Le
Régime d'Ankara n'a récolté que ce qu'il méritait
NON A L'ADHESION TURQUE A LA
CE
Le 17 décembre dernier, la
Commission européenne a décidé de déconseiller aux gouvernements des
pays membres de la communauté européenne d'entamer des négociations au
sujet de l'entrée de la Turquie dans la CE et ce jusqu'à
l'établissement du marché unique en 1993.
Selon le Financial Times,
cette recommandation correspond au rejet effectif de la candidature
turque.
Le Guardian rapporte qu'on
a signifié à la Turquie qu'elle ne pouvait pas espérer devenir membre
de la Communauté alors que ses progrès vers la démocratie et le respect
des droits de l'Homme demeurent tout à fait insuffisants.
Alors que le Commissaire
responsable des relations de la Communauté avec les pays
méditerranéens, M. Abdel Matutes, reconnaissait les progrès économique
et l'évolution politique de la Turquie durant ces dernières années, il
a cependant ajouté qu'une action complémentaire sur le plan de la
démocratie et des droits de l'Homme était nécessaire. Il a continué en
se référant au conflit qui oppose actuellement la Turquie à sa minorité
kurde ainsi qu'à l'interdiction qui frappe toujours certains partis de
gauche: "Il doit y avoir une ouverture en direction des minorités et de
tous les partis politiques".
La Commission a également estimé
que la relative pauvreté de la Turquie ainsi que son importante
population —regroupant à elle seule autant de paysans que les 12 Etats
de la Communauté réunis— allaient constituer autant de fardeau pour la
Communauté.
LA TURQUIE DANS LE CERCLE EUROPEEN LE PLUS ELOIGNE?
Pour adoucir sa décision, la
Commission s'est montrée très prudente sur la question de savoir si la
Turquie est un Etat à vocation" européenne" ou "islamique".
M. Matutes a insisté sur le désir
de la Commission d'exploiter à fond les possibilités présentées par le
Traité d'Association de la Turquie de 1963.
La Communauté va vraisemblement
proposer un dialogue spécial à la Turquie et ce, en raison de ses
préoccupations au sujet de la menace perpétuelle qui pèse sur la
stabilité au Moyen-Orient. Il a souligné "le rôle modérateur que joue
la Turquie dans cette région" ainsi que le fait qu'elle a des
frontières communes avec l'Iran et la Syrie —"les pays avec lesquels la
Communauté a eu des difficultés".
Mais comment peut-on développer
un dialogue et une coopération avec un pays qui n'est pas considéré
comme apte à faire partie de la Communauté? Selon certaines sources, la
Communauté européenne envisage "un projet à cercles multiples":
l'Europe serait formée de quatre cercles. Le premier comprendrait les
12 Etats-membres, le second inclurait les six Etats étroitement
associés à la Communauté et membres de l'Association Européenne de
Libre Echange (AELE): la Suisse, l'Autriche, la Norvège, la Suède, la
Finlande et l'Islande. Les Etats de l'Europe de l'Est forment le
troisième cercle.
Les Etats méditerranéens comme la
Turquie, Chypre, Malte et le Maroc sont désignés comme faisant
partie du quatrième cercle. Ainsi la Turquie, qui a perdu toute chance
de devenir membre à part entière de la Communauté à cause des
violations des droits de l'homme de neuf ans se retrouve dans le
cercle le plus éloigné.
Par la décision de la Commission
européenne, le régime d'Ankara n'a eu que ce qu'il méritait.
LE TERRORISME D'ETAT CONTINUE SOUS LA PRESIDENCE D'OZAL
Bien qu'Özal ait déclaré lors de
la passation de pouvoir que les droits de l'homme et les libertés
fondamentales allaient désormais être respectés en Turquie, le bilan de
son premier mois de présidence est négatif: le terrorisme d'état
continue comme avant avec les arrestations, les procès politiques et
les proscriptions habituelles.
Le 12 novembre dernier, onze
films, 449 livres et 25 brochures ont été détruits par le feu à
Istanbul sur ordre du gouverneur.
Le quotidien Cumhuriyet a
rapporté dans son numéro du 16 novembre que 189 films ont été interdits
depuis le coup d'Etat de 1980. Dans le générique de 114 d'entre-eux
figurait le nom de Yilmaz Guney aussi bien comme metteur en scène que
comme acteur.
Guney, lauréat du Festival de
Cannes 1982 avec son film Yol, a été déchu de sa nationalité turque
alors qu'il était en exil. Le régime militaire avait décrété que les
œuvres de ceux qui ont été déchus de leur nationalité ne pouvaient pas
être rendues publiques en Turquie. Guney est mort à Paris en 1984.
Les articles 141, 142 et 163
qu'Özal se proposait de suspendre sont toujours en vigueur et de
nombreux intellectuels sont encore persécutés conformément à ces
dispositions.
En novembre 1989, sept revues;
Emegin Bayragi, Toplumsal Kurtulus, Yeni Cozum, Yeni Demokrasi, 2000e
Dogru, Medya Gunesi, Komun et deux livres, Le cas de la
Démocratie et La situation et nos tâches ont été saisis et leurs
responsables mis en accusation en vertu de l'article 142 du code pénal
turc.
Selon le quotidien Cumhuriyet du
23 novembre 1989, sur les 230.000 personnes jugées par des tribunaux
militaires depuis 1980, 71.000 l'ont été en vertu des articles 141, 142
et 163 du code pénal turc.
Le ministère de la Justice a
rapporté que les cours civiles ont, durant les six dernières années,
jugé 14.855 personnes au cours de 9.508 cas et ce, conformément à ces
trois articles. Actuellement, 3.000 personnes ont été condamnées ou
sont en état d'arrestation en vertu de lesdits articles.
Parmi ces victimes, on trouve des
écrivains socialistes et des journalistes. Au moins 100 numéros de
différentes revues socialistes ont été saisies en vertu de l'article
142.
Un autre rapport publié dans le
quotidien Cumhuriyet du 19 novembre 1989 fait état de 3.000
journalistes jugés lors de 2.000 procès entre septembre 1980 et avril
1988. Les tribunaux militaires ou civils ont prononcé un total de 5.000
ans de prison à l'encontre de journalistes.
Depuis 1983, année de l'arrivée
au pouvoir d'Özal, 2.127 journalistes ont été jugés lors de 1.246
procès.
Fin novembre 1989, 23
journalistes étaient toujours en prison.
