14 activistes de droits de l'homme
dont Emil Galip Sandalci (président de la branche d'Istanbul de l'IHD)
et Mustafa Eryuksel (président de l'Association pour la solidarité avec
les familles des prisonniers: TAYAD) ont été accusés par le procureur
de la République d'avoir publié un communiqué sans l'autorisation
préalable des autorités locales. Ils risquent tous les deux, une peine
de prison allant jusqu'à 6 mois.
Le 18 juillet, la branche d'Eskisehir de l'IHD a été
fermée par les autorités sous prétexte de la découverte de publications
interdites dans ses locaux.
INTENSIFICATION DU TERRORISME D'ETAT DANS LE KURDISTAN TURC
Pendant que les dirigeants d'Ankara se préoccupent
de la répression à l'encontre de la minorité turque en Bulgarie, dans
leur propre pays, l'armée turque a intensifié sa campagne de terreur
menée contre la population kurde.
Malgré cela, au plus la répression s'intensifie, au
plus l'implantation de la guérilla kurde au sein de la population
locale se fortifie. Grâce à ce support populaire, la guérilla kurde a
porté de rudes coups aux forces de sécurité aux alentours de Eruh,
Sirnak et Cudi. Les Kurdes appelent cette région le "Botan" et les
membre de la guérilla du Parti Ouvrier du Kurdistan (PKK) s'y
battent depuis des années dans le but de créer un "territoire kurde
libéré".
Le quotidien Tercüman du 7 août 1989 rapporte
que sur une période de 5 ans, allant du 15 août 1984 au 19 juillet
1989, les affrontements armés ont causé la mort de 1.259 personnes dont
300 membres des forces de sécurité, 419 militants kurdes et 540 civils.
Mais les chiffres publiés du côté kurde sont nettement plus élevés que
ces officiels.
Le 16 août 1989, le Front de libération nationale du
Kurdistan (ERNK), dirigé par le PKK, a tenu une conférence de presse à
Bruxelles, à l'occasion du 5ème anniversaire du début de la guerre de
guérilla dans le Kurdistan turc. Le porte-parole du front a annoncé que
durant la dernière année, les unités de la guérilla appartenant à
l'Armée de libération populaire du Kurdistan (ARGK) ont mené 47
attaques, 17 sabotages, 17 embuscades et 7 attentats, provoquant ainsi
la mort de 797 personnes au service du gouvernement turc et en blessant
1.140. Les forces gouvernementales ont perdu deux majors, trois
capitaines, trois lieutenants, onze sous-lieutenants, un sergent, 667
soldats, 79 informateurs et gardiens de village, trois membres des
services secrets (MIT) ainsi que 14 policiers et un garde de poste
militaire.
Selon le même source, l'ARGK a perdu, durant la même
période, 37 combattants.
Le lieutenant général Hikmet Koksal, commandant du
corps local de gendarmerie, a rencontré à Siirt le 19 juillet dernier,
les dirigeants de la sécurité et les commandants militaires. Ils ont
planifié une opération à grande échelle dans les montagnes qui entoure
la ville, où les activités du PKK se sont intensifiées de façon
remarquable durant les dernières semaines.
Les forces de sécurité ayant déclaré que les
combattants du PKK se cachent dans la montagne de Cudi, elles ont
accéléré la préparation d'une vaste opération de ratissage dans la
région. Suivant le projet de cette opération, les troupes militaires
ont déjà opéré des descentes dans les villages de Balveren, Arakoy,
Gecitboyu et Bagkonak, et ont obligé 5.000 paysans kurdes à quitter
leurs villages. A cause de ces mesures, les derniers ne peuvent même
plus laisser paître leurs troupeaux et cultiver leurs champs. Ce qui
revient à le condamner à mourir de faim.
Selon certaines sources, les militaires se préparent
à utiliser des armes chimiques pour exterminer les guérillas.
Le 25 juillet dernier, un député du Parti populiste
social-démocrate (SHP), Cumhur Keskin, a déclaré lors d'une conférence
de presse que trois hommes abattus lors d'affrontements près du village
de Yoncali n'étaient pas des membres du PKK comme la radio et la
télévision turque (TRT) le prétendait, mais de simples citoyens. Il a
continué en déclarant que les trois corps avaient été brûlés dans des
meules de foin et ce, sur ordre du commandant de l'unité militaire,
uniquement dans le but de faire disparaître des preuves
compromettantes. De plus, les villageois craignent que le même sort ai
été réservé à trois autres hommes qui ont également disparus. Le muhtar
(ancien) du village, Mustafa Orhan, a déposé une plainte auprès du
procureur local.
Le député a terminé en disant: "Depuis 1984, la
sécurité des individus dans cette région a été complètement annihilée
par les forces de sécurité".
Plus tard, Erdal Inonu, leader du SHP, a envoyé une
délégation de trois hommes à Hakkari dans le but de vérifier les
allégations des villageois de Yoncali. Fikret Unlu, le porte-parole du
groupe, a déclaré que les habitants de cette région sont désespérés et
qu'il n'y a pas de solution à leurs problèmes tant qu'ils seront pris
en étau entre les forces gouvernementales et les combattants du PKK. Il
a ajouté: "Depuis le début, nous pressions le gouvernement d'agir avec
modération dans cette région, de mettre fin au système des gardes de
village et de respecter les droits de l'Homme. Les gardes de village
sont des volontaires civils et armés, ils sont entraînés et payés par
le gouvernement pour lutter contre le terrorisme mais, ils en profitent
pour oppresser les villageois. La situation est extrêmement grave dans
la région. Aucun des citoyens n'y éprouve de respect pour les forces de
sécurité".
L'AFFAIRE DES EXCREMENTS A STRASBOURG
Les avocats des habitants du village de Yesilyurt à
Mardin se sont adressés, le 26 juin dernier, à la Commission européen
des droits de l'Homme pour "l'affaire des excrément". En effet, ils ont
estimé avoir épuisé tous les recours légaux internes pour faire
traduire les officiers coupables devant une juridiction.
