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A non-government information service on Turkey
Un service d'information non-gouvernemental sur la Turquie


198

17e année - N°198
Avril 1993
38 rue des Eburons - 1000 Bruxelles
Tél: (32-2) 215 35 76 - Fax: (32-2) 215 58 60
 Rédacteur en chef: Dogan Özgüden - Editrice responsable: Inci Tugsavul
 

La première période du gouvernement s’est soldée par un échec

500 JOURS


    En avril 1993, la Fondation des Droits de l’Homme de Turquie (TIHV) publiait un rapport de 58 pages sur les violations des droits de l’homme observées au cours de 500 premiers jours du gouvernement de coalition DYP-CHP, du le 21 novembre 1991 au 5 avril 1993.
    Ci-après sont reproduits des larges extraits d’un rapport très révélateur qui contredit les acquis démocratiques revendiqués par le gouvernement.
    “Le gouvernement de coalition du Parti de la Juste Voie (DYP) et du Parti Populiste Social Démocrate (SHP) issu des élections du 20 octobre 1991, fut annoncé le 20 novembre. Sous le leadership de Süleyman Demirel, le DYP fournit 20 ministres et le SHP 12. Le nouveau gouvernement entra en fonctions le 21 novembre 1991. Le 25 novembre, le Premier Ministre Süleyman Demirel lisait le programme gouvernemental, et le 30 novembre 1991 l’exécutif obtenait le vote de confiance.
    Lors de la lecture du programme, Süleyman Demirel affirma que la Turquie changerait complètement, que la Constitution et le Système législatif seraient adaptés aux valeurs démocratiques contemporaines, que l’inflation serait maîtrisée, les droits syndicaux seraient adaptés aux normes de l’ILO et que tous les fonctionnaires publics jouiraient de droits syndicaux. Ci-après figurent certaines des promesses du programme gouvernemental:
    • La CSCE et la Charte de Paris ont introduit des droits et des libertés pour les pays et leurs peuples. Ces règles et lois doivent être respectées par la Turquie en tant que signataire. La Turquie sera un pays en paix où règnera la sécurité. Il sera établi un état de loi basé sur les droits de l’homme et les libertés sur tout le territoire turc. La lutte contre l’anarchie et la terreur se fera par des moyens démocratiques.
    • La zone de l’est et du sud-est de l’Anatolie jouira d’un poids spécial, il y sera appliqué un plan de développement régional. Les fonctions du Gouverneur dans la Région en Etat d’Urgence et le système des gardiens de village seront revus. Dans l’ensemble du pays sera établi un état de loi et les droits et libertés de l’homme seront définitivement instaurés. Les habitants de la région seront traités avec égards et on liera des liens de confiance.
    • La duré de la période de détention sera raccourcie et la torture disparaîtra. On veillera à ce que la police prenne conscience des libertés et des droits individuels, leurs autorités seront redéfinies, et des changements légaux seront introduits pour permettre la présence des avocats pendant les interrogatoires. Les postes de police ne seront plus de endroits de terreur. On veillera à ce que la transparence soit assurée.
    • On mettra fin aux interdictions qui frappent certaines publications. La Loi de Lutte contre le Terrorisme sera revue en tenant compte des libertés et droits fondamentaux. La liberté de la presse et le droit des citoyens à connaître les faits et à recevoir une information objective seront respectés. En Turquie tous sont égaux et des citoyens de premier ordre. La langue maternelle de chacun, la culture, l’histoire, la musique et les croyances religieuses forment partie des libertés et droits humains fondamentaux qui doivent être protégés et développés.
    • Toute demande politique ne sera appliquée qu’une fois débattue au Parlement, avec les grandes organisations et dans la presse. Les clauses sur les meetings et les manifestations ainsi que le droit de s’associer, seront revus. Tout le monde pourra faire valoir ces droits et chacun pourra exprimer son opinion librement. La Loi sur les Partis Politiques et les Elections sera modifiée et les partis fermés seront rouverts. Les principaux problèmes du pays seront débattus à l’Assemblée Nationale et à la Radio et Télévision Turques (TRT).
    • Les clauses sur les syndicats de travailleurs et commerçants seront adaptées aux normes de l’ILO et les entraves à l’élection des leaders des syndicats et des organisations professionnelles seront supprimées. Tous les travailleurs, y compris les fonctionnaires jouiront de droits syndicaux.
    • Les universités seront nanties d’une autonomie scientifique et administrative et le système du YÖK sera supprimé. On veillera à ce que les institutions de l’éducation secondaire soient administrées par des personnes élues parmi leur personnel. Une institution d’éducation et enseignement secondaires formée par des candidats élus sera créée en vue d’assurer la coordination entre les universités. Les étudiants seront autorisés à devenir membres de partis politiques.
    A l’exception d’une ou deux de ces promesses (le service militaire fut raccourci, bien que la mesure ne fut pas appliquée immédiatement, les personnes privées de leur citoyenneté furent autorisées à la récupérer et les partis politiques fermés furent rouverts), qui “firent nourrir de grands espoirs” dans la plupart des couches de la société, aucune ne fut appliquée au cours des 500 premiers jours. La nuit du 23 juin, au cours d’un meeting, le Conseil des Ministres décida de supprimer certains pouvoirs qui permettaient au Gouverneur de la Région en Etat d’Urgence de “censurer ou renvoyer certaines personnes en exil”. Cette décision fut présentée au public comme un grand succès. Mais les pouvoirs supprimés n’avaient plus été appliqués depuis le début de l’année 1991 en raison des dures réactions qu’ils suscitaient. Par ailleurs, comme le meeting était tenu en l’absence du Président, surgit une discussion sur “l’invalidité de la décision”.
    Une grande partie des promesses ne fut même pas abordée. Quelques-unes furent ouvertes et reléguées à un débat public. Des projets de loi sur des sujets comme le “code de procédure pénale et la présence d’un avocat lors des interrogatoires ou le “YÖK et les élections des recteurs”, furent modifiés en fonction des réactions de certains cercles et approuvés sous diverses conditions. Au début de sa législature, le gouvernement de coalition avait promis d’instaurer une “démocratie” et “un régime qui respecterait les droits de l’homme”, mais ne tint pas parole et fit exactement le contraire.
    Pendant cette période de 500 jours, les droits et libertés fondamentaux, en particulier le droit à la vie, furent violés, rappelant fortement les sombres jours du régime instauré le 12 septembre 1980. La société a été terrorisée et écartée du monde politique. La torture est devenue systématique. Les plaintes de torture ont été ignorées. Les livres, les revues et les journaux ont été confisqués et les journalistes assassinés. Ceux qui ont essayé de “parler ou écrire” ont été réduits au silence et jetés en prison. Au nom de la “lutte contre le terrorisme”, on a appliqué des méthodes illégales. Le public n’a reçu qu’une version corrompue des faits. Loin de résoudre le problème kurde, on a assisté à une détérioration de la situation ainsi qu’à la création d’un climat plus propice encore aux affrontements. Des villes ont été mises à feu et détruites. Des manifestants faisant usage de leur droit de manifester ont été battus et soumis aux balles des forces de sécurité. Quelque 500 personnes (la plupart dans la Région de l’Etat d’Urgence), y compris des journalistes, des leaders de partis politiques, des intellectuels et des activistes des droits de l’homme ont été victimes de meurtres restés on élucidés.
    Pendant cette période, caractérisée par une extension de la violence politique, certains groupes ont exprimé en public leur soutien aux violations des droits de l’homme et on même approuvé ces pratiques en terrorisant certaines parties de la population. L’intensification des activités du PKK et l’augmentation du nombre d’assassinats et d’attaques commandités par Devrimci Sol ont donné lieu à une radicalisation des cercles victimes de la terreur. Les activistes des droits de l’homme ont été soumis à une répression jamais connue auparavant. Ils ont été accusés de prolonger, soutenir et parfois même d’être membres d’organisations recourant à la violence comme moyen de lutte.
    Cette sombre situation qui vient d’être résumée en quelques mots correspond à une période où le gouvernement au pouvoir avait fait de grandes promesses de démocratisation et s’était engagé à instaurer un Etat de droit respectant les droits de l’homme. Au début de cette période de 500 jours, une série de promesses se sont succédées mais on assista aux plus brutales violations des droits de l’homme. Pendant cette période on ne protégea pas les droits de l’homme mais ceux qui les violaient.

