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A non-government information service on Turkey
Un service d'information non-gouvernemental sur la Turquie


164

14e année - N°164
Juin  1990
38 rue des Eburons - 1000 Bruxelles
Tél: (32-2) 215 35 76 - Fax: (32-2) 215 58 60
 Rédacteur en chef: Dogan Özgüden - Editrice responsable: Inci Tugsavul


INJUSTICE SCANDALEUSE

Dirigeants d'un parti communiste libérés
par le régime d'Ankara,
mais des intellectuels de gauche, turcs et kurdes,
souffrent toujours dans les prisons sordides

    Les longues et chaudes journées d'été... Les côtes ensoleillées méditerranéennes et égéennes de Turquie, grâce à des publicités attrayantes, attirent une fois de plus des millions de touristes aussi bien de l'intérieur du pays que des pays nord-européens. Ils y sont accueillis dans des hôtels et motels bien équipés donnant sur la mer d'azur.
    Le président Özal, le premier Akbulut, tous les dirigeants des partis d'opposition représentés dans le Parlement vont jouir de ce paradis sur terre. Même, les dirigeants d'un parti communiste qui ont passé des années en prison, se préparent à prendre leur place parmi ces heureux vacanciers grâce à leur mise en liberté par Özal. Sans aucun doute, ils le méritent pleinement.
    Pourtant, il y a une autre facette à ce paradis. Les prisons sont toujours pleines d'intellectuels de gauche, turcs et kurdes. Quant à eux, ils vont passer ces longues et chaudes journées d'été sous les verrous. Pour la plupart, ce sera le dixième été à passer dans les sordides prisons turques depuis la proclamation de la loi martiale en 1979.
    Bien que les dirigeants du parti communiste unifié de Turquie (TBKP), issu de la fusion de deux anciens partis pro-soviétiques, se préparent, grâce aux efforts des partis frères européens, à prendre place dans l'éventail politique de la soi-disant démocratie turque (Voir: "La légalisation d'un parti communiste" dans les pages suivantes), un grand nombre d'intellectuels souffrent toujours en prison pour avoir exprimé des opinions marxistes ou pour avoir défendu les droits et libertés fondamentales de la population kurde.
    C'est pour attirer l'attention publique sur cette injustice sans précédent que des prisonniers de conscience ont récemment recouru à diverses actions de protestation à travers le pays.
    Tout d'abord, le 16 mai 1990, huit prisonniers d'opinion dans la prison type E de Canakkale se sont mis en grève de la faim. Les grévistes, parmi lesquels on compte cinq journalistes, ont publié une déclaration avant d'entamer leur action, dans laquelle ils estiment qu'après la libération de Nihat Sargin et Nabi Yagci (Haydar Kutlu), respectivement le président et le secrétaire général du TBKP, toutes les poursuites considérant la pensée comme un crime n'ont plus aucun justification légale. "Les articles 141 et 142 du Code pénal turc n'ont plus aucune validité politique, sociale et morale. Nous entamons une grève de la faim en vue de protester contre cette situation et de faire supprimer ces articles."
    Ces cinq journalistes étaient:
    Erhan Tuskan, rédacteur en chef de la revue pour la jeunesse Ilerici Yurtsever Genclik, condamné à 123 ans de prison,
    Irfan Asik, rédacteur en chef de la revue politique Partizan, condamné à 111 ans,
    Hasan Fikret Ulusoydan, rédacteur en chef de la revue politique Halkin Sesi, condamné à 66 ans,
    Mehmet Özgen, rédacteur en chef des revues politiques, Bagimsiz Türkiye et Devrimci Militant, condamné à 43 ans,
    Kazim Arli, rédacteur en chef de la revue politique Öncü, condamné à 23 ans et 6 mois.
    Cette première action de protestation a été suivie plus tard par celles de quatre journalistes  dans deux autres prisons:
    Dans la prison de Bartin: Veli Yilmaz et Osman Tas, deux éditeurs responsables de la revue politique Halkin Kurtulusu, condamnés respectivement à un emprisonnement de 748 ans et de 661 ans;
    Dans la prison de Nazilli: Ilker Demir, éditeur responsable de la revue politique Kitle, condamné à 36 ans, et Abdullah Soydan, éditeur responsable de la revue kurde Kawa.
    "Ils ont commencé la grève de la faim car ils n'avaient pas d'autre solution. En effet que pouvaient-ils faire cloîtrés entre quatre murs sans que personne ne s'occupe d'eux? Jusqu'à ce qu'ils entament cette grève de la faim, l'épreuve de ces journalistes n'avait jamais été mentionnée dans la presse. Malheureusement leur action doit se poursuivre aussi longtemps que possible pour qu'elle soit effective," a dit Mme Neyyire Özkan, l'épouse de Veli Yilmaz, dans une interview au quotidien Dateline du 9 juin 1990.
    Yilmaz a été condamné à 748 ans pour avoir dirigé la publication de la revue Halkin Kurtulusu ainsi que pour son appartenance au parti communiste révolutionnaire de Turquie (TDKP). Un tribunal de cinq juges a refusé, par une vote de trois contre deux, de considérer les deux charges dans un seul procès.
    "Si le tribunal avait traité les deux inculpations conjointement, il aurait été condamné à un emprisonnement de 10 ans et 6 mois, qui aurait pu être réduit à quatre ans en vertu de la loi et ainsi il aurait pu être libéré puisqu'il a déjà passé dix ans en prison," a déclaré son épouse.
    "Le tribunal a décidé de relâcher Nabi Yagci (Haydar Kutlu) et Nihat Sargin parce que certains changements ont eu lieu à l'égard du délit d'opinion et qu'une réaction publique s'est manifestée en faveur de leur cas. La seule différence entre leur cas et celui des journalistes en prison est que Kutlu et Sargin ont été libérés pendant que leur procès était en cours, parce qu'à ce moment-là, le gouvernement avait manifesté son intention de modifier les articles 141 et 142 du Code pénal turc qui punissent des délits politiques. Mais, après leur mise en liberté, le gouvernement a reporté la délibération sur la modification de ces articles." a-t-elle ajouté.
    Sadiye Özgen, la sœur de Mehmet Özgen, qui a été condamné, en tant qu'éditeur responsable des revues Bagimsiz Turkiye et Devrimci Militan, à 43 ans, a dit: "La grève de la faim est un avertissement destiné au milieu démocratique. Il s'agit du seul moyen par lequel ils peuvent attirer l'attention sur leur épreuve. Ils conduisent leur grève de la faim non seulement pour eux-mêmes, mais également pour tous les détenus politiques dans les prisons; Plus de 200 prisonniers qui ont été condamnés à la peine capitale attendent toujours le verdict final de l'Assemblée nationale."
    Les grèves de la faim ont suscité des protestations aussi bien dans le pays qu'à l'étranger.
    L'Association des journalistes contemporains (CGD) a immédiatement annoncé qu'elle adoptait les journalistes en grève comme "membres honoraires".
    Un groupe de députés indépendants ont adressé des lettres au président Turgut Ozal, au premier ministre Akbulut, aux leaders du parti populiste social-démocrate (SHP) et du parti de la Juste Voie (DYP), respectivement Erdal Inönü et Süleyman Demirel, pour qu'ils interviennent afin de sauver la vie des grévistes de la faim.
    Plusieurs journalistes, écrivains et artistes distingués ont, eux aussi, conduit des actions de solidarité avec les grévistes. A l'étranger, l'Institut international de la Presse (IPI) a écrit au président Özal pour que les journalistes en grève soient libérés et que les articles 141 et 142 du CPT soient modifiés. Signée par le secrétaire général Peter Galliner, la lettre de l'institut dit: "Nous intervenons énergiquement pour que le gouvernement révise immédiatement ces deux articles qui restreignent sévèrement la liberté d'expression en Turquie. Nous croyons que l'emprisonnement de ces cinq journalistes constitue une violation grossière de leur droits de l'homme et du droit d'exercer librément leur profession, et nous insistons pour qu'ils soient mis en liberté sans retard."
    Le PEN International, qui compte des "membres honoraires" parmi les grévistes, Helsinki Watch et Amnesty International ont, ont eux aussi, appelé le président Özal à relâcher tous les prisonniers de conscience. Après avoir réussi à attirer l'attention sur l'injustice dont ils sont victimes, les grévistes de la faim ont mis fin à leur action le 12 juin. Ainsi, la grève aura duré 24 jours à Canakkale, 20 jours à Bartin et 12 jours à Nazilli.
    Pourtant, l'administration de la prison de Bartin ne tient pas compte des réactions internationales. En effet, la grève de la faim étant terminée, elle a interdit à deux journalistes, Yilmaz et Tas, toute visite pour une durée de 20 jours. Le 13 juin, une délégation commune de l'Association des Droits de l'Homme (IHD), l'Association des Journalistes contemporaines (CGD) et le Syndicat des Journalistes de Turquie (TGS), venue pour visiter les deux journalistes, s'est vue refuser l'accès à la prison.