Le nombre de sentences capitales
envoyées à l'Assemblée Nationales pour ratification s'élevait à 253 fin
novembre 1989. Parmi ces condamnés, on relève 129 personnes appartenant
à des organisations de gauche et 27 à des organisations de droite, 93
ont été condamnés pour des crimes de droit commun. On dénombre
également quatre militants Palestiniens qui ont été condamnés à mort
pour avoir attaqué l'ambassade d'un pays arabe à Ankara.
TERRORISME D'ETAT EN NOVEMBRE
Le 4.11, à Mardin, le directeur
de l'hôpital d'Etat de Cizre, le docteur Abdullah Bolcali, qui avait
été arrêté et torturé pour avoir prodigué des soins à des militants
kurdes (voir le n° 156 d'Info-Turk) a à nouveau été la victime de
mesures répressives. En effet, après avoir été relâché, il a été démis
de ses fonctions et envoyé dans le district de Cekerek à Yozgat.
Le 6.11, à Bandirma, 369 ouvriers
ont été traduits devant une Cour criminelle pour s'être livrés à une
manifestation sans autorisation préalable le 23 avril 1989. Tous les
prévenus sont membres du Syndicat des ouvriers de l'industrie
pétrolière (Petrol-Is) sont passibles d'une peine total de 1.107 ans de
prison.
Le 7.11, la Cour de Sûreté de
l'Etat n° 1 d'Istanbul a condamné deux membres présumés du Parti
communiste de Turquie (TKP/B) à 8 ans et 4 mois de prison chacun.
Le 8.11, la police a annoncé
l'arrestation de quatre membres présumés de DEV-YOL dans la province de
Mugla.
Le 9.11, la Cour de Sûreté de
l'Etat n°1 de Diyarbakir a condamné quatre membres présumés du PKK à
des peines de prison de huit ans et quatre mois.
Le 14.11, la police a annoncé
l'arrestation de 28 militants présumés de l'Armée Révolutionnaire des
Ouvriers et des Paysans de Turquie (TIKKO) à Tunceli.
Le 22.11, à Adana, 16 membres
présumés d'une organisation clandestine ont été capturés.
Le 23.11, la Cour militaire de
Cassation a approuvé la condamnation de 10 dirigeants du Parti Ouvrier
Socialiste de Turquie (TSIP) à des peines de prison allant de 5 à 10
ans. Ils avaient été condamnés par la Cour Martiale d'Istanbul en 1985.
Le 24.11, à Istanbul, la police a
annoncé l'arrestation de 11 membres présumés de l'Unité de Propagande
Armée Marxiste-Léniniste (MLSPB).
Le 30.11, le procès de 10 membres
présumés du TKP/B a commencé à la Cour de Sûreté de l'Etat n° 2
d'Istanbul. Ils risquent des peines de prison allant jusqu'à 15 ans.
PERSECUTIONS RECENTES DES MEDIAS
Le 21.10, le directeur de la
maison d'édition Yurt, Unsal Ozturk a été arrêté par la police dans le
cadre du procès du DISK.
Le 22.10, Erdogan Yasar Kopan et
Aslan Sener Yildirim, respectivement rédacteur en chef et journaliste
du mensuel Yeni Cozum, ont été condamnés à sept ans et six mois de
prison par la Cour de Sûreté de l'Etat n° 2 d'Istanbul. Kopan avait
déjà été condamné à 37 ans de prison lors d'autres procès.
Le 24.10, dans un communiqué
conjoint, cinq revues mensuelles ont annoncé qu'Aytac Varol, rédacteur
en chef du mensuel Yonelis, est en détention depuis le 21 septembre,
date à laquelle il avait été arrêté pour "propagande séparatiste".
Le 25.10, Mlle Gulten Demir,
éditeur et rédacteur en chef du mensuel Devrimci Genclik, a été arrêtée
sur ordre de la Cour de Sûreté de l'Etat d'Istanbul. La police la
détient depuis le 17 octobre 1989.
Le 26.10, le professeur Yalcin
Kucuk, rédacteur en chef du mensuel Toplumsal Kurtulus, a été mis à
nouveau en accusation par la Cour de Sûreté de l'Etat pour son
interview avec le leader du PKK.
Le 4.11, le quotidien Sabah a été
condamné à verser une amende de 20 millions de LT (10.000 dollars) pour
avoir publié une série d'articles au sujet de la vie familiale d'Özal,
intitulée "Automne dans le Jardin Royal". Le même jour, le quotidien
Hurriyet a également été condamné à payer une amende de 7,5 millions de
LT (3.750 dollars) pour avoir publié un article sur l'ancien premier
ministre Kaya Erdem.
Le 5.11, à Ankara, les
représentations du théâtre Birlik ont été suspendues sur ordre du
gouverneur et un acteur, Latif Tiftikci a été arrêté.
Le même jour, à Istanbul, un
débat organisé par l'Association de Solidarité avec les Familles de
Prisonniers (TAYAD) sur les "crimes contre l'humanité" a été interdit
au dernier moment par le gouverneur. Ce dernier a également interdit
l'inauguration du bureau de rédaction du bulletin de la TAYAD. La TAYAD
a également annoncé que son secrétaire général, Zeynep Gungormez, a été
arrêtée à son retour de Samsun où une antenne de l'association a été
mise sur pied.
Le 6.11, le concert d'Adana du
chanteur folklorique Ahmet Kaya a été annulé par les autorités de la
police locale à Istanbul.
Le 9.11, à Istanbul, Tayfun
Yukselbas, le nouveau rédacteur en chef de Devrimci Genclik, a été mis
en état d'arrestation.
Le 12.11, le directeur de la
maison d'édition Alan, Ragip Zarakolu, a été détenu par la police à
Istanbul pour avoir transporté dans sa poche une lettre qui lui avait
été adressée par un prisonnier politique.
Le 17.11, à Konya, l'éditeur du
mensuel Sozcu, Salim Kocak, a été condamné à 3 mois et 15 jours de
prison ainsi qu'à une amende de 2.2 millions de LT (1.000 dollars) pour
un article critiquant Özal.
Le 20.11, une soirée organisée
sous l'égide de la TAYAD et intitulée: "La résistance, c'est une
ballade!" a été interdite par le gouverneur. Cinq membres de la TAYAD
ont été mis en état d'arrestation.
Le 23.11, Bülent Solgun, membre
de l'Association du Solidarité et de Recherche Sociale et Culturelle
des Travailleurs (EMEKAD) a été détenu à Istanbul.
