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A non-government information service on Turkey
Un service d'information non-gouvernemental sur la Turquie


153-154

13e année - N°153-154
Juillet-Août  1989
38 rue des Eburons - 1000 Bruxelles
Tél: (32-2) 215 35 76 - Fax: (32-2) 215 58 60
 Rédacteur en chef: Dogan Özgüden - Editrice responsable: Inci Tugsavul
 

HYPOCRISIE!

    Alors que le régime d'Ankara se pose en ardent défenseur des droits de la minorité turque en Bulgarie et verse des larmes de crocodile sur son sort en Turquie:

    - la pression exercée sur les Kurdes tourne à l'extermination
    - les prisonniers politiques périssent lors de grèves de la faim
    - les tribunaux militaires prononcent encore des peines capitales.


    La dictature d'Evren-Ozal, que l'opinion publique internationale accuse  depuis des années d'oppresser impitoyablement le peuple turc, s'est soudainement transformée en ardent défenseur des droits de l'hommes et des libertés fondamentales. Mais ce ne sont pas les droits du peuple turc dont il est question mais bien ceux de la minorité turque de Bulgarie.
    Il est vrai que, depuis des années, près d'un million de Turcs y subissent une répression nationale. Le gouvernement bulgare les force à changer de nom et les prive du droit de communiquer dans leur langue maternelle et de développer leur propre culture. Il ne fait aucun doute que les autorités bulgares méritent les plus sévères remontrances de la part de tous les défenseurs des droits de l'homme, et ce en raison de telles pratiques, contraires aux conventions internationales et aux principes du socialisme. De fait, toutes le forces politiques de Turquie, y compris les organisations communistes pro-soviétiques, ont condamné Sofia pour l'oppression exercée sur la minorité turque en Bulgarie.
    Quant au régime d'Ankara, il se couvre de ridicule en voulant se faire le défenseur des droits de l'homme en Bulgarie.
    En effet, même en ne tenant pas compte de la répression qu'il exerce depuis près de 9 ans, les événements tragiques survenus cet été suffisent à démontrer le caractère despotique du régime turc.
- Alors qu'Evren et Ozal s'apitoyaient sur le sort des Turcs de Bulgarie, les forces gouvernementales menaient une véritable opération d'extermination contre les Kurdes du Kurdistan turc.
    - Les traitements inhumains dont sont victimes des milliers de détenus et de prisonniers politiques dans les prisons turques étant devenus réellement intolérables qu'ils n'ont eu d'autre alternative que d'entamer une grève de la faim. La réaction brutale du gouvernement a entraîné la mort de deux détenus politiques: c'était un meurtre prémédité perpétré sur les ordres des dirigeants d'Ankara.
    - Des milliers de détenus politiques, qui sont maintenus en détention alors qu'aucune preuve tangible n'existe contre eux, passent toujours en jugement devant des tribunaux militaires alors que la loi martiale a été levée dans tout le territoire. Récemment, un tribunal militaire d'Ankara a condamné à mort 7 prisonniers politiques et 39 autres à la prison à perpétuité.   
    Ces récents événements démontrent que la place de la Turquie dans les arènes humanitaires internationales se trouve dans le box des pays accusés de violer les droits de l'homme et non auprès du procureur.

DECES DE GREVISTES DE LA FAIM DANS LES PRISONS

    Suite au décès de deux grévistes à la prison d'Aydin, le mouvement de protestation contre les traitements inhumains auxquels les prisonniers politiques sont soumis en Turquie, a pris une ampleur considérable.
    Au moment où est rédigé cet article, près de 2.000 prisonniers politiques mènent une grève de la faim à travers toute la Turquie, la vie de 70 d'entre eux est menacée.
    C'est la première fois que toutes les forces de l'opposition sont engagées dans différentes actions ayant pour but de forcer le gouvernement turc à mettre fin aux pratiques répressives dans les prisons et d'obtenir la proclamation d'une amnistie générale.
    Cependant, le premier ministre Ozal ne tenant aucun compte des protestations, a déclaré: "Si les grévistes refusent d'être soignés et ce malgré tous nos efforts, laissez-les mourir!  Que pouvons-nous faire d'autre?"
    La mort des deux grévistes, Mehmet Yalçinkaya et Hüseyin Hüsnü Eroglu, est intervenue les 2 août dernier à la prison d'Aydin après que 280 prisonniers aient été transférés de la prison d'Eskisehir à celles de Nazilli et d'Aydin.
    Yalçinkaya et Eroglu, ainsi que leurs camarades, avaient déjà défailli de faim avant leur transfert et n'étaient pas en état d'être transportés en voiture sur une distance de 300 km.
    Après l'annonce de leur mort, dans un premier temps, les autorités pénitentiaires ont déclaré qu'ils avaient succombé lors d'un affrontement entre prisonniers politiques et les gardes. Mais, dans un second temps, elles se sont contredites d'elles-mêmes en admettant qu'ils avaient succombé après 35 jours de jeune.
    Quelqu'en soient les causes, pour les parents et les avocats des victimes, ces morts sont des meurtres prémédités commis par le ministre de la justice et les autorités pénitentiaires.
    Après que la grève de la faim ait été entamée, les pressions sur les détenus politiques de la prison d'Eskisehir sont allées en augmentant. Les autorités pénitentiaires ont utilisé la découverte de deux tunnels à l'intérieur de la prison comme prétexte pour prendre des mesure coercitives. On a interdit à tous les détenus de correspondre avec  leur famille et de recevoir des colis de l'extérieur. Des parents de détenus ont déclaré avoir été battus par des gardes alors qu'ils essayaient de leur rendre visite.
    Le 20 juillet dernier, en guise de protestation contre ces mesures répressives, 280 personnes ont menacé de s'immoler par le feu si les droits des prisonniers n'étaient pas respectés.
    Le 27 juillet, l'Association de Solidarité avec les Familles de Prisonniers (TAYAD) a annoncé que les détenus politiques de la prison d'Ankara ont également subi des mesures coercitives sous prétexte de la découverte d'un nouveau tunnel.
    Le 2 août dernier, les prisonniers ont été évacués de la prison d'Eskisehir et envoyés dans les prisons de Nazilli et d'Aydin suivant les instructions du ministère de la Justice. Ces deux prisons sont déjà bien connues pour les mauvais traitements qu'on y inflige aux prisonniers. Ainsi, les détenues y organisent très souvent des actions de protestation.
    Le transfert des prisonniers et la mort de deux d'entre eux ont provoqué une série de protestations. Les familles de détenus ont organisé une manifestation devant le ministère de la Justice. La police a arrêté cinq personnes.
    Le même sort a été réservé à des parents de prisonniers qui manifestaient devant les prisons de Eskisehir, Aydin et Nazilli. Plus tard, l'état d'urgence a été décrété dans la ville de Aydin et tous les contacts entre les prisonniers, leurs avocats et leurs familles ont été interrompus.
    Les conditions de vie dans les prisons turques étaient déjà au-dessous des normes internationales. Les règlements entrés en vigueur il y a un an: le 1er août 1988, devaient encore restreindre un peu plus les droits des prisonniers. Ces mesures, telles que couper les cheveux imposer un uniformes carcéral ou restreindre des visites des parents, ont provoqué des mouvements de protestation aussi bien dans les prisons qu'à l'extérieur.
    Ainsi, le 16 juillet dernier, à Istanbul, la police a utilisé des matraques pour disperser des parents de détenus qui manifestaient devant la prison de Bayrampasa, plusieurs personnes ont été blessés et 5 autres ont été arrêtées par la police. Deux journalistes ont également été blessés durant l'affrontement et leurs caméras ont été détruites par les policiers. Les troubles se sont prolongés à l'extérieur de la prison lorsque des manifestants ont été battus et embarqués par la police.
    Les prisonniers protestaient également contre le fait que certains d'entre eux sont incarcérés depuis huit ans sans avoir jamais été condamnés! Leurs procès sont toujours en cours et conduits par des tribunaux militaires et ce, malgré la levée de la loi martiale. Des milliers de détenus ont été acquittés ou condamnés à des peines de prison de quelques mois après avoir passé leur jeunesse en prison. Le verdict du procès des militants de Dev-Yol est l'exemple le plus récent de la justice intolérable pratiquée en Turquie (voir: 7 peines capitale pour Dev-Yol).
    Pour échapper à cette injustice, les prisonniers politiques tentent souvent de s'échapper quitte à mettre leur vie en danger. Selon le numéro du 31 juillet 1989 du quotidien Hürriyet,  3.824 prisonniers politiques se sont échappés depuis le coup d'Etat du 12 septembre 1980.
    Les grévistes qui ont été transferés de la prison d'Eskisehir à celle de Aydin, ont mené leur action malgré les pressions dont ils ont fait l'objet. Le 17 août dernier, 50ème jour de leur action, au moins 70 d'entre eux étaient mourants.
    Tandis que le nombre de prisonniers qui joignaient leur action par solidarité, ne cessait de croître: ainsi près de 2.000 détenus ont entamé récemment une grève de la faim dans les prisons de Bayrampasa (Istanbul), Mamak (Ankara), Bartin, Bursa, Diyarbakir, Kahramanmaras, Iskenderun, Siirt, Malatya, Adana, Erzincan, Canakkale, Aydin, Buca (Izmir), Urfa, Ergani, Ceyhan, Amasya et Gaziantep.