LE DROIT A LA VIE

    Les attaques contre le droit le plus naturel de l’humanité, celui à la vie, se sont intensifiées pendant ces 500 jours, par rapport aux années précédentes. Au cours de cette période, de nombreux actes des forces de sécurité ont provoqué la mort de personnes. Ces actes furent qualifiés d’exécutions extrajudiciaires. Les meurtres perpétrés par des “assaillants inconnus” se sont poursuivis à grande échelle. Conséquence des attentats à la bombe et des attaques armées perpétrés par des organisations illégales comme le PKK, qui mène une guerre de guérilla, Devrimci Sol (Gauche Révolutionnaire) et TIKKO (Armée de Libération des Paysans et Travailleurs de Turquie), de nombreuses personnes ont trouvé la mort. Des civils ont été victimes d’un certain nombre d’attaques causant des morts, certaines par des organisations illégales, d’autres leur ayant été simplement attribuées.
    Au cours de ces 500 jours, 19 détenus sont morts dans des circonstances suspectes (la section intitulée “Torture” comporte des informations détaillées). Sept personnes qui, selon des témoins ou d’autres preuves de poids similaires, avaient été arrêtées, sont disparues. Un total de 233 personnes ont été assassinées. Parmi elles, 38 l’ont été par des coups de feu tirés sur des manifestants, 80 au cours de descentes policières dans les maisons, 115 par des tirs au hasard pour avoir désobéi à un ordre d’immobilisation, ou d’exécutions dans la rue. La sanglante liste des événements du Newroz comprend 95 décès (92 en 1992 et 3 en 1993) et au moins 500 blessés. Par ailleurs, 44 personnes sont mortes et 100 autres blessées en raison de la violence engendrée par les sanglants événements de Sirnak, s’étendant à Cukurca, Musabey, Kulp, Varto et Cizre, dans la deuxième moitié de 1992. Le nombre de personnes mortes suite à l’explosion de mines posées au hasard ou en prenant des grenades traînant par terre, s’élève à 52.
     Récemment, un total de 443 personnes sont mortes en raison de l’excessive répression des forces de sécurité, de la torture, de l’explosion de mines, d’exécutions extrajudiciaires et de crimes similaires. Si à ce chiffre on ajoute le nombre de victimes de meurtres non élucidés (493), de civils, de membres des forces de sécurité (802) et de militants (1161) morts au cours d’affrontements, de fonctionnaires publics, de policiers, de soldats et de gardiens de village tués à la suite d’attaques armées, d’assassinats ou d’autres personnes tuées pour “traîtrise”, “dénonciation” ou “soutien de l’Etat” (331), de ceux morts au cours d’attaques contre des civils (224), ce sanglant scénario devient encore plus effrayant. Un total de 3454 personnes sont mortes à conséquence de l’atmosphère de violence qui s’est installée entre le 21/11/1991, lorsque le gouvernement de coalition entra en fonctions, et le 5/4/1993.
    La plupart des décès repris dans ce rapport correspondent à des “exécutions extrajudiciaires”, c’est ainsi qu’elles ont été définies dans les documents des Nations Unies. Pratiquement aucun des “critères nécessaires” définis par les Nations Unies à propos des exécutions extrajudiciaires ne fut tenu en considération. La plupart des meurtres ne furent pas soumis à des enquêtes suffisamment sérieuses. Au lieu de cela, on adopta des attitudes et fait des déclarations de nature à encourager les forces de sécurité. Les agents impliqués dans les exécutions extrajudiciaires furent récompensés.    
    Le Ministère de l’Intérieur concéda une récompense de 2,5 millions de LT à chacun des policiers ayant pris part, le 13 août 1992, à deux descentes différentes dans des maisons des quartiers de Maltepe et Küçükesat, à Ankara. Approuvant l’acte, un haut officier de la sécurité affirmait que les récompenses financières encourageraient les officiers de police qui participaient à ces opérations, et ajouta: “Ces pratiques éliminent les doutes que peuvent avoir les policiers durant les opérations. Ils agissent en sachant que leur travail sera récompensé”. Durant les descentes effectuées dans diverses maisons le 13 août 1992, qui valut une récompense aux officiers de police qui l’ont menée, cinq membres de l’organisation “Devrimci Sol” furent tués.
    Pendant ce temps, les officiers des forces de sécurité, rarement traduits en justice, étaient soit déclarés “innocents” ou condamnés à des peines de prison vraiment insignifiantes. Ces peines furent commuées en amendes ou en mises en liberté surveillée.

EXÉCUTIONS SUR PLACE

    Pendant ces 500 jours, dans le cadre du sombre panorama des droits de l’homme, se sont produits des témoignages de cas inquiétants qui pourraient être qualifiés “d’exécutions sur place”. Les forces de sécurité ont ouvert le feu sur des foules de manifestants tuant ou blessant de nombreuses personnes. Des descentes dans les maisons, au nom d’opérations, ont provoqué de nombreuses morts. Des personnes ont été battues parce qu’elles n’obéissaient quand on leur ordonnait de s’arrêter”. A cause de ces coups tirés au hasard par les forces de sécurité, des innocents ont perdu la vie. Des enfant et des femmes sont morts, tués par des bombes larguées depuis des avions militaires. Ces événements, qui sont étudiés dans trois chapitres ci-après, se sont soldés par le décès de 233 personnes (38 pendant des manifestations, 80 pendant des descentes policières dans les maisons, et les 115 restantes ont été tuées pour n’avoir pas obéi aux ordres de s’arrêter ou simplement après avoir été capturées vivantes).

ATTAQUES CONTRE LES CIVILS

    Pendant 500 jours, furent perpétrés d’innombrables attentats à la bombe ou à l’arme à feu sur des civils et personnes sans défense. Au cours de ces attaques, les villages ou les agglomérations qui soutenaient l’Etat ou le PKK, les gardiens de village et leurs familles, les centres commerciaux et les moyens de transport urbains furent souvent choisis comme cibles. Ces incidents, qui provoquèrent une escalade de la violence et servirent de prétexte aux milieux cherchant à utiliser des pratiques illégales, provoquèrent la réaction du public. 224 personnes, dont 49 enfants, sont mortes et 187 furent blessées.
    Dans certains cas, on en arriva à la conclusion que ce genre d’actions, qui servirent de prétexte pour terroriser la population et recourir à des pratiques antidémocratiques, avaient été le fait des protecteurs de village. Tous ces événements furent présentés à la population comme des “actions du PKK”. En outre, les dommages causés par les forces de sécurité dans les zones civiles furent extrêmement élevés. Pour beaucoup des actions menées dans la Région en Etat d’Urgence, le PKK en prit la responsabilité. Le nombre d’attentats perpétrés par cette organisation contre les civils et les personnes sans défense fit un énorme bond en 1992, par rapport à 1990 et 1991. (Les attaques menées par les protecteurs de village sont traitées dans un autre chapitre et n’ont pas été incluses ici). Il n’a pas été établi par qui et pourquoi certains de ces attentats (comme ceux contre un Bazar Fermé, une Cantine à Fenerbahçe et la Chambre de Commerce d’Istanbul) ont été perpétrés.

