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A non-government information service on Turkey
Un service d'information non-gouvernemental sur la Turquie


199

17e année - N°199
Mai 1993
38 rue des Eburons - 1000 Bruxelles
Tél: (32-2) 215 35 76 - Fax: (32-2) 215 58 60
 Rédacteur en chef: Dogan Özgüden - Editrice responsable: Inci Tugsavul
 


SULEYMAN LE MALEFIQUE

    Le 8e président de la République de Turquie, Turgut Özal, est décédé le 17 avril 1993 suite à une chute de la pression sanguine résultant d'une insuffisance coronaire. Un mois après, le 16 mai 1993, le Premier Ministre Süleyman Demirel prêtait serment en tant que 9e Président de la République, suite à son élection par le Parlement après un troisième tour de scrutin.
    Est-ce que cette succession suppose un changement fondamental dans la politique turque?
    Partant du fait qu'Özal et Demirel étaient deux leaders de deux partis politiques différents fondés après le coup-d'Etat, respectivement le Parti de la Mère-Patrie (ANAP) et le Parti de la Juste Voie (DYP), et que ces deux figures principales de la droite politique étaient, depuis le rétablissement du régime parlementaire en 1983, des ennemis jurés, une telle hypothèse était amplement justifiée. Cette lutte entre les deux hommes avait dégénéré vers des propos agressifs et dénués de tout respect depuis l'élection d'Özal à la Présidence de la République. Lorsque Demirel devint Premier Ministre après les élections de 1991, cet antagonisme donna lieu à de graves mésententes entre les deux figures politiques de l'Etat sur des thèmes vitaux des affaires internes et externes.
    Cependant, un rapide regard à leur carrière politique et leurs engagements montre que cette querelle était loin d'être la conséquence d'un désaccord sur la manière de traiter les principaux problèmes du pays. Porteurs des mêmes opinions, ils travaillèrent ensemble pendant quinze ans, jusqu'au coup-d'Etat de 1980, dans une parfaite harmonie.
    Depuis le début de leur participation à la vie politique quotidienne, ils ont cherché et obtenu le soutien des grands cercles d'affaires et des Etats-Unis, ont adopté et mis en pratique des politiques anti-populaires et anti-démocratiques, se sont distingués comme ennemis féroces de la classe ouvrière et des mouvements kurdes et ont basé leur pouvoir sur le soutien direct et indirect des cercles ultra-nationalistes et fondamentalistes. (Voir les notes chronologiques: Les hommes de la même cause à la 1).
    Le coup-d'Etat militaire du 12 septembre 1980 fut un tournant dans la carrière politique de ces deux compagnons.
    Leurs relations commencèrent à se détériorer lorsque les militaires, après avoir pris le pouvoir en 1980, privèrent Demirel de ses droits politiques alors qu'ils choisissaient Özal comme tsar économique du pays et lui donnaient le titre de Vice-Premier Ministre du gouvernement mis en place par les militaires. En fait, c'était un choix des organisations internationales imposé aux militaires. "The Financial Times" du 13 septembre 1980 publia la note suivante à Washington: "Les négociations du FMI et de la Banque Mondiale avaient été menées avec un très petit nombre d'anciens conseillers de Demirel, en particulier Turgut Özal. Le sort d'Özal nous amène à nous demander si les relations du FMI et la Banque Mondiale avec la Turquie garderont le même climat de douceur".
    En l'absence de toute opposition parlementaire ou syndicale, Özal avait proposé de douloureuses mesures économiques qui avaient reçu l'approbation de l'administration militaire. Le programme du 24 janvier, qui ne put être appliqué pleinement pendant le mandat de Demirel en raison de la forte résistance populaire, entra en vigueur sous la répression des militaires. Les droits syndicaux furent victimes de restrictions et les mesures d'austérité s'intensifièrent.
    En tant que vice-Premier Ministre, Özal s'est rendu co-responsable de tous les crimes commis par les militaires, comme les arrestations massives, les tortures, les innombrables procès injustes, la censure des médias, la suppression des droits syndicaux, l'interdiction des activités politiques, etc. Tous les décrets répressifs soutenus par le gouvernement militaire portaient la signature de Turgut Özal.
    Pendant cette période, tirant parti de sa position au service des militaires et de l'absence forcée de Demirel de la vie politique, Özal réussit à s'imposer comme nouveau leader de la Droite.
    Lorsque le pouvoir militaire leva l'interdiction sur les activités des partis politiques et permit l'établissement de nouveaux partis en 1983, Özal s'intégra dans le monde politique en tant que président fondateur du nouveau Parti de la Mère-Patrie (ANAP). Grâce au soutien des organisations monétaires internationales et du monde des affaires turc, l'ANAP prit une part importante de l'électorat de Demirel ainsi que d'autres partis politiques de droite et obtint 211 des 400 sièges du Parlement unicaméral aux élections de 1983 et Özal devint Premier Ministre.
    C'est cette ascension de son ancien collaborateur pendant son retrait forcé de la vie politique qui fit de Demirel un ennemi féroce d'Özal et leur dispute prit avec le temps l'allure d'une véritable vendetta. Lorsque Demirel récupéra ses droits politiques et prit la présidence du DYP en 1988, il basa sa campagne électorale sur un seul objectif: mettre fin au pouvoir d'Özal. Lorsque ce dernier fut élu à la présidence de la République grâce aux votes de l'ANAP au Parlement. Demirel, dans une totale frénésie, jura que la première chose qu'il ferait s'il arrivait au pouvoir serait de virer Özal du Palais Présidentiel.
    En fait il ne s'agissait pas d'une opposition aux politiques anti-populaires et anti-démocratiques d'Özal. Le DYP s'était toujours montré d'accord avec l'ANAP lors des votes de lois et décrets visant à maintenir la répression.
    Les élections de 1991, qui se soldèrent par la défaite de l'ANAP, marquèrent le début d'une nouvelle ère où Özal et Demirel durent cohabiter, le premier comme Président de la République et le deuxième comme Premier Ministre. Bien que cette cohabitation était pleine de pièges et que l'antagonisme entre les deux hommes se transforma en une animosité ouverte, ils continuèrent à partager les mêmes politiques répressives sous l'emprise des militaires.
    Par ailleurs, aussi bien Özal que Demirel affirmèrent et renforcèrent même leur position réactionnaire en rivalisant à qui ferait le plus de concessions aux mouvements néo-fascistes et fondamentalistes.
    C'est pourquoi, pendant les funérailles d'Özal à Istanbul, la foule scanda sans cesse "la Turquie musulmane". Les groupes fanatiques allèrent même plus loin et crièrent: "Que les chaînes soient brisées et Ayasofa soit ouverte [en tant que mosquée]", "Karabakh sera la tombe de l'Arménie", "la Bosnie sera la tombe des serbes!" Ils essayèrent également de réduire au silence la bande de musique lorsqu'elle jouait la "Marche Funéraire" en criant "Allahuekber" [Dieu est grand]!"
    Et c'est pour la même raison que Demirel fut élu Président de la République grâce aux votes des députés du néo-fasciste MHP.
    Son premier acte, en tant que Président,  fut d'assister à une cérémonie religieuse du vendredi dans une mosquée d'Ankara, et la deuxième fut de convoquer le Conseil de Sécurité Nationale pour dicter au gouvernement de nouveaux plans de répression élaborés par les militaires.