Le 24.11, le procureur de la Cour
de Sûreté de l'Etat d'Ankara a entamé une enquête sur un programme de
télévision consacré à la liberté d'opinion et de croyance. Il a
interrogé M. Ceyhan Baytur, chef du département de l'information de la
Télévision turque.
Le 27.11, Bayram Kaya,
représentant du mensuel Yeni Cozum a été arrêté à Bursa.
NOUVEAU MALAISE DANS LES PRISONS
L'anxiété est montée parmi les
parents de prisonniers lorsque des rumeurs ont rapporté que tous les
prisonniers politiques de la Prison Spéciale d'Aydin vont être à
nouveau transférés dans la prison d'Eskisehir.
La réputation de cette dernière
est très mauvaise en raison des conditions d'incarcération inhumaines
et des mauvais traitements qu'y subissent les prisonniers. C'est pour
cela que les prisonniers politiques avaient entamé une grève de la faim
au mois de juin dernier. En guise de sanction, on les avait transféré à
la prison d'Aydin, sous le prétexte de la découverte de deux tunnels à
l'intérieur des bâtiments de la prison d'Eskisehir. Ce transfert avait
coûté la vie à deux d'entre eux qui après 35 jours de grève, n'étaient
pas en état de supporter un voyage de 300 km en voiture.
La presse turque rapporte que la
prison d'Eskisehir a été restaurée et sera à nouveau opérationnelle en
1990.
D'autre part, les prisonniers
politiques de la prison d'Ergani ont commencé une grève de la faim pour
protester contre les conditions d'incarcération inhumaines. En guise de
réponse, le ministère de la Justice les a tous fait transférer dans une
autre prison à Bismil.
PERSECUTIONS D'ENFANTS
Comme par la passé, les
persécutions menées contre les lycéens continuent.
Le 10 novembre, trois lycéens
âgés de 13 ans, O.O - OA - AC,, ont été traduits devant la cour
criminelle à Denizli pour avoir peint des noms d'organisations
illégales sur les murs. L'hôpital d'Etat, dans lequel ils ont subi un
examen, a délivré un certificat selon lequel ils jouissaient de leurs
capacités mentales lorsqu'ils ont commis ce "crime". Ils sont donc
punissables. A la demande de leurs avocats, la cour a désigné un nouvel
expert médical.
Le 19 novembre, à Istanbul,
quatre adolescentes âgées de 16 à 17 ans ont été traduites devant la
cour criminelle pour avoir distribué des tracts d'une organisation
illégale. Chacune d'elles risque une peine allant jusqu'à 12 ans de
prison.
Le 21 novembre, E.O, un lycéen de
16 ans a été expulsé de l'école Hasanoglan d'Ankara pour avoir lu le
livre du professeur Server Tanilli intitulé Quelle genre de démocratie
désirons-nous?" De plus, le procureur de la République l'a mis en
accusation et a requis une peine de six mois de prison.
Le 30 novembre, à Kayseri, un
lycéen de 15 ans, Yildirim Ozdemir, a comparu devant la Cour de Sûreté
de l'Etat pour propagande communiste. Cette même cour l'avait déjà
condamné à 24 mois de prisons dont il était sorti après avoir purgé 3
mois. La première sentence avait été cassée par la Cour de Cassation.
Durant son nouveau procès,
Ozdemir a déclaré aux journalistes que tous ses amis l'évitaient à
couse de la pression exercée par la police.
DEBATS SUR LES DROITS DE L'HOMME
En novembre dernier, à Istanbul,
s'est tenu une série de conférences sur la démocratie en Turquie au
cours desquelles des orateurs turcs et étrangers ont exprimé leur
conviction commune quant aux conditions sine qua non de l'instauration
de la démocratie en Turquie. Ils ont tous réclamé la suspension des
articles 141, 142 et 163 du Code Pénal Turc ainsi que la mise en
liberté des prisonniers politiques.
L'ancien président du parti de la
Juste Voie (DYP), Husamettin Cindoruk, a déclaré: "Le parti communiste
qui opère depuis 70 ans dans l'illégalité devrait dès maintenant le
faire en pleine lumière."
Koray Duzgoren, président de
l'Association contemporaine des Journalistes (CGD) a déclaré que
650.000 personnes ont été arrêtées depuis le Coup d'Etat de 1980,
210.000 ont été jugées et le corps de 177 de celles qui étaient en
détention préventive ont été remis à leur famille."
Il a ajouté que près de 4,5
millions de personnes ont été fichées par la police.
L'ancien ministre de l'Education,
Necdet Ugur a insisté que la modification des articles du Code Pénal ne
suffisait pas pour restaurer la démocratie en Turquie: "Une
constitution ne peut être qualifiée de démocratique que si elle est
favorable à la nation, si la nation a participé à sa rédaction et si
elle stipule que l'Etat est au service de la nation."
Vladimir Kartashkin, expert en
droit soviétique, a dit que l'Union Soviétique devrait prêter une
attention particulière à la situation des droits de l'Homme et à la
promotion de la Démocratie.
Un avocat britannique, John
Bowdin ainsi qu'un député grec, Stratis Karakas, ont fait des
suggestions quant au respect des Droits de l'Homme en Turquie.
LE PRIX DE LA PRESSE A L'IPI
Le 29 novembre dernier, à
Istanbul, l'Association des Journalistes de Turquie a décerné son
premier prix de la liberté de la presse à Peter Galliner, directeur de
l'Institut International de la Presse (IPI).
Dans son discours de
remerciement, Galliner a déclaré qu'il reste encore beaucoup de progrès
à faire dans le domaine des droits de l'homme: "Il me semble
indispensable que les derniers obstacles à la liberté de la presse
disparaissent. Les lois sur la presse doivent être abolies. C'est
impératif, non seulement pour l'image de marque de la Turquie à
l'étranger, mais pour l'établissement d'une véritable démocratie où les
libertés fondamentales et les droits de l'homme seront universellement
respectés".
Il a continué, en se référant à
l'attaque menée contre un journaliste du quotidien Gazete par un chef
de clan: "Les journalistes sont encore emprisonnés, condamnés à de
lourdes peines de prisons et à des énormes amendes. Les journaux sont
encore interdits pour avoir publié des articles qui déplaisent aux
autorités et il y a peu de temps des journalistes sont morts dans des
attentats perpétrés par la mafia".
L'ARMEE HOSTILE AU DESARMEMENT
Alors qu'à travers le monde, le
désarmement est à l'ordre du jour, le chef des forces armées turques,
le Général Necip Torumtay, est persuadé que le pays ne sera pas apte à
bénéficier d'une réduction des dépenses consacrées à l'armement.