Les villageois ont déclaré que dans la nuit du 14
janvier, une patrouille de gendarmerie, sous les ordres du commandant
Cafer Tayyar Caglayan, a attaqué le village dans le but de retrouver
des combattants de la guérilla kurde. Pendant le raid, les hommes du
village ont été battus et forcés à ingérer des excréments humains parce
qu'ils disaient ne pas savoir où se trouvaient les membres du PKK.
Une première enquête a été menée par les inspecteurs
du ministère de l'Intérieur et une action légale avait été intentée
contre le commandant Caglayan et ses hommes. Mais, la cour a refusé de
juger des gens sur base d'un tel chef d'accusation.
A la fin du mois de juin, la cour suprême d'Ankara a
jugé que le commandant Caglayan sera traduit devant une juridiction
criminelle. Mais les charges retenues contre lui ne comprennent pas
celle d'avoir forcé les habitants de Yesilyurt à avaler des excréments.
DES REFUGIES KURDES EMPOISONNES
Le parti démocratique du Kurdistan (KDP) a déclaré
que, le 8 juin dernier, des réfugiés kurdes du camp de Kiziltepe
(Turquie) ont été empoisonnés par du pain et qu'ils souffrent toujours
de douleurs à l'estomac.
Trois membres du Comité des réfugiés du camps ont
rapporté que près de 50 réfugiés souffrent d'une paralysie partielle
qui résulte de l'ingestion de pain empoisonné au moyen d'injections de
produits chimiques nocifs.
Ils ont également dit que des médecins, parmi les
réfugiés kurdes, ont constaté que 1.200 des 1.800 miches de pain
contenaient du poison.
LES PERSECUTIONS DE CES 2 DERNIERS MOIS
Le 2 juin, à Siirt, la police a annoncé
l'arrestation de 37 personnes accusées d'avoir soutenu le PKK. Parmi
elles se trouvent des membres du parti d'opposition le plus important
en Turquie: SHP.
Le 4 juin, à Istanbul, la police a arrêté 8
militants du Parti de libération populaire/Front de Turquie (THKP/C).
Le 6 juin, à Agri, arrestation de 11 membres
présumés du PKK.
Le 11 juin, la Cour de Sûreté de l'Etat d'Ankara a
condamné 8 membres de l'organisation DEV-YOL à 8 ans de prison chacun.
Le 12 juin, à Ankara, 6 membres du Parti des Verts
(YP) ont été mis en accusation pour avoir manifesté lors de la Foire
aux armements en mai 1989.
Le 14 juin, trois membres de l'Union communiste
révolutionnaire de Turquie (TDKB) ont été condamnés à un total de 12
ans et 6 mois de prison.
le 16 juin, suite à des opérations de la police à
Adana, Icel et Antalya, 24 membres présumés du PKK ont été arrêtés.
Le 19 juin, à Istanbul, la police a arrêté deux
militants de DEV-SOL.
Le 27 juin, une jeune femme grecque âgée de 33 ans,
Soussanna Chataigianni, a été arrêtée à l'université d'Ankara pour
avoir écrit des slogans politiques sur sa feuille d'examen.
Le 28 juin, deux membres présumés de DEV-SOL ont été
condamnés à 4 ans et 2 mois de prison chacun par la Cour de Sûreté de
l'Etat d'Istanbul, pour avoir participé aux célébrations du 1er mai.
Toujours le 28 juin, le second procès de 144 membres
présumés du parti communiste de Turquie (TKP) s'est terminé par la
condamnation de 36 prévenus à des peines allant de 16 mois à 9 ans et 4
mois de prison. Leur premier procès avait vu la condamnation de 227
d'entre eux par la cour militaire d'Ankara. Leurs avocats ayant fait
appel, la Cour de Cassation militaire avait approuvé le verdict pour 91
d'entre eux mais en avait cassé 137 autres.
Entre le 1er et le 2nd procès, sept nouveaux
prévenus s'étaient ajoutés.
Le 29 juin, la Cour de Sûreté de l'Etat d'Ankara a
condamné 4 membres du PKK à un emprisonnement total de 33 ans.
Le 30 juin, la police a fait irruption dans la
branche de Zeytinburnu des "Maisons populaires" (Halkevleri) à Istanbul
et a arrêté ses 5 dirigeants.
Le 1er juillet à Istanbul, les locaux de
l'Association des étudiants à l'Université de Marmara ont été fouillés
par la police qui a arrêté 11 étudiants. Ils ont été relâchés, après
une détention de 1O jours, et ont déclarés avoir été torturés pendant
leurs interrogatoires. L'un d'entre eux, Ilhan Kaygusuz a dit qu'on lui
avait introduit une bouteille dans la voie anale.
Le 5 juillet, à Istanbul, la police a arrêté 13
militants présumés du TKP/ML.
Le 25 juillet, à Ankara, 12 militants du DEV-SOL ont
été traduits devant la Cour de Sûreté de l'Etat pour avoir mené des
actions de protestation dans la capitale. Chacun d'eux risque une peine
allant jusqu'à 51 ans de prison.
TERREUR SUR UN CAMPUS UNIVERSITAIRE
Le 8 juin dernier, le SHP a demandé au Conseil de
l'ordre des juges et procureurs d'entamer des poursuites légales contre
deux procureurs de la Cour de Sûreté de l'Etat d'Ankara pour avoir
encouragé la violence publique par leur comportement personnel.
Le 5 juin, à Ankara, alors que des étudiants de
l'Université technique du Moyen orient (ODTU) boycottaient le lunch sur
le campus, en guise de protestations contre les restrictions dont les
associations d'étudiants font l'objet, le procureur Ulku Coskun a donné
l'ordre à la gendarmerie locale d'arrêter les protestataires.
Près de 140 étudiants, qui se trouvaient dans deux
bus du campus ont alors été entourés par des gendarmes armés. Le député
SHP, Fikri Saglar, informé de la tournure que prenaient les événements,
s'est rendu sur place et a obtenu, après neuf heures de négociation,
que les forces de sécurité relâchent les étudiants. En contre partie,
il a promis que huit étudiants se rendraient dès le lendemain à la Cour
de Sûreté de l'Etat pour y être interrogés.