ÖZAL ET DEMIREL: LES HOMMES DE LA MEME CAUSE

    _ DEMIREL: Né en 1924, il obtint un diplôme d'ingénieur en 1949 à l'Université Technique d'Istanbul. Il fut le premier ingénieur turc à être envoyé aux Etats-Unis pour s'y spécialiser en irrigation et électrification. En 1955, il fut nommé directeur général de l'Autorité des Travaux Hydrauliques de l'Etat (DSI) et conserva ce poste jusqu'au coup-d'Etat de 1960, suite auquel il fut employé comme expert dans la nouvelle Organisation de Planification de l'Etat (DPT). Après avoir accompli son service militaire, il opta pour l'entreprise privée et représenta plusieurs compagnies américaines en Turquie.
    _ ÖZAL: Né en 1927, il obtint un diplôme d'ingénieur en 1950 à l'Université Technique d'Istanbul. En 1952, il partit pour les Etats-Unis où il fit des études d'économie et d'ingénieur. Après son retour en Turquie il travailla sur des projets de centrales hydroélectriques et devint vice-directeur général de l'Administration d'Etudes et Recherche en Electricité. En 1961, alors qu'il accomplissait son service militaire, il fut chargé d'établir l'Organisation de Planification de l'Etat (DPT).
    _ DEMIREL: A la Convention de 1964 du Parti de la Justice (AP), principal parti de la droite à cette époque, il fut imposé par les grands cercles d'affaires comme futur Premier Ministre du pays et, se servant d'une photo où il se trouve avec Lyndon Johnson, prise pendant son séjour d'études aux Etats-Unis, il fut élu président du parti. Après avoir renversé le gouvernement de centre-gauche, le AP forma une coalition gouvernementale avec le soutien des partis de droite et Demirel devint vice-premier ministre. Un des premiers actes de son gouvernement fut d'ordonner à l'armée de tirer sur les travailleurs des mines de Zonguldak.
    _ ÖZAL: Il travailla à la DPT en tant que conseiller jusqu'en 1965.
    _ DEMIREL: En 1965, après une campagne électorale dans laquelle il promit de développer une économie libérale, de lutter contre la montée du mouvement socialiste et des syndicats et de modifier la Constitution de 1961, relativement démocratique, le AP obtint une majorité absolue et Demirel devint Premier Ministre. Sous son gouvernement, les organisations démocratiques et les médias furent victimes d'une répression sans précédents, la résistance des travailleurs et des paysans contre les politiques anti-sociales fut brutalement réprimée, l'organisation de mouvements néo-fascistes et fondamentalistes fut tolérée, les Loups Gris sont devenus une force paramilitaire et l'Armée organisa l'Organisation Contre-Guérilla.
    _ ÖZAL: En 1965, Demirel choisit Özal comme conseiller technique spécial. En 1967, il devint sous-secrétaire de l'Organisation de Planification de l'Etat. Il exerça également comme président du Comité de Coordination Economique, le Comité de Coordination RCD et le Comité de Coordination de la Communauté Européenne. C'est à cette période que Turgut Özal et son frère Korkut Özal établirent des relations avec la Ligue Islamique Mondiale (Rabitat-ul-Alem-ul-Islam) et jouèrent un rôle prépondérant dans l'infiltration du fondamentalisme dans l'appareil de l'Etat.
    _ DEMIREL: Malgré la répression soutenue par le monde des affaires, la résistance populaire prit une énorme dimension et des centaines de milliers de travailleurs de l'industrie occupèrent Istanbul pour protester contre les nouvelles mesures destinées à éliminer les syndicats progressistes. Après l'assassinat de plusieurs jeunes leaders syndicalistes par la police et les Loups Gris, certains cercles de gauche commencèrent également à recourir aux actions armées. Etant donné que le gouvernement de Demirel se montrait incapable de rétablir "la loi et l'ordre", l'armée intervint et obligea Demirel à démissionner. Cette intervention fut suivie d'une sanglante répression contre les forces de gauche et les intellectuels. Trois jeunes leaders furent exécutes. Demirel et son parti n'opposèrent aucune résistance à ces mesures. Au contraire, ils leur concédèrent leur vote au Parlement.
    _ ÖZAL: Après le coup-d'Etat de 1971, lorsque Demirel fut renversé, Özal préféra se rendre aux Etats-Unis pour y travailler comme conseiller de projets spéciaux pour la Banque Mondiale. Plus tard, il retourna en Turquie et servit dans le secteur privé, concrètement pour le Holding Sabanci, un des deux plus importants de Turquie.
    _ DEMIREL: En mars 1975, Demirel forma son premier gouvernement de Front Nationaliste (MC), entre le AP, le néo-fasciste Parti d'Action Nationaliste (MHP), le fondamentaliste Parti de Salut National (MSP) et le Parti de Confiance Républicaine (CGP) de droite. Jusqu'en 1978, le pays sombra dans une atmosphère chaotique provoquée par la violence politique de l'Organisation Contre-Guérilla et des Loups Gris. Accusé de couvrir les meurtres néo-fascistes, Demirel déclara: "On ne me fera pas dire que les activistes de droite commettent des meurtres". Après un an de gouvernement socio-démocrate, en 1978-79, il revint au pouvoir en coalition avec les néo-fasciste MHP en octobre 1979 et la terreur des Loups Gris prit de nouvelles dimensions.
    _ ÖZAL: Après la formation du premier gouvernement MC en 1975, Özal fut nommé sous-secrétaire du Premier Ministre et sous-secrétaire suppléant de l'Organisation de Planification de l'Etat. Lors des élections de 1977, Özal se présenta sur la liste électorale du fondamentaliste MSP mais ne fut pas élu. Pendant un certain temps, il fut président de l'Union des Employeurs des Travailleurs du Métal (MESS) et se distingua par ses virulentes attaques contre les syndicats. Lorsque Demirel forma son sixième cabinet en 1979 et se vit contraint d'appliquer de nouvelles mesures d'austérité suite aux directives du FMI, Özal devint une nouvelle fois son bras droit. Suivant les instructions de Demirel, le 24 janvier 1980 Özal prépara une série de mesures d'austérité.

EXECUTIONS EXTRAJUDICIAIRES

     Suite aux récentes opérations dans tout le pays contre le parti illégal Gauche Révolutionnaire (Dev-Sol), la police est accusée par les organisations démocratiques et les partis politiques de tuer délibérément les militants, au lieu de les arrêter vivants. Selon un récent rapport de la Fondation des Droits de l'Homme de Turquie (TIHV), un total de 2.933 personnes furent tuées dans "l'atmosphère générale de violence politique" qui régnait en Turquie en 1992.
    Le député d'Adiyaman du SHP, Celal Kürkoglu, accusant la police d'avoir commis des exécutions extrajudiciaires, déclarait le 30 mars: "Nous ne sommes pas en train de dire qu'il faudrait protéger ces suspects. Mais le devoir des forces de sécurité est de les prendre vivants, pas de les tuer. Car si nos forces de sécurité pensent qu'elles doivent tuer les suspects parce qu'en les arrêtant ils vont s'enfuir et recommencer à tirer, nous sommes en présence d'une logique très dangereuse".
    Le député de Sirnak du HEP, Orhan Dogan, ajouta: "Parfois, dans notre pays, la police agit simultanément comme juge et exécuteur. Il s'agit donc d'exécutions sans procès. Dans un monde où les sentences de mort sont de plus en plus rares, tuer des personnes comme si on chassait des animaux va totalement à contresens des déclarations de démocratie et de respect des droits de l'homme".
    Le président de l'Association des Juristes Contemporains (CHD), Sanal Sarihan expliqua: "La police turque connaît très bien le droit à la vie, garanti non seulement par la Constitution mais aussi par la loi sur les autorités policières, et ne fait pas assez d'efforts pour capturer les suspects vivants. Cela donne l'impression que tous ces actes ont été accomplis de manière délibérée. Si le pouvoir de la police n'est pas limité, la Turquie, accusée de torture, le sera également de meurtre".
    En réponse à ces accusations, le Ministre de l'Intérieur, Ismet Sezgin déclarait le 28 mars: "L'exécution sans procès est un sophisme. Ceux qui le soutiennent ne croient pas au combat mené par les forces de sécurité".

LE LEADER DU TKEP ARRETE

    Le leader du Pari Communiste Travailliste de Turquie (TKEP), Teslim Töre (54) était arrêté à Istanbul le 7 mai en compagnie de huit de ses camarades, après avoir été en fuite pendant 25 ans.
    Töre était une figure connue de la gauche radicale à la fin des années 60 et pendant les 70. Il s'exila en Syrie à la fin des années 70 où il fonda le TKEP, dont on ne connaît aucune action violente.
    La famille de Töre précisa après son arrestation qu'après des années de clandestinité il retournait en Turquie pour y fonder un parti légal.
    Il fut interrogé par la police d'Istanbul jusqu'au 17 mai, en vertu d'une permission spéciale concédée par le bureau du procureur de la CSE d'Istanbul.
    Le vice-président du HEP, Hatip Dicle, précisa que le prolongement de la détention de Töre prouve bien qu'il n'y pas de liberté d'opinion en Turquie.
    Amnesty International demanda a la Turquie de garantir la sécurité de Töre et de s'assurer qu'il n'était pas torturé.
    Pendant ce temps, l'Association des Juristes Contemporains (CHD) et l'Association pour les Droits de l'Homme de Turquie (IHD) décidait d'établir une commission spéciale pour permettre sa mise en liberté.