Dans un article publié dans le
Newspot fin novembre 1989, un hebdomadaire gouvernemental en
anglais, Torumtay déclare que la position géo-politique de la Turquie
ainsi que son matériel militaire dépassé ne lui permettent pas de
réduire son budget-défense.
Il a également déclaré: "La
Turquie sera le seul et unique pays réellement affecté par les
changements intervenus dans les concepts de défense et ce à cause des
ses frontières aérienne, maritime et terrestre communes avec les pays
du Pacte de Varsovie dont l'URSS. La Turquie est également le seul
allié de l'OTAN qui a des frontières communes avec des pays du
Moyen-Orient qui ne participent pas au désarmement. Même si une balance
numérique était établie (entre l'OTAN et le Pacte de Varsovie), la
qualité plus que médiocre et le caractère périmé du matériel militaire
utilisé par les forces armées turques maintiendrait la Turquie dans une
situation d'infériorité. C'est pour cette raison que la Turquie doit
maintenir son programme de modernisation militaire établi dans le but
d'équilibrer la situation sur le plan qualitatif. Nous croyons que nos
amis américains prendront les intérêts de la Turquie en considération
au cas où une nouvelle balance serait établie".
Le numéro du 22 novembre du
quotidien Gunes, commentant le position du général Torumtay s'est
demandé si "pendant que, comme on l'espère, la détente apporte plus de
liberté et de richesse aux peuples à travers le monde, la Turquie
devra, quant à elle, se contenter de vivre pauvrement dans des
conditions pénibles ainsi que de supporter les vestiges du régime
militaire du 12 Septembre?"
NOUVELLE MENACE PAR L'ARMEE
Suite à une série d'attaques
menées par la guérilla kurde dans des villages frontaliers, Turgut Özal
a envisagé la possibilité de faire pénétrer l'armée turque sur le
territoire irakien et d'ainsi mettre en application le principe de la
"hot pursuit".
A Hakkari, les autorités locales
de sécurité ont déclaré que le 24 novembre dernier, 20 personnes dont
12 enfants et 6 femmes, ont été abattues lors d'une attaque surprise
menée par un groupe de militants du PKK et dirigée contre le village de
Ikiyaka qui est situé près de la frontière irakienne.
Le ministre de l'Intérieur a
également déclaré que "des groupes terroristes arméniens étaient
également impliqués dans l'attaque".
Les groupes kurdes basés en
Europe ont démenti cette accusation et ont déclaré que cette attaque
pourrait être une opération menée par des agents de l'Etat turc et ce
dans le but de discréditer la résistance kurde et de fournir un
prétexte à l'Armée Turque pour franchir la frontière.
Le 28 novembre, le président Özal
déclarait aux journalistes: "Si cela devait devenir nécessaire,
l'emprise de la Turquie pourrait s'étendre au-delà de la frontière.
Nous sommes en contact avec l'Irak. Les séparatistes déplorent e
lourdes pertes suite aux opérations de sécurité dans la zone
frontalière durant ces quatre ou cinq derniers mois, certains se sont
même rendus aux forces de sécurité. Au printemps, nous lancerons une
nouvelle opération de nettoyage contre les terroristes dans les grottes
qu'ils utilisent comme planques".
Cependant, Tariq Abdeljabbar
Jawad, l'ambassadeur irakien à Ankara, désapprouve Özal et l'exprime en
ces termes: "Nous sommes prêts à collaborer avec la Turquie. Mais à
l'heure actuelle, nous ne voyons pas l'utilité d'une opération menée
par la Turquie sur le sol irakien. Notre gouvernement a basé des
troupes dans la partie septentrionale du pays après le dernier
massacre. Quant aux opérations militaires turques en territoire irakien
de 1986 et 1987, elles ont eu lieu dans des circonstances particulières
qui ne sont plus réunies actuellement".
De plus, la presse turque
rapporte que le protocole sur la sécurité dans la zone frontalière qui
permettait à l'armée turque de franchir la frontière est venu à
expiration en 1988.
Selon le numéro du 29 novembre
1989 du quotidien Cumhuriyet, depuis le 15 août 1984, au moins 1.402
personnes ont été abattues dans le cadre du conflit qui oppose les
forces armées turques à la guérilla kurde. Parmi elles, on dénombre: 22
officiers, 22 sous-officiers, 228 soldats, 23 policiers, 53 gardiens de
village, 10 chefs de village (muhtar) et 15 instituteurs.
USA CRITIQUE LA TORTURE EN TURQUIE
La délégation américaine qui a
participé à la Conférence sur la Sécurité et la coopération en Europe
(CSCE) qui a eu lieu à Sofia a annoncé que les allégations de torture
en Turquie pose de sérieux problèmes et embarrassent Washington.
M. Joshua Gilder, sous-secrétaire
au département d'Etat américain, a déclaré aux journalistes turcs que
les conditions de détention en Turquie ne correspondent pas aux
standards internationaux: "Beaucoup d'efforts seront nécessaires pour
améliorer les conditions de détention en Turquie. La question la plus
importante est d'autoriser les détenus à consulter leurs avocats".
Gilder a dit que l'administration
Bush considère le Parti ouvrier du Kurdistan (PKK) comme une
organisation terroriste. Gilder a demandé au gouvernement turc de faire
preuve de clémence à l'égard des Kurdes: "Il est évident qu'ils parlent
une autre langue. Ils devraient être autorisés à utiliser leur langue".
LES TRAVAILLEURS FRAPPES PAR LES TAXES
Selon un rapport basé sur les
statistiques de l'OCDE, au niveau européen, les travailleurs turcs sont
les plus taxés à la source. L'Etat turc prélève environ 35,9% du brut
pour les primes de sécurité sociale et les taxes sur le revenu. Les
prélèvements montent jusqu'à 45% dans le cas de plus gros salaires.
Aucun autre pays de la Communauté
européenne n'atteint un niveau de prélèvement aussi élevé. En Grèce, il
n'existe pas de retenue car les salaires sont augmentés de primes de
l'assistance sociale. Au Luxembourg, le taux de prélèvement n'est que
de 2,8%. Dans les quatre pays suivants, la retenue sur le salaire brut
n'atteint pas 20%: 17,9% pour la Belgique; 13,3% pour l'Espagne; 9,8%
pour le Portugal et 9,3% pour la France. Le taux de prélèvement se
monte au Danemark: 32,2%; aux Pays Bas: 27,2%; en Irlande 22%; en
Italie: 21,5%; en RFA: 21,1%.