ASSASSINATS ET AFFRONTEMENTS

    Pendant ce temps, les attaques contre des officiers publics, comme des soldats, des officiers de police, des maires et des procureurs, contre des gardiens de village ou des personnes accusées d’être des “agents de police” ou de “soutenir l’Etat”, se poursuivaient de manière intense pendant les 500 jours. Suite aux attentats et assassinats d’organisations comme le PKK, Devrimci Sol, TIKKO et TIKB, les 330 personnes reprises ci-après sont mortes.

Personnes enrôlées     15    Officiers non commissionnés    10
Général à la retraite     1    Officiers de police    72
Gardiens de village    47    Gardiens de nuit    2
Juges-Fonctionnaires    7    Maires    2
Fonctionnaires du MIT    4    Chauffeurs de bureaux    3
Chefs de villages     6    Confesseurs    5
Dénonciateurs     52    Sympathisants de l’Etat    77
Enseignants    4    Balles perdues, erreurs    8
Autres    14    Opposants iraniens    14

    Il y a eu de très nombreux affrontements entre les forces de sécurité et des groupes armés partout en Turquie, surtout dans la Région en Etat d’Urgence et à Istanbul. Ces affrontements, y compris les attaques et les raids contre les centres militaires et des unités dans la Région en Etat d’Urgence, se sont soldés par la mort de 1.156 militants. 1.079 appartenaient au PKK, 15 à Devrimci Sol (Gauche Révolutionnaire), 33 à TIKKO (Armée de Libération des Paysans et Travailleurs Turcs), 9 étaient des militants du Hezbollah et 20 appartenaient à des organisations qui n’ont pas été identifiées. Le chiffre grimpa à 1.161 après la mort de deux militants du TIKB (Union des Communistes Révolutionnaires de Turquie), un du TKIH (Mouvement des Travailleurs Communistes de Turquie), un du TKP-K (Parti Communiste de Turquie-Etincelle) et un dernier militant de droite (ülkücü) après que les bombes qu’ils manipulaient en vue d’une action leur fassent explosion entre les mains. En outre, un total de 802 personnes sont mortes au cours des affrontements. 462 étaient des homme enrôlés, 54 des officiers non commissionnés, 26 des officiers militaires, 36 des officiers de police ou des membres d’équipes spéciales, 188 des gardiens de village, 6 des gardiens de nuit, 62 des civils et 4 personnes victimes de balles perdues.

LE PROBLEME KURDE ET L’ETAT D’URGENCE

    Le problème kurde, un des plus importants de la Turquie depuis des années, est devenu encore plus complexe au cours de ces 500 jours. Le pouvoir politique préféra appliquer de méthodes militaires au lieu de trouver des solutions démocratiques et pacifiques. D’une part, le Parti des Travailleurs du Kurdistan, PKK, qui mène une guerre de guérilla dans la région, poursuivit et intensifia ses attaques. Des promesses comme “les clauses de l’état d’urgence et le système des gardiens de village seront revus” ne furent pas tenues et aucune mesure concrète ne fut prise dans ce domaine. Malgré des vues différentes au sein des partis de la coalition, la période de l’état d’urgence fut rallongée trois fois. Le Premier Ministre Demirel, critiquant les personnes qui voulaient supprimer l’état d’urgence, se plaisait à dire “ce système continuera jusqu’à ce qu’une solution soit trouvée”. Le système des gardiens de village ne fut même pas mentionné.
    La violence dans la Région en Etat d’Urgence s’est accrue de jour en jour. Des postes de gendarmerie furent soumis à des attaques du PKK des heures durant. Les affrontements dans la région durèrent des jours. Des agglomérations furent transformées en ruines. Chaque jour, les corps de jeunes soldats morts dans les affrontements, les raids ou des pièges, ont été acheminés vers les villes des parties occidentales du pays. La Turquie effectua de nombreuses opérations aériennes et terrestres contre les camps et les unités du PKK aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières nationales. La quantité de bombes utilisées durant les attaques aériennes contre le PKK, fut plusieurs fois supérieure à celle utilisée pendant l’opération de Chypre.
    Les plaintes concernant les traitements inhumains durant les affrontements et événements qui suivirent furent amplement diffusées. Les dépouilles des militants du PKK morts pendant les affrontements et les raids furent exhibés. Les corps déchiquetés et les femmes dépouillées de leurs vêtements une fois tuées, furent montrés à la télévision. On prétendit souvent que les forces de sécurité tuaient les militants après les avoir capturés vivants. Un autre événement qui souleva de vives réactions fut la vue de corps de femmes et enfants tués ou prétendument tués par les militants du PKK.
    L’attitude de provocation porta ses fruits pendant la deuxième moitié de 1992 dans les régions occidentales de la Turquie. Après les funérailles organisées pour les officiers de la sécurité morts dans le Région en Etat d’Urgence, la tension augmenta et des affrontements se sont produits entre la population turque et kurde dans le district d’Urla, à Izmir (3-4 août 1992), dans le district de Fethiye, à Mugla (pendant les premiers jours d’octobre 1992), dans le district d’Antalya (pendant les trois deniers jours d’octobre 1992) et à Kusadasi, Bursa et Erzurum (alors que se poursuivaient les incidents à Antalya). Des incidents similaires se sont produits dans la province d’Igdir, les 2 et 3 novembre.
    Les autorités n’ont adopté aucune mesure pour prévenir les affrontements qui ont éclaté pendant les funérailles. En novembre, le Ministre de l’Intérieur, Ismet Sezgin, qui concéda une interview au quotidien Cumhuriyet à propos d’événements dérivant parfois en attaques contre le peuple kurde, manifesta: “Les effets produisent des réactions. Le sens national de notre peuple le rend plus sensible. Bien sûr, des agents provocateurs surgissent de partout, comme toujours. Cependant, je pense que le grand sens commun de notre peuple suffira à protéger notre unité nationale”.
    Dans la Région en Etat d’Urgence, la vie sociale, les activités éducatives, les services sanitaires et autres sont restés pratiquement paralysés pendant ces 500 jours. La population de nombreux districts et villes a diminué considérablement en raison de l’énorme exode dont ils furent victimes. Quelque 400 villages et agglomérations furent évacués. Les bâtiments des zones évacuées sont devenus inutilisables. Un total de 622 écoles primaires et secondaires durent fermer leurs portes pendant les trois dernières années pour des raisons de sécurité, à cause de l’évacuation de villages, du manque d’étudiants et les difficultés pour trouver des enseignants. Selon les données du Ministère de l’Education Nationale, en trois ans, 35 écoles ont été fermées à Van, 59 à Sirnak, 12 à Diyarbakir, 188 à Mardin et 201 à Elazig. Le nombre de médecins et de membres du personnel assistant médical chargés des hôpitaux et des institutions sanitaires a rapidement baissé. Les organisations au militantisme massif, les partis politiques et les centres de loisirs ont été désertés.
    Les incidents vécus dans la Région en Etat d’Urgence, firent place à une situation d’espoir vers le milieu du mois de mars de 1993. La tension est soudainement tombée lorsque le leader du PKK Abdullah Öcalan révéla dans une conférence de presse, le 17 mars 1993, qu’il avait décrété un cessez-le-feu unilatéral pour une période allant du 20 mars au 15 avril. Abdullah Öcalan qui convoqua une conférence de presse dans la Vallée de Bekaa affirma qu’il voulait transformer le PKK en un parti politique et précisa: “Nous avons décrété un cessez-le-feu unilatéral. Aussi longtemps que des attaques ne seront pas dirigées contre nous, nous ne tirerons pas. Aucune des attaques se produisant durant cette période ne sera de notre responsabilité. Ce dont j’ai peur, c’est d’une possible provocation le Jour du Newroz. Ce cessez-le-feu correspond à une demande de la société internationale et de l’opinion publique turque et kurde. Mettons fin à la guerre et arrivons à un accord. Nous pensons que les autorités turques doivent revoir la situation. Pour que cette révision soit possible, nous pensons que ce cessez-le-feu est nécessaire”. Affirmant son désir de retourner en Turquie et de s’adonner à la politique, Abdullah Öcalan précisa que les autorités turques devaient fournir une garantie sur ce point, car il ne veut devenir un autre Sheik Sait ou Sheik Bedrettin. Il souligna également qu’il était disposé à se retirer des négociations si sa présence constituait un obstacle à la conclusion d’un accord. Jelal Talabani, leader de l’Union Patriotique du Kurdistan (PUK), était présent à la conférence de presse.