LISTE NOIRE

PEINE DE 2.703 ANS POUR 34 JOURNALISTES EN PRISON

    Le quotidien Cumhuriyet du 4 juin 1990 a signalé que trente et un journalistes se trouvent à l'heure actuelle dans les prisons turques, purgeant un total de 2.703 ans selon les chiffres fournis par les autorités judiciaires:

Journaliste    Peine totale

(Reprise du tableau du texte anglais)

RECENTES POURSUITES D'OPINION

    22.5, la revue mensuelle Kivilcim a été confisquée par la Cour de Sûreté de l'Etat  d'Istanbul.
    23.5, l'hebdomadaire 2000'e Dogru a été confisqué par la CSE d'Istanbul pour des articles sur la question kurde.
    28.5, le numéro suivant de l'hebdomadaire 2000'e Dogru a été confisqué par la CSE d'Istanbul pour avoir critiqué la pression sur le peuple kurde.
    29.5, l'hebdomadaire Halk Gercegi a été confisqué par la CSE d'Istanbul pour avoir rendu public un communiqué des grévistes de la faim dans la prison de Ceyhan.
    2.6, les membres d'un groupe de danses folkloriques ont été détenus par la police pour avoir porté des mouchoirs aux couleurs du drapeau du Kurdistan pendant leur représentation dans le district d'Igdir à Kars.
    6.6, l'éditeur responsable de l'hebdomadaire Sokak, Tugrul Eryilmaz, l'avocat Zeki Okcuoglu et le médecin Tayfun Gonul ont été traduits devant la CSE d'Istanbul pour une campagne lancée par ce dernier contre le service militaire obligatoire. Eryilmaz risque une peine de prison de 30 ans, Okcuoglu 15 ans et Gonul 2 ans.
    8.6, la CSE d'Istanbul a inculpé trois journalistes: Mehmet Sert d'Emek, Mehmet Torus de Hedef et Orhan Dilber d'Isci Sozu. Chacun risque un emprisonnement de 10 ans pour avoir publié les compte-rendus d'une série de réunions, tenues par plusieurs organisations de gauche en vue de créer une union socialiste.     
    10.6, la revue humoristique Girgir a été confisquée par une cour criminelle pour avoir ridiculisé le président Özal et le premier Akbulut dans un dessin en couverture.
    11.6, le concert du group musical Yorum, organisé par la Commune de Sariyer, a été interdit par le gouverneur d'Istanbul. On a notifié à la commune que tous les concerts de ce groupe font l'objet d'interdiction dans la province d'Istanbul.
    12.6, le gouverneur d'Istanbul a refusé d'autoriser un meeting organisé par les éditeurs des 19 revues de gauche en vue de protester contre l'état d'urgence décrété dans les provinces du Sud-Est. Une deuxième démarche des éditeurs pour organiser une conférence de presse au même endroit prévu pour le meeting interdit a également fait l'objet d'interdiction. De plus, les organisateurs suivants ont été arrêtés par la police: Tuncer Dilaveroglu et Mehmet Ali Eser deYeni Demokrasi, Sirri Öztürk de Sorun, Riza Akyüz deYeni Öncü, Muteber Yildirim de Isciler ve Politika,  Fikret Ipek de Medya Günesi,  Kamil Ermis de Deng, Halil Celik de Sosyalizm, Saban Devres et Gürdal Cinar de Devrimci Mücadele.
    13.6, l'éditeur responsable de l'Encyclopédie du socialisme et des luttes sociales, Ali Erkan Kayali a été traduit devant la CSE d'Istanbul pour propagande communiste. Il risque une peine de prison allant jusqu'à 15 ans.
    14.6, le procureur d'Ankara a inculpé 21 enseignants qui ont tenté de constituer un syndicat sous le nom d'Egitim-Is. Quand le 29 mai, ils introduisirent les statuts du syndicat, le gouverneur d'Ankara refusa d'enregistrer leur demande. Dans une deuxième démarche, ils transmirent les statuts par envoi recommandé le 4 juin.
    15.6, à Istanbul, la police a arrêté les représentants de 22 revues de gauche alors qu'ils quittaient Istanbul pour soumettre au Premier Ministre une pétition contre le décret d'état d'urgence, signée par plus de 13 mille personnes. Seize autres personnes qui les accompagnaient ont également été détenues par la police.
    15.6, une manifestation organisée par des poètes et écrivains en vue de protester contre l'emprisonnement pour expression d'opinion a été interdite par le gouverneur d'Istanbul.
    15.6, la revue kurde Deng a été confisquée par la CSE d'Istanbul.