Les travailleurs turcs qui
touchent le minimum légal doivent travailler 92 jours par an pour payer
des primes de sécurité sociale, les taxes sur le revenu et autres
prélèvements effectués sur leur salaire. Quant aux travailleurs dont le
salaire est plus important, ce chiffre se monte à 105 jours.
LES ACTIONS DE DEFENSE DES FEMMES
Les groupes féministes turcs ont
lancé une campagne dans le but de lutter contre la harcèlement auquel
les femmes doivent faire face dans les rues. Début novembre on a
distribué aux habitants d'Istanbul sur les ferry et à la foire du Livre
de longues épingles surmontées de perles rouges.
Handan Koc, une des dirigeantes
de la campagne a expliqué que "l'association a choisi l'épingle comme
symbole. Lorsque nos grandes mères étaient jeunes, les villageois
avaient des épingles sur leur robe qu'elles utilisaient aussi bien pour
coudre que pour se défendre en cas d'agression. Le but de la campagne
est de crier 'NON' au harcèlement sexuel partout et n'importe où : dans
les bus, les cinémas, les trains et dans les rues."
Elle a ajouté qu'"en comparaison
avec les pays européens et les USA, le taux d'agression en Turquie
n'est pas élevé, par contre, les Turcs préfèrent se livrer au
harcèlement avec leurs mains, leur regard et en prononçant des
insanités". Elle a estimé qu'il est temps que des femmes se protègent
contre un tel harcèlement: " Traditionnellement, les femmes turques
considèrent leur corps comme un fardeau. Nous ne voulons plus supporter
cette honte. Les femmes turques devraient clamer que des vrais
coupables, en cas de harcèlement, ce sont les hommes et pas les femmes.
Nous pensons que les hommes harcèlent les femmes non pas par ignorance
mais parce que qu'ils considèrent avoir des droits sur leurs corps.
Nous devons lutter contre leur autorité absolue à travers le monde."
D'autre part, le 24 novembre
I989, un groupe de 30 femmes appartenant à diverses associations
féministes a visité des endroits où les hommes se réunissent pour
boire, pour manger, souvent appelés des meyhane. "Pendant des
années, les meyhane ont été dans des lieux exclusivement
fréquentés par les hommes. Mais n'avons vu aucune femme dans ceux que
nous avons visité. Au prime abord, ils ont cru que notre visite faisait
partie du tournage d'un films (...) mais quand nous nous sommes assises
et que nous avons commandé des repas et des boissons, ils ont réalisé
que nous étions là pour manger et pour boire… ils ont été choqués".
Aucun incident n'est intervenu
durant les actions menées par ces femmes.
MAUVAISE NOTE POUR L'ECONOMIE TURQUE
Selon les listes I989 de
compétitivité et de fiabilité annuelles émises par le Forum économique
mondial l'industrie turque n'est pas très 1989. La Turquie apparaît
dans le peloton de queue des 22 pays jouissant de l'utilisation de
leurs ressources naturelles: en fait, la Turquie est le pays le moins
développé. De même, la Turquie a perdu son dynamisme économique des
années précédentes et figure en fin de cette liste.
La Turquie occupe la 18ème place
en ce qui concerne la fiabilité des ses entreprises, devant l'Espagne,
l'Italie, le Portugal et la Grèce.
Les experts qui ont rédigé cette
année le rapport pour le Forum Economique mondial, estiment que la
Turquie est un pays instable pour les raisons suivantes:
- échec dans la lutte contre
l'inflation
- stagnation doublée d'inflation
- instabilité politique d'Özal
- annonce tardive de sa
candidature à la présidence
- l'atmosphère électorale qui
règne continuellement dans le pays
- baisse de la production
domestique
- ralentissement de
l'industrialisation
- changement continuel de sa
politique économique
INVESTISSEMENTS ETRANGERS EN TURQUIE
Prisunic, la chaîne française de
supermarchés et de magasins bien connue pour sa politique de rabais sur
les prix, va ouvrir son premier "hypermarché" turc à Istanbul. Ce
magasin va couvrir une surface de plus de 3.000 m2 et va proposer des
produits à des prix de 10 à 20% moins cher que ceux pratiqués dans les
bakkal (magasins d'alimentation).
Prisunic a fondé une société en
collaboration avec la municipalité d'Istanbul (BELPRI). Les intérêts
turcs seront majoritaires dans l'entreprise mais c'est Prisunic qui
assumera son administration et sa gestion. La part de la firme
française dans le capital sera de 30% soient près de 4 millions de FF.
La neuvième société
pharmaceutique mondiale, Rhone Poulenc France, a annoncé son intention
d'étendre sa sphère d'activités à la Turquie. Depuis 10 ans, Rhone
Poulenc est présent sur le marché turc de la pharmacie, vaccination,
produits chimiques et pesticides et ce, en collaboration avec la plus
grosse entreprise pharmaceutique turque: Eczacibasi. Dès maintenant,
Rhone Poulenc va intensifier ses investissements dans le secteur de la
pharmacie et des pesticides.
D'autre part, Krupp Markmaan et
Mol Bohretcnik (KMMB) Co., filiale de la Krupp Co. ouest-allemande,
projettent de fonder une usine de montage et d'en établir des parties
en Turquie en coopération avec la Erke Foreign Trade Co. de Turquie. En
août 1989, la KMMB et la Erke avaient déjà créé une entreprise mixte en
signant un pré-accord.
Une compagnie bancaire et
d'assurance ouest-allemande, le Groupe Goather, a également annoncé son
intention de créer une nouvelle compagnie d'assurance en Turquie. Elle
a déjà investi 5 milliards de LT dans cette société et espère réaliser
un bénéfice de 5 à 8 milliards de LT dès sa première année d'activité.
LA CHARTE SOCIALE RATIFIEE, MAIS...
Le 29 novembre 1989, le
gouvernement turc a ratifié la charte sociale européenne qui pose un
certain nombre de principes régissant les relations sociales. Cependant
Ankara a déclaré qu'elle ne se considérait pas comme liée par deux
articles de la charte.
Le Ministère turc des Affaires
étrangères a précisé qu'il émettait ces deux réserves car ses lois
sociales n'autorisent pas les fonctionnaires à former des syndicats et
à faire la grève.