SEPT PEINES CAPITALES POUR DEV-YOL

    Le 19 juillet dernier s'est terminé l'un des procès politiques de masse, qui avait commencé en 1982, par sept peines capitales et 39 peines de prison à perpétuité.
    Au total 723 prévenus ont comparu devant le tribunal militaire, ils étaient tous accusés d'appartenir à l'organisation de gauche DEV-YOL (la Voie révolutionnaire), elle même accusée de violence politique dans le but de renverser l'ordre politique et social en place.
    La Cour militaire a prononcé des peines de prison pour 346 prévenus allant de 2 ans et 9 mois à 20 ans; 177 prévenus ont été acquittés tandis que 23 ont succombé lors de leur détention. Quant aux autres prévenus, les charges retenues contre eux ont été abandonnées pour diverses raisons de procédure.
    Toutes ces sentences sont en instance d'appel.
    Il y avait 49 prévenus présents à l'audience finale, tous en état d'arrestation. Les autres avaient été relâchés durant le procès car la durée de la peine de prison qu'ils risquaient n'outrepasserait certainement pas la durée de leur détention provisoire.
    Après avoir écouté le verdict, les détenus ont formé une chaîne en se tenant par la main et ont chanté des chants révolutionnaires. Dans leur défense, les prévenus ont soutenu qu'ils avaient été mis en accusation sur base de confessions qu'on leur avait arrachées sous la torture et qu'on les avait obligés, en utilisant les mêmes moyens, à confesser près de 121 actes criminels.
    DEV-YOL a dénoncé la mort de quatre prévenus survenue en prison, suite aux tortures qu'on leur a infligées.
    Dès avant la lecture du verdict, Oguzhan Muftuoglu, un dirigeant de Dev-Yol, avait annoncé que l'organisation ne considérerait pas la sentence comme légale. Il a affirmé "tout au long de ce procès, nous n'avons pas cessé de dire que ce tribunal n'était pas compétent pour nous juger. Nous avons demandé que les membres de l'organisation soient traduits devant des juridictions civiles. Et malgré nos demandes répétées, vous avez insisté pour rendre un verdict. Votre verdict est dépourvu de toute base légale ou constitutionnelle. Il est illégal".
    Le porte-parole du groupe a déclaré que le tribunal militaire viole la constitution et les lois en continuant à juger des gens alors que la loi martiale a été levée.
    L'autre raison pour laquelle le verdict est contesté réside dans le fait que le tribunal militaire se emploie double standard lorsqu'il s'occupe de procès politiques.
    Les prévenus appartenant à DEV-YOL ont été condamnés sur base de l'article 146 du code pénal qui prévoit la peine capitale et des lourdes peines de prison pour les coupables de "crimes contre l'Etat". Selon la constitution de 1982, les personnes ayant été condamnées sur base de l'article 146 ne pourront jamais être graciées.
    Or, les Loups Gris, militants du parti d'extrême-droite MHP, principaux responsables de la terreur politique qui avait précédé le coup d'Etat de 1980, ont été jugés et condamnés sur base de l'article 313 du code pénal qui vise les "organisations criminelles" et qu'on applique aux délits de droits commun et non aux crimes contre l'Etat. Ainsi, ils peuvent profiter d'une éventuelle amnistie. Déjà le chef du MHP, l'ex-colonel Turkes, ainsi que d'autres dirigeants de l'organisation des Loups Gris, ont été relâchés et se se sont aussitôt engagé dans la vie politique turque, alors que les militants de gauche sont toujours en prison.
    Le 10 juillet dernier, 22 avocats des prévenus de DEV-YOL ont annoncé qu'ils allaient introduire une plainte auprès de la Commission européenne des Droits de l'Homme pour le fait que leurs clients ont purgé une détention provisoire de 9 ans!

EVASION DE 2 PRISONNIERS MALADES

    Les pratiques inhumaines du gouvernement turc ne transparaissent pas uniquement à travers les grèves de la faim, mais aussi dans le cas de deux prisonniers politiques atteints de leucémie.
    Hamdullah Erbil (voir Info-Türk, Juin 89) a été relâché le 21 juin dernier, suite à une campagne internationale de protestation. Mais le gouvernement turc s'est alors livré à un autre type de torture: il lui a refusé le passeport dont il avait besoin pour se rendre en RFA et y suivre un traitement. Erbil a été obligé de quitter le pays clandestinement. Depuis le 28 juin il se trouve à Hambourg où il est traité par un spécialiste, c'est là qu'il a demandé l'asile politique.
    Quant à l'autre détenu atteint de leucémie, Inkilap Dal, il avait été arrêté après le coup d'Etat du 12 septembre 1980. Il a passé cinq années dans différentes prisons. Sa santé s'était détériorée alors qu'il se trouvait en détention à la prison d'Aydin et les médecins avaient diagnostiqué une leucémie. Bien qu'il ait été relâché l'année passée, on a refusé de lui délivrer un passeport pour quitter le pays et se faire soigner à l'étranger. Actuellement, une campagne est menée pour le sauver d'une mort certaine.
    D'autre part, Abdulkadir Konuk, prisonnier politique condamné à la peine de mort, s'est échappé d'un hôpital le 24 avril dernier et ce, grâce à une opération couronnée de succès, organisée par ses camarades, alors qu'il était soigné pour une maladie cardiaque. Après avoir quitté la Turquie, il s'est rendu à Düren (RFA), y a demandé l'asile politique et y est actuellement soigné par des médecins allemands.

LE DOUBLE STANDARD DE LA JUSTICE

    Le quotidien Cumhuriyet, dans ces numéros des 10 juin et 24 juillet 1989, a dévoilé récemment un nouveau fait scandaleux concernant les procès politiques.
    Les membres de la même organisation ont fait l'objet de jugements contradictoires prononcés par des cours différentes. Ceux qui ont été jugés par des tribunaux militaires ont été condamnés à de lourdes peines de prisons alors que ceux qui ont comparu devant des juridictions civiles, après que la loi martiale ait été levée ont été acquittés récemment ou simplement relâchés faute de preuve suffisantes.
    Les exemples les plus frappants de cette injustice sont les procès intentés contre des membres de la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK) ainsi que de l'Unions des enseignants de Turquie (TOB-DER).
    Après le coup d'Etat de 1980, les autorités de la loi martiale ont accusé la DISK d'activités subversives et ont sommé tous ses dirigeants de se rendre aux autorités. Des 1.477 dirigeants de la DISK qui se sont rendus, 264 ont été condamnés par une cour militaire à des peines de prison allant jusqu'à 10 ans et ont passé des années en prison.
    Mais d'autres dirigeants de la DISK ne se sont pas rendus et sont partis à l'étranger. Après la levée de la loi martiale, 495 d'entre-eux se sont rendus aux autorités civiles. Le Procureur de Bakirkoy (Istanbul), chargé du dossier, à déclaré, à la fin de son enquête, que l'accusation portée contre 495 dirigeants du DISK était sans fondement et les a tous fait relâcher. Cette décision rendu par une autorité civile prouve que les 264 autres dirigeants de la DISK, qui ont été condamnés par des juridictions de la loi martiale, l'ont été sans preuve et sont les victimes depuis de années, de l'injustice militaire.
    La même injustice a été observée lors du procès des officiels du TOB-DER.
    Après le coup d'Etat militaire, 49 enseignants avaient été arrêtés pour avoir fait partie de la direction du TOB-DER et avaient été condamnés à des peines de prison allant jusqu'à 9 ans par une cour militaire d'Ankara.
    Récemment, un groupe de 20 professeurs, dont 17 avaient quitté la Turquie, ont été jugés par un tribunal civil d'Ankara pour les mêmes fait, à savoir: les activités poursuivies par le TOB-DER avant le coup d'Etat. Bien qu'ils étaient accusés des mêmes crimes, ils ont tous été acquittés par la cour criminelle n°2 d'Ankara qui n'a réuni aucune preuve contre eux. Parmi eux se trouvent le président du TOB-DER: Gultekin Gazioglu, son secrétaire général: Mustafa Tuzun ainsi que son trésorier: Ismet Ozdemir.
    De plus, les deux organisations avaient été dissoutes par des cours militaires sous prétexte que leur leaders étaient impliqués dans des crimes contre l'Etat. Mais la décision des juridictions civiles prouve que ces sanctions étaient également sans fondement.
    Les avocats des membres de la DISK et du TOB-DER ont décidé d'essayer d'obtenir l'annulation du jugement prononcé contre les dirigeants de ces deux organisations ainsi que la réouverture de ces dernières.