AFFAIRE DES "EXCREMENTS" CONTRE LA TURQUIE

    En janvier, la Commission Européenne des Droits de l'Homme acceptait une action contre le gouvernement turc après que des villageois aient été harcelés en 1989 par les forces de police et forcés de manger des excréments humains.
    Bien que la Turquie s'était défendue en précisant que le processus juridique turc n'était pas terminé et que les victimes avaient toujours de droits judiciaires, la Commission décida que le gouvernement d'Ankara devrait s'asseoir et négocier avec les civils du village de Yesilyurt, à Cizre, dans les mois à venir pour décider des indemnisations et réparations.

NON AU CONGE DU PREMIER MAI

    Malgré les promesses des partis de la coalition, le Premier Mai ne fut pas célébré cette année comme un congé officiel.
    Bien que plusieurs députés du SHP avaient introduit un projet de loi pour que le Premier Mai soit reconnu comme un congé officiel, le 13 mai l'Assemblée Nationale rejetait la proposition à la majorité. Les députés du principal partenaire de la coalition, le DYP, ont également voté contre le projet, se joignant aux députés d'autres partis de droite.
    Le Premier Mai, qui dans le temps était un congé officiel, était célébré comme le Jour du Printemps et des Fleurs pendant lequel les travailleurs pouvaient fêter leur journée de solidarité internationale par des manifestations à l'air libre partout dans le pays.
    Après le coup-d'Etat de 1980, la junte militaire interdit toutes les célébrations du Premier Mai et fit de cette date une journée de travail.
    Comme cette année le Premier Mai était un samedi, les confédérations de syndicats et les partis de gauche avaient organisé toute une série d'actes à l'air libre et à l'intérieur dans las grandes villes.
    Mais on les empêcha de se rassembler à la Place Taksim, la plus grande d'Istanbul et qui, à l'occasion de cette journée, avait accueilli des actes massifs avant le coup-d'Etat de 1980. Lorsqu'un groupe de quelque 1.000 manifestants essaya d'organiser une marche de protestation à Istanbul, la police intervint immédiatement et arrêta de nombreux manifestants.
    A Izmir, la police arrêta sept personnes pour avoir désobéi aux ordres au cours d'un rassemblement dans le district de Konak.