EXPULSION SCANDALEUSE DE DEPUTES KURDES
Le Procureur de la La Cour de
Sûreté de l'Etat d'Ankara a entamé des poursuites légales contre huit
députés kurdes de gauche. Sept d'entre eux, Mehmet Ali Eren, Kenan
Sönmez, Ismail Hakki Onal, Ahmet Turk, Adnan Ekmen, Salih Sumer et
Mahmut Alniak, avaient participé à la Conférence de Paris sur la
question kurde et ont, pour cette raison, été expulsés du Parti
populiste social-démocrate (SHP). Le huitième, Ibrahim Aksoy,
avait déjà été exclu du SHP pour ses déclarations devant le comité
parlementaire mixte turco-européen à Strasbourg.
Le Procureur a demandé au
ministère de la Justice d'entamer une procédure en vue de lever
l'immunité parlementaire des huit députés kurdes afin de pouvoir les
juger pour séparatisme.
L'expulsion de sept députés a
provoqué une controverse au sein du SHP. En guise de protestation
contre ces exclusions, neuf députés et plusieurs dirigeants du parti
dans les provinces orientales habitées par des Kurdes ont quitté le SHP.
Dans une lettre commune de
démission, les députés SHP ont déclaré que le Parti a perdu sa vocation
d'aider et de soutenir les gens ainsi que de porter les forces
politiques progressistes au pouvoir. Ils poursuivent en disant que: "Le
SHP a quitté le chemin qui mène à la vraie démocratie en Turquie".
Les députés ont désigné le
Secrétaire général du SHP, Deniz Baykal, comme le principal responsable
de cet échec. Selon eux, Baykal s'est consacré à la lutte contre ses
opposants au sein même du parti ainsi qu'à l'instauration de la
suprématie de sa faction, négligeant ainsi les objectifs politiques du
parti.
Le 26 novembre dernier, lors d'un
meeting à Istanbul, de nombreux membres du SHP ont manifesté bruyamment
et ont demandé la démission du leader du parti, Erdal Inönü. Le même
jour, des membres du SHP déchiraient des portraits d'Inönü à Diyarbakir.
Inönü a cependant refusé de tenir
compte des protestations et a justifié la décision du comité
disciplinaire du parti d'exclure sept députés.
Il a déclaré: "Bien sûr, il y a
des gens qui parlent kurde en Turquie et qui se considèrent comme étant
Kurdes. Mais nous essayons de faire cohabiter tous les Turcs et non pas
d'accentuer les différences culturelles qui les séparent. Personne ne
profiterait d'une telle discrimination".
LES DEPUTES TURCS CACHENT LES PERSECUTIONS AU PARLEMENT EUROPEEN
La commission parlementaire mixte
turco-européen s'est réuni à Bruxelles les 27, 28 et 29 novembre
derniers et s'est livré à une évaluation des relations
turco-européennes ainsi que de l'impact des récents événements de l'Est
sur ces relations. La vice premier ministre turc Ali Bozer, y assistait.
En vue de la réunion de
Bruxelles, le gouvernement turc avait demandé à la délégation turque de
baser tous ses arguments touchant la situation des droits de l'homme en
Turquie sur un rapport émis par le ministère des Affaires Etrangères.
Durant la réunion, un député
communiste italien, M. Vecchi, a présenté un rapport détaillé sur la
situation des droits de l'homme en Turquie et a critiqué à plusieurs
reprises les pratiques anti-démocratiques auxquelles on s'y livre.
Au grand étonnement des
journalistes, les députés de l'opposition turque qui faisaient partie
de la délégation dont le secrétaire général du SHP, M. Deniz Baykal, se
sont faits les porte-paroles du régime d'Ankara.
A la fin de la réunion, les
parlementaires turcs et européens ont adopté une résolution
recommandant au Conseil d'association turco-européen de se réunir le
plus vite possible afin de développer les relations turco-européennes.
Les deux délégations ont exprimé
leur préoccupation à propos des massacres qui auraient été commis à la
frontière turco-iraqienne par la guérilla kurde.
Pendant la réunion, le
co-président de la Commission mixte, le député turc Bülent Akarcali,
lors d'une interview qu'il a accordée à la presse turque, a fait des
remarques désobligeantes contre les opposants au régime qui informent
l'opinion européenne des violations des droits de l'homme auxquelles on
se livre en Turquie.
Le 30 novembre 1989, lors d'une
conférence de presse, le rédacteur en chef d'Info-Türk a critiqué
l'attitude du chef de la délégation turque qu'il considère incompatible
avec l'affirmation de démocratisation en Turquie.
Il a également demandé à deux
parties de la commission parlementaire mixte pourquoi n'ont-elles pas
réagi contre les persécutions dont huit députés kurdes sont les
victimes. Parmi eux, on compte un député qui faisait partie de cette
même commission mixte il y a à peine quelques mois.
Les membres de la commission ont
répondu qu'ils n'avaient pas été mis au courant de ces persécutions.
Cependant, M. Vecchi a déclaré qu'ils allaient étudier ce cas.
La prochaine réunion de la
commission se tiendra les 22 et 23 mars 1990.
UNE FEMME CONDAMNEE POUR AVOIR PARLE KURDE
Le 21 novembre 1989, à
Diyarbakir, une femme âgée de 61 ans a été condamnée à un an de prison
pour avoir parlé kurde lors d'une réunion électorale en mars dernier.
Ce cas a provoqué l'indignation des cercles humanitaires de Turquie.
Saliha Sener a été reconnue
coupable d'avoir violé les règlements électoraux ainsi que la loi
interdisant l'usage du kurde comme langue officielle. La peine de
prison a été commuée en une amende de 2,6 millions de LT (1.150
dollars), mais la Cour a estimé que Mme Sener donnait l'impression
qu'elle n'allait plus violer la loi et a déféré le paiement de
l'amende. Cependant, si elle commet à nouveau la même infraction à la
loi, elle serait alors passible d'une peine d'un an de prison ainsi que
du payement de l'amende.
Dans sa déposition qu'elle a
faite en kurde avec l'aide d'un traducteur, elle a déclaré: "Je ne
parle pas turc, c'est la raison pour laquelle je m'exprime en kurde.
J'ai dit aux gens de voter SHP. Je leur ai dit de voter SHP pour
que l'inflation cesse enfin."
Après le procès, elle a déclaré
aux journalistes: "Je n'ai pas reçu d'instruction et ma famille m'a
mariée à 15 ans. Je suis une villageoise. Je parle kurde car je ne
connais pas le turc. Je n'accepte pas le verdict. Même s'ils me
pendaient, je parlerais kurde parce que je suis Kurde."