MALAISE PERPETUEL DANS LES PRISONS

    Alors que la grève de la faim des journalistes se poursuivait, des milliers de prisonniers politiques dans les autres prisons de Turquie ont, eux aussi, conduit des actions semblables pour protester contre l'injustice dont ils sont victimes ainsi que contre les mauvaises conditions carcérales.
    Suite à la parution dans la presse d'une dépêche selon laquelle la prison d'Eskisehir serait réouverte et plusieurs prisonniers politiques y seraient transférés, la grève de la faim s'est étendue à d'autres prisons du pays.
    La prison d'Eskisehir a une réputation sinistre en raison de ses très dures conditions carcérales, qui ont provoqué une série d'actions de protestation dans les années précédentes. Une grève de la faim de 35 jours avait abouti l'année dernière à la fermeture de cette prison. Tous les prisonniers avaient alors été transférés d'Eskisehir à Aydin. Au cours de ce transfert effectué dans de pénibles conditions, deux prisonniers avaient trouvé la mort. (Voir: Info-Turk, Juillet/Août 1989).
    Pour protester contre la réouverture de cette prison, quelque 2.000 détenus politiques dans les prisons de Diyarbakir, Malatya, Aydin, Nazilli, Ceyhan, Ergani, Buca, Gaziantep, Bismil, Canakkale, Bursa et Sagmalcilar (Istanbul) ont entamé la grève de la faim.
    Des partis progressistes et des organisations démocratiques ont donné leur soutien immédiat aux grévistes de la faim et même certains de leurs membres se sont engagés dans la même action dans les locaux de ces organisations. La police a riposté à ces actions de solidarité par la descente dans les locaux et l'arrestation des grévistes.
    L'action la plus spectaculaire a été la grève sur le tas d'un groupe de femmes, le 2 juin, devant l'office du sous-préfet de Dargecit dans la province de Mardin . Les commerçants de la ville se sont joints au mouvement de protestation par la fermeture de leurs volets. Quand la police a procédé à l'arrestation des femmes, les habitants de la ville ont organisé une marche de protestation vers l'office du sous-préfet. En riposte, la police a ouvert le feu sur les manifestants, un garçon a été blessé par balles et plus de 100 manifestants ont été arrêtés sur place.
    D'après le député social démocrate Kamer Genc, tous les détenus auraient été torturés pendant leur interrogatoire.
    Le 4 juin, l'arrestation de onze femmes parmi les détenus a été confirmée par un tribunal local. Pourtant, cette arrestation a conduit les commerçants de la ville à une nouvelle action de protestation sous forme de fermeture des volets.

CINQ EVASIONS DE LA PRISON

    Les autorités pénitentiaires d'Istanbul ont constaté le 28 mai, l'évasion de la prison de Bayrampasa de cinq prisonniers politiques dont trois sont condamnés à la peine capitale.
    La découverte a été faite quand le père de l'un des évadés est venu à la prison rendre visite à son fils.
    Aslan Tayfun Özkok, Aslan Sener Yildirim et Ali Kirlangic avaient été condamnés à la peine capitale pour avoir abattu l'ancien premier ministre Nihat Erim, un des principaux responsables de la terreur d'Etat après le coup d'état de 1971, et le chef de police Mahmut Diker.
    Quatre évadés appartiennent à la Gauche révolutionnaire (Dev-Sol) et un autre à L'Armée de libération des Ouvriers et des Paysans de Turquie (TIKKO).
    Deux leaders de Dev-Sol, Dursun Karatas et Bedri Yagan s'étaient évadés de la même prison le 25 octobre 1989. Ceci a été suivi en janvier de cette année de l'évasion de deux autres dirigeants de Dev-Sol: Sinan Kukul et Murat Goleli.

3 DIPLOMATES DETENUS DANS LE SUD-EST

    Trois diplomates étrangers ont été détenus par la police dans la ville de Siirt, le 30 mai, pour "avoir conduit une enquête sans autorisation" dans la région sud-est.
    Allan Christersen, sous-secrétaire de l'Ambassade danoise, Irvin Holyland, sous-secrétaire de l'Ambassade norvégienne et Pino Valinoro, sous-secrétaire de l'Ambassade finnoise, ont été gardés au poste de police pendant deux heures et demie. Au cours de l'interrogatoire, on leur exigeait une autorisation pour s'entretenir avec Ekrem Bilek, le maire de Siirt, et Zubeyr Aydar, président local de l'Association des Droits de l'Homme (IHD).
    Les trois diplomates ont contesté leur détention et interrogatoire en rappelant que les diplomates n'ont pas besoin d'autorisation pour leurs entretiens.