TERRORISME D'ETAT EN MARS-AVRIL

    Le 1.3, trois associations culturelles des quartiers de Mamak, Sincan et Keciören étaient fermées par ordre du Gouverneur pour avoir exercé des activités incompatibles avec leurs objectifs déclarés.
    Le 1.3, la CSE d'Izmir condamnait deux personnes à 30 mois de prison et à payer une amende de 166 millions de LT (18.445 $) pour activités illégales. Trois autres défendeurs ont également écopé d'une amende de 166 millions de LT.
    Le 2.3, à Denizli, le colporteur Sahin Sevinc était battu par la police pour avoir fumé une cigarette dans la rue.
    Le 2.3, la police annonçait l'arrestation de 24 membres présumés du PKK à Antalya et Izmir.
    Le 2.3, à Bursa, huit personnes arrêtées pour avoir pris part à des activités du Mouvement des Travailleurs Communistes de Turquie (TKIH).
    Le 3.3, à Yavuzeli (Gaziantep), la police arrêtait sept militants présumés du PKK de l'Union des Communistes Révolutionnaires de Turquie (TIKB).
    Le 3.3, à Ankara, un rassemblement de protestation organisé par les travailleurs du secteur sanitaire était dispersé par la police et plusieurs personnes étaient arrêtées.
    Le 3.3, des personnes non identifiées abattaient Sirin Cesur (29) à Silvan (Diyarbakir) et Tahir Demir à Nusaybin (Mardin).
    Le 4.3, un étudiant d'une école secondaire, Derbas Bekler, était abattu par le Hezbollah à Nusaybin.
    Le 5.3, une équipe de police faisant une descente dans une maison à Nusaybin abattait six personnes accusées d'avoir aidé le PKK.
    Le 5.3, des personnes inconnues abattaient le libraire Sadik Bitkin et le boucher Abdülkerim Biltekin à Nusaybin.
    Le 5.3, à Batman, l'enseignant Osman Simsek était abattu par des tireurs inconnus.
    Le 6.3, à Istanbul, la police arrêtait cinq personnes au cours d'une descente dans une maison. Deux importants représentants du Dev-Sol, Bedri Yagan et Gürcan Aydin, figurent parmi les détenus.
    Le 6.3, la Convention des Femmes Travailleuses, organisée à l'occasion de la Journée Mondiale de la Femme à Istanbul, était interdite par le gouverneur. Une marche de protestation contre cette décision de 150 personnes fut dispersée de force par la police et 14 femmes furent arrêtées.
    Le 7.3, à Bozova (Urfa), une équipe de police faisant une descente dans la maison du président local du DYP, Mehmet Gül, abattait son fils de 21 ans, Mehmet Gül. Pendant l'autopsie, 61 balles furent extraites de son corps. Sa famille accusa la police d'avoir exécuté Gül sans procès.
    Le 8.3, à Cizre, une foule de 2.000 personnes rassemblée pour discuter avec les députés du HEP était dispersées de force par la police.
    Le 8.3, à Ankara, un groupe de 150 personnes qui célébrait la Journée Mondiale de la Femme dans la rue était dispersé de force par la police. 12 manifestants furent blessés et 40 autres arrêtés.
    Le 8.3, le président local du IHD d'Ordu et six autres représentants étaient inculpés par le procureur de la CSE de Kayseri pour propagande séparatiste. Chacun d'eux risque une peine de prison de pas moins de deux ans en vertu de la Loi Anti-Terreur.
    Le 13.3, le président local du IHD d'Istanbul, Ercan Kanar était inculpé pour avoir insulté l'Etat au cours d'une conférence de presse célébrée l'année dernière. Il sera jugé par la Cour Criminelle N_2 d'Istanbul et risque 10 ans d'emprisonnement.
    Le 14.3, à Batman, des tireurs non identifiés abattaient Osman Gülkan, de 17 ans.
    Le 15.3, six personnes étaient arrêtées suite aux opérations policières d'Iskenderun, Erzin et Dörtyol, dans la province d'Hatay.
    Le 15.3, à Istanbul, Harun Cetin, de 20 ans, était hospitalisé avec un traumatisme cérébral après avoir subi un interrogatoire dans les quartiers de la police.
    Le 16.3, le procureur de la CSE d'Ankara inculpait 126 personnes pour avoir adressé une pétition au représentant des NU en Turquie le 2 avril 1992. Le procès débutera le 13 mai 1993 et les accusés risquent des peines de prison allant jusqu'à cinq ans. Parmi les défendeurs figuraient de nombreux journalistes, académiciens et activistes des droits de l'homme de renom.
    Le 16.3, le Procureur de la CSE d'Istanbul inculpait de meurtres politiques 20 membres présumés du Mouvement Islamique. Deux des défendeurs risquent la peine capitale et 18 autres des peines de prison allant jusqu'à 22 ans.
    Le 16.3, des tireurs inconnus abattaient Abdurrahman Alkamis (37) à Diyarbakir et Sabri Kaya (37) à Batman.
    Le 17.3, à Siverek (Urfa), une personne non identifiée était retrouvée assassinée, la gorge tranchée, et portait des traces de coups et de brûlures sur son corps.
    Le 17.3, à Fethiye (Mugla) un membre du DYP, Mehmet Yigit, était torturé pendant sa détention policière. Les traces de torture furent certifiées par un rapport médical.
    Le 18.3, quelque 400 personnes, principalement des femmes et des enfants, participant à une marche de protestation à Izmir, étaient dispersées de force par la police. Pendant l'affrontement, 15 manifestants et six policiers furent blessés. La police arrêta plus de 50 manifestants. Le même jour, une autre manifestation à l'Université Egée, pour commémorer le Massacre de Halabja en Irak, était interrompue par la police et plus de 25 étudiants étaient arrêtés.
    Le 19.3, à Istanbul, l'Association de Solidarité envers les Opprimés (Mazlum-Der) annonçait que 18 personnes arrêtées en connexion avec les activités du Mouvement Islamique avaient été torturées au cours de leur interrogatoire.
    Le 19.3, à Sirnak, Hüseyin Yildrim, de 18 ans, affirmait avoir été torturé pendant les 20 jours de détention policière dont il fut victime après l'opération du 18 février dans le village d'Ormanici. Il expliqua que la police l'avait forcé à manger des excréments et à boire de l'urine et de l'essence.
    Le 19.3, des tireurs inconnus abattaient l'enseignant Faik Ayaz à Diyarbakir et Nuri Taskin à Silvan.
    Le 20.3, la section de Malatya de l'IHD était fermée par ordre du gouverneur sous prétexte qu'elle recevait dans ses locaux des personnes qui n'étaient pas membres. Le président de cette section de l'IHD, l'avocat Metin Can, avait été assassiné le mois précédent.
    Le 20.3, la police annonçait l'arrestation de 25 militants présumés du Dev-Sol à Istanbul et cinq membres présumés du Mouvement Ekim (Octobre) à Izmir.
    Le 21.3, le berger Haydar Yaskiran, blessé par un équipe de sécurité spéciale à Pazarcik (Maras), mourait le 10 novembre 1992 dans un hôpital d'Ankara.
    Le 23.3, à Batman, des tireurs du Hezbollah assassinaient Felemez Dündar (37) et le colporteur Adburrahman Acar.
    Le 24.3, la police abattait trois importants membres du Dev-Sol, Yalcin Arikan (35), Avni Turan (38) et Recai Dincel (36) au cours d'une descente dans une maison d'Istanbul.
    Le 27.3, au cours des dernières opérations policières, 32 membres présumés du PKK étaient arrêtés à Mersin, 10 à Gebze et 12 à Adana.
    Le 27.3, à Istanbul, cinq personnes étaient arrêtées alors qu'elles distribuaient une édition spéciale du mensuel Emek.
    Le 29.3, à Ergani (Diyarbakir), 30 personnes étaient arrêtées au cours de diverses opérations policières.
    Le 30.3, les sections de Karaman de trois syndicats, Egit-Sen (éducation), Tüm Saglik Sen (sanitaire) et Egitim Is (éducation) étaient fermés par décision d'une cour. La section d'Agri de Bem Sen (travailleurs municipaux) était fermée par ordre du gouverneur.
    Le 31.3, à Diyarbakir, 36 personnes étaient arrêtées pour avoir pris part aux activités du PKK.
    Le 1.4, à Istanbul, la police arrêtait sept personnes pour avoir participé à des activités fondamentalistes.
    Le 2.4, à Adana, 14 personnes étaient arrêtées pour avoir participé aux activités du PKK.
    Le 3.4, à Mersin, Adnan Yerden soutenait avoir été torturé suite à son arrestation pour avoir distribué la revue Iscilerin Sesi.
    Le 4.4, cinq étudiants, Selma Genc, Mesude Basigüzel, Nuriye Coskun, Ali Akkaya et Ercan Toprak, arrêtés à Istanbul le 27 mars alors qu'ils distribuaient la revue Emek, affirmaient avoir été torturés et sexuellement harcelés pendant leur détention policière.
    Le 5.4, à Ankara, six étudiants étaient arrêtés au cours d'une série de raids de la police pendant les jours précédents.
    Le 5.4, à Batman, Ramazan Toprak (20) était assassiné par des tireurs inconnus.
    Le 6.4, des détenus politiques de la Prison de Malatya commençaient une grève de la faim en signe de protestation pour les mauvais traitements.
    Le 7.4, à Rize, six étudiants de l'enseignement secondaire étaient arrêtés pour avoir participé à une campagne en faveur de la restitution de la citoyenneté turque au poète Nazim Hikmet. Après leur libération, les six jeunes affirmèrent avoir été torturés.
    Le 8.4, 45 paysans kurdes du village de Güclükonak, à Sirnak, déposèrent une plainte auprès de la Commission Européenne des Droits de l'Homme dans laquelle ils affirmaient avoir été torturés suite aux raids subis par leur village, au cours desquels la jeune fille Abide Ekin avait été tuée. Les paysans précisèrent dans leur pétition: "Les forces de sécurité réunirent tous les hommes du village dans une place et les torturèrent jusqu'à la nuit. Pendant ce temps les soldats abattaient tous les animaux domestiques du village et détruisaient les maisons. Tous les biens furent brûlés. Le paysan Ibrahim Ekinci décéda par après des suites de la torture".
    Le 8.4, l'étudiant universitaire Semra Sürücü était condamné à un an de prison par une cour criminelle d'Istanbul pour avoir insulté Atatürk.
    Le 8.4, à Istanbul, une manifestation de protestation pour le meurtre de Ferda Civelek par la police était dispersée par les forces de sécurité et trente personnes étaient arrêtées. A Adana, cinq personnes étaient placées en détention pour avoir distribué des tracts politiques le 4 avril.
    Le 9.4, un millier d'habitants du village de Kelekci dans la province de Diyarbakir étaient forcés de quitter le village par les forces de sécurité. Le député de Diyarbakir, Sedat Yurttas, précisa que les villageois déportés vivaient à Diyarbakir dans des conditions insoutenables. En outre, les habitants des villages de Köprübasi, Kursunlu et Degirmen, de la même province, reçurent également l'ordre de quitter leurs villages en l'espace d'une semaine.
    Le 9.4, l'ancienne présidente de l'Association des Droits de l'Homme (IHD) de Siirt, Evin Aydar, s'est vue refuser le droit de quitter le pays pour rendre une visite à Teheran. Elle est l'épouse d'un député kurde, Zübayir Aydar.
    Le 9.4, à Kocaeli, six personnes étaient arrêtées pour avoir participé aux actions de l'Armée de Libération des Travailleurs-Paysans de Turquie (TIKKO).
    Le 10.4, le président du Parti Travailliste du Peuple (HEP), Seyh Davut Yalcinkaya, et son frère Halim Yalcinkaya, étaient assassinés par des tireurs non identifiés alors qu'ils quittaient leur maison.
    Le 11.4, à Tatvan, 19 des 25 personnes arrêtées à la fin du mois de mars étaient placés en détention par une cour criminelle locale.
    Le 11.4, à Nusaybin, le commerçant Seyfi Aslan (30) était assassiné par des tireurs non identifiés.
    Le 12.4, un détenu politique, Mülkiye Dogan était retrouvé mort dans sa cellule à la Prison d'Urfa. Il avait été arrêté pour avoir participé aux activités du PKK.
    Le 12.4, la police aurait arrêté plus de dix personnes à Izmir au cours d'une série d'opérations politiques.
    Le 13.4, la police aurait arrêté 16 étudiants universitaires au cours d'une série d'opérations des forces de sécurité à Ankara.
    Le 14.4, la CSE d'Istanbul ouvrait le procès contre 18 personnes accusées d'avoir participé aux actions du Dev-Sol/Unités Armées Révolutionnaires (SDB). Seize des défendeurs risquent la peine capitale. Lors de l'ouverture du procès, les défendeurs tentèrent de déployer une bannière, mais furent expulsés de force par les représentants de la sécurité.
    Le 14.4, à Izmir, 18 membres présumés de l'Union des Jeunes Syndicalistes (GKB) étaient arrêtés par la police.
    Le 14.4, les forces de sécurité arrêtaient 12 personnes à Kayseri, trois à Antalya et cinq à Ankara, pour activités illégales.
    Le 15.4, débutait une nouvelle grève de la faim suivie par 84 détenus politiques à la Prison de Nevsehir et par onze autres à la Prison de Konya.
    Le 15.4, à Izmir, la police arrêtait 30 étudiants universitaires qui protestaient contre les exécutions sans procès.
    Le 17.4, le gouverneur de Malatya interdisait la "Journée pour le Respect de la Démocratie", organisée par le Groupe Musical Kizilirmak sous prétexte que des incidents auraient pu survenir pendant ce meeting.
    Le 16.4, les avocats des jeunes arrêtés à Izmir, accusés d'avoir participé aux activités du GKB, affirmaient que leurs clients avaient été torturés au centre de police.
    Le 16.4, les forces de sécurité arrêtaient 24 personnes à Diyarbakir pour avoir participé aux activités du PKK et dix à Hatay pour appartenance à une organisation fondamentaliste.
    Le 18.4, la police annonçait l'arrestation de 36 personnes à Istanbul pour activités pro-PKK.
    Le 19.4, les forces de sécurité arrêtaient 14 activistes présumés du PKK à Siverek et 12 personnes à Kayseri pour avoir participé aux activités du Dev-Sol.
    Le 20.4, l'Association pour les Libertés (Özgür-Der) annonçait que de nombreuses personnes arrêtées à Ankara après une opération policière dans le bureau de la revue Tavir avaient été torturées et harcelées sexuellement.
    Le 21.4, le procès de trois personnes accusées d'avoir essayé d'assassiner un homme d'affaires débutait à la CSE d'Istanbul. Le procureur demande la peine capitale pour les défendeurs.
    Le 23.4, à Kayseri, un grand-père de 80 ans, Bekir Kocak était abattu par des soldats lorsqu'il pénétra par erreur dans une zone militaire.
    Le 23.4, à Istanbul, Mehmet Ceylan annonçait une fois remis en liberté qu'il avait été torturé pendant son interrogatoire au poste de police.
    Le 23.4, à Seydisehir, 24 personnes étaient arrêtées pour activités fondamentalistes.
    Le 23.4, à Istanbul, un membre présumé du Dev-Sol, Ibrahim Yalcin, était assassiné par une équipe de police qui ouvrit le feu sans lui donner l'ordre de se rendre.
    Le 23.4, des assaillants non identifiés assassinaient l'enseignant Alihan Han (42) à Diyarbakir et Halil Pekacar à Batman.
    Le 24.4, Vehbi Gündüz (36) était assassiné par des tireurs inconnus à Mus.
    Le 25.4, à Istanbul, les forces de sécurité annonçaient l'arrestation de sept membres du Dev-Sol et huit autres personnes qui appartiendraient aux Forces de Libération du Peuple (HKG).
    Le 26.4, les membres du Groupe d'Initiative des intellectuels, qui cherchaient une solution pacifique à la Question Kurde, étaient attaqués par des protecteurs de village à Tepecik, Bismil. Composé d'activistes des droits de l'homme, de députés et de professeurs d'université, le groupe fut forcé de quitter Tepecik sous les tirs des protecteurs.
    Le 26.4, la police annonçait l'arrestation de neuf activistes du PKK à Ankara, de quatre personnes à Adana et de trois autres à Bitlis.
    Le 27.4, à Mersin, la police arrêtait trois personnes pour avoir aidé le PKK.
    Le 28.4, le Premier Ministre Demirel affirmait que le gouvernement ne soutiendrait pas un projet de loi visant à supprimer la peine capitale. Il précisa que ce châtiment était une mesure dissuasive pour maintenir la loi et l'ordre dans un pays comme la Turquie, où le taux de criminalité était élevé.
    Le 28.4, les forces de sécurité arrêtaient un total de 23 personnes pendant une série d'opérations dans le district de Diyarbakir.
    Le 29.4, les représentants de Bursa de l'Association des Droits de l'Homme (IHD) étaient inculpés par le procureur de la CSE d'Istanbul pour avoir organisé une soirée de solidarité le 10 janvier. Ils seront jugés pour propagande et activités anti-militaristes.
    Le 29.4, les forces de sécurité arrêtaient 25 personnes à Elazig et 17 à Ergani (Diyarbakir).
    Le 29.4, s'ouvrait à la CSE d'Istanbul le procès de 32 membres présumés du Dev-Sol. 17 des défendeurs risquent la peine capitale et les autres, des peines de prison allant jusqu'à 25 ans.
    Le 29.4, le travailleur Mahmut Haneyaz (26) était assassiné par des tireurs inconnus.
    Le 30.4, au cours d'une opération policière dans une maison d'Istanbul, les forces de sécurité abattaient deux étudiants universitaires, Sengül Yildiran et Ugur Yasar Kilic. Des témoins oculaires accusèrent la police d'avoir tiré sans avoir demandé aux suspects de se rendre.
    Le 30.4, le procureur de la CSE d'Ankara introduisait une action en justice contre le président du HEP, Ahmet Türk, pour avoir participé à une conférence de presse avec le leader du PKK, Öcalan.
    Le 30.4, à Düzce, dix étudiants universitaires étaient arrêtés par la police. A Ankara, la police annonçait l'arrestation de 38 militants présumés du Dev-Sol.