Le 16 juin, lorsque Saglar se rendit à la Cour de
Sûreté de l'Etat, il a été informé que, le procureur Coskun ouvrait une
instruction contre le colonel Balci pour ne pas avoir obéi à ses ordres
et ne pas avoir arrêté tous les étudiants. Lorsqu'il s'est entretenu de
l'attitude de Coskun avec le procureur Nusret Demiral, ce dernier s'est
écrié: "S'il le fallait, je détruit l'ODTU toute entière".
Suite à cette plainte, dans un autre cas, l'avocat,
Ibrahim Acan, âgé de 70 ans, à réclamé 10 millions de LT de dommages et
intérêts au procureur Coskun pour l'avoir insulté.
Acan avait été emprisonné durant 6 semaines pour
avoir porté des jugements critiques sur le système judiciaire militaire
dans un de ses livres. A l'issue de son procès, il a été lavé de toutes
les accusations portées contre lui. Acan a déclaré que le Procureur
Coskun l'a giflé et l'a insulté dans les couloirs du tribunal.
ENQUETE INTIMIDANTE DANS UNE ECOLE
Le Ministère de l'Education nationale a trouvé un
nouveau moyen d'intimidation à appliquer aux étudiants et aux
professeurs.
Le 12 juin dernier, dans la ville de Saruhanli, le
directeur de l'Education nationale a fait irruption dans la 2ème classe
de l'école primaire 7 Eylul. Après avoir évincé l'instituteur, Hayri
Odabasi, il a interrogé un par un les 27 écoliers de la classe, leur
posant des questions telles que:
- était-il désolé pour l'ouvrier abattu à Istanbul,
le 1er mai?
- est-ce que les mots "riches" et "pauvre" figurent
dans les chansons qu'ils vous enseignent?
- quel journal lit-il régulièrement?
- quel journal a-t-il amené à l'école le 1er mai?
-"critique-t-il la police?
CALAYLIOGLU TOUJOURS SOUS SURVEILLANCE
Les tourments du jeune lycéen de 15 ans, Melih
Calaylioglu, ne sont toujours pas terminés et ce malgré les
protestations des cercles démocratiques aussi bien turcs qu'étrangers.
Il avait été arrêté à Izmir pour s'être livré à de
la propagande de communisme dans son école. Après avoir été détenu
pendant six mois, il a été relâché récemment mais il a, à nouveau, été
placé sous surveillance d'un médecin légal pour déterminer si oui ou
non il était conscient lorsqu'il se livrait à de la propagande
communiste.
Selon le quotidien Milliyet du 16 juin, le
médecin qui a questionné Calaylioglu lui a dit: "ne serait-il pas mieux
à ton âge de courir après les filles que de parler politique?"
Bien que le rapport du médecin ne soit pas encore
remis et qu'il soit encore sous sa surveillance, Melih Calaylioglu a
annoncé le 26 juillet qu'il allait déposer une plainte contre le
docteur.
MANIFESTATION DES MEDECINS INTERDITE
Une manifestation de masse organisée par les
médecins et le personnel médical à Ankara, le 17 juin dernier, a été
interdite par les autorités locales. Jusqu'au dernier moment, ils ont
essayé de sensibiliser le public à leurs revendications en faisant des
gardes dans les hôpitaux d'Etat, en examinant chaque patient pendant au
moins 20 minutes et en refusant de leur prescrire des médicaments trop
chers.
Toutes les actions ont été menées dans le but
d'attirer l'attention sur les conditions de travail particulièrement
pénibles et les salaires particulièrement bas du personnel médical
public, qui, selon la législation actuellement en vigueur, n'a pas le
droit d'entamer un mouvement de grève.
A Istanbul, le gouverneur a également refusé
d'autoriser une manifestation des infirmières prévue pour le 18 juin.
En guise de protestation, six d'entre elles ont laissé leur cape noire
en face du bureau du gouverneur. La police et les gardes les ont
arrêtées et embarquées dans leurs véhicules.
LES MEMOIRES NON-ECRITES DE KENAN EVREN
Le livre intitulé "Les mémoires non-écrites de Kenan
Evren", écrit par le Dr Baskin Oran, qui comme des centaines d'autres
professeurs d'université, a perdu son emploi sous la loi martiale, est
le premier du genre en Turquie. Il s'agit d'une compilation de la
plupart des discours, des articles et des interviews de Kenan Evren
depuis qu'il a pris le pouvoir.
Les extraits des discours d'Evren concernent son
opinion sur divers sujets dont la peine de mort: "Pourquoi ne
pendrions-nous pas tous ces gens au lieu de les nourrir? La peine
capitale existe aussi bien dans notre religion que dans la bible".
"Ils répandent le bruit que je vais bientôt me
marier. Si j'attrapent ceux qui racontent ça, je leur mènerai la vie
encore plus dure que le 12 septembre" dit une autre citation.
Mais lorsqu'Evren s'est rendu en RFA l'année passée,
il a fait volte-face et a commencé à exprimer des idées libérales.
Selon Oran "comme si ce n'était pas lui qui avait défendu la peine
capitale dans le passé, il a annoncé qu'il était contre la pendaison.
Il a également déclaré qu'il ne voyait aucune objection à la
légalisation du parti communiste".
Il continue en disant: "J'ai lu les 3.000 pages de
discours qu'il a prononcées depuis 1980 ainsi que tout ce que les
journaux ont écrit sur lui en neuf ans. Maintenant, je peux dire que je
suis familiarisé avec la logique militaire de Kenan Evren. Il était un
officier insignifiant. Alors qu'il attendait la retraite, il s'est
retrouvé chef de l'armée et président grâce à un incroyable concours de
circonstances. Il a une personnalité naïve. Cela veut dire qu'il n'est
pas malin. Parfois il ne mesure pas l'étendue des conséquence des
paroles qu'il prononce. Il ne fait aucune différence entre commander
une unité et diriger le pays".