UN NOUVEAU TRIBUNAL D'EXCEPTION

    Le 22 juin dernier, le terrorisme d'Etat a connu une nouvelle escalade: une seconde Cour de Sûreté de l'Etat a été ouverte à Istanbul. De plus, le 14 juin, l'Assemblée Nationale votait une prolongation de l'état d'urgence de quatre mois dans huit provinces orientales et ce à dater du 19 juillet 1989.
    En 1984, huit cours de Sûreté de l'Etat ont été mise sur pied à Istanbul, Ankara, Diyarbakir, Erzincan, Izmir, Kayseri, Konya et Malatya, 128 juges et procureurs, dont des militaires, ainsi que 414 cadres administratifs sont chargés de les faire fonctionner. Elles s'occupent des affaires ayant trait à la sûreté de l'Etat et qui se sont déroulées après la levée de la loi martiale. Les actes qui ont été commis antérieurement à cette levée sont toujours par des cours martiales.
    La 1ère Cour de Sûreté de l'Etat d'Istanbul a très vite été débordée par les cas de centaines d'opposants au régime.
    La 2de Cour de Sûreté de l'Etat d'Istanbul a commencé par traiter le procès contre 129 personnes accusées d'avoir célébré le 1er mai sans y avoir été autorisées préalablement.
    Parmi les premiers prévenus traduits devant cette cour se trouve O.B., un adolescent de 14 ans.

INCULPATION DES DIRIGEANTS DE L'IHD

    Les leaders de l'Association des droits de l'Homme de Turquie (IHD) sont très souvent poursuivis et mis en accusations pour leurs déclarations et leurs actions de défense des droits de l'Homme.
    Ainsi, le secrétaire général Akin Birdal risque une peine de 6 ans de prison pour avoir insulté le système judiciaire et parlementaire turc lors d'un discours qu'il a prononcé à l'occasion d'une manifestation le 27 novembre 1988.
    De plus, le 9 juin dernier, le procureur de la Cour de Sûreté de l'Etat d'Ankara a ouvert une autre enquête au sujet des entretiens de Birdal et de trois autres dirigeants de l'IHD: Mehmet Tali Ongoren, Yavuz Onen et Bulent Tanor avec des membres de la Commission européenne des droits de l'Homme qui se sont déroulés à Paris, le 10 mars 1989.
    Le même jour, à Istanbul, le procureur public a également ordonné une enquête sur Birdal, Emil Galip Sandalci (président de la section d'Istanbul de l'IHD), Murat Celikkan et Esra Koc pour les discours qu'ils ont prononcés lors d'une réunion à Istanbul en février 1989.
    Le 28 juin, sept dirigeants de la branche d'Antalya de l'IHD ont fait l'objet d'une enquête pour avoir organisé un concert du chanteur populaire Rahmi Saltuk en mai 1989.
    Le même jour, le docteur Alparslan Berktay, président de la branche d'Izmir, a été mis en accusation pour ses déclarations contre la torture en Turquie.
    Le 8 juillet, 14 activistes de droits de l'homme dont Emil Galip Sandalci (président de la branche d'Istanbul de l'IHD) et Mustafa Eryuksel (président de l'Association pour la solidarité avec les familles des prisonniers: TAYAD) ont été accusés par le procureur de la République d'avoir publié un communiqué sans l'autorisation préalable des autorités locales. Ils risquent tous les deux, une peine de prison allant jusqu'à 6 mois.
    Le 18 juillet, la branche d'Eskisehir de l'IHD a été fermée par les autorités sous prétexte de la découverte de publications interdites dans ses locaux.

INTENSIFICATION DU TERRORISME D'ETAT DANS LE KURDISTAN TURC

    Pendant que les dirigeants d'Ankara se préoccupent de la répression à l'encontre de la minorité turque en Bulgarie, dans leur propre pays, l'armée turque a intensifié sa campagne de terreur menée contre la population kurde.
    Malgré cela, au plus la répression s'intensifie, au plus l'implantation de la guérilla kurde au sein de la population locale se fortifie. Grâce à ce support populaire, la guérilla kurde a porté de rudes coups aux forces de sécurité aux alentours de Eruh, Sirnak et Cudi. Les Kurdes appelent cette région le "Botan" et les membre de la guérilla du Parti  Ouvrier du Kurdistan (PKK) s'y battent depuis des années dans le but de créer un "territoire kurde libéré".
    Le quotidien Tercüman  du 7 août 1989 rapporte que sur une période de 5 ans, allant du 15 août 1984 au 19 juillet 1989, les affrontements armés ont causé la mort de 1.259 personnes dont 300 membres des forces de sécurité, 419 militants kurdes et 540 civils. Mais les chiffres publiés du côté kurde sont nettement plus élevés que ces officiels.
    Le 16 août 1989, le Front de libération nationale du Kurdistan (ERNK), dirigé par le PKK, a tenu une conférence de presse à Bruxelles, à l'occasion du 5ème anniversaire du début de la guerre de guérilla dans le Kurdistan turc. Le porte-parole du front a annoncé que durant la dernière année, les unités de la guérilla appartenant à l'Armée de libération populaire du Kurdistan (ARGK) ont mené 47 attaques, 17 sabotages, 17 embuscades et 7 attentats, provoquant ainsi la mort de 797 personnes au service du gouvernement turc et en blessant 1.140. Les forces gouvernementales ont perdu deux majors, trois capitaines, trois lieutenants, onze sous-lieutenants, un sergent, 667 soldats, 79 informateurs et gardiens de village, trois membres des services secrets (MIT) ainsi que 14 policiers et un garde de poste militaire.
    Selon le même source, l'ARGK a perdu, durant la même période, 37 combattants.
    Le lieutenant général Hikmet Koksal, commandant du corps local de gendarmerie, a rencontré à Siirt le 19 juillet dernier, les dirigeants de la sécurité et les commandants militaires. Ils ont planifié une opération à grande échelle dans les montagnes qui entoure la ville, où les activités du PKK se sont intensifiées de façon remarquable durant les dernières semaines.
    Les forces de sécurité ayant déclaré que les combattants du PKK se cachent dans la montagne de Cudi, elles ont accéléré la préparation d'une vaste opération de ratissage dans la région. Suivant le projet de cette opération, les troupes militaires ont déjà opéré des descentes dans les villages de Balveren, Arakoy, Gecitboyu et Bagkonak, et ont obligé 5.000 paysans kurdes à quitter leurs villages. A cause de ces mesures, les derniers ne peuvent même plus laisser paître leurs troupeaux et cultiver leurs champs. Ce qui revient à le condamner à mourir de faim.
    Selon certaines sources, les militaires se préparent à utiliser des armes chimiques pour exterminer les guérillas.
    Le 25 juillet dernier, un député du Parti populiste social-démocrate (SHP), Cumhur Keskin, a déclaré lors d'une conférence de presse que trois hommes abattus lors d'affrontements près du village de Yoncali n'étaient pas des membres du PKK comme la radio et la télévision turque (TRT) le prétendait, mais de simples citoyens. Il a continué en déclarant que les trois corps avaient été brûlés dans des meules de foin et ce, sur ordre du commandant de l'unité militaire, uniquement dans le but de faire disparaître des preuves compromettantes. De plus, les villageois craignent que le même sort ai été réservé à trois autres hommes qui ont également disparus. Le muhtar (ancien) du village, Mustafa Orhan, a déposé une plainte auprès du procureur local.
    Le député a terminé en disant: "Depuis 1984, la sécurité des individus dans cette région a été complètement annihilée par les forces de sécurité".
    Plus tard, Erdal Inonu, leader du SHP, a envoyé une délégation de trois hommes à Hakkari dans le but de vérifier les allégations des villageois de Yoncali. Fikret Unlu, le porte-parole du groupe, a déclaré que les habitants de cette région sont désespérés et qu'il n'y a pas de solution à leurs problèmes tant qu'ils seront pris en étau entre les forces gouvernementales et les combattants du PKK. Il a ajouté: "Depuis le début, nous pressions le gouvernement d'agir avec modération dans cette région, de mettre fin au système des gardes de village et de respecter les droits de l'Homme. Les gardes de village sont des volontaires civils et armés, ils sont entraînés et payés par le gouvernement pour lutter contre le terrorisme mais, ils en profitent pour oppresser les villageois. La situation est extrêmement grave dans la région. Aucun des citoyens n'y éprouve de respect pour les forces de sécurité".