LES INEGALITES DU SYSTEME PENITENTIAIRE
En Turquie, des centaines de
prisonniers passent en prison plus de temps qu'ils ne le devraient. Si
on ne remédie pas aux contradictions figurant dans la nouvelle
législation, et en particulier dans la loi 3257 sur l'exécution des
sentences publiée le 19 mars 1986 au Journal Officiel, beaucoup
d'autres seront également victimes de la même injustice.
Le 4 juin I989, des organisations
humanitaires ont reçu une lettre qui leur avait été adressée par Mahmut
Cigdemal, détenu à la prison de type E de Malatya. Elle dénonçait
l'injustice régnant depuis la promulgation de la loi 3257 : ainsi,
incarcéré en I974, il aurait déjà dû être relâché, or en vertu de cette
loi, il doit encore purger 19 mois et 15 jours de prison. L'article 13
du code pénal turc stipule que la prison à vie équivaut à un
emprisonnement de 36 ans, ce qui constitue la peine la plus lourde
prévue par la loi turque. Une décision du 13 mars 1979 de la Cour
Suprême (cour constitutionnelle) devait le confirmer. La loi 2148 sur
l'exécution des sentences, édictée en 1978, prévoyant une réduction
d'un tiers ainsi que la réduction d'un cinquième des deux tiers
restants. En d'autres termes : le prisonnier doit purger 16 jours par
mois soit 19 ans 2 mois et douze jours sur une peine de 36 ans.
La loi 3257 sur l'Exécution des
sentences qui remplace certaines dispositions de la loi 2148 et qui a
été publiée le 19 mars 1986 au journal officiel prévoit la réduction de
moitié plus un cinquième de la moitié restante de la sentence, en
d'autres termes : le prisonnier doit purger 12 jours par mois
(généralement on prend 40% de la sentence) ainsi un détenu condamné à
36 ans de prison doit purger 14 ans quatre mois et 24 jours de prison.
Là où intervient la différence :
c'est qu'en vertu de l'article 19/I de la loi sur l'exécution des
sentences telle que amendée le 19 mars 1986, l'emprisonnement à vue
correspond à 20 ans de prison et doit encore être réduite d'un
cinquième donc il équivaut à 16 ans. Donc les personnes condamnées à la
prison à vie vont purger un an sept mois et six jours de prison de plus
que celles qui ont été condamnées à une peine de 36 ans.
Ci-dessous figurent les noms des
prisonniers se trouvant dans la même situation :
Nom Prison
Imam Aygun Malatya Prison type E
Hasan Kirteke Gaziantep Prison type L
Mehmet Sahin Gaziantep Prison type L
Lutfi Baysal Gaziantep Prison type L
Hasim Kutlu Gaziantep Prison type L
Sevinc Aktas Gaziantep Prison type L
Munir Ekmekci Gaziantep Prison type L
Erok Citak Gaziantep Prison type L
Farit Barut Gaziantep Prison type L
Cahit Atan Turan Canakkale Prison type E
Veli Ozer Adiyaman Prison semi-ouverte
Huseyin Erdogan Foca Prison semi-ouverte
ACTIONS ISLAMISTES POUR LES TURBANS EN TURQUIE
La question du port de vêtements
religieux dans les écoles et les universités a provoqué des débats
passionnés lorsque des centaines d'étudiantes portant le turban se sont
vues interdire l'entrée dans les universités.
Après un longue controverse,
début 1989, le port du turban à titre religieux avait été interdit en
Turquie; cependant ils sont encore acceptés dans la majeure partie des
universités sauf à Ankara et à Izmir où les écoles sont beaucoup plus
stricts et interdisent à toute femme portant le turban de franchir leur
seuil.
A Ankara, le 8 novembre dernier,
400 personnes ont organisé une marche de protestation contre
l'interdiction du port du turban. Lorsque le groupe, composé en
majorité d'étudiantes et de mères de famille, s'est approché des
bâtiments de la radio-télévision turques (TRT), de nombreux hommes ont
essayé de s'y joindre mais en ont été empêchés par la police. Sept
manifestants, trois femmes portant le turban et quatre hommes, ont été
mis en état d'arrestation.
A l'Université technique
d'Istanbul, une trentaine d'hommes ont jailli dans un auditoire et ont
harcelé le professeur Ilhami Cetin et plusieurs étudiantes avant de
peindre sur les murs et sur le tableau l'inscription suivante: "Les
turbans vont mener le système dans la tombe".
Le Conseil de l'Education
Supérieure (YOK) qui régit les universités turques a communiqué des
instructions à tous les campus selon lesquelles en aucun cas, il ne
faut autoriser les étudiants portant le foulard à pénétrer dans les
auditoires.
Le 10 novembre dernier, après les
prières du vendredi, un groupe de 15 à 20 hommes barbus a attaqué le
hall d'exposition au musée de la Presse où étaient exposés des toiles
et des photographies représentant les différentes coiffures portées par
les femmes turques à différentes périodes de l'histoire. Ils ont
déchiré certaines photos, ont retourné les stands. Au total, 150
photographies ont été détruites.
Le 24 novembre, à Istanbul, après
les prières du vendredi, un groupe de 2.000 personnes dont des femmes
portant le tchador ont entamé une manifestation non-autorisée à
Sultanahmet, le centre touristique de la ville. Ils brandissaient des
slogans en anglais et en turc protestant contre l'interdiction du port
du foulard sur les campus universitaires. Les fondamentalistes ont
ignoré les ordres de dispersement de la police en criant des slogans
tels que: "Bas les pattes des foulards", "Notre foulard, notre
honneur", "Nous détruirons la main qui se portera sur nos foulards"
devant les touristes ébahis qui visitaient la Mosquée Bleue, le Musée
Sainte Sophie et le Palais de Topkapi.
La police a arrêté cinq hommes.
L'arrestation de quatre d'entre eux a été confirmée par la Cour de
Sûreté de l'Etat d'Istanbul.
Ceux qui défendent le port du
turban maintiennent qu'il ne s'agit pas d'un symbole politique mais un
symbole moral et religieux qui ne devrait pas être interdit dans un
pays démocratique.
Quant aux détracteurs du turban,
ils estiment qu'il constitue une menace pour la laïcité et qu'il
représente l'idéologie politique du Sharia, base de l'Etat islamique.
Mme Nermin Abadan Unat, un
sociologue distingué, a estimé qu'"il pourrait être correct de
soutenir, comme le font de nombreux intellectuels et écrivains, que
dans une société qui accepte les valeurs et les libertés démocratiques,
chacun est libre de s'habiller comme il ou elle l'entend. Mais lorsque
des vêtements supportent habituellement une idéologie politique, ils
deviennent eux-mêmes un symbole politique."