LA FONDATION DE NAZIM HIKMET

    Quelque 30 écrivains, journalistes et hommes de cinéma et de théâtre se sont réunis à Istanbul le 4 juin dans le but de constituer une fondation au nom du poète Nazim Hikmet.
    Hikmet a quitté la Turquie en 1951 après avoir purgé 13 ans de prison sous l'inculpation d'inciter les Forces armées et navales à la rébellion. Un décret gouvernemental l'a, un an après, privé de la nationalité turque. Obligé de passer ses dernières années en exil, il est mort en 1963 à Moscou.
    La Fondation de Nazim Hikmet  œuvrera pour la promotion de la vie culturelle du pays, dit Samiye Yaltirim, sœur du poète.

UN NOUVEAU PROCES CONTRE EVREN

    Un procès en diffamation ouvert par l'écrivain Baskin Oran à l'encontre du général Kenan Evren a débuté le 6 juin à Ankara. Oran accuse le général Evren d'avoir insulté, dans un discours qu'il a prononcé à Manisa en 1984, un groupe d'intellectuels dont il faisait partie parce qu'il réclamait l'instauration de la démocratie. Il lui réclame 1 million LT ($500) en compensation.

UNE PEINE RIDICULE POUR TORTURE

    Bien que le gouvernement affirme que tous les tortionnaires seront poursuivis pour leurs actes, la plupart d'eux continuent à être protégés par le pouvoir politique et par la justice.
    Récemment, le 13 juin, le procès du major Cafer Tayyar Caglayan qui est accusé d'avoir forcé toute la population du village kurde de Yesilyurt à Mardin à manger des excréments humains en janvier 1989 (Voir: Info-Türk, février 1989), s'est terminé par une maigre condamnation à une peine de prison de 2 mois et 15 jours. Qui plus est, cette peine a été commuée en une amende avec sursis.
    Cette condamnation ridicule a suscité des protestations dans les milieux démocratiques.
    Des organisations clandestines ont, quant à elles, riposté à ce laxisme par des actions de revanche.
    Le même jour, un ancien juge militaire, le colonel en retraite Durmus Aksen, qui avait été au service du commandement de la loi martiale de 1982 jusqu'en 1986, a été tué par balles à Istanbul par des militants de la Gauche Révolutionnaire (Dev-Sol).
    Le lendemain, un ancien chef de police, le commissaire Muhsin Bodur a été abattu par des militants de l'Armée révolutionnaire des Ouvriers et des Paysans de Turquie (TIKKO) à Istanbul.

369 OFFICIERS DESTITUES DE L'ARMEE     

    Le Ministère de la défense nationale a annoncé le 21 mai que 1.011 officiers ont été destitués des Forces armées au cours des dix dernières années sous l'accusation de liaisons avec des organisations politiques subversives ou intégristes. Parmi ces officiers éloignés de l'Armée ceux qui avaient les plus hauts grades étaient deux lieutenants-colonels et 26 capitaines.
    647 de ces officiers ont été destitués pendant la période du gouvernement militaire (1980-1983) et 364 autres après l'arrivée au pouvoir de l'ANAP en 1983.
    Le nombre d'officiers destitués pour des activités intégristes après 1983 s'élève à 114.

LA CAMPAGNE POUR GULAY BECEREN

    A la suite de la terreur policière du 1er mai (Voir: Info-Türk, mai 1990), la Cour de la Sûreté d'Etat d'Istanbul a inculpé 221 personnes dont 76 sous arrestation.
    Les inculpés risquent des peines de prison de allant de 5 à 23 ans pour manifestation sans autorisation, outrage aux forces de sécurité et appartenance à des organisations clandestines.
    Parmi les inculpés qui risquent une peine de prison de 23 ans se trouvent Mlle Gulay Beceren, une universitaire de 20 ans, qui a été hospitalisée suite à une blessure par balles au dos et à l'épaule. Elle risque de rester infirme toute sa vie car une balle a traversé une vertèbre.
    L'Association des Droits de l'Homme de Turquie (IHD) a lancé un campagne d'aide financière destinée au traitement médical de Beceren. Ceux qui désirent y participer sont invités àverser leur contribution au compte bancaire suivant: Turkiye Ziraat Bankasi - Istanbul Taksim Subesi - Compte No. 30003/203999-3.