L'AFFAIRE DES EXCREMENTS A STRASBOURG

    Les avocats des habitants du village de Yesilyurt à Mardin se sont adressés, le 26 juin dernier, à la Commission européen des droits de l'Homme pour "l'affaire des excrément". En effet, ils ont estimé avoir épuisé tous les recours légaux internes pour faire traduire les officiers coupables devant une juridiction.
    Les villageois ont déclaré que dans la nuit du 14 janvier, une patrouille de gendarmerie, sous les ordres du commandant Cafer Tayyar Caglayan, a attaqué le village dans le but de retrouver des combattants de la guérilla kurde. Pendant le raid, les hommes du village ont été battus et forcés à ingérer des excréments humains parce qu'ils disaient ne pas savoir où se trouvaient les membres du PKK.
    Une première enquête a été menée par les inspecteurs du ministère de l'Intérieur et une action légale avait été intentée contre le commandant Caglayan et ses hommes. Mais, la cour a refusé de juger des gens sur base d'un tel chef d'accusation.
    A la fin du mois de juin, la cour suprême d'Ankara a jugé que le commandant Caglayan sera traduit devant une juridiction criminelle. Mais les charges retenues contre lui ne comprennent pas celle d'avoir forcé les habitants de Yesilyurt à avaler des excréments.

DES REFUGIES KURDES EMPOISONNES

    Le parti démocratique du Kurdistan (KDP) a déclaré que, le 8 juin dernier, des réfugiés kurdes du camp de Kiziltepe (Turquie) ont été empoisonnés par du pain et qu'ils souffrent toujours de douleurs à l'estomac.
    Trois membres du Comité des réfugiés du camps ont rapporté que près de 50 réfugiés souffrent d'une paralysie partielle qui résulte de l'ingestion de pain empoisonné au moyen d'injections de produits chimiques nocifs.
    Ils ont également dit que des médecins, parmi les réfugiés kurdes, ont constaté que 1.200 des 1.800 miches de pain contenaient du poison.

LES PERSECUTIONS DE CES 2 DERNIERS MOIS

    Le 2 juin, à Siirt, la police a annoncé l'arrestation de 37 personnes accusées d'avoir soutenu le PKK. Parmi elles se trouvent des membres du parti d'opposition le plus important en Turquie: SHP.
    Le 4 juin, à Istanbul, la police a arrêté 8 militants du Parti de libération populaire/Front de Turquie (THKP/C).
    Le 6 juin, à Agri, arrestation de 11 membres présumés du PKK.
    Le 11 juin, la Cour de Sûreté de l'Etat d'Ankara a condamné 8 membres de l'organisation DEV-YOL à 8 ans de prison chacun.
    Le 12 juin, à Ankara, 6 membres du Parti des Verts (YP) ont été mis en accusation pour avoir manifesté lors de la Foire aux armements en mai 1989.
    Le 14 juin, trois membres de l'Union communiste révolutionnaire de Turquie (TDKB) ont été condamnés à un total de 12 ans et 6 mois de prison.
    le 16 juin, suite à des opérations de la police à Adana, Icel et Antalya, 24 membres présumés du PKK ont été arrêtés.
    Le 19 juin, à Istanbul, la police a arrêté deux militants de DEV-SOL.
    Le 27 juin, une jeune femme grecque âgée de 33 ans, Soussanna Chataigianni, a été arrêtée à l'université d'Ankara pour avoir écrit des slogans politiques sur sa feuille d'examen.
    Le 28 juin, deux membres présumés de DEV-SOL ont été condamnés à 4 ans et 2 mois de prison chacun par la Cour de Sûreté de l'Etat d'Istanbul, pour avoir participé aux célébrations du 1er mai.
    Toujours le 28 juin, le second procès de 144 membres présumés du parti communiste de Turquie (TKP) s'est terminé par la condamnation de 36 prévenus à des peines allant de 16 mois à 9 ans et 4 mois de prison. Leur premier procès avait vu la condamnation de 227 d'entre eux par la cour militaire d'Ankara. Leurs avocats ayant fait appel, la Cour de Cassation militaire avait approuvé le verdict pour 91 d'entre eux mais en avait cassé 137 autres.
    Entre le 1er et le 2nd procès, sept nouveaux prévenus s'étaient ajoutés.
    Le 29 juin, la Cour de Sûreté de l'Etat d'Ankara a condamné 4 membres du PKK à un emprisonnement total de 33 ans.
    Le 30 juin, la police a fait irruption dans la branche de Zeytinburnu des "Maisons populaires" (Halkevleri) à Istanbul et a arrêté ses 5 dirigeants.
    Le 1er juillet à Istanbul, les locaux de l'Association des étudiants à l'Université de Marmara ont été fouillés par la police qui a arrêté 11 étudiants. Ils ont été relâchés, après une détention de 1O jours, et ont déclarés avoir été torturés pendant leurs interrogatoires. L'un d'entre eux, Ilhan Kaygusuz a dit qu'on lui avait introduit une bouteille dans la voie anale.
    Le 5 juillet, à Istanbul, la police a arrêté 13 militants présumés du TKP/ML.
    Le 25 juillet, à Ankara, 12 militants du DEV-SOL ont été traduits devant la Cour de Sûreté de l'Etat pour avoir mené des actions de protestation dans la capitale. Chacun d'eux risque une peine allant jusqu'à 51 ans de prison.

TERREUR SUR UN CAMPUS UNIVERSITAIRE

    Le 8 juin dernier, le SHP a demandé au Conseil de l'ordre des juges et procureurs d'entamer des poursuites légales contre deux procureurs de la Cour de Sûreté de l'Etat d'Ankara pour avoir encouragé la violence publique par leur comportement personnel.
    Le 5 juin, à Ankara, alors que des étudiants de l'Université technique du Moyen orient (ODTU) boycottaient le lunch sur le campus, en guise de protestations contre les restrictions dont les associations d'étudiants font l'objet, le procureur Ulku Coskun a donné l'ordre à la gendarmerie locale d'arrêter les protestataires.
    Près de 140 étudiants, qui se trouvaient dans deux bus du campus ont alors été entourés par des gendarmes armés. Le député SHP, Fikri Saglar, informé de la tournure que prenaient les événements, s'est rendu sur place et a obtenu, après neuf heures de négociation, que les forces de sécurité relâchent les étudiants. En contre partie, il a promis que huit étudiants se rendraient dès le lendemain à la Cour de Sûreté de l'Etat pour y être interrogés.
    Le 16 juin, lorsque Saglar se rendit à la Cour de Sûreté de l'Etat, il a été informé que, le procureur Coskun ouvrait une instruction contre le colonel Balci pour ne pas avoir obéi à ses ordres et ne pas avoir arrêté tous les étudiants. Lorsqu'il s'est entretenu de l'attitude de Coskun avec le procureur Nusret Demiral, ce dernier s'est écrié: "S'il le fallait, je détruit l'ODTU toute entière".
    Suite à cette plainte, dans un autre cas, l'avocat, Ibrahim Acan, âgé de 70 ans, à réclamé 10 millions de LT de dommages et intérêts au procureur Coskun pour l'avoir insulté.
    Acan avait été emprisonné durant 6 semaines pour avoir porté des jugements critiques sur le système judiciaire militaire dans un de ses livres. A l'issue de son procès, il a été lavé de toutes les accusations portées contre lui. Acan a déclaré que le Procureur Coskun l'a giflé et l'a insulté dans les couloirs du tribunal.