DEUX JOURNALISTES ASSASSINES

    Récemment, deux autres journalistes ont été victimes de la violence constante qui frappe les médias en Turquie.
    Le 13 mars, dans la ville de Silvan (province de Diyarbakir), Ihsan Karakus, de 53 ans et propriétaire du journal Silvan, était abattu le matin par des tireurs inconnus alors qu'il  se rendait à son bureau.
    Le 20 mai, le correspondant de Bergama du quotidien Hürriyet, Ercan Gürel, était abattu par des personnes non identifiées. La police conclut à un règlement de comptes entre le journaliste et ses assassins.
    Le nombre de journalistes assassinés sous le gouvernement de Demirel s'élève à 17. Voici la liste complète des journalistes assassinés rapportés par le TIHV:
    Halit Güngen, Diyarbakir, 18.2.1992
    Cengiz Altun, Batman, 24.2.1992
    Izzet Kezer, Cizre, 23.3.1992
    Bülent Ülkü, Bursa, 1.4.1992
    Mecit Akgün, Nusaybin, 2.6.1992
    Hafiz Akdemir, Diyarbakir, 8.6.1992
    Cetin Ababay, Batman, 29.7.1992
    Yahya Orhan, Gercüs, 29.7.1992
    Hüseyin Deniz, Ceylanpinar, 9.8.1992
    Musa Anter, Diyarbakir, 10.9.1992
    Kemal Aktay, Hani, 9.11.1992
    Hatip Kapçak, Mazidagi, 18.11.1992
    Namik Taranci, Diyarbakir, 20.11.1992
    Ugur Mumcu, Ankara, 24.1.1993
    Kemal Kilic, Urfa, 18.2.1993
    Ihsan Karakus, Silvan, 13.3.1993
    Ercan Gürel, Bergama, 20.5.1993

A PROPOS DE LA MORT D'UN JOURNALISTE

    Alors que se poursuivaient les assassinats de professionnels de la presse, un journaliste de 40 ans mourait à la fin du mois de mars 1993 à la suite d'une crise cardiaque. Bien que n'importe quel journaliste de son âge peut mourir d'une crise cardiaque dans n'importe quel pays, le décès de Veli Yilmaz a une signification particulière.
    Yilmaz était un journaliste qui établit un record dans un domaine bien particulier et que personne ne peut améliorer. Il fut condamné à 748 ans de prison après le coup-d'Etat de 1980. Il resta en prison pendant 11 ans, jusqu'à l'adoption d'une loi stipulant la mise en liberté de certains prisonniers politiques.
    Ilhan Selcuk, rédacteur du quotidien Cumhuriyet, commentait ce décès dans un article publié le 1er avril en les termes suivants:
    "Connaissez-vous un autre pays où le rédacteur d'un magazine ait été condamné à 748 ans de prison?
    "Veli Yimaz était journaliste, mais ne travaillait pas pour un grand journal. Il faisait partie de la rédaction d'un magazine socialiste. Il s'agissait de l'une des revues qualifiées de `marginales'. Après avoir purgé 11 ans de prison, Veli Yilmaz avait récupéré la liberté depuis deux ans. Sa fille Hazal avait un an lorsqu'il fut jeté en prison.
    "Est-ce vraiment son coeur qui a causé sa perte? Selon un rapport médical il es mort d'une crise cardiaque. Mais est-ce que cela explique tout? Lorsqu'il était en prison, Veli Yilmaz participa à une série de grèves de la faim. Il jeûna pendant un total de six mois et demi.
    "Veli Yilmaz n'est pas mort. Il a été tué. Il y a des moments où nous ne parvenons pas à voir notre véritable image dans le miroir parce qu'il s'embue. Alors nous le nettoyons et finissons par voir notre visage clairement.
    "Il a y des moments où l'image que nous voyons dans le miroir après l'avoir nettoyé ressemble à celle d'une personne avec un casier judiciaire. L'image collective de la société dans le miroir peut ressembler énormément à la photo d'un criminel sortie des archives de la police.
    "Il écopa d'un total de 748 ans de prison pour un certain nombre d'affaires. N'avez-vous pas envie de connaître les articles qui lui ont valu cette sentence? Je pense qu'il doivent être regroupés dans un livre et que celui-ci doit être exhibé au musée de l'humanité pour que les générations futures puissent le lire. La couverture devrait porter l'inscription suivante: En Anatolie, au 20e siècle, un journaliste fut condamné à 748 ans de prison pour avoir écrit ces articles".