MANIFESTATIONS POLICIÈRES

    Les manifestations pendant les funérailles organisées par des officiers de police suite à des attaques armées et à des assassinats furent un autre des préoccupants événements vécus pendant ces 500 jours. Durant ces manifestations, surtout celles qui se sont déroulées à Istanbul, Adana et Izmir, des activistes des droits de l’homme, certains hommes politiques et des membres de la presse furent pris pour cible et des journalistes furent battus et arrêtés. Les autorités se sont contentées de fermer les yeux. Pire encore, les activistes furent encouragés et on les incita à manifester. Avec ses déclarations et ses discours, le Président Özal fit preuve d’une attitude propre à aggraver la tension. Le Mi-nistre de l’Intérieur, qui appuya les officiers de police par ses déclarations, manifesta: “Les slogans scandés pendant les manifestations sont purement psychologiques. Nous devrions admettre que les policiers crient des slogans pour exprimer la tristesse que leur produit la mort de leurs amis”.
    Les déplaisants événements vécus à Lice le 28 novembre 1991, à Istanbul les 5 décembre 1991 et 4 février 1992, à Izmir le 5 février 1992, à Istanbul et Adana le 7 février 1992, à Sirnak le 5 mars et à Batman le 21 avril 1992, sont des exemples représentatifs de ces revendications policières. Pendant les démonstrations à Sirnak et à Batman, des personnes furent battues et des magasins détruits.
    Les manifestations des policiers furent suspendues pendant une longue période en raison des vives réactions et critiques. Les officiers de police qui essayèrent de manifester ou de scander des slogans, furent réduits au silence par leurs supérieurs. Cependant, ces manifestations reprirent à partir de novembre 1992. Il y en eut à Diyarbakir le 10 novembre 1992, à Istanbul les 19 novembre 1992, 20 mars 1993 et 2 avril 1993.

TORTURE

    Les cas de torture se sont poursuivis pendant les 500 jours du gouvernement de coalition. Sur ce point, la situation n’a pas beaucoup varié par rapport aux années précédentes. Cependant, les promesses comme celle de “mettre fin à la torture et punir les tortionnaires”, figuraient en bonne place dans le programme gouvernemental et dans les déclarations des représentants du gouvernement. Dans son premier discours après son entrée en fonctions, le Ministre de la Justice, Seyfi Oktay, déclara que le nouveau gouvernement introduirait de grands changements légaux dans le but de mettre fin à toute sorte de cruauté, et ajouta qu’il était contraire aux détentions sans mandat judiciaire. Le Premier Ministre Süleyman Demirel a fréquemment formulé des déclarations similaires. Mais aucun de leurs engagements ne fut jamais tenu. La torture continua d’être une méthode d’interrogation telle qu’on l’appliquait depuis des années. Les modifications du Code des Procédures Criminelles (CMUK), tant annoncés et transformés en loi après de longs débats, ne purent éviter la torture. Des expressions comme “des Postes de Police Transparents” et des “Murs de Verre” sont restées de simples formules électorales. Les postes de police et les centre d’interrogation sont en fait des lieux entourés de murs bien épais que le regard, même d’un député, a bien du mal à percer.
    Pendant une visite aux USA, Demirel déclara au cours d’une interview à CNN que la torture avait diminué et que tous les cas étaient sérieusement étudiés. Cependant, les faits donne tort à Demirel. Pratiquement aucun des cas repris ci-après n’a fait l’objet d’une enquête sérieuse. La torture es toujours appliquée de manière systématique dans les postes de police et particulièrement par la police politique. Même les décès provoqués par la torture n’ont pas cessé en 1992.
    Tout comme avant, la plupart des officiers accusés de torture qui, en dépit de toutes les difficultés, furent traduits en justice, furent généralement acquittés. Dans le procès conclu le 12 février 1992 à la Cour Criminelle Kadiköy d’Istanbul, l’officier de police Hüseyin Polat, accusé d’avoir torturé MD Hüseyin Özkahraman, fut acquitté. La raison de l’acquittement était que Hüseyin Özkahraman ne put reconnaître l’officier accusé. Hüseyin Özkahraman, arrêté le 6 juillet 1991, fut interrogé et torturé au Poste de Police de Yeldegirmeni. Il prouva les tortures subies par un certificat médical faisant état de son incapacité de travailler pendant 15 jours.

CODE MODIFIÉ DES PROCÉDURES CRIMINELLES

    Pendant 500 jours, les débats sur la “torture” se sont essentiellement concentrés sur les amendements au Code des Procédures Criminelles, ou CMUK (Ceza Mahkemeleri Usul Kanunu). Ceux-ci font partie des grandes promesses du gouvernement.
    La plupart des amendements introduits par la loi ne seront pas appliqués aux enquêtes politiques (Article 31) sous la juridiction des Cours de la Sûreté de l’Etat (CSE) et dans la Région en Etat d’Urgence. En excluant certains délits de la juridiction des CSE, on a tenté de réduire au silence certaines critiques. (En réalité, avec l’article 29 de la loi, le nombre de délits du ressort des CSE a diminué). De nombreux délits qui ne sont plus du ressort des CSE sont considérés des délits de terreur et sont donc du ressort de la “Loi de Lutte contre le Terrorisme”. Cela veut dire que la présence d’un texte, un discours ou un dépliant dans un appartement peut facilement être assimilé à un délit tombant sous la “Loi de Lutte contre le Terrorisme”. Les défendeurs sont donc jugés par un CSE, peuvent être détenus pendant 15 jours (30 dans la Région en Etat d’Urgence), et ne peuvent recevoir la visite de leur avocat ou des membres de leur famille.
    Les amendements au Code des Procédures Criminelles ont donné lieu à plusieurs discussions publiques ainsi qu’à des critiques de la part des activistes des droits de l’homme et des juristes. Les critiques se sont intensifiées devant l’exclusion des délits politiques des améliorations introduites. La loi fut également critiquée parce qu’elle ne résout pas le problème de la torture. Il est difficile de croire qu’elle puisse changer la situation sans remplacer les personnes qui pendant des années ont pratiqué cette méthode. On considère également qu’elle enfreint les Articles 5 et 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.
MORTS EN DÉTENTION ET DISPARITIONS

    Pendant les 500 jours, les décès en détention ont occupé une place prépondérante dans le sombre panorama des violations des droits de l’homme. Pendant cette période, 19 personnes détenues sont mortes dans des circonstances suspectes. 13 des décès en détention se sont produits dans la Région en Etat d’Urgence, 2 à Adana, 2 à Istanbul et les autres à Artvin et Antalya.
    Outre ces personnes mortes en détention, sept autres ont disparu suite à leur arrestation. Par ailleurs, aucune information n’a pu être obtenue à propos de Yusuf Eristi, Haydar Altun, Ibrahim Gündem et Hüseyin Toraman, disparus en 1991. Les autorités n’ont donné aucune explication satisfaisante aux familles des victimes disparues suite à leur détention et aucune enquête sérieuse n’a été entreprise pour retrouver ces personnes. De plus, le Premier Ministre Süleyman Demirel répondait de la manière suivante aux familles des disparus qui, le 8 novembre, s’étaient rendues au Bureau du Premier Ministre: “Vos enfants ne sont pas dans ma poche, donc je ne peux pas vous le donner”. Les autorités policières se sont satisfaites de réponses comme “Les personnes susmentionnées n’ont pas été arrêtées. Nous les cherchons également”.