ENQUETE INTIMIDANTE DANS UNE ECOLE

    Le Ministère de l'Education nationale a trouvé un nouveau moyen d'intimidation à appliquer aux étudiants et aux professeurs.
    Le 12 juin dernier, dans la ville de Saruhanli, le directeur de l'Education nationale a fait irruption dans la 2ème classe de l'école primaire 7 Eylul. Après avoir évincé l'instituteur, Hayri Odabasi, il a interrogé un par un les 27 écoliers de la classe, leur posant des questions telles que:
    - était-il désolé pour l'ouvrier abattu à Istanbul, le 1er mai?
    - est-ce que les mots "riches" et "pauvre" figurent dans les chansons qu'ils vous enseignent?
    - quel journal lit-il régulièrement?
    - quel journal a-t-il amené à l'école le 1er mai?
    -"critique-t-il la police?

CALAYLIOGLU TOUJOURS SOUS SURVEILLANCE

    Les tourments du jeune lycéen de 15 ans, Melih Calaylioglu, ne sont toujours pas terminés et ce malgré les protestations des cercles démocratiques aussi bien turcs qu'étrangers.
    Il avait été arrêté à Izmir pour s'être livré à de la propagande de communisme dans son école. Après avoir été détenu pendant six mois, il a été relâché récemment mais il a, à nouveau, été placé sous surveillance d'un médecin légal pour déterminer si oui ou non il était conscient lorsqu'il se livrait à de la propagande communiste.
    Selon le quotidien Milliyet du 16 juin,  le médecin qui a questionné Calaylioglu lui a dit: "ne serait-il pas mieux à ton âge de courir après les filles que de parler politique?"
    Bien que le rapport du médecin ne soit pas encore remis et qu'il soit encore sous sa surveillance, Melih Calaylioglu a annoncé le 26 juillet qu'il allait déposer une plainte contre le docteur.

MANIFESTATION DES MEDECINS INTERDITE

    Une manifestation de masse organisée par les médecins et le personnel médical à Ankara, le 17 juin dernier, a été interdite par les autorités locales. Jusqu'au dernier moment, ils ont essayé de sensibiliser le public à leurs revendications en faisant des gardes dans les hôpitaux d'Etat, en examinant chaque patient pendant au moins 20 minutes et en refusant de leur prescrire des médicaments trop chers.
    Toutes les actions ont été menées dans le but d'attirer l'attention sur les conditions de travail particulièrement pénibles et les salaires particulièrement bas du personnel médical public, qui, selon la législation actuellement en vigueur, n'a pas le droit d'entamer un mouvement de grève.
    A Istanbul, le gouverneur a également refusé d'autoriser une manifestation des infirmières prévue pour le 18 juin. En guise de protestation, six d'entre elles ont laissé leur cape noire en face du bureau du gouverneur. La police et les gardes les ont arrêtées et embarquées dans leurs véhicules.

LES MEMOIRES NON-ECRITES DE KENAN EVREN

    Le livre intitulé "Les mémoires non-écrites de Kenan Evren", écrit par le Dr Baskin Oran, qui comme des centaines d'autres professeurs d'université, a perdu son emploi sous la loi martiale, est le premier du genre en Turquie. Il s'agit d'une compilation de la plupart des discours, des articles et des interviews de Kenan Evren depuis qu'il a pris le pouvoir.
    Les extraits des discours d'Evren concernent son opinion sur divers sujets dont la peine de mort: "Pourquoi ne pendrions-nous pas tous ces gens au lieu de les nourrir? La peine capitale existe aussi bien dans notre religion que dans la bible".
    "Ils répandent le bruit que je vais bientôt me marier. Si j'attrapent ceux qui racontent ça, je leur mènerai la vie encore plus dure que le 12 septembre" dit une autre citation.
    Mais lorsqu'Evren s'est rendu en RFA l'année passée, il a fait volte-face et a commencé à exprimer des idées libérales. Selon Oran "comme si ce n'était pas lui qui avait défendu la peine capitale dans le passé, il a annoncé qu'il était contre la pendaison. Il a également déclaré qu'il ne voyait aucune objection à la légalisation du parti communiste".
    Il continue en disant: "J'ai lu les 3.000 pages de discours qu'il a prononcées depuis 1980 ainsi que tout ce que les journaux ont écrit sur lui en neuf ans. Maintenant, je peux dire que je suis familiarisé avec la logique militaire de Kenan Evren. Il était un officier insignifiant. Alors qu'il attendait la retraite, il s'est retrouvé chef de l'armée et président grâce à un incroyable concours de circonstances. Il a une personnalité naïve. Cela veut dire qu'il n'est pas malin. Parfois il ne mesure pas l'étendue des conséquence des paroles qu'il prononce. Il ne fait aucune différence entre commander une unité et diriger le pays".

UN MAIRE ISLAMISTE INCULPE

    Le maire de Sanliurfa, Halil Ibrahim Celik, a été mis en accusation le 24 juillet dernier par la Cour de Sûreté de l'Etat d'Ankara pour avoir violé les règles laïques de la constitution. Il risque une peine maximum de 12 ans de prison.
    Le procureur l'accuse d'être membre des organisations islamiques fondamentalistes basées en Europe, telles que l'Union des associations et communautés islamiques (ICCB) et l'organisation européenne de la vision nationale (AMGT).
    Celik a été élu sur la liste du Parti du bien-être (RP) dans la province de Sanliurfa en mars dernier. Il a eu des problèmes dès son élection, lorsqu'il a déclaré lors d'une réunion des maires RP qu'il n'était pas partisan du sécularisme et des principes d'Atatürk.
    D'après l'accusation, Celik aurait été chargé d'une mission spéciale par les organisations fondamentalistes turques basées en Europe qui ont pour but de renverser le régime démocratique turc et de le remplacer par un ordre basé sur les règlements islamiques.
    Le Procureur a également accusé Celik d'avoir reçu un support financier substantiel de l'ICCB et de l'AMGT pour sa campagne électorale.

LE PORT D'ARMES SERA LEGALISE

    Si le projet de loi qui se trouve actuellement chez le premier ministre est adopté par l'Assemblée nationale, les citoyens turcs vont, à nouveau, avoir le droit de posséder des armes.
    Selon le projet, les personnes qui ont un casier judiciaire vierge et qui produisent un certificat médical attestant leur bonne santé mentale seront autorisées à acheter des armes à feu.
    Actuellement, seulement 200.000 personnes ont un permis de port d'arme. Les membres des forces de sécurité, de l'armée, les ministres, les députés, les juges, les procureurs, les gouverneurs et certains officiels municipaux sont autorisés à porter des armes même s'ils sont à la retraite. A ceux-là, il faut ajouter les chasseurs, les transporteurs de fonds, les organisations de sécurité privées qui travaillent pour les banques et d'autres compagnies, auxquels on permet aussi de posséder une arme.
    Si le projet de loi était adopté, la Turquie importera également des armes à feu, et ce par l'intermédiaire de la Fondation pour le renforcement de l'Organisation de la Police (PTGV).
    On avait restreint le nombre de gens autorisés à porter une arme après le coup d'Etat de 1980 et ce, dans un but de prévention de la violence politique.
    Le projet est critiqué par les partis de l'opposition qui estiment que s'il passait, le pays ressemblerait très vite à un décor pour western et qu'il favoriserait la réapparition de la violence politique.

EVREN ALLERGIQUE AUX DEMOCRATES

    Le 12 juin dernier, l'humoriste Aziz Nesin et ses amis du Comité pour surveiller la Démocratie ont essayé, sans succès, de rendre visite au général Evren afin de lui remettre les comptes rendus et les résolutions du Congrès pour la Démocratie qui s'est tenu à Ankara en mai 1989.
    Des leaders de partis politiques, des intellectuels et des écrivains participaient à ce congrès de la démocratie et s'y sont entretenus du problème du processus démocratique en Turquie ainsi que des interventions militaires qui s'y sont répétés par intervalles de 10 ans.
    La délégation composée de 6 personnes, dont Aziz Nesin, n'a pas été autorisée à pénétrer dans le palais présidentiel de Cankaya sous le prétexte qu'ils n'avaient pas pris rendez-vous préalablement.