JOURNALISTE BRITANNIQUE ARRETE EN TURQUIE

    Un journaliste britannique indépendant, Andrew Norman Penny, de 39 ans, fut arrêté le 15 mai par les autorités locales alors qu'il entrait en Turquie par la frontière irakienne à Habur.
    Il fut arrêté en compagnie d'un écrivain turc et d'un journaliste, Faik Bulut, pour possession illégale présumée de documents kurdes et de cassettes vidéo. Cependant, le journaliste turc, qui travaille pour le quotidien Özgür Gündem, fut relâché après qu'on ait déterminé qu'il n'avait aucun lien avec l'incident.
    Un officier aurait déclaré qu'ils soupçonnaient Penny d'avoir servi de courrier pour le PKK sous la couverture d'un journaliste.
    L'Union Nationale Britannique des Journalistes (NUJ) publia un communiqué le 17 mai accréditant Penny comme un journaliste de bonne foi et demandant sa mise en liberté immédiate, soulignant que la littérature sur le PKK qu'il portait faisait partie de son travail.
    Auparavant, le 28 avril, un tribunal turc condamnait un journaliste allemand, Stefan Waldberg, à 45 mois de prison pour avoir servi de messager au PKK.
    Un autre reporter allemand, Michael Enger, de la chaîne allemande ZDF, était arrêté en novembre dernier dans les mêmes circonstances, mais les autorités le relâchèrent un jour plus tard.
    En mars, un journaliste et écrivain turc, le Prof. Yalcin Kücük, était détenu pendant 36 heures à l'aéroport d'Istanbul après que la police lui ait trouvé de la littérature sur le PKK, des interviews et des enregistrements sur bande vidéo. Les biens de Kücük et tous les fruits de son travail furent ensuite remis à une télévision dirigée par l'Etat pour y être présenté sous la forme d'une campagne de propagande contre l'organisation. Il est actuellement en procès avec le TRT, et demande 200 millions de LT (20.000 $) comme compensation pour la saisie et l'utilisation de son travail.

MISSION DE LA FIJ EN TURQUIE

    Préoccupée depuis des années par la situation de la liberté des médias et les violations dont sont victimes les journalistes, la Fédération Internationale des Journalistes (FIJ) envoya une mission en Turquie du 14 au 22 mars 1993.
    Les membres de la mission étaient Robert Bakker, Trésorier Honoraire de la FIJ; Leena Paukku, Secrétaire pour les Affaires Internationales de l'Union des Journalistes en Finlande, et Lee Woodyear, Représentant des Droits de l'Homme de la FIJ. Jan-Willem Bertens, membre hollandais du Parlement Européen, était observateur dans la mission.
    En Turquie, cette mission rencontra le membre de la FIJ en Turquie, le Syndicat des Journalistes de Turquie (TGS), des journalistes locaux, des correspondants étrangers, des associations de journalistes, le Conseil de la Presse Turque, des groupes des droits de l'homme et des représentants du gouvernement.
    Sur base de ses observations en Turquie, la mission publia les analyses et recommandations suivantes dans un rapport de dix pages intitulé Liberté de la Presse en Turquie: le Temps du Dialogue:
    "• Les journalistes qui travaillent en Turquie, et tout particulièrement dans le sud-est, sont soumis à des pressions intolérables. L'information ne circule pas librement dans le sud-est de la Turquie où la censure l'emporte, quelle qu'elle soit. Les journalistes ne peuvent se consacrer librement à leurs activités professionnelles.
    "Recommandation: Le gouvernement turc doit condamner plus fermement toutes les attaques à l'encontre des journalistes en Turquie. Le gouvernement doit s'efforcer davantage de créer un environnement dans le sud-est dans lequel les droits des journalistes soient respectés et où les journalistes puissent exercer leurs activités professionnelles avec un minimum d'ingérence.
    "• La mission déplore les interventions des représentants importants du
gouvernement turc condamnant des journalistes professionnels reconnus et de bonne foi en les qualifiant de "militants". En agissant de la sorte, les responsables compromettent les fondements mêmes de la liberté de la presse du pays. Le fait de mettre en doute l’identité de reporters reconnus encourage les forces de sécurité à suspecter tous les journalistes. Cette attitude crée un climat d'intimidation et de peur pour les médias de cette région et met la vie des journalistes en danger.
    "Recommandation: Tous les membres du gouvernement turc et les représentants officiels doivent respecter la définition du journaliste telle qu'elle a été établie par les organisations représentatives de journalistes en Turquie, conformément aux normes internationales. Les journalistes sont des professionnels indépendants qui ne devraient pas dépendre de l'agrégation ou de l'autorité du gouvernement pour la réalisation de leur travail .
    "• Bon nombre de journalistes et d'organisations de journalistes en Turquie sont frustrés du manque de solutions pratiques à la crise actuelle D'autre part, de nombreux ministères et responsables du gouvernement estiment avoir été injustement critiqués de n'avoir pas agi davantage pour protéger les journalistes La communication entre les journalistes et les autorités, qu'elles soient militaires, policières ou politiques n’est pas franche, et bien souvent tendue, ce qui est inacceptable
    "Recommandation: La mission recommande que des mesures urgentes soient prises afin de restaurer un dialogue cohérent et raisonnable entre les autorités et les professionnels des médias. Afin de contribuer à ce processus, un colloque d'une semaine devrait être organisé cette année à Diyarbakir afin d'aborder les problèmes auxquels sont confrontés les journalistes en Turquie, et tout particulièrement dans le sud-est. La mission se réjouit du soutien déjà apporté à cette proposition par le syndicat membre de la FIJ, l’Association des journalistes du sud-est, le Conseil de presse turc, le premier ministre, le ministre de l'intérieur, le gouverneur de l'état d'urgence du sud-est, et d’autres. La mission estime que l’ordre du jour de ce colloque doit prévoir au moins un jour de pourparlers entre les journalistes et les autorités militaires, les responsables de la police et du gouvernement.
    "• Les informations relatives aux violations quotidiennes des droits des journalistes en Turquie, et tout particulièrement dans le sud-est sont rares a l'extérieur de la Turquie De nombreux journalistes du sud-est reçoivent régulièrement des menaces La plupart des 14 journalistes assassinés dan cette région avaient reçu es menaces avant d’être assassinés
    "Recommandation: La mission recommande au Comité exécutif de la Fédération internationale des journalistes ainsi qu'aux organisations travaillant par le biais de l’Échange international pour la liberté d’expression (IFEX) d'essayer de créer, à Istanbul ou à Diyarbakir, un poste à mi-temps -- par le biais d'organisations professionnelles turques -- pour une personne chargée de contrôler les informations sur les violations commises à l'encontre des journalistes et des médias. Ces informations pourraient ensuite être envoyées en Turquie aux journalistes et organisations de défense des droits de l'Homme ainsi qu'à la communauté internationale par le biais de l'IFEX.
    "• La solidarité entre les journalistes et les organisations de journalistes, et entre les éditeurs et les organisations d'éditeurs en Turquie n'est pas aussi solide qu'elle pourrait l’être De nombreux journalistes et éditeurs turcs vivent et travaillent dans des conditions où ils craignent constamment pour leur vie La mission note qu'il a été fait peu de cas du décès d’lhsan Karakus, propriétaire et rédacteur en chef d'un journal local à Sylvan, qui semble être connu comme journaliste indépendant.
    "Recommandation: La mission invite les organisations professionnelles de journalistes et les éditeurs turcs à coordonner leurs efforts afin de lutter contre la censure violente dans ce pays. Les manifestations coordonnées, les missions d'investigation conjointes et la mise en commun de ressources limitées par les éditeurs et les journalistes pourraient apporter une solution à la crise actuelle. Les intérêts vitaux des journalistes et des éditeurs seront servis par cette coordination et cette solidarité."