UN MAIRE ISLAMISTE INCULPE
Le maire de Sanliurfa, Halil Ibrahim Celik, a été
mis en accusation le 24 juillet dernier par la Cour de Sûreté de l'Etat
d'Ankara pour avoir violé les règles laïques de la constitution. Il
risque une peine maximum de 12 ans de prison.
Le procureur l'accuse d'être membre des
organisations islamiques fondamentalistes basées en Europe, telles que
l'Union des associations et communautés islamiques (ICCB) et
l'organisation européenne de la vision nationale (AMGT).
Celik a été élu sur la liste du Parti du bien-être
(RP) dans la province de Sanliurfa en mars dernier. Il a eu des
problèmes dès son élection, lorsqu'il a déclaré lors d'une réunion des
maires RP qu'il n'était pas partisan du sécularisme et des principes
d'Atatürk.
D'après l'accusation, Celik aurait été chargé d'une
mission spéciale par les organisations fondamentalistes turques basées
en Europe qui ont pour but de renverser le régime démocratique turc et
de le remplacer par un ordre basé sur les règlements islamiques.
Le Procureur a également accusé Celik d'avoir reçu
un support financier substantiel de l'ICCB et de l'AMGT pour sa
campagne électorale.
LE PORT D'ARMES SERA LEGALISE
Si le projet de loi qui se trouve actuellement chez
le premier ministre est adopté par l'Assemblée nationale, les citoyens
turcs vont, à nouveau, avoir le droit de posséder des armes.
Selon le projet, les personnes qui ont un casier
judiciaire vierge et qui produisent un certificat médical attestant
leur bonne santé mentale seront autorisées à acheter des armes à feu.
Actuellement, seulement 200.000 personnes ont un
permis de port d'arme. Les membres des forces de sécurité, de l'armée,
les ministres, les députés, les juges, les procureurs, les gouverneurs
et certains officiels municipaux sont autorisés à porter des armes même
s'ils sont à la retraite. A ceux-là, il faut ajouter les chasseurs, les
transporteurs de fonds, les organisations de sécurité privées qui
travaillent pour les banques et d'autres compagnies, auxquels on permet
aussi de posséder une arme.
Si le projet de loi était adopté, la Turquie
importera également des armes à feu, et ce par l'intermédiaire de la
Fondation pour le renforcement de l'Organisation de la Police (PTGV).
On avait restreint le nombre de gens autorisés à
porter une arme après le coup d'Etat de 1980 et ce, dans un but de
prévention de la violence politique.
Le projet est critiqué par les partis de
l'opposition qui estiment que s'il passait, le pays ressemblerait très
vite à un décor pour western et qu'il favoriserait la réapparition de
la violence politique.
EVREN ALLERGIQUE AUX DEMOCRATES
Le 12 juin dernier, l'humoriste Aziz Nesin et ses
amis du Comité pour surveiller la Démocratie ont essayé, sans succès,
de rendre visite au général Evren afin de lui remettre les comptes
rendus et les résolutions du Congrès pour la Démocratie qui s'est tenu
à Ankara en mai 1989.
Des leaders de partis politiques, des intellectuels
et des écrivains participaient à ce congrès de la démocratie et s'y
sont entretenus du problème du processus démocratique en Turquie ainsi
que des interventions militaires qui s'y sont répétés par intervalles
de 10 ans.
La délégation composée de 6 personnes, dont Aziz
Nesin, n'a pas été autorisée à pénétrer dans le palais présidentiel de
Cankaya sous le prétexte qu'ils n'avaient pas pris rendez-vous
préalablement.
DES MUSICIENS TORTURES
Neuf membres du groupe folklorique "Yorum" ont été
arrêtés le 8 juillet dernier à Mersin où ils s'étaient rendus pour y
donner un concert, organisé par une organisation syndicale. La police a
également mis 20 de leurs fans en état d'arrestation.
D'après la presse turque, deux des membres du
groupe, Metin Kahraman et Hilmi Yarayici, ont été torturés pendant leur
interrogatoire. En outre, les bourreaux ont essayé de vérifier si
les trois membres féminins de la formation, Elif Sumru Goker, Aylin
Sesen et Selma Cicek étaient toujours vierges. Mais ces dernières se
sont opposées vigoureusement à un traitement aussi humiliant.
La formation Yorum est particulièrement célèbre pour
ses chansons sur les prisons et ses membres ont souvent eu des
problèmes avec la police pour avoir chanté des chansons kurdes.
Lorsqu'ils sont arrivés à Mersin, la police les a
informé que leur concert était interdit par les autorités locales. Sur
ce, ils ont organisé une manifestation en guise de protestation contre
cette décision. Dès lors, ils sont accusés de s'être livrés à des
manifestations illégales et chacun d'eux risque une peine allant
jusqu'à 3 ans de prison.
Alors qu'ils étaient en état d'arrestation, leurs
amis ont créé une autre formation musicale sous le nom de "Nouveau
Groupe Yorum". Mais le premier concert qu'ils devaient donner à Ankara,
le 28 juillet dernier, a également été annulé par les autorités locales.
PRESSIONS SUR LES INTELLECTUELS
Le 1er juin, le Dr Arslan Yuzgun, auteur du livre
"Femmes aux cartes d'identité bleues" a été arrêté pour manifestation
illégale après qu'il ait essayé de brûler devant le monument Taksim à
Istanbul, la décision de censurer son livre.
Le 11 juin, le gouverneur du district de Mudanya a
interdit la projection du film: "Fascisme ordinaire" lors des journées
du cinéma.
Le 18 juin, le poète Ahmet Telli a été arrêté sur
ordre de la Cour de Sûreté de l'Etat d'Ankara pour les discours qu'il a
prononcé lors d'un débat organisé à l'Université de Gazi.
Le 28 juin, à Ankara, un reporter du quotidien
Tan, Nurettin Kurt a été arrêté sur ordre d'un juge de la cour
criminelle pour avoir pris des photos lors d'un procès et a été
aussitôt amené à la prison sous menottes.