DES MUSICIENS TORTURES

    Neuf membres du groupe folklorique "Yorum" ont été arrêtés le 8 juillet dernier à Mersin où ils s'étaient rendus pour y donner un concert, organisé par une organisation syndicale. La police a également mis 20 de leurs fans en  état d'arrestation.
    D'après la presse turque, deux des membres du groupe, Metin Kahraman et Hilmi Yarayici, ont été torturés pendant leur interrogatoire. En  outre, les bourreaux ont essayé de vérifier si les trois membres féminins de la formation, Elif Sumru Goker, Aylin Sesen et Selma Cicek étaient toujours vierges. Mais ces dernières se sont opposées vigoureusement à un traitement aussi humiliant.
    La formation Yorum est particulièrement célèbre pour ses chansons sur les prisons et ses membres ont souvent eu des problèmes avec la police pour avoir chanté des chansons kurdes.
    Lorsqu'ils sont arrivés à Mersin, la police les a informé que leur concert était interdit par les autorités locales. Sur ce, ils ont organisé une manifestation en guise de protestation contre cette décision. Dès lors, ils sont accusés de s'être livrés à des manifestations illégales et chacun d'eux risque une peine allant jusqu'à 3 ans de prison.
    Alors qu'ils étaient en état d'arrestation, leurs amis ont créé une autre formation musicale sous le nom de "Nouveau Groupe Yorum". Mais le premier concert qu'ils devaient donner à Ankara, le 28 juillet dernier, a également été annulé par les autorités locales.

PRESSIONS SUR LES INTELLECTUELS

    Le 1er juin, le Dr Arslan Yuzgun, auteur du livre "Femmes aux cartes d'identité bleues" a été arrêté pour manifestation illégale après qu'il ait essayé de brûler devant le monument Taksim à Istanbul, la décision de censurer son livre.
    Le 11 juin, le gouverneur du district de Mudanya a interdit la projection du film: "Fascisme ordinaire" lors des journées du cinéma.
    Le 18 juin, le poète Ahmet Telli a été arrêté sur ordre de la Cour de Sûreté de l'Etat d'Ankara pour les discours qu'il a prononcé lors d'un débat organisé à l'Université de Gazi.
    Le 28 juin, à Ankara, un reporter du quotidien Tan,  Nurettin Kurt a été arrêté sur ordre d'un juge de la cour criminelle pour avoir pris des photos lors d'un procès et a été aussitôt amené à la prison sous menottes.
    Le 29 juin, deux journalistes du quotidien Sabah, le reporter Bekir Coskun et le rédacteur en chef Atilla Hamza, ont été mis en accusation pour une série d'articles intitulée "Automne dans les jardins royaux" et qui traite de la famille du premier ministre. Ils risquent tous les deux un emprisonnement de 3 ans.
    Le 7 juillet, à Iskenderun, le gouverneur a interdit un concert du chanteur folklorique bien connu Sadik Gurbuz.
    Le 21 juillet, le ministère de la culture a censuré trois chansons kurdes qui se trouvaient sur une cassette intitulée "Hoy Nare" et produite par le chanteur folklorique Rahmi Saltuk. L'artiste a qualifié cette décision de ridicule, ces chansons étant chantées depuis près de 1.500 ans.

SCANDALE A LA TELEVISION TURQUE

    Dans la nuit du 18 juillet, la projection d'un film français "Les Jeux Interdits" a été brusquement interrompues sans que la Radio-Télévision Turque (TRT), contrôlée par le gouvernement, ne fournisse la moindre explication. Les programmes ont bientôt repris par la projection de l'émission suivante, laissant les téléspectateurs se demander comment était la fin du film.
    Le lendemain, les dirigeants de la TRT ont déclaré qu'ils avaient interrompu la projection après avoir reçu un grand nombre d'appels téléphoniques émanant des téléspectateurs qui estimaient que le film faisait de la propagande chrétienne.
    Alors que la presse libérale et progressiste a qualifié l'interruption du film de René Clément de scandale audio-visuel, la presse islamique exprimait sa gratitude au nouveau directeur de la TRT, Kerim Aydin Erdem.
    Le film raconte l'histoire d'un petit garçon et d'une petite fille qui récoltent des croix dans les églises, les cimetières et les corbillards, durant la 2ème guerre mondiale. L'histoire ne présentant aucune connection apparente avec le christianisme sauf par les croix symboliques que les enfants collectionnent.

CONFISCATIONS RECENTES DE PUBLICATIONS

    Pour la première fois depuis le coup d'Etat de 1980, les autorités judiciaires turques ont condamné le fait de détruire des livres.
    Le 11 juilllet dernier, la cour administrative n°5 d'Ankara a condamné le cabinet du premier ministre turc à verser 35 million de LT (15.000 $) de dommages et intérêts à l'éditeur Süleyman Ege dont les 133.607 livres ont été confisqués et brûlés en 1982.
    Cependant les confiscations ne s'arrêtent pas pour autant.
    Le 20 juin, l'hebdomadaire 2000e Dogru  a été confisqué pour "propagande séparatiste".
    Le 22 juin, la Cour de Sûreté de l'Etat d'Istanbul a ordonné la saisie des copies du programme du Parti Communiste unifié de Turquie (TBKP).
    Le 30 juin, le numéro du mois de juin du mensuel Emek Dünyasi  a été confisqué pour "propagande communiste". Les trois numéros précédents avaient fait l'objet de la même mesure. Le rédacteur en chef de la revue, Abuzer Kilic risque un emprisonnement de 100 ans pour les articles des revues confisquées.
    Le 12 juillet, le numéro du mois de juillet du mensuel Yeni Cozum  a été saisi pour "propagande communiste".
    Le 21 juillet, le chef de la police de Tunceli a ordonné la confiscation de tous les écrits d'auteurs célèbres tels que Nazim Hikmet et Yilmaz Guney.
    Le 30 juillet, le numéro de juillet de la revue Devrimci Genclik  a été saisi pour "publication séparatiste".

LE DRAME DES IMMIGRANTS TURCS DE BULGARIE

    La politique répressive du gouvernement bulgare à l'égard de la minorité turque d'une part, l'attitude provocatrice du gouvernement turc d'autre part, ont mené des milliers de Turcs de Bulgarie au désastre.
    A la mi-août, le nombre d'immigrants forcés de rentrer en Turquie se montait à 260.000. Cependant le train bulgare qui amenait quotidiennement de 1.000 à 1.200 personnes à la station frontalière de Kapikule, a vu ce nombre passer à 600.
    D'après les immigrants, les autorités bulgares essayent d'endiguer l'exode car il provoque une sérieuse baisse de la main d'œuvre disponible.
    Tandis que le conseil de l'Europe, l'OTAN et les alliés de la Turquie exprimaient leur réprobation dans cette affaire, le club bulgare de discussion, une association officieuse d'intellectuels qui soutient la glasnost et la perestroïka, a publié un communiqué "musclé" critiquant le gouvernement bulgare pour avoir "crée une crise nationale".
    Dans ce communiqué, également adressé au parlement bulgare, l'association déclare: "Maintenant que plus de 200.000 citoyens bulgares qui se considèrent comme ethniquement turcs, ont quitté le pays et que des centaines de milliers d'autres s'apprêtent à faire de même, l'Etat doit faire face à une crise générale. Cette crise qui a des conséquences économiques, politiques, morales et idéologiques, résulte directement d'un brusque changement de politique à l'égard des citoyens ayant conscience de leur particularisme ethnique qui est apparu dès 1984". Le groupe demande une enquête publique quant à la légalité de la politique d'assimilation dont la minorité turque est victime.
    Les intellectuels bulgares décrivent également le gouvernement turc "comme l'un des plus aveuglément tyranniques dans le monde actuel".
    Malgré le flux continuel des Turcs venant de Bulgarie, il y a également eu un, plus modeste, dans le sens opposé. Bien que le nombre de ceux qui retournent en Bulgarie ne se monte qu'à quelques centaines, on en attend bien plus dans les mois à venir.
    Les autorités turques expliquent ces retours pour le fait que ces immigrants ne peuvent supporter de vivre éloignés de leur famille, restée en Bulgarie.
    Ils semblerait que certaines de ces familles ont décidé de retourner en Bulgarie à cause du coût élevé de la vie et des difficultés qu'elles rencontrent à trouver un travail et un logement. En comparaison avec leurs conditions de vie et les sécurités sociales qui ont cours en Bulgarie, les immigrants se retrouvent, d'un jour à l'autre, plongés dans un dénuement total en Turquie.
    Ceux qui ne désirent pas rester en Turquie, sont préalablement interrogés par les services secrets turcs avant de recevoir l'autorisation de quitter le pays.
    Le ministre des affaires étrangères bulgare, Ivan Ganev, a déclaré dans une interview accordée au quotidien grec Elefterotypia, que la Turquie n'autorise pas les citoyens bulgares musulmans à retourner dans leur pays. Il a soutenu que les autorités turques confisquent leur passeport et les enferment dans des camps de concentration.
    En raison de l'agitation croissante parmi les immigrants, le gouvernement turc s'est vu obliger d'arriver à un compromis avec les autorités bulgares. Récemment, Ozal a déclaré que son gouvernement était prêt à aborder d'autres questions avec Sofia, si la Bulgarie acceptait de discuter de la situation des Turcs arrivés depuis peu en Turquie.
    Cela marque un changement dans l'attitude d'Ozal. Lors du début de la crise, en juin dernier, Ozal avait déclaré que la Turquie n'était pas prête à aborder d'autres sujets avec la Bulgarie tant qu'un arrangement n'avait pas été mis au point quant à l'influx d'immigrants en provenance de Bulgarie.
    D'un autre côté, suivant les vœux du gouvernement turc, l'ambassadeur soviétique, Albert Chernishev, a pris une série d'initiatives dans le but de restaurer le dialogue entre Ankara et Sofia.
    Le 6 juin dernier, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a adopté la recommandation suivante au sujet de la situation des réfugiés de nationalité bulgare:
    "L'assemblée,
    "1. préoccupée par l'arrivée massive en Turquie, d'un nombre croissant de réfugiés de nationalité bulgare, appartenant à une minorité éthnique et musulmane, qui pose un problème sérieux;
    "2. espère qu'un dialogue constructif va s'établir entre la Turquie et la Bulgarie et ce, dans le but de dégager aussi vite que possible, une solution à ce problème, et presse la Bulgarie d'accepter de négocier un accord d'immigration satisfaisant avec la Turquie qui mettra fin à cette émigration indésirable;
    "3. Recommande au comité des ministres d'en appeler aux gouvernements des Etats-membres pour qu'ils fournissent, le plus rapidement possible, une aide concrète et coordonnée à la Turquie dans le but de lui permettre d'accueillir ces exilés d'une façon décente, en accord avec les standards de la dignité humaine".
    L'Assemblée a également décidé d'envoyer une mission d'observation en Bulgarie qui devra lui communiquer un rapport lors de sa prochaine session au mois de septembre.