DECLARATION DE PEN A l'ONU

    En février, PEN International fit une déclaration orale sur les assassinats et les arrestations d'écrivains et journalistes en Turquie devant la Commission de Droits de l'Homme des Nations Unies.
    La déclaration demandait aux NU d'encourager les autorités turques à enquêter sur les assassinats de journalistes et de traduire les responsables en justice.
    La déclaration de PEN souligne également sa préoccupation pour le décret numéro 3713 (la Loi pour Combattre le Terrorisme), qui selon lui est utilisée pour censurer et emprisonner les écrivains et les journalistes exprimant leurs opinions de manière pacifique.
    PEN International exprima également la préoccupation que lui suscitaient les pouvoirs étendus accordés la police, surtout dans la région kurde du sud-est de la Turquie, par les réglementations de l'état d'urgence en vigueur dans cette partie du pays.

RAPPORT AMERICAIN SUR LES DROITS DE L'HOMME EN TURQUIE
   
    Les citoyens turcs ne jouissent toujours pas de tous les droits de l'homme bien que la démocratie y soit plus "forte" qu'il y a dix ans, telle est la conclusion tirée par un groupe de spécialistes américains et d'activistes des droits de l'homme pendant une réunion maintenue le 5 avril à Washington.
    Le groupe fut organisée par la Commission Américaine sur la Sécurité et la Coopération en Europe (CSCE) et était composé de 18 membres du Congrès et un représentant de chaque département de l'Etat, du Commerce et de la Défense.
    "Il ne fait aucun doute que la Turquie a accompli de grands progrès", déclara Maru Sue Hafner, vice-directeur de la commission et conseiller général, qui présida la session. "Mais pourquoi est-ce qu'on a assassiné 12 journaliste et aucune enquête n'a été ouverte?"
    Mark Epstein, expert du Département d'Etat, ajouta que "La torture est toujours pratiquée, surtout dans les premiers jours de détention policière et que quant à savoir si la Turquie peut s'adapter aux droits culturels et politiques turcs, reste encore un point d'interrogation".
    Maryam Elahi, d'Amnesty International, déclare: "Nous demandons que le gouvernement turc reconnaisse les problèmes qui subsistent dans le domaine des droits de l'homme et commence à donner des garanties pour mettre fin à la torture et respecte ses obligations en vertu des traités internationaux sur les droits de l'homme signés par son pays. Les Etats-Unis, en tant qu'ami du peuple turc, ont une sérieuse responsabilité et se doivent d'inciter le gouvernement turc à se soumettre à ses obligations internationales".
    Lois Whitman, vice-directeur d'Helsinki Watch: "La coalition gouvernementale du Premier Ministre Demirel, formée en novembre de 1991, n'a pas tenu ses promesses concernant les droits de l'homme. En fait, la situation générale des droits de l'homme s'est détériorée au lieu de s'améliorer".
    Whitman précisa qu'Helsinki Watch avait recommandé au gouvernement des Etats-Unis de suspendre toute assistance militaire et de sécurité envers la Turquie jusqu'à ce que ce pays mette fin à cette situation de grossière violation des droits de l'homme".
    La Turquie est le troisième plus grand bénéficiaire de l'aide américaine. Elle reçut des prêts pour une valeur de 450 millions de dollars comme assistance militaire et de 125 millions de dollars comme concessions de soutien économique pour l'année fiscale 1993.

PRESSIONS SUR LES MEDIAS EN MARS-AVRIL

    Le 1.3, le correspondant à Derik du quotidien Özgür Gündem, Salih Tekin, affirmait avoir été torturé par la police après son arrestation le 16 février.
    Le 1.3, une représentation de la pièce kurde Mirim ü Jiyan (Vie et Mort) par le théâtre Jiyana Nü, à Ankara, était interdite par le gouverneur.
    Le 5.3, le livre du Prof. Ilhan Arsel Intellectuel et "Intellectuel" ainsi que deux hebdomadaires Haftalik Telegraf et Siyasi Cizgi étaient confisqués par décision d'une cour pénale à Istanbul.
    Le 6.3, à Istanbul, deux journalistes du quotidien Hürriyet, Bayhan Tolan et Kürsat Yimaz, étaient arrêtés alors qu'ils couvraient une charge de la police sur un groupe de femmes protestant contre l'interdiction de la Convention des Femmes Travailleuses. Les films de leurs caméras furent détruits.
    Le 6.3, à Ankara, deux journalistes du quotidien Hürriyet, Selcuk Senyüz et Mehmet Oguz Senol, étaient battus par la police alors qu'ils couvraient une attaque contre un groupe de personnes célébrant la Journée Mondial de la Femme.
    Le 9.3, les dernières éditions des revues Medya Günesi, Direnis et Azadi, étaient confisquées par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
    Le 9.3, le bureau de Van de l'hebdomadaire Azadi était perquisitionné par la police. Suite à l'opération, le correspondant de l'hebdomadaire Hakan Kartal était arrêté.
    Le 10.3, la CSE d'Istanbul ouvrait le procès contre le Professeur Yalcin Kücük pour une interview du leader du PKK, Öcalan, en décembre 1992. Il risque une peine de prison de cinq ans pour propagande séparatiste.
    Le 11.3, le poète Hüseyin Karatas était condamné par la CSE d'Istanbul à 20 mois de prison et à verser une amende de 41 millions de LT (4.556 $) pour son livre de poésie Dersim: L'histoire d'une révolte. L'éditeur, Sevki Ömeroglu, fut également condamné à payer une amende de 1.016.028.000 (122.889) en vertu de la Loi Anti-Terreur.
    Le 12.3, Ömer Agin et Ahmet Zeki Okcuoglu étaient condamnés à des peines individuelles de 8 mois de prison par la CSE d'Istanbul pour leurs déclarations publiées dans le mensuel Demokrat. La cour condamna également l'éditeur de la revue, Hikmet Kocak, à 100 millions de LT (11.111 $) d'amende, et le rédacteur responsable, Engin Günay à six mois de prison et 50 millions de LT (5.556 $) d'amende en vertu de la Loi Anti-Terreur.
    Le 12.3, le propriétaire du mensuel Medya Günesi, Cemal Özcelik était arrêté pour un article sur les opérations militaires au Kurdistan. Il sera jugé en vertu de l'Article 8 de la LAT. 19 des 25 éditions de la revue ont été confisquées par la CSE d'Istanbul.
    Le 15.3, les dernières éditions des revues Mücadele et Genc Kurtulus étaient confisquées par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
    Le 15.3, le rédacteur responsable du défunt quotidien Günes, Isik Yurtcu, était arrêté pour avoir omis de payer une amende sanctionnant un de ses articles.
    Le 17.5, une foire du livre organisée à Afyon par les maisons d'éditions islamiques subissait une descente de police et plusieurs livres étaient confisqués.
    Le 18.3, les rédacteurs responsables des revues Newroz et Emek, Hasan Lekesiz et Garip Töre respectivement, étaient arrêtés à Istanbul pour avoir distribué des posters du Newroz.
    Le 18.3, le bureau de Malatya de l'hebdomadaire Azadi subissait une descente de police et de nombreux documents y étaient confisqués.
    Le 20.3, le N_ 51 de l'hebdomadaire Gercek et le N_ 24 du bimensuel Devrimci Proletarya étaient confisqués par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste et pour avoir fait l'éloge d'organisations illégales.
    Le 22.3, le N_ 26 de bimensuel Medya Günesi était confisqué par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
    Le 28.3, les dernières éditions des revues Yeni Ülke, Devrimci Proletarya, Emegin Bayragi et Mücadele étaient confisquées par la CSE d'Istanbul en vertu des Articles 6, 7 et 8 de la LAT.
    Le 28.3, le bureau de Diyarbakir du mensuel Newroz était attaqué et détruit par des personnes non identifiées.
    Le 1.4, la dernière édition du magazine de bandes dessinées Eroskop était confisqué par une cour pénale pour publication obscène.
    Le 2.4, le journaliste Haluk Gerger était inculpé par le Procureur de la CSE d'Ankara pour son article sur la question kurde paru dans le quotidien Özgür Gündem le 15 septembre 1992. Il risque une peine de prison de cinq ans.
    Le 3.4, l'éditeur Ünsal Öztürk était inculpé par la CSE d'Ankara pour avoir fait de la propagande d'organisations terroristes dans son livre L'occupation du Bosphore, racontant l'action d'un étudiant à l'Université de Bogazici. Il fut également inculpé pour ce même livre par un cour pénale d'Ankara l'accusant d'avoir fait l'éloge d'actes terroristes et par une cour criminelle pour insultes contre les forces de sécurité. Dans les trois cas, Ünsal risque des peines de prison allant jusqu'à un total d'onze ans.
    Le 5.4, Fatma Karabacak, rédacteur responsable de l'hebdomadaire Newroz, était condamné par la CSE d'Istanbul à 5 mois de prison et à une amende de 41 millions de LT (4.556 $) pour un article sur les incidents du Newroz de 1992. Le propriétaire de la revue, Hüseyin Alatas, fut également condamné à payer une amende de 83 millions de LT (9.222 $) pour le même article.
    Le 7.4, à Nazilli, les propriétaires de quatre stations de radio privées, Atilla Toraman (Radio Özlem), Orhan Narin (Radio Nazar), Mustafa Subakan (Radio Gün) et Filiz Güven (Radio Venus) étaient arrêtés par une cour pénale pour avoir émis sans autorisation.
    Le 8.4, l'ancien rédacteur responsable du mensuel Newroz, Celal Albayrak était condamné par la CSE d'Istanbul à cinq mois de prison et 41 millions de LT (4.556 $) d'amende pour propagande séparatiste.
    Le 9.4, l'ancien rédacteur responsable de l'hebdomadaire Hedef, Elanur Kaya était condamné par la CSE d'Istanbul à 5 mois de prison et à payer une amende de 41 millions de LT ( 4.556 $) pour divers articles publiés en 1991. Le propriétaire de la revue, Emel Atici fut également condamné à payer une amende de 83 millions de LT (9.222 $) pour les mêmes articles.
    Le 11.4, la Cour de Cassation confirmait une peine de prison de cinq mois et une amende de 41 millions de LT (4.556 $) infligées à Kamil Ermis, rédacteur responsable de la revue mensuelle Deng. Fut également approuvée une amende de 83 millions de LT (9.222 $) contre Hikmet Cetin, propriétaire de la revue.
    Le 12.4, Ümit Oguztan, auteur de trois livres, La Reine Sisi, La Lesbienne et Les immoraux, quittait la Turquie et aurait demandé l'asile politique à la France. Il avait été condamné à verser une amende de 4 milliards de LT (444.444 $) pour publications obscènes. Etant donné qu'il ne pouvait payer cette somme, il devait être emprisonné.
    Le 12.4, la dernière édition de la revue Devrimci Proleter Genclik était confisquée par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
    Le 15.4, les dernières éditions de trois revues, Direnis, Newroz et Toplumsal Dayanisma, étaient confisquées par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
    Le 15.4, trois journalistes, Nurdogan Aydogan (Özgür Gündem), Aslan Türk et Serpil Yildrim (Özgür Halk) étaient arrêtés alors qu'ils se trouvaient devant le bureau du HEP à Ankara.
    Le 17.4, l'édition N_ 17 de la revue Yeni Insan était confisquée par la CSE d'Istanbul en raison de la publication d'un article de Besikci intitulé "La Turquie n'est pas vraiment indépendante".
    Le 19.4, les forces de sécurité faisaient une descente dans le bureau d'Ankara de la revue Tavir et détruisaient le matériel qui s'y trouvait. Après cette opération, la police arrêtait quelque 80 personnes à Ankara.
    Le 23.4, le correspondant à Elazig du quotidien Zaman, Erdogan Atilgan, était arrêté pour avoir pris des photos d'un procès sans l'autorisation du juge.
    Le 26.4, à Bursa, la police arrêtait trente personnes qui distribuaient le numéro du Premier Mai de la revue Kurtulus.
    Le 27.4, le propriétaire du quotidien Özgür Gündem, Yasar Kaya, et deux reporters de télévision qui l'interviewaient, Nese Düzel et Ahmet Altan, étaient inculpés par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste. Chacun d'eux risque une peine de prison de cinq ans et une amende de 100 millions de LT (11.111 $).
    Le 27.4, le coordinateur d'une télévision privée, Ozcan Ertuna était condamné par le Conseil de Censure à une amende de 30 millions de LT (3.333 $) pour avoir diffusé un film considéré "obscène". Si Ertuna ne paie pas cette somme, le conseil introduira une action en justice contre lui.
    Le 28.4, la rédactrice responsable de la revue Devrimci Proletarya, Naile Tuncer, était condamné par la CSE d'Istanbul à 11 mois de prison et à payer une amende de 90 millions de LT (10.000 $) pour deux articles qu'elle avait publiés. Le propriétaire de la revue, Hacer Demirkiran fut également condamné à payer une amende de 183 millions de LT (20.333 $) par cette même cour.
    Le 28.4, la Cour de Cassation approuvait une peine d'emprisonnement de 3 ans et 9 mois infligée au journaliste allemand Stefan Waldberg, arrêté le 29 octobre 1992 et accusé d'avoir introduit des documents du PKK en Turquie. Ayant bénéficié d'une mise en liberté sous conditions, il restera en prison pendant 20 mois.
    Le 29.4, le mensuel Devrimci était confisqué par ordre du Gouverneur d'Istanbul et le journal local Güneydogu par une cour pénale d'Urfa pour propagande séparatiste.
    Le 29.4, le rédacteur responsable du quotidien Zaman, Servet Engin était condamné à 10 mois de prison pour avoir republié un article ayant fait l'objet d'une autre condamnation suite à sa première publication.