Le 29 juin, deux journalistes du quotidien Sabah, le
reporter Bekir Coskun et le rédacteur en chef Atilla Hamza, ont été mis
en accusation pour une série d'articles intitulée "Automne dans les
jardins royaux" et qui traite de la famille du premier ministre. Ils
risquent tous les deux un emprisonnement de 3 ans.
Le 7 juillet, à Iskenderun, le gouverneur a interdit
un concert du chanteur folklorique bien connu Sadik Gurbuz.
Le 21 juillet, le ministère de la culture a censuré
trois chansons kurdes qui se trouvaient sur une cassette intitulée "Hoy
Nare" et produite par le chanteur folklorique Rahmi Saltuk. L'artiste a
qualifié cette décision de ridicule, ces chansons étant chantées depuis
près de 1.500 ans.
SCANDALE A LA TELEVISION TURQUE
Dans la nuit du 18 juillet, la projection d'un film
français "Les Jeux Interdits" a été brusquement interrompues sans que
la Radio-Télévision Turque (TRT), contrôlée par le gouvernement, ne
fournisse la moindre explication. Les programmes ont bientôt repris par
la projection de l'émission suivante, laissant les téléspectateurs se
demander comment était la fin du film.
Le lendemain, les dirigeants de la TRT ont déclaré
qu'ils avaient interrompu la projection après avoir reçu un grand
nombre d'appels téléphoniques émanant des téléspectateurs qui
estimaient que le film faisait de la propagande chrétienne.
Alors que la presse libérale et progressiste a
qualifié l'interruption du film de René Clément de scandale
audio-visuel, la presse islamique exprimait sa gratitude au nouveau
directeur de la TRT, Kerim Aydin Erdem.
Le film raconte l'histoire d'un petit garçon et
d'une petite fille qui récoltent des croix dans les églises, les
cimetières et les corbillards, durant la 2ème guerre mondiale.
L'histoire ne présentant aucune connection apparente avec le
christianisme sauf par les croix symboliques que les enfants
collectionnent.
CONFISCATIONS RECENTES DE PUBLICATIONS
Pour la première fois depuis le coup d'Etat de 1980,
les autorités judiciaires turques ont condamné le fait de détruire des
livres.
Le 11 juilllet dernier, la cour administrative n°5
d'Ankara a condamné le cabinet du premier ministre turc à verser 35
million de LT (15.000 $) de dommages et intérêts à l'éditeur Süleyman
Ege dont les 133.607 livres ont été confisqués et brûlés en 1982.
Cependant les confiscations ne s'arrêtent pas pour
autant.
Le 20 juin, l'hebdomadaire 2000e Dogru a été
confisqué pour "propagande séparatiste".
Le 22 juin, la Cour de Sûreté de l'Etat d'Istanbul a
ordonné la saisie des copies du programme du Parti Communiste unifié de
Turquie (TBKP).
Le 30 juin, le numéro du mois de juin du mensuel
Emek Dünyasi a été confisqué pour "propagande communiste". Les
trois numéros précédents avaient fait l'objet de la même mesure. Le
rédacteur en chef de la revue, Abuzer Kilic risque un emprisonnement de
100 ans pour les articles des revues confisquées.
Le 12 juillet, le numéro du mois de juillet du
mensuel Yeni Cozum a été saisi pour "propagande communiste".
Le 21 juillet, le chef de la police de Tunceli a
ordonné la confiscation de tous les écrits d'auteurs célèbres tels que
Nazim Hikmet et Yilmaz Guney.
Le 30 juillet, le numéro de juillet de la revue
Devrimci Genclik a été saisi pour "publication séparatiste".
LE DRAME DES IMMIGRANTS TURCS DE BULGARIE
La politique répressive du gouvernement bulgare à
l'égard de la minorité turque d'une part, l'attitude provocatrice du
gouvernement turc d'autre part, ont mené des milliers de Turcs de
Bulgarie au désastre.
A la mi-août, le nombre d'immigrants forcés de
rentrer en Turquie se montait à 260.000. Cependant le train bulgare qui
amenait quotidiennement de 1.000 à 1.200 personnes à la station
frontalière de Kapikule, a vu ce nombre passer à 600.
D'après les immigrants, les autorités bulgares
essayent d'endiguer l'exode car il provoque une sérieuse baisse de la
main d'œuvre disponible.
Tandis que le conseil de l'Europe, l'OTAN et les
alliés de la Turquie exprimaient leur réprobation dans cette affaire,
le club bulgare de discussion, une association officieuse
d'intellectuels qui soutient la glasnost et la perestroïka, a publié un
communiqué "musclé" critiquant le gouvernement bulgare pour avoir "crée
une crise nationale".
Dans ce communiqué, également adressé au parlement
bulgare, l'association déclare: "Maintenant que plus de 200.000
citoyens bulgares qui se considèrent comme ethniquement turcs, ont
quitté le pays et que des centaines de milliers d'autres s'apprêtent à
faire de même, l'Etat doit faire face à une crise générale. Cette crise
qui a des conséquences économiques, politiques, morales et
idéologiques, résulte directement d'un brusque changement de politique
à l'égard des citoyens ayant conscience de leur particularisme ethnique
qui est apparu dès 1984". Le groupe demande une enquête publique quant
à la légalité de la politique d'assimilation dont la minorité turque
est victime.
Les intellectuels bulgares décrivent également le
gouvernement turc "comme l'un des plus aveuglément tyranniques dans le
monde actuel".
Malgré le flux continuel des Turcs venant de
Bulgarie, il y a également eu un, plus modeste, dans le sens opposé.
Bien que le nombre de ceux qui retournent en Bulgarie ne se monte qu'à
quelques centaines, on en attend bien plus dans les mois à venir.
Les autorités turques expliquent ces retours pour le
fait que ces immigrants ne peuvent supporter de vivre éloignés de leur
famille, restée en Bulgarie.