LES CAS DE TORTURE

    Selon les statistiques de la Fondation des Droits de l’Homme de Turquie, un total de 804 personnes, parmi lesquelles 14 sont des enfants et 121 des femmes, ont été torturées pendant cette période. 226 de cas de torture ont été certifiés par des rapports médicaux. 27 des femmes torturées ont affirmé avoir été violées ou victimes d’abus sexuels pendant leur détention. En l’espace d’un an, un total de 177 personnes prétendument torturées ont sollicité les soins des centres de traitement du TIHV, 29 se sont dirigées à un centre de traitement à Ankara, 50 à Istanbul et 98 à Izmir. (Ce chiffre ne comprend pas les personnes relâchées récemment ou les personnes qui se sont dirigées au TIHV bien qu’ayant été torturées avant le 21 novembre 1991). Les cas enregistrés par le TIHV ne sont qu’une petite portion des tortures qui se produisent en Turquie.
    Tout le monde sait que la torture est infligée en Turquie à la quasi totalité des défendeurs, aussi bien politiques que ordinaires, comme moyen systématique d’interrogation. Bien que toute une série de méthodes de torture bien connues soit largement utilisée contre les suspects de délits ordinaires dans les postes de police ou de gendarmerie, une partie importante des cas de torture ne peuvent être révélés parce que ces suspects n’insistent pas sur leurs droits.

LES PRISONS

    Pendant ces 500 jours de coalition gouvernementale, on a décelé plusieurs cas de traitements inhumains dans les prisons, mettant en exergue un autre grand problème de la Turquie. Les plaintes concernant les mauvaises conditions de vie n’ont cessé de s’intensifier. Des grèves de la faim ont été organisées dans plusieurs prisons. Le gouvernement de coalition, qui avait fermé la Prison de Type Spécial d’Eskisehir dès son arrivée au pouvoir, avait donné l’impression qu’il suivrait une politique respectueuse de la dignité humaine. Mais plusieurs pressions et traitements inhumains décelés pendant l’année furent décevants. Parfois, les détenus étaient brutalement battus. Le Ministre de la Justice, Seyfi Oktay, qui s’est souvent opposé aux clauses anti-démocratiques de la “Loi de Lutte contre le Terrorisme” lorsqu’il se trouvait dans l’opposition, ne fit aucune tentative légale pour les supprimer. Il préféra garder le silence sur certains aspects comme ceux qui veulent “qu’aucun défendeur jugé en vertu de l’Article 125 du CPT pour connexion avec des organisations kurdes, ne puisse bénéficier d’une mise en liberté conditionnelle”, et que “les prisonniers politiques ne puissent bénéficier de visites libres”.
    L’injustice dont sont victimes les défendeurs et les condamnés jugés pour leurs liens avec des organisations kurdes, particulièrement avec le PKK, est toujours d’actualité. Le gouvernement de coalition a préféré attendre la décision du Tribunal Constitutionnel à propos de la mise en liberté conditionnelle des prisonniers politiques condamnés en vertu de l’Article 125 du Code Pénal Turc (CPT), au lieu d’introduire des changements légaux. Le Tribunal Constitutionnel n’a pas supprimé la section qui prévoit “qu’aucun défendeur jugé en vertu de l’Article 125 du CPT ayant des liens avec des organisations kurdes ne peut bénéficier d’une mise en liberté conditionnelle”. A cause de cette décision, les procès intentés contre des organisations kurdes, les défendeurs condamnés à mort devront rester en prison pendant 20 ans au lieu de 10, et ceux condamnés à la prison à vie devront purger 15 ans au lieu de 8. Cette décision démontre l’existence de deux normes, une pour les organisations turques et une autre pour les kurdes, ce qui est contraire au principe d’égalité de la Constitution.
    Pendant les 500 jours, des grèves de la fin ont éclaté trois fois à la Prison Buca d’Izmir; deux fois à la Prison de type E de Malatya, à la Prison de Kayseri et aux prisons de type E d’Elazig et d’Aydin; une fois à la Prison Spéciale de Ceyhan, à la Prison Centrale d’Ankara, à la Prison de Type E d’Urfa, à la Prison de Type E de Diyarbakir, à la Prison de Type E de Yozgat, à la Prison de Type E de Canakkale, à la Prison de Type E d’Amasya, à la Prison fermée de Metris, à la Prison Spéciale de Bursa et à la Prison de Type E de Nevsehir. Celles-ci avaient pour but de dénoncer la pression croissante et les mauvais traitements et de demander une amélioration des conditions de vie. De nombreux prisonniers et condamnés furent battus, surtout en 1993, provoquant des blessures à des centaines d’entre eux.

LIBERTE DE LA PRESSE ET DE PENSEE

    Les 500 premiers jours du gouvernement de coalition n’ont été guère positifs du point de vue de la vie culturelle et de la liberté de la presse, de pensée et de croyance. Cependant, quelques décisions positives prises à la fin de l’année 1991 et au début de 1992, avaient pu laisser croire que les pressions sur les libertés de la presse et de pensée seraient atténuées. Pendant les premiers jours de gouvernement, les interdictions qui frappaient certaines publications furent suspendues dans les bibliothèques du Ministère de la Culture. On leva également les interdictions sur certaines oeuvres d’art et certains artistes et le Conseil des Ministres annula les ordres d’interdiction concernant quelque 700 publications.
    Pendant la même période, la proscription de publications kurdes fut totalement abolie, et la production ainsi que la vente de cassettes kurdes furent autorisées. Les droits de 227 personnes qui avaient été privées de leur citoyenneté turque et s’étaient vus confisquer leurs propriétés et leurs biens après le coup-d’Etat militaire du 12 septembre, furent rétablis. Cependant cette évolution positive et les amendements sont restés inefficaces face aux pressions et restrictions dont faisait l’objet la liberté de pensée ainsi qu’aux obstacles légaux et aux attaques physiques contre la presse. Le nombre de journalistes tués pendant cette période dépasse celui des 30 dernières années. Des procès furent également intentés contre des journalistes et des écrivains exigeant des dizaines d’années de prison et des amendes totalisant des milliards de LT. La quasi totalité des radios et télévisions privées furent fermées.