LA TURQUIE ACCUEILLE 2,5 MILLIONS DE REFUGIES

    Le quotidien Milliyet  rapporte, dans son numéro du 10 juin 1989, que la Turquie accueille actuellement près de 2,5 millions de réfugiés.
    Depuis la révolution islamique de Khomeiny en 1979, plus d'un million d'Iraniens ont franchi la frontière turco-iranienne et ont demandé l'asile politique à la Turquie.
    Récemment, 36.000 Kurdes irakiens et 10.000 Afghans turcs ont également été reçus en Turquie.
    Jusqu'en 1978, la Turquie a recueilli 400.000 Turcs de Bulgarie. Quant à ceux qui sont nouvellement arrivés, leur nombre s'élève déjà à 260.000.
    Le nombre total des réfugiés en Turquie se monte à 2,5 millions, parmi eux on trouve également ceux qui viennent de Grèce, de Yougoslavie et de Roumanie. Les réfugiés représente actuellement 5% de la population en Turquie.
    Dans le sens opposé, 2,5 millions de Turcs se trouvent actuellement à l'étranger comme travailleurs immigrants ou réfugiés politiques.

DEUX RAPPORTS D'HELSINKI SUR LA TURQUIE

    La Fédération Internationale des Droits de l'Homme d'Helsinki a adressé un rapport intitulé "la question des Droits de l'Homme dans une sélection de pays signataires d'Helsinki" à la conférence des Droits de l'Homme qui s'est tenue à Paris en mai-juin 1989.
    En ce qui concerne la Turquie, le rapport met en évidence les faits suivants:
    "TORTURE: on continue à torturer en Turquie et ce malgré les dénégations du gouvernement. Presque tous les suspects dans des procès politiques sont torturés pendant leur détention préventive. Amnesty International a rapporté la mort de 17 personnes sous la torture en 1987, et celle de 5 autres dans la première moitié de 1988. Le Gouvernement turc a reconnu la mort sous la torture de 32 personnes entre décembre 1979 et mars 1989. AI quant à elle, a une liste de 47 personnes présumées avoir succombé sous la torture et une autre de 172 cas de décès survenus durant la détention préventive.
    "PRISONNIERS POLITIQUES: des milliers de prisonniers politiques sont actuellement détenus dans les prisons turques et dans des centres de détentions, certains attendent encore la fin de leur procès qui dure depuis des années. L'Association turque des Droits de l'Homme estime à 5.000 le nombre de prisonniers politiques en Turquie; en décembre 1988, le premier ministre en avait reconnu 3.800. Des centaines d'entre eux ont été arrêtés et mis en accusation pour avoir simplement user de leur liberté d'expression.
    "LA MINORITE KURDE: l'état de guerre de guérilla subsiste toujours dans le sud-est de la Turquie. Les civils qui vivent dans des petits villages se retrouvent pris entre les forces gouvernementales et celles du PKK qui luttent pour une nation kurde séparée.
    "Le gouvernement turc nie l'existence d'une minorité kurde en Turquie. Il interdit la littérature kurde, la musique kurde et l'emploi de la langue kurde. Il est interdit aux Kurdes de donner des prénoms kurdes à leurs enfants, s'ils n'obéissent pas: les cours de Justice les changent d'office en noms turcs. Les villageois kurdes ont été déplacés de force par des militaires qui les ont violentées et battus.
    "LIBERTE D'EXPRESSION: actuellement, la presse turque se permet de critiquer le gouvernement comme jamais elle ne l'avait fait depuis 1980, mais les éditeurs de publications risquent toujours des harcèlements, des poursuites judiciaires et des peines de prison. De septembre 1980 à avril 1988, 2.217 journalistes ont été jugés dans 1.426 affaires. Actuellement, au moins 41 journalistes et rédacteurs en chef sont en prison à cause d'articles qu'ils ont écrits ou publiés. Certains purgent des peines de 600 ou 700 ans de prison (en effet, selon la loi turque, un journaliste encourt une peine de 7 ans et demi de prison pour chaque article jugé offensant) alors que selon la loi, aucun ne purgera plus de 35 ans, peine maximale prévue par le code.
    "LIBERTE DE MOUVEMENT: depuis 1980, près de 300.000 citoyens turcs se sont vus refuser des passeports et donc, se sont vus refuser l'exercice de leur liberté de mouvement. La loi refuse d'accorder un passeport à certaines catégories de personnes et parmi elles, celles dont le départ est jugé indésirable par le ministère de l'intérieur, et ce, pour des raisons de sécurité.
    D'un autre côté, le groupe Helsinki, dans un rapport intitulé: "Payer le prix - Liberté d'expression en Turquie", a annoncé que de nombreux journalistes, éditeurs et écrivains sont toujours victimes de harcèlements, de poursuites judiciaires, d'emprisonnement, de tortures et sont toujours traduits en jugement.
    Le rapport analyse la liberté d'expression dans tous les médias en Turquie ainsi que la liberté d'association et d'adhésion à des associations.
    Après une évaluation de la situation actuelle, basée sur les résultats de la visite d'Helsinki Watch en Turquie en 1988 ainsi que sur des informations communiquées par la presse turque, dont Info-Türk, le rapport concluent: "Si la Turquie espère faire partie de la communauté des nations qui respectent les libertés individuelles ainsi que les droits de l'homme, elle doit réécrire ou revoir sérieusement la constitution de 1982 et d'abolir les nombreuses lois qui restreignent de façon drastique les libertés des citoyens. Il doit également être mis fin à la torture et aux pratiques telles que détenir des personnes durant des très longues périodes et dans des conditions inhumaines".

UNE MISSION DE LA FIJ A LA TURQUIE

    La Fédération internationale des journalistes (FIJ) a annoncé, le 2 juillet dernier, qu'elle enverra prochainement une mission d'enquête en Turquie, dans le but d'étudier la liberté de la presse dans ce pays.
    Le rapport concernant la liberté de la presse envoyé à Bruxelles par le Syndicat des journalistes turcs (TGS), y a été étudié avec beaucoup d'attention par la FIJ, c'est suite à cet examen que la Fédération a décidé d'envoyer une délégation en Turquie.
    Le communiqué publié par le bureau exécutif fait état de l'extrême importance de la liberté de la presse en Turquie du fait que cet Etat a posé sa candidature pour être membre à part entière de la Communauté européenne.
    D'autre part, la Fédération Internationale des Propriétaires de Journaux (FIEJ), suite à sa convention tenue à Berlin du 10 au 14 juin 1989, a demandé au gouvernement turc de faire cesser ces pressions exercées sur la presse.