Ils semblerait que certaines de ces familles ont
décidé de retourner en Bulgarie à cause du coût élevé de la vie et des
difficultés qu'elles rencontrent à trouver un travail et un logement.
En comparaison avec leurs conditions de vie et les sécurités sociales
qui ont cours en Bulgarie, les immigrants se retrouvent, d'un jour à
l'autre, plongés dans un dénuement total en Turquie.
Ceux qui ne désirent pas rester en Turquie, sont
préalablement interrogés par les services secrets turcs avant de
recevoir l'autorisation de quitter le pays.
Le ministre des affaires étrangères bulgare, Ivan
Ganev, a déclaré dans une interview accordée au quotidien grec
Elefterotypia, que la Turquie n'autorise pas les citoyens bulgares
musulmans à retourner dans leur pays. Il a soutenu que les autorités
turques confisquent leur passeport et les enferment dans des camps de
concentration.
En raison de l'agitation croissante parmi les
immigrants, le gouvernement turc s'est vu obliger d'arriver à un
compromis avec les autorités bulgares. Récemment, Ozal a déclaré que
son gouvernement était prêt à aborder d'autres questions avec Sofia, si
la Bulgarie acceptait de discuter de la situation des Turcs arrivés
depuis peu en Turquie.
Cela marque un changement dans l'attitude d'Ozal.
Lors du début de la crise, en juin dernier, Ozal avait déclaré que la
Turquie n'était pas prête à aborder d'autres sujets avec la Bulgarie
tant qu'un arrangement n'avait pas été mis au point quant à l'influx
d'immigrants en provenance de Bulgarie.
D'un autre côté, suivant les vœux du gouvernement
turc, l'ambassadeur soviétique, Albert Chernishev, a pris une série
d'initiatives dans le but de restaurer le dialogue entre Ankara et
Sofia.
Le 6 juin dernier, l'Assemblée parlementaire du
Conseil de l'Europe a adopté la recommandation suivante au sujet de la
situation des réfugiés de nationalité bulgare:
"L'assemblée,
"1. préoccupée par l'arrivée massive en Turquie,
d'un nombre croissant de réfugiés de nationalité bulgare, appartenant à
une minorité éthnique et musulmane, qui pose un problème sérieux;
"2. espère qu'un dialogue constructif va s'établir
entre la Turquie et la Bulgarie et ce, dans le but de dégager aussi
vite que possible, une solution à ce problème, et presse la Bulgarie
d'accepter de négocier un accord d'immigration satisfaisant avec la
Turquie qui mettra fin à cette émigration indésirable;
"3. Recommande au comité des ministres d'en appeler
aux gouvernements des Etats-membres pour qu'ils fournissent, le plus
rapidement possible, une aide concrète et coordonnée à la Turquie dans
le but de lui permettre d'accueillir ces exilés d'une façon décente, en
accord avec les standards de la dignité humaine".
L'Assemblée a également décidé d'envoyer une mission
d'observation en Bulgarie qui devra lui communiquer un rapport lors de
sa prochaine session au mois de septembre.
LA TURQUIE ACCUEILLE 2,5 MILLIONS DE REFUGIES
Le quotidien Milliyet rapporte, dans son
numéro du 10 juin 1989, que la Turquie accueille actuellement près de
2,5 millions de réfugiés.
Depuis la révolution islamique de Khomeiny en 1979,
plus d'un million d'Iraniens ont franchi la frontière turco-iranienne
et ont demandé l'asile politique à la Turquie.
Récemment, 36.000 Kurdes irakiens et 10.000 Afghans
turcs ont également été reçus en Turquie.
Jusqu'en 1978, la Turquie a recueilli 400.000 Turcs
de Bulgarie. Quant à ceux qui sont nouvellement arrivés, leur nombre
s'élève déjà à 260.000.
Le nombre total des réfugiés en Turquie se monte à
2,5 millions, parmi eux on trouve également ceux qui viennent de Grèce,
de Yougoslavie et de Roumanie. Les réfugiés représente actuellement 5%
de la population en Turquie.
Dans le sens opposé, 2,5 millions de Turcs se
trouvent actuellement à l'étranger comme travailleurs immigrants ou
réfugiés politiques.
DEUX RAPPORTS D'HELSINKI SUR LA TURQUIE
La Fédération Internationale des Droits de l'Homme
d'Helsinki a adressé un rapport intitulé "la question des Droits de
l'Homme dans une sélection de pays signataires d'Helsinki" à la
conférence des Droits de l'Homme qui s'est tenue à Paris en mai-juin
1989.
En ce qui concerne la Turquie, le rapport met en
évidence les faits suivants:
"TORTURE: on continue à torturer en Turquie et ce
malgré les dénégations du gouvernement. Presque tous les suspects dans
des procès politiques sont torturés pendant leur détention préventive.
Amnesty International a rapporté la mort de 17 personnes sous la
torture en 1987, et celle de 5 autres dans la première moitié de 1988.
Le Gouvernement turc a reconnu la mort sous la torture de 32 personnes
entre décembre 1979 et mars 1989. AI quant à elle, a une liste de 47
personnes présumées avoir succombé sous la torture et une autre de 172
cas de décès survenus durant la détention préventive.
"PRISONNIERS POLITIQUES: des milliers de prisonniers
politiques sont actuellement détenus dans les prisons turques et dans
des centres de détentions, certains attendent encore la fin de leur
procès qui dure depuis des années. L'Association turque des Droits de
l'Homme estime à 5.000 le nombre de prisonniers politiques en Turquie;
en décembre 1988, le premier ministre en avait reconnu 3.800. Des
centaines d'entre eux ont été arrêtés et mis en accusation pour avoir
simplement user de leur liberté d'expression.
"LA MINORITE KURDE: l'état de guerre de guérilla
subsiste toujours dans le sud-est de la Turquie. Les civils qui vivent
dans des petits villages se retrouvent pris entre les forces
gouvernementales et celles du PKK qui luttent pour une nation kurde
séparée.