JOURNALISTES
ASSASSINÉS

    Pendant les 500 jours, un total de 16 journalistes, 14 d’entre eux dans la Région en Etat d’Urgence, furent tués au cours d’attaques armées perpétrées par des inconnus. De plus, Burhan Karadeniz (20), correspondant à Diyarbakir du journal Özgür Gündem, était gravement blessé le 5 août 1992, au cours d’une attaque armée qu’il était en train de couvrir. Burhan Karadeniz, qui reçut une balle dans la nuque, fut paralysé. On prétendit que les journalistes tués étaient des “militants”, ouvrant la voie à d’autres assassinats.
     Outre les journalistes, des personnes chargées de distribuer et de vendre des publications comme “Özgür Gündem”, “2000e Dogru”, “Yeni Ülke”, “Azadi” et “Gerçek” furent victimes des attaques d’assaillants inconnus dans la Région en Etat d’Urgence. Suite à ces attaques, 4 distributeurs de journaux, Halil Adanir (Batman-21 nov. 1992), Kemal Ekinci (Diyarbakir-15 déc. 1992), Lokman Gündüz (Nusaybin-31 déc. 1992) et Orhan Karaagar (Van-19 janv. 1993), furent tués et deux autres, Hasan Özgün et Ali Ihsan Kaya furent blessés.
    Les attaques physiques des officiers publics contre la presse pendant les 500 jours se sont soldées par la mort de 16 journalistes, tandis qu’un autre restait infirme. Selon les chiffres du TIHV, un total de 67 journalistes ont été insultés ou battus à l’aide de bâtons ou de matraques par des officiers publics ou de la sécurité au cours de 31 incidents différents. Bahri Kayaoglu, un des correspondants du journal “Meydan” fut battu à deux reprises par les gardes du Président Turgut Özal en l’espace de trois mois. De nombreux journalistes furent arrêtés. Le journal Özgür Gündem (32) et la revue Mücadele (41) se classent en première position quant au nombre de journalistes arrêtés. Des groupes islamistes radicaux ou certains organisations gauchistes illégales ont également mené des attentats à la bombe contre des journalistes et des organismes de presse.
PRESSIONS CONTRE LES LIBERTÉS DE PENSÉE

    Malgré plusieurs déclarations des autorités dans lesquelles elles affirmaient “qu’aucun livre ne serait plus jamais interdit”, 244 magazines et journaux furent confisqués pendant les 500 jours suite aux ordres émis par les tribunaux. Pendant la même période on décréta également la confiscation de 27 livres. Ces derniers, ainsi que les journaux, furent acceptés comme “moyens de délit” et dénoncés à la télévision. Ismail Okçu (Hekimoglu Ismail purgea 71 jours de prison), un des auteurs du journal “Zaman”, Sükrü Aksoy, ancien rédacteur en chef du journal “Emegin Bayragi” (purgea 2 mois de prison), Sinami Orhan, rédacteur en chef du journal Ak-Dogus (purgea 3 mois et 18 jours de prison) et Erdogan Yasar Kopan, (toujours en prison), ancien rédacteur en chef du journal “Mücadele”, furent jetés en prison pour y servir les peines infligées pour leurs articles. De plus, une peine de prison imposée à Mustafa Kaplan, un des rédacteurs du journal “Yeni Asya”, pour avoir insulté Atatürk au cours d’un meeting célébré à Usak en 1989, fut confirmé par la Cour d’Appel en janvier 1993. Les sentences infligées aux journalistes et écrivains totalisent 50 ans, 9 mois et 15 jours de prison, et le montant des amendes s’élève à 17.358.200.000 LT.
    Les stations de radio privées, surtout celles d’Ankara, Istanbul, Izmir et Adana furent fermées au cours des premiers jours d’avril 1993. En mars, le Ministère des Transports avait envoyé une circulaire aux gouverneurs leur ordonnant de fermer toutes les radios privées. La mesure ne fut pas appliquée aux télévisions privées émettant depuis l’étranger. Cette décision provoqua une grande réaction. L’Article 132 de la Constitution de la République de Turquie prévoit que “les émissions de radio et de télévision sont uniquement du ressort de l’Etat”. En Turquie émettent plus de 500 radios. La plupart d’entre elles ont un caractère local.

LA LANGUE KURDE

    Une des mesures positives prises par le gouvernement de coalition pendant cette période concerne la langue et les publications kurdes. Pendant les premiers jours de 1992, plusieurs amendements furent introduits en vue d’atténuer les interdictions et limitations qui frappaient les publications kurdes depuis des années. Par la suite, des moyens de communication comme les cassettes, les livres et les journaux pouvaient être vendus librement. L’interdiction qui frappait le film “Mem-u Zin”, basé sur un roman du poète et penseur kurde Ehmedi Xani fut levée par le Ministre de la Culture Fikri Saglar. Ce film avait été interdit parce qu’il contenait des chansons folkloriques kurdes. La première diffusion avait été organisée par la Fondation des Droits de l’Homme de Turquie à Ankara le 18 janvier 1992.
    En levant les restrictions sur les prénoms pouvant être donnés aux nouveaux-nés, le Ministère de l’Intérieur appliqua le droit des parents à choisir les prénoms de leurs enfants. Après le coup-d’Etat militaire, on avait interdit l’attribution de prénoms kurdes aux enfants. En mars 1993, des études avaient même été entreprises pour rétablir les anciens noms des agglomérations. Ceux-ci avaient été changé après le coup-d’Etat.
    Cependant, tous ces amendements n’ont pas suffi à mettre définitivement fin aux pressions et aux limitations imposées à la langue et aux traditions kurdes. Mais à partir de la seconde moitié de 1992 certains de ces aspects positifs laissèrent leur place à des pressions comparables à celles vécues par le passé. Les publications et traditions kurdes furent à nouveau victimes de pratiques illégales. Des personnes furent arrêtées parce qu’elles chantaient des chansons kurdes. Les cérémonies de mariage et les circoncisions organisées selon les traditions kurdes furent empêchées par les forces de sécurité. Ceux qui assistaient à ces cérémonies furent battus, détenus et arrêtés.
    La Turquie n’a pas signé la Charte préparée par le Conseil de l’Europe assurant la protection et l’amélioration des langues régionales. La charte préparée pour être signée par les pays membres du Conseil de l’Europe en septembre 1992, fut signée dans une première phase par l’Allemagne, le Luxembourg, Malte, la Hongrie, le Liechtenstein, l’Espagne, l’Autriche, le Danemark, la Finlande, la Hollande et la Norvège. Dans cette charte, le concept de “langue minoritaire et régionale” est décrite comme “Une langue parlée sur le territoire d’un pays par un groupe de personnes dont la population est moins importante que celle de l’Etat, et qui diffère de la langue officielle de l’Etat”. La convention définit certaines obligations pour las pays signataires et notamment celle d’améliorer et protéger les langues minoritaires et régionales. Si la Turquie signe accepte de la signer, elle devra prendre en considération ses obligations envers les nombreuses langues parlées dans le pays, et notamment le kurde.
    L’Institut Kurde, fondé dans le cadre du Centre de la Culture Mésopotamienne, qui étudie et développe la langue, l’histoire et la culture kurdes, fut inauguré à Istanbul le 18 avril 1992. La plaque de l’institut, prévue en turc et en kurde, fut arrachée par la police trois heures après. Elle fut replacée, mais l’institut fut perquisitionné dans la matinée du 15 novembre 1992, suite à des directives écrites du Bureau du Procureur la CSE d’Istanbul. Pendant la descente, de nombreux documents, des publications, des livres, des films, des photos et des disquettes informatiques furent saisies et trois personnes furent arrêtées. La représentation de Mirin ü Jiyan (Vie et Mort), interprétée par le Théâtre Jiyana Nü, établi dans le Centre Culturel de la Mésopotamie, fut interdite à Ankara.
    La Fondation Culturelle Kurde, qui mettait fin aux gestions de sa fondation le 22 juin 1992, introduisit sa demande d’enregistrement auprès du Tribunal de Première Instance N° 1 d’Istanbul. La Fondation Culturelle Kurde avait pour but d’effectuer des recherches sur la langue, la littérature, la géographie, le folklore, la musique et l’ethnographie kurdes, et par la suite, de publier ces recherches. Mais cette fondation ne put enregistrée en raison de la décision du Tribunal de Première Instance N° 1 sous prétexte qu’elle est basée sur une question de race. Le député de Diyarbakir Hatip Dicle, un des membres fondateurs de la Fondation Culturelle Kurde précisa: “L’interdiction concerne le nom Kurde. Ce qu’on ne veut pas reconnaître ce sont les droits nationaux et démocratiques du peuple kurde. La République Turque et la CSE ont donc agi d’une manière contraire à la Charte de Paris.