AUTRES CAS DE TERREUR D'ETAT

    1.5, les dirigeants du Syndicat des employés municipaux (Belediye-Is) à Istanbul ont été inculpés par la CSE pour avoir fait imprimer des affiches célébrant le 1 mai. Ils sont accusés de propagande communiste.
    5.5, cinq militants présumés de l'Armée révolutionnaire des Ouvriers et des Paysans de Turquie (TIKKO) ont été arrêtés à Istanbul.
    6.5, à Istanbul, 66 travailleurs ont été traduits devant la cour criminelle No.4 d'Istanbul pour avoir envoyé au président Ozal un télégramme protestant contre le laxisme qui fut la cause du désastre dans les mines de Yeni Celtek. Chacun risque une peine de prison allant jusqu'à 6 ans pour avoir insulté le président de la République.
    11.5, la CSE de Diyarbakir a délivré un mandat d'arrêt contre Yalcin Buyukdagli, Secrétaire général du parti socialiste (SP). Il est accusé de propagande communiste lors d'un discours prononcé à Van sur les événements au Sud-Est.
    12.5, une réunion organisée par l'Association des Enseignants (Egit-Der) a été interdite par le gouverneur d'Ankara sous prétexte qu'elle pourrait être nuisible à l'ordre public.
    15.5, la CSE a inculpé M. Ferit Ilsever, président du parti socialiste (SP), pour avoir incité le peuple à la révolte dans un discours électoral, prononcé à Pazarcik.
    16.5, la CSE a délivré un mandat d'arrêt pour sept membres présumés de l'Union communiste révolutionnaire de Turquie (TIKB) qui étaient sous détention préventive depuis le 2 mai.
    17.5, la police a effectué une descente dans les locaux du Centre culturel de Sisli à Istanbul pendant laquelle 30 personnes ont été arrêtées et quatre sacs de livres confisqués.
    18.5, deux actions de la Commune de Cankaya à Ankara ont fait l'objet de poursuites administratives et judiciaires. D'abord, un tournoi d'échecs organisé dans le parc Güven a été interdit par le gouverneur d'Ankara. Ensuite, le procureur de la CSE d'Ankara a ouvert une enquête judiciaire à l'encontre de la décision municipale de nommer un quartier le Quartier du 1er mai.
    21.5, le président de l'Association pour la Santé ouvrière (ISD), le Dr. Metin Berol, et trois autres membres du conseil d'administration ont été détenus par la police. Ils sont accusés d'appartenir à une organisation clandestine, TKP/Voix Ouvrière. En même temps, le dentiste Yüksel Karaagac a annoncé qu'il avait été emmené par la police sans aucun motif et soumis à la torture. L'Union des médecins et des dentistes à Istanbul a, au cours d'une conférence de presse, accusé la police d'avoir torturé les médecins pendant leur interrogatoire.
    22.5, le député social démocrate Fuat Atalay a annoncé qu'un paysan de 36 ans, Besir Algan avait, après son arrestation, été abattu par des forces de sécurité dans le village de Budakli dans la province de Mardin.
    22.5, le procès de 155 personnes, détenues pendant les manifestations populaires à Cizre, s'est ouvert à la CSE de Diyarbakir. Les inculpés, dont 77 sont toujours en état d'arrestation, sont accusés de destruction de biens publics. Le procès se déroule à huis clos car un des inculpés est un garçon de 14 ans.
    23.5, la presse signale que 14 nouveaux postes de gendarmerie seraient établis près de la frontière irakienne en vue de renforcer les mesures de sécurité dans la région.
    24.5, huit personnes dont une fille de 14 ans ont été détenues par la police à Izmir pour avoir distribué des tracts clandestins.
    24.5, un professeur de nationalité USA, Nicholas Liplek, chargé de cours à l'Université d'Egée, a été arrêté à Izmir pour avoir insulté le président Özal.
        25.5, la police a annoncé que 14 personnes avaient été détenues pour avoir participé aux actions subversives du TKP/Voix Ouvrière. La CSE a délivré des mandats d'arrêt à l'encontre de huit des détenus et a relâché les autres.
        25.5, trois anciens dirigeants du parti ouvrier socialiste de Turquie (TSIP), mis hors la loi après le coup d'état de 1980, Tektas Agaoglu, Hüseyin Hasan Cebi et Ekrem Cakiroglu et qui avaient été arrêtés après leur retour d'exil, ont été acquittés par le tribunal. Les autres dirigeants du parti avaient été gardés en prison au cours de la période de la loi martiale.
        29.5, deux membres de l'Association des droits de l'Homme (IHD), les juristes Hasan Sahin et Gürbüz Altinli ont été arrêtés par la police.
        5.6, 61 étudiants de l'Université de Dicle à Diyarbakir ont été détenus par la police pour avoir conduit des manifestations sans autorisation pour défendre leurs droits estudiantins. 30 des détenus ont plus tard été arrêtés par la CSE de Diyarbakir.
        7.6, la Cour de cassation militaire a approuvé les peines capitales prononcées contre cinq membres de l'Unité armée de la propagande marxiste-léniniste de Turquie (MLSPB). La cour suprême a jugé que 17 autres peines capitales devaient être révisées par le tribunal militaire.
        8.6, le maire de la ville de Canakkale, Ismail Özay a été inculpé par une cour criminelle pour avoir insulté le président Özal dans un discours qu'il avait prononcé le 18 mars à l'occasion de l'anniversaire de la victoire militaire de Dardanelles. Déjà destitué de sa fonction de maire par le gouvernement, Özay risque, de plus, une peine de prison allant jusqu'à 6 ans.
        12.6, un membre de l'Association des droits de l'Homme (IHD) et quatre autres personnes ont été arrêtés par la police devant la prison centrale d'Ankara alors qu'ils venaient de visités certains prisonniers politiques.
        12.6, la police a annoncé que 20 membres présumés d'une organisation hors-la-loi ont été arrêtés à Ankara.
        13.6, dix membres du parti ouvrier de Kurdistan (PKK) ont été condamnés par la CSE d'Izmir à un total de 130 ans de prison; quinze autres acquittés.
        14.6, le procès de l'Association pour la Solidarité avec les familles des prisonniers (TAYAD) a débuté à la CSE d'Istanbul. Le procureur a réclamé l'interdiction de l'association et la condamnation de la présidente Gülten Sen et de six autres membres du conseil d'administration à des peines de prison allant jusqu'à 6 ans pour des activités illégales.