"Le gouvernement turc nie l'existence d'une minorité
kurde en Turquie. Il interdit la littérature kurde, la musique kurde et
l'emploi de la langue kurde. Il est interdit aux Kurdes de donner des
prénoms kurdes à leurs enfants, s'ils n'obéissent pas: les cours de
Justice les changent d'office en noms turcs. Les villageois kurdes ont
été déplacés de force par des militaires qui les ont violentées et
battus.
"LIBERTE D'EXPRESSION: actuellement, la presse
turque se permet de critiquer le gouvernement comme jamais elle ne
l'avait fait depuis 1980, mais les éditeurs de publications risquent
toujours des harcèlements, des poursuites judiciaires et des peines de
prison. De septembre 1980 à avril 1988, 2.217 journalistes ont été
jugés dans 1.426 affaires. Actuellement, au moins 41 journalistes et
rédacteurs en chef sont en prison à cause d'articles qu'ils ont écrits
ou publiés. Certains purgent des peines de 600 ou 700 ans de prison (en
effet, selon la loi turque, un journaliste encourt une peine de 7 ans
et demi de prison pour chaque article jugé offensant) alors que selon
la loi, aucun ne purgera plus de 35 ans, peine maximale prévue par le
code.
"LIBERTE DE MOUVEMENT: depuis 1980, près de 300.000
citoyens turcs se sont vus refuser des passeports et donc, se sont vus
refuser l'exercice de leur liberté de mouvement. La loi refuse
d'accorder un passeport à certaines catégories de personnes et parmi
elles, celles dont le départ est jugé indésirable par le ministère de
l'intérieur, et ce, pour des raisons de sécurité.
D'un autre côté, le groupe Helsinki, dans un rapport
intitulé: "Payer le prix - Liberté d'expression en Turquie", a annoncé
que de nombreux journalistes, éditeurs et écrivains sont toujours
victimes de harcèlements, de poursuites judiciaires, d'emprisonnement,
de tortures et sont toujours traduits en jugement.
Le rapport analyse la liberté d'expression dans tous
les médias en Turquie ainsi que la liberté d'association et d'adhésion
à des associations.
Après une évaluation de la situation actuelle, basée
sur les résultats de la visite d'Helsinki Watch en Turquie en 1988
ainsi que sur des informations communiquées par la presse turque, dont
Info-Türk, le rapport concluent: "Si la Turquie espère faire partie de
la communauté des nations qui respectent les libertés individuelles
ainsi que les droits de l'homme, elle doit réécrire ou revoir
sérieusement la constitution de 1982 et d'abolir les nombreuses lois
qui restreignent de façon drastique les libertés des citoyens. Il doit
également être mis fin à la torture et aux pratiques telles que détenir
des personnes durant des très longues périodes et dans des conditions
inhumaines".
UNE MISSION DE LA FIJ A LA TURQUIE
La Fédération internationale des journalistes (FIJ)
a annoncé, le 2 juillet dernier, qu'elle enverra prochainement une
mission d'enquête en Turquie, dans le but d'étudier la liberté de la
presse dans ce pays.
Le rapport concernant la liberté de la presse envoyé
à Bruxelles par le Syndicat des journalistes turcs (TGS), y a été
étudié avec beaucoup d'attention par la FIJ, c'est suite à cet examen
que la Fédération a décidé d'envoyer une délégation en Turquie.
Le communiqué publié par le bureau exécutif fait
état de l'extrême importance de la liberté de la presse en Turquie du
fait que cet Etat a posé sa candidature pour être membre à part entière
de la Communauté européenne.
D'autre part, la Fédération Internationale des
Propriétaires de Journaux (FIEJ), suite à sa convention tenue à Berlin
du 10 au 14 juin 1989, a demandé au gouvernement turc de faire cesser
ces pressions exercées sur la presse.
LE PEN TURC ATTEND L'AUTORISATION
Le gouvernement turc n'a toujours pas donné son
accord à l'établissement officiel de la section turque du PEN,
l'association des auteurs de pièces de théâtre, des essayistes et des
romanciers.
Le romancier Yasar Kemal qui est le président
fondateur de la branche en Turquie du PEN, a déclaré qu'un groupe
d'écrivains turcs s'est réuni, il y a 7 mois et demi, pour mettre cette
association sur pied, mais que la bureaucratie gouvernementale l'a
empêchée de fonctionner réellement.
En Turquie, l'approbation du gouvernement est
indispensable pour créer une association ayant des relations
internationales.
Selon Kemal, le bureau élu par les membres
fondateurs donnera sa démission si le gouvernement n'approuve pas la
création de l'association.
HAUSSE INSUFFISANTE DES SALAIRES MINIMA
Le ministre du travail a communiqué à la presse les
nouveaux salaires mensuels minima qui se monte à 225.000 LT pour les
travailleurs âgés de plus de 16 ans et à 155.250 LT pour ceux âgés de
moins de 16 ans. Après déductions de toutes les taxes: il reste 141.975
LT (66 dollars) par mois pour les personnes âgées de plus de 16
ans et 97.760 LT (45 dollars) pour celles âgées de moins de 16
ans.
La Confédération des syndicats turcs (TURK-IS), qui
n'a pas assisté aux dernières négociations de la Commission chargée
d'établir des salaires minima, estime que les nouveaux salaires ne sont
pas assez élevés. Selon Türk-Is, Madame Imren Aykut, ministre du
travail, ne pourrait s'acheter une paire de chaussures avec cette somme.
Le leader du Parti de la Juste Voie (DYP), Süleyman
Demirel, a déclaré que le nouveau salaire minimum est très décevant. Il
a estimé qu'il devait s'élever à 300.000 LT par mois et qu'il ne
devrait pas être imposé.
En fait, selon le numéro du 1er juillet du quotidien
Cumhuriyet: les dépenses alimentaires d'une famille de 4
personnes s'élèvent déjà à 388.060 LT.
Par contre, en juin, les membres du Parlement ont
fait passer leur salaire de 2,22 millions LT à 4,5 millions de LT,
alors que le gouvernement estime que 141.975 LT sont suffisantes pour
les travailleurs.