LIBERTE D’ORGANISATION

    Le gouvernement de coalition n’a pas répondu aux attentes de liberté d’organisation, d’assemblée et de manifestation. Les pressions et attaques contre certains partis politiques et organisations de masse n’ont fait que s’accentuer. Les clauses anti-démocratiques de la Loi sur les Associations, la Loi sur les Partis Politiques, la Loi sur les Meetings et les Manifestations héritées du coup-d’Etat du 12 septembre, furent souvent appliquées. Les pressions et les mesures anti-démocratiques se sont intensifiées pendant les Festivités du Newroz, avant le Premier Mai et après les événements de Sirnak. Lors de la réunion extraordinaire du Conseil de Sécurité du 27 août 1992 à Diyarbakir on sentit un climat de malaise en raison des activités de certains partis politiques et des organisations de masse. On décida de suivre de près ces partis et organisations, et de contrôler leurs activités. Les pressions existantes n’ont donc fait que s’accentuer.
    Le gouvernement de coalition n’entreprit aucune tentative sérieuse pour mettre en oeuvre les promesses faites pendant la campagne électorale. Il refusa d’autres propositions et tentatives allant dans ce sens. Le Premier Ministre Süleyman Demirel s’opposa au projet de loi préparé par le Député de Sirnak Mahmut Alinak, qui prévoyait la suppression de certaines clauses anti-démocratiques de la “Loi sur les Assemblées et les Manifestations”. Süleyman Demirel, qui notifia par écrit à l’Assemblée Nationale sa position à propos de la proposition, soutenait que les changements réclamés empêcheraient l’administration d’accomplir son devoir et de prendre les mesures nécessaires. Süleyman Demirel s’opposa également à la réduction des peines de prison pour les personnes participant à des manifestations et des marches non autorisées, argumentant que des peines légères auraient moins de pouvoir de dissuasion et d’efficacité. Süleyman Demirel précisa que si on supprimait le pouvoir des gouverneurs d’interdire des meetings et des manifestations, ce serait un crime contre la Constitution.

PRESSIONS SUR LES ORGANISATIONS DE MASSE

    D’autres organisations de masse ainsi que le IHD furent exposés à des pressions et des attaques similaires pendant les 500 jours. On empêcha le travail des organisations démocratiques, on interdit leurs activités et leurs membres et leaders furent détenus ou arrêtés. De nombreux concerts, manifestations, festivals et meetings n’ont pas été autorisés. Les forces de sécurité ont tiré sur des manifestants, particulièrement lors des Festivités du Newroz. De nombreuses personnes ont été tuées ou blessées. (Les événements et manifestations du Newroz ayant provoqué des morts sont décrits dans la partie intitulée “Droit à la Vie”). 34 organisations de masse (4 d’entre elles sont des branches du IHD) ont été fermées pour une période définie ou indéfinie.

PRESSIONS SUR LES PARTIS POLITIQUES

    Pendant les 500 premiers jours du gouvernement de coalition, on a assisté à une intensification de la pression et des obstructions ainsi que des attaques physiques contre les partis politiques, et particulièrement contre le Parti Travailliste du Peuple (HEP), le Parti Socialiste (PS), le Parti des Travailleurs (IP), le Parti d’Union Socialiste (SBP) et le Parti des Verts (YP). Ces partis politiques ont été soumis à de nombreuses pressions et attaques rendues possibles par la loi ou l’attitude des autorités. Des procès et des enquêtes ont été introduites, des peines de mort ont été demandées, contre des leaders de partis et même des députés, et dans certains cas ceux-ci ont été inculpés et condamnés.
    Pendant ce temps, un changement positif dans la législation permit la réouverture des partis politiques fermés après les coups-d’Etat du 27 mai 1960 et du 12 septembre 1980. Tirant parti de cette occasion, de nombreux partis, y compris le Parti Démocrate, le Parti Républicain du Peuple, le Parti Révolutionnaire Socialiste et le Parti des Travailleurs Socialistes de Turquie, reprirent leurs activités. D’un autre côté, d’autres (comme le Parti de la Justice et la Parti des Travailleurs et Paysans de Turquie) ont invité leurs délégués à un congrès, en accord avec leurs droits légaux, mais ont préféré rejoindre d’autres partis au lieu de se réorganiser par eux mêmes.
    Pendant cette période, on observa une forte augmentation des attentats contre les membres d’administrations locales de partis politiques, et des meurtres non élucidés. Ces attentats politiques ont coûté la vie au Président du SHP du district de Nusaybin, Oktay Türkmen, à un des leaders de l’Organisation du HEP du district de Nusaybin, Abdurrahman Sögüt, à un des leaders de l’Organisation du HEP du District de Silvan, Felemez Günes, au Président du IP du District de Cizre Resul Sakar, à l’ancien Président de l’Organisation provinciale du HEP, Abdulsalem Sakik, au Président du HEP du District de Kovancilar (Elazig), Rodi Demirkapi, aux leaders de l’Organisation Provinciale du HEP d’Antalya, Idris Celik et Yusuf Solmaz, à un des leaders de l’Organisation Provinciale du HEP de Batman, Mehmet Ertan, au Président Provincial du ÖZDEP, Cemal Akar et à un des leaders de l’Organisation du Parti Socialiste de Sirnak, Ömer Güven.
    Pendant les 500 jours, de nombreuses demandes de peine de mort ont été introduites contre les députés du HEP. Comme il a été déjà dit, le Bureau du Procureur de la CSE d’Ankara avait intenté un procès en vertu de l’Article 125 du CPT, demandant la peine de mort pour 22 députés du HEP en décembre 1991, et avait sollicité de la Présidence de l’Assemblée Nationale la levée de leur immunité parlementaire.

LES DROITS DES TRAVAILLEURS ET LES SYNDICATS

    Le rétablissement attendu des droits syndicaux et les améliorations du monde du travail sont tombés à l’eau, violant ainsi les promesses du gouvernement de coalition. Selon le programme gouvernemental, le Ministère du Travail avait commencé à préparer des réformes dans ce domaine au début de l’année 1992 en vue de modifier les dispositions légales imposées par le régime du 12 septembre en matière des droits des travailleurs et des libertés syndicales. Cependant, ces études n’ont jamais été terminées. Le gouvernement s’est limité à des déclarations du style “les études seront bientôt terminées et soumises à l’Assemblée Nationale pour y être débattues”.
     Pendant ce temps, 7 propositions différentes de l’OIT (Organisation Internationale du Travail) étaient débattus à l’Assemblée Nationale et adoptés en novembre 1992. Six des propositions adoptées (N° 59, 87, 135, 142, 144 et 151) furent approuvées par le Président Turgut Özal et sont entrées en vigueur. Mais le Président opposa son veto à la plus importante: la 158. Elle prévoyait des mesures contre les licenciements arbitraires, et des clauses qui rendaient plus difficiles les renvois et octroyaient aux travailleurs le droit de s’adresser à la Cour d’Appel. Bien que les propositions furent adoptées, les amendements nécessaires n’ont pu entre en vigueur.
    Tandis que les amendements de la Constitution étaient remis à plus tard, le monde du travail était souvent victime de pratiques peu reluisantes. Les licenciements se sont poursuivis durant toute l’année. Les cas les courants se sont produits dans les secteurs du textile et du métal. Le nombre de travailleurs licenciés s’élève à dix mille. Les travailleurs ont répondu à ces abus par la résistance et diverses activités. Des grèves ont également éclaté. Les travailleurs et les syndicalistes furent harcelés, battus, détenus, arrêtés et jugés. Les ouvriers des usines ou des ateliers, soumis à des conditions peu saines et sans sécurité d’emploi, furent souvent victimes d’accidents du travail.