LES ELECTIONS LOCALES CONTROVERSEES

        Les candidats du parti de la Mère patrie (ANAP) ont, avec 36,9 % des voix, gagné 29 des 51 municipalités faisant l'objet d'élections locales du 2 juin 1990; un résultat qui donne de la vigueur aux discussions relatives à la popularité du parti gouvernemental.
        Quant à deux principaux partis d'opposition, le parti populiste social démocrate (SHP) a gagné 11 municipalités avec 24% des voix et le parti de la juste voie (DYP) 5 municipalités avec 20,4%.
        Les candidats du parti du Bien-être (RP), islamiste, ont été élus dans quatre municipalités avec un total de 9,5% et le parti nationaliste du Travail (MCP), extrême-droite, n'a gagné qu'une municipalité avec 2,3%.
        Le petit parti de l'ancien premier ministre Bülent Ecevit, le parti de la gauche démocratique (DSP) n'a obtenu aucun siège malgré son score de 6,1%.
        Le premier ministre Yildirim Akbulut a affirmé que les résultats de cette mini-élection démontre une fois de plus que l'ANAP reste toujours le parti le plus puissant du pays.
        Pourtant, Deniz Baykal, secrétaire général du SHP a déclaré que les résultats des élections ne reflètent pas la tendance générale électorale. "Quelque 70,000 électeurs ont participé aux élections. Or, il y a plus de 26 millions d'électeurs en Turquie," a-t-il dit. Il a également accusé le gouvernement de faire du chantage aux électeurs en les menaçant de ne plus leur assurer des services s'ils votaient pour des candidats d'opposition.
        Süleyman Demirel, leader du DYP, s'est livré à une autocritique après avoir reçu les résultats. Il a admis qu'il avait commis une erreur en participant à cette élection, car il était déjà évident que le gouvernement aurait employé tous les moyens pour arriver en tête. Demirel a ajouté qu'il allait conseiller de boycotter les élections locales prévues pour le 19 août 1990 dans 13 petites villes.
        Le résultat des élections a  également semé une discorde entre les deux principaux partis d'opposition. Demirel, s'adressant aux députés de son parti, a critiqué le SHP - sans avoir cité son nom- de ne pas réagir de manière active contre le gouvernement. "S'opposer à des illégalités, ce n'est pas seulement notre affaire. Nous attendons que les autres, eux aussi, haussent la voix," a-t-il ajouté.
        Le leader du SHP Erdal Inönü a, en réponse à Demirel, déclaré que les partis d'opposition peuvent toujours boycotter les élections, mais il ne favorise pas cette ligne d'action. "Nous devons, tout d'abord, nous attaquer aux problèmes du pays. Je ne pense pas que nous puissions réussir quelque chose par boycottage. S'il veut nous faire une proposition, il doit le faire directement. Ainsi, nous pouvons décider que faire.," a-t-il ajouté.
        Le leader du SHP, Erdal Inönü a également déclaré qu'il n'y avait aucune raison que le Gouvernement se réjouisse de ces résultats. "Au contraire, il a des raisons d'avoir honte. Ce qu'il a fait démontre qu'il n'a aucun respect à l'égard du peuple et qu'il mine la démocratie," a-t-il dit.

LA LEGALISATION D'UN PARTI COMMUNISTE

        A la suite de la mise en liberté de tous ses dirigeants par la Cour de Sûreté de l'Etat grâce au feu vert du président Özal, le parti communiste unifié de Turquie (TBKP) a pris, le 4 juin, une nouvelle initiative pour devenir un parti légal.
        Le président du TBKP Nihat Sargin et le secrétaire général Nabi Yagci (Haydar Kutlu) avaient été relâchés en mai après avoir purgé deux ans et demi sous les verrous. Eux et cinq autres fondateurs ont introduit au Ministère de l'Intérieur cinq dossiers qui contiennent des renseignements concernant 36 membres fondateurs, les statuts et le programme du parti ainsi que l'adresse du siège à Ankara.
        Mustafa Cetin, secrétaire général du Ministère de l'Intérieur, a reçu les documents, en disant qu'il allait les transmettre aux autorités compétentes.
        Pourtant, le 14 juin, le procurer de la République a ouvert un procès devant la Cour Constitutionnelle avec la demande d'interdire le TBKP, parce que l'article 96 du Code des partis politique proscrit les partis politiques ayant dans leur dénomination le mot "communiste".
        En vertu de la Constitution de 1982, un parti politique n'a pas besoin d'une autorisation pour se constituer. Dès que les documents de fondation sont introduits au Ministère de l'Intérieur, le parti est considéré légal. Toutefois, le procureur de la République a toujours le pouvoir de traduire ce parti devant la Cour Constitutionnelle si ses statuts et son programme contreviennent à la législation.
        Malgré tous ces obstacles légaux, les leaders du TBKP continuent leurs tentatives en vue de légitimer leur parti avec le soutien d'autres partis politiques, y compris les partis de droite.
        Le jour suivant l'introduction de la demande de légalisation, afin de prouver qu'ils ne sont pas hostiles au Kémalisme, Sargin et Yagci ont visité le mausolée d'Atatürk et déposé une couronne sur la tombe du fondateur de la République turque.
        Plus tard, ils ont effectué des visites aux sièges des principaux partis d'opposition, le SHP et le DYP, et se sont entretenus avec Erdal Inönü et Süleyman Demirel.
        Demirel , après avoir rappelé qu'il est anti-communiste, leur a dit: "Mais cela ne signifie pas que je sois contre l'existence d'opinions politiques différentes." Yagci lui a répondu en rappelant que des changement profonds se produisent dans le monde entier et a ajouté: "Il y a des partis communistes dans toutes les démocraties occidentales. Nous voulons prouver au peuple que les communistes, eux aussi, sont des êtres-humains ordinaires."
        Demirel lui a répondu: "Je n'ai aucune objection à la lutte politique pourvu qu'elle se fasse de façon légitime. Personne ne doit agir de manière illégale ni clandestine."
        Le leader du SHP Inönü, quant à lui, leur a dit qu'il a bien accueilli la légalisation du TBKP, et que son parti est contre toute persécution de personnes en raison de leurs opinions. "C'est cela qui ternit l'image de la Turquie," a-t-il ajouté.
        Yagci et Sargin ont, après ces visites, exprimé leur satisfaction et annoncé leur souhait de visiter également le président Özal, le premier Akbulut et les autres leaders politiques.