LE PEN TURC ATTEND L'AUTORISATION

    Le gouvernement turc n'a toujours pas donné son accord à l'établissement officiel de la section turque du PEN, l'association des auteurs de pièces de théâtre, des essayistes et des romanciers.
    Le romancier Yasar Kemal qui est le président fondateur de la branche en Turquie du PEN, a déclaré qu'un groupe d'écrivains turcs s'est réuni, il y a 7 mois et demi, pour mettre cette association sur pied, mais que la bureaucratie gouvernementale l'a empêchée de fonctionner réellement.
    En Turquie, l'approbation du gouvernement est indispensable pour créer une association ayant des relations internationales.
    Selon Kemal, le bureau élu par les membres fondateurs donnera sa démission si le gouvernement n'approuve pas la création de l'association.

HAUSSE INSUFFISANTE DES SALAIRES MINIMA

    Le ministre du travail a communiqué à la presse les nouveaux salaires mensuels minima qui se monte à 225.000 LT pour les travailleurs âgés de plus de 16 ans et à 155.250 LT pour ceux âgés de moins de 16 ans. Après déductions de toutes les taxes: il reste 141.975 LT  (66 dollars) par mois pour les personnes âgées de plus de 16 ans et 97.760 LT  (45 dollars) pour celles âgées de moins de 16 ans.
    La Confédération des syndicats turcs (TURK-IS), qui n'a pas assisté aux dernières négociations de la Commission chargée d'établir des salaires minima, estime que les nouveaux salaires ne sont pas assez élevés. Selon Türk-Is, Madame Imren Aykut, ministre du travail, ne pourrait s'acheter une paire de chaussures avec cette somme.
    Le leader du Parti de la Juste Voie (DYP), Süleyman Demirel, a déclaré que le nouveau salaire minimum est très décevant. Il a estimé qu'il devait s'élever à 300.000 LT par mois et qu'il ne devrait pas être imposé.
    En fait, selon le numéro du 1er juillet du quotidien Cumhuriyet:  les dépenses alimentaires d'une famille de 4 personnes s'élèvent déjà à 388.060 LT.
    Par contre, en juin, les membres du Parlement ont fait passer leur salaire de 2,22 millions LT à 4,5 millions de LT, alors que le gouvernement estime que 141.975 LT sont suffisantes pour les travailleurs.

DEUIL DE KHOMEINI EN TURQUIE

    L'opposition a réagi très violemment lorsque les drapeaux turcs sont restés en berne pendant deux jours à l'occasion de la mort de L'Ayatollah Khomeini.
    La loi turque dispose que c'est au cabinet du premier ministre qu'appartient de déclarer les jours de deuil national à l'occasion desquels le drapeau turc est mis en berne. Jusqu'à présent il ne l'avait été que lors des funérailles des chefs d'Etat des nations amies ainsi que le 10 novembre, à l'occasion de l'anniversaire de la mort de Kemal Atatürk, fondateur de la République.
    Tufan Dogu, secrétaire général du SHP, a rappelé que Khomeini insultait Atatürk dès qu'il en avait l'occasion: "La mise en berne du drapeau turc à l'occasion de la mort de Khomeini —qui n'a aucune fonction officielle en Iran, à part celle de leader religieux— est totalement irresponsable. Ce que Khomeini a fait en Iran n'était pas une révolution, mais un massacre. Nous déplorons sincèrement la décision du gouvernement de mettre en berne le drapeau turc".
    Le gouvernement a également été critiqué pour avoir mis en berne le drapeau turc qui se trouve devant les quartiers généraux de l'OTAN à Bruxelles. Seuls l'étoile et le croissant turcs, parmi tous les autres drapeaux des 16 Etats-membres de l'OTAN, étaient en berne à Bruxelles les 5 et 6 juin derniers.

QUERELLE DE VISAS TURCO-BRITANNIQUE

    A partir du 1er novembre 1989, tous les citoyens britanniques qui se rendront en Turquie, devront demander un visa.
    En juin dernier, suite à la décision du gouvernement britannique d'exiger un visa pour tous les citoyens turcs, y compris les détenteurs de passeports diplomatiques ou de service, la Turquie a annoncé que tous les fonctionnaires britanniques ayant projeté de se rendre en Turquie après le 1er août 1989, devront être munis d'un visa.
    Mais cette règle va être difficile à appliquer car la Grande Bretagne n'émet qu'un seul type de passeport pour tous les nationaux britanniques. Les diplomates britanniques en Turquie ont estimé être incapables d'établir une discrimination entre différents détenteurs de passeports britanniques. Sur ce, Ankara a décidé d'exiger l'obtention d'un visa pour tous les citoyens britanniques.
    La Grande Bretagne est le seul pays européen dont la Turquie demande des visas.
    Depuis 1980, d'abord la RFA, ensuite les pays Benelux et presque tous les pays européens, à l'exception de l'Espagne, l'Italie, la Roumanie et la Yougoslavie, exigent de tous les nationaux turcs (y compris ceux qui vivent et travaillent en Europe) d'avoir un visa pour pénétrer dans leur territoire. Cependant, les diplomates et les fonctionnaires de haut rang sont exemptés de cette obligation. C'est pour cette raison que le gouvernement turc n'a a jamais réagi.
    Mais lorsque les bureaucrates de haut rang ont rencontré le même problème lors de leurs déplacements vers la Grande Bretagne, Ankara a immédiatement réagi.

LA TURQUIE SUR LA LISTE NOIRE DE L'OIT

    L'Organisation internationale du Travail (OIT) a, à nouveau, inclus la Turquie dans sa liste noire des pays qui violent les règlements internationaux du travail.
    Lors de la conférence annuelle de l'OIT qui a eu lieu à Genève à la fin du mois de juin, le Comité d'experts a mis en question la loi turque n° 1402 qui a trait à l'administration de la loi martiale. Cette loi autorise les commandants de la loi martiale de démettre n'importe qui de ses fonctions, même en l'absence de preuve.
    L'Association des droits de l'homme de Turquie (IHD), a annoncé avant la réunion de l'OIT, que 9.400 personnes avaient été victimes de cette loi pendant une période de 7 ans, à dater du coup d'Etat de 1980. Bien que la loi martiale ait été levée, beaucoup de personnes qui en avaient été victimes n'ont pas été réintégrées dans leurs fonctions.
    Selon l'Assemblée Générale de l'OIT, cette loi est totalement incompatible avec la convention OIT n° 111. Elle a également déclaré que la Turquie ne respecte pas la liberté d'association. Le fait qu'Ankara n'ait toujours pas ratifié les conventions n° 87 et 151 que s'y rapportent est considéré comme la preuve de l'attitude anti-syndicale du gouvernement turc.
    Ankara est également accusée de violer la convention n° 98 relative aux négociations collectives.
    Malgré les avertissements répétés de l'OIT, depuis des années, Ankara continue à priver certaines organisations syndicales de participer aux négociations collectives et maintenir l'interdiction du recours à la grève dans de nombreux secteurs économiques.

UN AMBASSADEUR AMERICAIN INDESIRABLE

    La nomination de Morton Abramowitz au poste d'ambassadeur américain d'Ankara a provoqué de fortes réactions aussi bien de la gauche que de la droite et ce, en raison des ses activités antérieures douteuses.
    La Parti socialiste (SP) estime qu'Abramowitz a été envoyé en Turquie dans le but d'intervenir dans les affaires intérieures du pays et ce, juste avant les élections présidentielles qui auront lieu en novembre prochain. Le secrétaire général du parti, Yalcin Buyukdagli, a déclaré qu'Abramowitz n'avait pas été accepté par l'Egypte, la Malaisie et le Pakistan en raison des tentatives du coup d'Etat qu'il y a menées.
    Quant au parti du Bien-être (RP), il l'estime inacceptable simplement en raison de ses origines juives.
    Il y a 20 ans, la nomination d'un autre ambassadeur américain, Robert Komer, avait provoqué les mêmes réactions car, ce dernier était connu comme un collaborateur actif de la CIA. L'hostilité envers Komer s'était manifestée par l'incendie de sa voiture alors qu'il visitait l'Université technique du Moyen orient (ODTU) à Ankara.