Sureyya Agaoglu, la première
femme avocat de Turquie, soutient l'opinion des femmes turques qui se
battent pour l'égalité qui estime que le port du turban va détruire
tous les progrès effectués vers la libération de la femme turque. Elle
est persuadée du fait que les fondamentalistes traditionalistes sont un
danger pour les droits accordés aux femmes par la République.
Mme Nilufer Gole, sociologue à
l'Université du Bosphore, représente une autre tendance: elle estime
qu'on ne peut pas associer le mouvement islamique radical au
traditionalisme. Selon elle: "Les nouveaux fondamentalistes radicaux
s'estiment être des intellectuels qui ont acquis une très bonne
connaissance de l'Islam et veulent étudier le passé afin d'en tirer des
enseignements pour aujourd'hui. Pour cette raison, ils ont choisi
d'utiliser le turban à la place d'un simple foulard afin de démarquer
de la masse des croyants". Le quotidien islamique Zaman, dans un
article de Fehmi Koru que le turban "est devenu une question politique"
dès que l'interdiction de le porter dans les universités a été formulée
par la Cour constitutionnelle au printemps dernier: "Même en France, où
la laïcité est synonyme du rejet de la religion, le ministère de la
Justice a décidé de ne pas expulser des classes les musulmanes portant
le foulard," dit Koru. "Personne n'ignore le fait qu'Özal est opposé à
l'interdiction du port du foulard. Alors qu'il était encore premier
ministre, il avait déclaré lors d'une conférence de presse qu'il était
contre. Depuis qu'il a accédé à la présidence de la République, tout le
monde attend de lui qu'il trouve rapidement une solution au problème".
Mme Bahriye Ucok, ancien
professeur à l'Ecole de Théologie d'Ankara, a fermement établi que le
fait de se couvrir la tête n'est pas une loi coranique et que le Coran
a souvent fait l'objet de mauvaises interprétations dûes aux
difficultés d'interpréter correctement la langue et l'écriture arabe.
Elle maintient que durant les premières heures de l'Islam, les femmes
honnêtes étaient priées de couvrir totalement leur corps afin de
montrer qu'elles n'étaient ni des prostituées ni des esclaves.
LES IMMIGRES TURCS DANS LA COMMUNAUTE EUROPEENNE
Le Turkish Dateline du 11
novembre 1989 du a publié un article sur les
immigrés turcs en Europe. Nous reproduisons
ci-dessous cet article écrit par
le Dr Faruk Sen, directeur de l'Institut des Etudes Turques à Bonn
(RFA):
Selon les chiffres de 1989, il y
a 15.300.000 personnes qui vivent dans les 12 pays de la Communauté
sans pour autant habiter dans le pays dont elles sont natives. Sur ces
15 millions, on en dénombre 5.600.000 qui ne viennent pas des Etats de
la Communauté, parmi lesquels la catégorie la plus importante sont les
Turcs avec 2.200.000 individus.
L'immigration turque a derrière
elle 29 ans d'histoire sur les 31 ans d'existence de la Communauté. Dès
1961, l'immigration turque a été encouragée. Alors que l'entrée de la
Turquie dans la Communauté européenne fait encore l'objet de
discussions, les Turcs ont attendu longtemps avant de devenir la 13ème
nation de la Communauté.
Les Turcs européens vivent depuis
tellement longtemps dans les pays de la Communauté qu'ils se sentent
européens à part entière et dans la plupart des cas, il ne souhaitent
pas retourner dans leur pays d'origine.
Sur les deux millions de Turcs
européens, on dénombre seulement 715.000 travailleurs, ce qui implique
que la majorité restante est composée de membres de leurs familles.
L'analyse de cette société turque
de l'étranger et en particulier celle de RFA se révèle intéressante du
fait qu'il s'agit d'une communauté très jeune. En RFA, 500.000 des
1.512.000 Turcs qui y vivent sont âgés de moins de 16 ans; 75% d'entre
eux sont nés en Allemagne.
Après la RFA, la seconde
communauté turque de l'étranger se situe aux Pays Bas où vivent 173.000
Turcs.
Trois points sont à noter en ce
qui concerne le développement de la Communauté turque en Europe.
En premier lieu, depuis le début
des années 80 on note une nette diminution du nombre de retours des
Turcs en Turquie surtout en provenance de RFA. La tendance à rester en
Europe est donc croissante.
En 1980, les sondages
rapportaient que 40% de la Communauté turque de RFA voulaient rester
dans ce pays; en 1985, ce chiffre se montait à 56%. Plus tard, un
rapport émis par le Centre de Recherche Turque estimait qu'en 1986, ce
chiffre se montait à 60,4%.
Les derniers chiffres datent de
1988, année durant laquelle le centre s'est livré à une enquête dans la
région du nord de la Westphalie (RFA): ils démontrent que seulement 13%
des Turcs qui habitent cette région ont l'intention de retourner en
Turquie.
On a observé la même tendance aux
Pays Bas. En 1987, une étude générale démontrait que seulement 24% des
Turcs voulaient quitter le pays.
En second lieu, les jeunes Turcs
vivant en Europe s'identifient totalement aux Européens. Ce phénomène
est notable surtout en RFA, où les jeunes appartenant à la communauté
turque s'intéressent aux écoles professionnelles et veulent devenir des
ouvriers qualifiés.
Le nombre de jeunes turcs qui
s'inscrivent dans des écoles professionnelles va en s'accroissant ainsi
que celui de ceux qui étudient la langue du pays dans lequel ils
vivent. Donc la première génération d'immigrants turcs soient des
ouvriers non qualifiés qui sont arrivés dans les années 60-70 va être
remplacée par une génération d'ouvriers qualifiés qui a été formée dans
des écoles techniques.
En troisième lieu: on note le
fait que de plus en plus de Turcs créent leur propre entreprises en
Europe. Ils sont du nombre de 40.500 en RFA, en GB, en France et au
Bénélux (Belgique, Pays Bas, Luxembourg).
Les trois quarts de ces derniers
vivent en RFA, c'est-à-dire 30.000 Turcs ayant leur propre affaire et
représentant un investissement total de 5,1 milliards de DM ainsi que
des chiffres d'affaires annuels se montant à 23,5 milliards de DM.
Rien qu'en RFA, les Turcs
emploient 105.000 personnes et leur succès ne peut décemment plus être
ignoré.
Ainsi, si nous considérons
globalement la situation nous pouvons voir que les Turcs se sont
identifiés aux pays dans lesquels ils résident où ils investissent et
fondent des foyers.