AUTRES INITIATIVES DE GAUCHE

        Le TBKP est issu de la fusion de deux anciens partis pro-soviétiques: le parti communiste de Turquie (TKP), fondé en 1921 et mis hors la loi depuis 1925, et , le parti ouvrier de Turquie (TIP), hors la loi depuis 1980. Pourtant, il n'est pas le seul parti marxiste du pays.
        En effet, le parti pro-chinois défunt, le parti ouvrier et paysan de Turquie (TIKP), a été transformé en parti socialiste (SP) en 1988 et ce nouveau parti a été légalisé par la Cour Constitutionelle à la fin de la même année.
        Récemment, le 6 juin 1990, dix membres du Parlement qui ont été exclus ou qui ont démissionné du parti populiste social démocrate (SHP), ont constitué un nouveau parti de gauche: Le Parti travailliste du Peuple (HEP) qui est déclaré ouvert à tous les marxistes. Le président de la Confédération des syndicats progressistes (DISK), Abdullah Bastürk ainsi que d'autres syndicalistes et personnalités kurdes figurent parmi les fondateurs. Le secrétaire général de la DISK, Fehmi Isiklar a été désigné comme président du nouveau parti.
        D'autre part, les représentants des autres partis de gauche hors-la-loi et plusieurs intellectuels marxistes ont, depuis plus d'un an, développé des travaux en vue de créer un parti marxiste légal. Les représentants du TBKP ont également pris part à ces travaux. Ils vont débattre des possibilités de création d'un tel parti au cours d'une conférence élargie à Istanbul, prévue pour le 23 juin 1990.
        Le président du TBKP Sargin a, après avoir introduit la légalisation de son parti au Ministère de l'Intérieur, déclare que la mission du TBKP serait achevée quand tous les marxistes turcs seront réunis au sein d'un seul parti.
        Pourtant, plusieurs organisations radicales de la gauche turque et particulièrement des organisations kurdes gardent leurs distances vis-à-vis d'une quelconque initiative pour constituer un parti légal dans laquelle se trouvent également les anciens leaders des partis pro-soviétqiues. Elles accusent le TBKP et les autres groupes collaborant avec celui-là d'avoir fait des concessions au régime actuel d'Ankara, et défendent l'avis qu'un parti marxiste légal ne sera pas à l'ordre du jour tant que les articles 141 et 142 du Code pénal turc restent en vigueur, que les libertés du peuple kurde soient niées et qu'un détenu politique reste en prison.

NOUVEL APPEL D'ÖZAL AUX EUROPEENS

        Dans une nouvelle démarche en vue de séduire l'opinion européenne, le président Özal a envoyé une lettre ouverte à l'hebdomadaire français L'Express, dans laquelle il affirme que la Communauté européenne a beaucoup à gagner en cas d'adhésion de la Turquie.
        La lettre déclare que la position géographique de la Turquie comme une passerelle entre les Balkans et le Moyen Orient offre à l'Europe la possibilité d'élargir son commerce extérieur avec ces régions. D'après Özal, le main-d'œuvre bon marché de la Turquie pourrait attirer les investisseurs européens.
        D'ailleurs, Özal affirme que la Turquie partage avec l'Europe les valeurs communes telles la liberté, la démocratie, le respect des droits de l'homme et la libre entreprise.
        Dans son commentaire paru dans le quotidien Günes du 4 juin 1990, le journaliste Uluc Gürkan rappelle que dans tous ces domaines la Turquie a des lacunes sérieuses: "Qui peut dire si l'Europe créditera ces arguments et ainsi nous acceptera dans la Communauté européenne? La Turquie doit réagir rapidement si elle veut rattraper le train européen. Les changements en Europe orientale accroissent le nombre de concurrents dans cette course. Même l'Union soviétique est un rival pour l'adhésion à la CE. La Turquie doit être plus démocratique et améliorer sa performance sur le plan des droits de l'homme."

LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION EUROPEENNE SUR LA COOPERATION AVEC LA TURQUIE
   
        Lors de la présentation de l'Avis de la Commission à la demande d'adhésion de la Turquie à la Communauté, le 18 décembre dernier, la Commission avait signalé plusieurs domaines où il était souhaitable de renforcer la coopération entre ce pays et la Communauté.
        Le Conseil, le 5 février dernier, avait fait siennes les conclusions de l'Avis de la Commission et avait demandé de lui présenter des propositions concrètes dans les domaines où la coopération devait être renforcée. La Commission a annonce le 6 juin 1990 ses propositions concrètes dans les termes suivants: celles-ci  font l'objet de la communication de la Commission du 6 juin 1990.
        1.  La réalisation de l'Union douanière d'ici fin 1995.
        Elle est inscrite dans l'Accord d'Association entre la Communauté et la Turquie de 1963. Pour atteindre cet objectif, la Turquie devra fournir des efforts dans 16 domaines tarifaires et, en outre, elle devra tenir compte des préférences accordées par la Communauté aux pays tiers. De même, elle devra respecter les politiques communautaires en matière d'anti-dumping, des droits tarifaires, etc.
        Le fait de revenir à l'Accord d'Association impliquera une plus grande libéralisation des échanges agricoles et en matière textile. Ceci, bien entendu, devra être effectué dans les deux sens.
        2. La promotion de la coopération Industrielle et technologique dans des domaines liés directement ou indirectement à l'Union douanière.
        Elle aura pour but principal de réduire l'écart de développement entre la Turquie et la Communauté ainsi que de mieux intégrer ce pays dans le tissu économique et social de l'Europe. La coopération dans ce domaine s'étendra à toute une série de secteurs, parmi lesquels on peut citer: les services, les transports, les télécommunications, l'énergie, l'environnement, les sciences, la technologie, le tourisme, la formation, la culture et l'audiovisuel.
        3. La reprise de la coopération financière.
        La Commission propose la reprise de cette coopération qui avait été suspendue depuis 1981. A cet égard, la Commission propose de soumettre à la signature du Conseil le projet du IVe Protocole financier qui comporte :
        - 225 Mecus de la BEI sur ses ressources propres;
        - 325 Mecus sous forme de prêts à des conditions spéciales
        - 50 Mecus sous forme d'aides non remboursables.
        Dans ce contexte, le commissaire européen M. Matutes attire l'attention sur le fait que, faute de ressources budgétaires, la Turquie est le seul pays méditerranéen et européen avec lequel on ne peut engager aucune action de coopération, faute de moyens.
        4. L'intensification du dialogue politique.
        Finalement, la Turquie est un pays lié à la Communauté par un accord d'association. Ce lien privilégié doit se refléter également dans le domaine politique par une intensification du dialogue politique avec ce pays .