FONCTIONNAIRES PUBLICS ET SYNDICATS

    Pendant les 500 jours, les fonctionnaires publics n’ont pu bénéficier des droits syndicaux qu’ils attendaient depuis des années. Et ce en dépit du fait que les promesses de “rétablir les droits syndicaux des fonctionnaires publics” constituaient une importante partie du programme gouvernemental. Ces promesses furent rappelées a plusieurs reprises par le Premier Ministre Süleyman Demirel et le Vice-Premier Ministre Erdal Inönü dans leurs déclarations. Mais aucun progrès ne fut acquis dans ce domaine. Pire encore, la circulaire du Ministère de l’Intérieur publiée sous le gouvernement du Parti de la Mère-Patrie statuant l’illégalité des syndicats des fonctionnaires publics, ne fut supprimée que bien longtemps après. En raison circulaire, les syndicats fondés par des fonctionnaires et des enseignants ont été confrontés à diverses pressions et obstructions administratives. Finalement, elle put être supprimée par décision judiciaire. Le 12 novembre 1992, le Conseil d’Etat annulait la circulaire du Ministère de l’Intérieur du 28 février 1991 qui interdisait le financement des syndicats par les fonctionnaires publics. Cette décision fut justifiée par le fait que le statut des syndicats de fonctionnaires publics dépend des tribunaux et non du Ministère de l’Intérieur. La suppression de cette circulaire supposa un grand pas vers le rétablissement des syndicats de fonctionnaires publics.
    Selon les conclusions du TIHV, 67 branches de syndicats de fonctionnaires publics furent victimes des obstructions des gouverneurs, ou leurs fonctions furent suspendues. Aussi bon nombre de leurs activités furent interdites. Les personnes assistant aux activités organisées par les syndicats des fonctionnaires publics furent battus et détenus par la police. Les membres ou leaders de ces syndicats furent exilés ou renvoyés à d’autres endroits.

PEINES DE MORT

    Aucun progrès significatif ne fut atteint en ce qui concerne la peine de mort au cours de ces 500 jours. “La Loi de Lutte contre le Terrorisme”, promulguée le 12 avril 1991, prévoit la non application des peines de mort infligées pour des délits commis avant cette date ou ultérieurement. Cette clause permet le soulagement temporaire d’un problème qui figure au programme du gouvernement depuis des années. Cependant, la présence dans la loi d’articles qui prévoient la peine de mort, constitue toujours une menace.
    Après 500 jours, le gouvernement de coalition n’a toujours pas entreprit la moindre mesure en vue de lever la menace que suppose la peine de mort. Même le projet préparé par le Ministère de la Justice et qui prévoit plusieurs amendements a la “Loi sur l’Exécution des Sentences”, maintient la peine de mort telle qu’elle existe aujourd’hui. Dans le projet de loi, le seul changement dans la peine de mort, concerne les femmes enceintes condamnées. La clause actuelle, “Les femmes enceintes ne seront pas exécutées avant leur accouchement” devient, “L’exécution de la peine de mort ne pourra se faire que lorsque six mois se seront écoulés après l’accouchement de la femme enceinte”. Malgré les déclarations contraires à la peine de mort de l’aile du SHP du gouvernement de coalition, des procès demandant cette peine ont été ouverts. La menace de la peine de mort pèse même sur des députés

UNIVERSITÉS ET YÖK

    Les perturbations dans les universités et le système YÖK (Conseil de l’Education Secondaire) restèrent d’actualité pendant toute l’année. Le programme du gouvernement précisait qu’après des modifications nécessaires du Tribunal Constitutionnel, le YÖK serait supprimé et les universités seraient administrées par des professeurs élus par les centres eux-mêmes. D’un autre côté, le protocole de coalition avait affirmé que des dispositions légales temporaires seraient prises en accord avec les opinions des professeurs universitaires, jusqu’à ce que la Constitution soit modifiée. La première des promesses ne fut pas incluse dans l’agenda de l’Assemblée Nationale, et la deuxième fut légalisée d’une manière non souhaitée. Le projet de loi sur les élections des rectorats, inclus dans l’agenda de l’Assemblée Nationale par le gouvernement, fut modifié grâce surtout à la collaboration des députés du Parti de la Juste Voie avec les députés des partis de l’opposition. La légalisation du projet touche rarement à l’autorité du Président et au Président du YÖK dans les élections rectorales.
    Outre les aspects négatifs du système YÖK, des étudiants ont été arrêtés et torturés. Les universités et les étudiants ont été maintenus sous la surveillance de la police et la gendarmerie. Des affrontements et des disputes entre des étudiants d’opinions différentes ont également éclaté.

DÉTENTIONS

    En 1992, les détentions pour activités et actions politiques se sont poursuivies. Pendant cette année, des milliers de personnes ont été arrêtées partout en Turquie, particulièrement dans la Région en Etat d’Urgence. Les gens étaient surtout arrêtées pour avoir pris part à des manifestations non autorisées, pour appartenance à des organisations illégales ou pour avoir hébergé des membres de ces organisations. Les détenus ont été interrogés et torturés pendant de longues journées. Deux détenus sur trois furent relâchés au bureau du Procureur ou après les premiers interrogatoires. Si nous considérons que près de la moitié des personnes arrêtées ont été remises en liberté lors de la première audience ou à la fin du procès, on peut se demander à quel point ont été violés les droits et libertés des personnes par des attitudes illégales et arbitraires lors des détentions.

MORTS DE LA PERIODE DE 500 JOURS


Morts suspectes en détention    19
Personnes tuées pendant le Newroz (1992)    92
Personnes tuées pendant le Newroz (1993)    3
Personnes tuées à Sirnak
ou lors d’événements similaires    44
Personnes tuées par balle lors des manifestations    38
Personnes tuées pendant
les descentes dans les maisons    80
Personnes tuées pour refus d’immobilisation etc     115
Morts à la suite d’explosions de mines    52
Personnes tuées par des assaillants inconnus    493
Morts à la suite d’attaques contre des civils    244
Morts à la suite d’attentats ou assassinats    331
Officiers de la sécurité morts au cours d’affrontements    802
Militants morts au cours d’affrontements    1161
Nombre total de personnes tuées
pendant les 500 jours    3454

TORTURE

Morts suspectes en détention    19
“Disparitions” suite à une détention    7
Personnes torturées (cas connus par le TIHV)*    806
------
*)    Dont 14 sont enfants et 121 femmes. 226 de 806 victimes de la torture ont fourni les rapports médicaux établissant le fait d'avoir été torturées.



LIBERTE DE LA PRESSE,
DE PENSEE ET DE CONSCIENCE

Journalistes tués    16
Marchands de journaux tués    4
Journalistes attaqués par des officiers    67
Journaux et revues confisqués     244
Livres confisqués    27

Nombre total d’années de prison infligées
aux journalistes et écrivains    50 ans 9 mois et 15 jours

Montant total des amendes infligées
aux journalistes et écrivains    17.358.000.000 LT

Journalistes emprisonnés     4

Etudiantes punies pour
avoir porté des foulards en classe    63

LIBERTE D’ORGANISATION
Leaders du IHD assassinés    3
Branches du IHD fermées    4
Organisations de masse démocratiques fermées    38
Syndicats de fonctionnaires publics entravés    67
Leaders de partis politiques tués    12
Partis politiques fermés    1
Partis politiques auxquels on a demandé de fermer    4
Grèves interdites.     2