DEUIL DE KHOMEINI EN TURQUIE
L'opposition a réagi très violemment lorsque les
drapeaux turcs sont restés en berne pendant deux jours à l'occasion de
la mort de L'Ayatollah Khomeini.
La loi turque dispose que c'est au cabinet du
premier ministre qu'appartient de déclarer les jours de deuil national
à l'occasion desquels le drapeau turc est mis en berne. Jusqu'à présent
il ne l'avait été que lors des funérailles des chefs d'Etat des nations
amies ainsi que le 10 novembre, à l'occasion de l'anniversaire de la
mort de Kemal Atatürk, fondateur de la République.
Tufan Dogu, secrétaire général du SHP, a rappelé que
Khomeini insultait Atatürk dès qu'il en avait l'occasion: "La mise en
berne du drapeau turc à l'occasion de la mort de Khomeini —qui n'a
aucune fonction officielle en Iran, à part celle de leader religieux—
est totalement irresponsable. Ce que Khomeini a fait en Iran n'était
pas une révolution, mais un massacre. Nous déplorons sincèrement la
décision du gouvernement de mettre en berne le drapeau turc".
Le gouvernement a également été critiqué pour avoir
mis en berne le drapeau turc qui se trouve devant les quartiers
généraux de l'OTAN à Bruxelles. Seuls l'étoile et le croissant turcs,
parmi tous les autres drapeaux des 16 Etats-membres de l'OTAN, étaient
en berne à Bruxelles les 5 et 6 juin derniers.
QUERELLE DE VISAS TURCO-BRITANNIQUE
A partir du 1er novembre 1989, tous les citoyens
britanniques qui se rendront en Turquie, devront demander un visa.
En juin dernier, suite à la décision du gouvernement
britannique d'exiger un visa pour tous les citoyens turcs, y compris
les détenteurs de passeports diplomatiques ou de service, la Turquie a
annoncé que tous les fonctionnaires britanniques ayant projeté de se
rendre en Turquie après le 1er août 1989, devront être munis d'un visa.
Mais cette règle va être difficile à appliquer car
la Grande Bretagne n'émet qu'un seul type de passeport pour tous les
nationaux britanniques. Les diplomates britanniques en Turquie ont
estimé être incapables d'établir une discrimination entre différents
détenteurs de passeports britanniques. Sur ce, Ankara a décidé d'exiger
l'obtention d'un visa pour tous les citoyens britanniques.
La Grande Bretagne est le seul pays européen dont la
Turquie demande des visas.
Depuis 1980, d'abord la RFA, ensuite les pays
Benelux et presque tous les pays européens, à l'exception de l'Espagne,
l'Italie, la Roumanie et la Yougoslavie, exigent de tous les nationaux
turcs (y compris ceux qui vivent et travaillent en Europe) d'avoir un
visa pour pénétrer dans leur territoire. Cependant, les diplomates et
les fonctionnaires de haut rang sont exemptés de cette obligation.
C'est pour cette raison que le gouvernement turc n'a a jamais réagi.
Mais lorsque les bureaucrates de haut rang ont
rencontré le même problème lors de leurs déplacements vers la Grande
Bretagne, Ankara a immédiatement réagi.
LA TURQUIE SUR LA LISTE NOIRE DE L'OIT
L'Organisation internationale du Travail (OIT) a, à
nouveau, inclus la Turquie dans sa liste noire des pays qui violent les
règlements internationaux du travail.
Lors de la conférence annuelle de l'OIT qui a eu
lieu à Genève à la fin du mois de juin, le Comité d'experts a mis en
question la loi turque n° 1402 qui a trait à l'administration de la loi
martiale. Cette loi autorise les commandants de la loi martiale de
démettre n'importe qui de ses fonctions, même en l'absence de preuve.
L'Association des droits de l'homme de Turquie
(IHD), a annoncé avant la réunion de l'OIT, que 9.400 personnes avaient
été victimes de cette loi pendant une période de 7 ans, à dater du coup
d'Etat de 1980. Bien que la loi martiale ait été levée, beaucoup de
personnes qui en avaient été victimes n'ont pas été réintégrées dans
leurs fonctions.
Selon l'Assemblée Générale de l'OIT, cette loi est
totalement incompatible avec la convention OIT n° 111. Elle a également
déclaré que la Turquie ne respecte pas la liberté d'association. Le
fait qu'Ankara n'ait toujours pas ratifié les conventions n° 87 et 151
que s'y rapportent est considéré comme la preuve de l'attitude
anti-syndicale du gouvernement turc.
Ankara est également accusée de violer la convention
n° 98 relative aux négociations collectives.
Malgré les avertissements répétés de l'OIT, depuis
des années, Ankara continue à priver certaines organisations syndicales
de participer aux négociations collectives et maintenir l'interdiction
du recours à la grève dans de nombreux secteurs économiques.
UN AMBASSADEUR AMERICAIN INDESIRABLE
La nomination de Morton Abramowitz au poste
d'ambassadeur américain d'Ankara a provoqué de fortes réactions aussi
bien de la gauche que de la droite et ce, en raison des ses activités
antérieures douteuses.
La Parti socialiste (SP) estime qu'Abramowitz a été
envoyé en Turquie dans le but d'intervenir dans les affaires
intérieures du pays et ce, juste avant les élections présidentielles
qui auront lieu en novembre prochain. Le secrétaire général du parti,
Yalcin Buyukdagli, a déclaré qu'Abramowitz n'avait pas été accepté par
l'Egypte, la Malaisie et le Pakistan en raison des tentatives du coup
d'Etat qu'il y a menées.
Quant au parti du Bien-être (RP), il l'estime
inacceptable simplement en raison de ses origines juives.
Il y a 20 ans, la nomination d'un autre ambassadeur
américain, Robert Komer, avait provoqué les mêmes réactions car, ce
dernier était connu comme un collaborateur actif de la CIA. L'hostilité
envers Komer s'était manifestée par l'incendie de sa voiture alors
qu'il visitait l'Université technique du Moyen orient (ODTU) à Ankara.