LA TURQUIE CRITIQUÉE À COPENHAGUE

        La Turquie a, au cours des travaux du 2ème Forum sur les Droits de l'Homme, tenu à Copenhague, dans le cadre de la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe (CSCE), fait l'objet de critiques en raison de ses pratiques sur le plan des droits de l'homme et des minorités.
        Avant l'ouverture de ce forum auquel assistaient 35 ministres des affaires étrangères provenant de l'Ouest et de l'Est, un groupe de 150 Kurdes ont conduit une manifestation devant la salle de conférence. Les manifestants ont scandé des slogans en protestation contre les violations des droits des Kurdes en Turquie. En même temps, plusieurs organisations internationales des droits de l'Homme comme Amnesty International, le Helsinki Watch et le Comité Sakharov ont distribué aux délégations des rapports détaillés sur la violation des droits de l'Homme et des minorités dans ce pays.
        En plus, la situation des droits de l'Homme en Turquie a été exposée au cours d'une série d'Activités Parallèles, organisées par diverses organisations danoises.
        Le 6 juin, l'Autriche, la Tchécoslovaquie, l'Italie, l'Hongrie et la Yougoslavie ont introduit un projet de résolution commun relatif aux droits des minorités en Europe. La résolution exige la législation en vue d'assurer la représentation politique et l'organisation des minorités nationales. Elle réclame également que des minorités aient la liberté de communication avec les peuples de même origine ethnique vivant dans d'autres pays.
        Etant donné que cette résolution concerne directement les minorités en Turquie, le ministre turc des affaires étrangères, Ali Bozer, a consacré une grande partie de son discours à la question des minorités.
        "Les seules minorités en Turquie sont celles qui avaient été désignées par les traités internationaux ou par les accords bilatéraux," a-t-il dit, en se référant au Traité de Lausanne de 1922 qui, selon lui,  ne reconnaît que les droits de minorités chrétiennes.
        Bozer a ajouté que si on reconnaissait aux Kurdes le statut de minorité nationale, ils ne pourraient plus bénéficier des droits qu'ils ont actuellement. Il a affirmé que "le terrorisme par les séparatistes kurdes reçoit l'aide de certains milieux," mais il n'a pas cité de noms. "Personne ne peut justifier le soutien au terrorisme. C'est la raison pour laquelle nous tenons à distinguer la protection des droits de l'Homme et le terrorisme. Donc on ne peut pas permettre à certains individus d'utiliser leur liberté pour détruire la démocratie, l'intégrité nationale et les droits et libertés élémentaires d'autrui. Il y a, dans les constitutions de plusieurs pays européens et dans la Convention européenne des droits de l'Homme, des articles à cet égard," a ajouté Bozer.
        Il s'est opposé également à une proposition introduite par le Danemark et soutenue par l'Union soviétique en vue de constituer un comité des droits de l'Homme.  "Alors que des comités similaires existent dans d'autres plate-formes internationales comme le Conseil de l'Europe, la création d'un comité des droits de l'Homme au sein de la CSCE peut conduire à une confusion," a-t-il dit.
        Pendant la conférence, Bozer s'est entretenu séparément avec le ministre ouest-allemand des affaires étrangères Genscher et lui a demandé que Bonn soutienne la demande d'adhésion à la CE de la Turquie.
        Après le départ de Bozer de Copenhague, l'ancien ministre des affaires étrangères Ilter Türkmen l'a remplacé.à la tête de la délégation turque. Türkmen a déclaré que la Turquie n'a rien à se reprocher dans le domaine des droits de l'Homme, et a ajouté: "La Turquie ne sera jamais le bouc émissaire de certains dans le domaine des droits de l'Homme."

NOUVEAU RAPPORT D'HELSINKI WATCH

        Helsinki Watch a rendu public en juin 1990 un nouveau rapport sur la Turquie. Dans ce document intitulé La Turquie du Sud-Est: Nouveau décret dur; La Minorité kurde; La violation du droit international; Les journalistes en grève de la faim, l'organisation qui siége à Washington analyse le nouveau décret No.413 adopté par le Conseil des ministres en avril 1990.
        Ce décret pourvoit le gouverneur régional de pouvoirs exceptionnels comme de censurer la presse, de déporter des "suspects", de destituer des juges et procureurs et de suspendre les droits syndicaux (Voir: Info-Türk, avril 1990).
        Après avoir résumé la récente information sur les actions armées du PKK et des forces gouvernementales, le rapport fait  état des pratiques des protecteurs de village, de tortures et de meurtres, d'abus sur la population civile et sur les étrangers, des procès, de refus de l'identité ethnique et des conditions de vie dans les camps de réfugiés kurdes.
        Helsinki Watch appelle le gouvernement turc à:
        o abroger le décret 413 et restaurer les droits suspendus par ce décret;
        o abolir le système de protecteurs de village;
        o protéger la population civile dans les zones où sévit la guerre de guérilla et respecter le droit international relatif à des conflits armés intérieurs;
        o arrêter le déplacement des civils de la région troublée sans que leur vie soit menacée, et respecter le protocole 11 de la Convention de Genève de 1949 si l'on doit les déplacer;
        o éviter d'utiliser des mines, à l'exception des cas prévus par le droit international;
        o reconnaître l'existence de la minorité kurde et lui accorder tous les droits politiques et civils dont jouissent les Turcs;
        o permettre à des avocats d'avoir un contact immédiat avec les détenus et prisonniers, y compris pendant l'interrogatoire préliminaire; de parler en kurde avec les prisonniers; de s'entretenir avec les prisonniers en privé; d'avoir du temps nécessaire pour se préparer au procès; et d'avoir accès à tous les documents utiles à la défense du prisonnier;
        o arrêter les restrictions qui privent les Kurdes de leur identité ethnique; permettre officiellement la pratique de leur langue, de leur musique et leurs danses folkloriques,  la célébration des fêtes nationales et l'utilisation de noms kurdes;
        o permettre la fondation d'associations kurdes et la publication de livres et périodiques en langue kurde;
        o punir à juste titre l'abus et l'humiliation des civils par les forces de sécurité;
        o reconnaître le fait que la torture se pratique dans les centres de détention préventive; prendre des mesures afin de l'arrêter, et augmenter les peines pour le tortionnaires;
        o interdire l'utilisation par les tribunaux des aveux obtenus sous torture;
        o modifier le Code pénal de sorte que les articles 141, 142 et 163 et les autres articles utilisés pour priver les Turcs de leurs droits de l'Homme soient éliminés;
        o arrêter toutes les actions légales à l'encontre de la presse, des écrivains et des éditeurs pour leurs écrits, et mettre en liberté tous ceux qui sont emprisonnés pour l'expression d'opinions  politiques non-violentes.