ORDRES DES MILITAIRES AUX UNIVERSITAIRES   

    Le 12 avril, le Conseil de Sécurité Nationale envoyait un document secret aux universités turques leur demandant d'être "plus sensibles aux problèmes nationaux" et d'envoyer des rapports mensuels au Conseil.
    "Le Conseil de l'Education Supérieure (YÖK) n'a pas eu de succès dans ses opérations psychologiques et a provoqué un certain malaise", précise le document.
    Il demande aux académiciens de chercher des sujets relatifs à la sécurité nationale et de publier leurs découvertes. Voici les quatre points principaux qui se dégagent des ordres du Conseil:
    "On publie plus de travaux scientifiques sur la Turquie dans les universités étrangères que dans les turques. Les universités du pays n'attachent pas assez d'importance aux activités de renseignement. Le travail de ces académiciens qui ont oeuvré contre l'Etat est enseigné dans les universités. Le dialogue entre elles et le président du YÖK est inadéquat. On ne devrait pas enseigner les travaux des personnes considérées nocives. On devrait établir des liens étroits avec les organisations internationales et les conseils des universités devraient émettre des protestation (contre les décisions prises par ces organisations) lorsque cela s'avère nécessaire. Les ordres concernant les opérations psychologiques devraient être communiqués oralement et non par écrit, et il faudrait contrôler les progrès accomplis dans ce domaine. Des conférences contre les cercles séparatistes et subversifs devraient être organisées".

EXTRADITION D'UN ACTIVISTE TUNISIEN

    Un tribunal turc décida d'extrader un activiste politique tunisien, Riyadh ben Amor Makhlouf, arrêté en Turquie le 29 janvier 1993. Actuellement interné à la prison de Kirikkale en attendant la décision finale du gouvernement turc, Makhlouf affirme qu'il sera torturé à mort s'il est extradé vers son pays. "Je ne suis pas un délinquant ordinaire, mais un des principaux membres d'une organisation qui a lutté contre la dictature en Tunisie", affirma-t-il.
    Les journaux d'Istanbul et l'Association des Droits de l'Homme de Turquie (IHD) font campagne pour qu'Ankara empêche l'extradition.

EXPLOSION D'UN DEPOTOIR A ISTANBUL

    Une explosion dans le dépotoir de Umraniye à Istanbul, le 28 avril dernier, coûta la vie de plus de 30 personnes. Ce tragique événement, dû à l'explosion de méthane accumulé dans la décharge, prouve une nouvelle fois l'attitude irresponsable des officiels de l'Etat, qui ne prennent pas en considération les problèmes d'environnement et humains.
    La décharge d'Umraniye est la deuxième en importance du côté asiatique d'Istanbul, une ville de 10 millions d'habitants, et les ordures de millions de personnes d'Umraniye, Usküdar, Kadiköy, Beykoz et Maltepe y sont déversées.
    Umraniye est un des districts les plus pauvres d'Istanbul et se trouve confronté à de nombreux problèmes d'urbanisation non planifiée. Bien qu'une réglementation du Ministère de l'Environnement stipule qu'une décharge ne peut être construite à moins d'un kilomètre d'une zone résidentielle, et que le méthane accumulé doit être libéré dans l'atmosphère, le principal maire d'Istanbul n'a jamais respecté ces règles.
    En outre, la Municipalité d'Umraniye avait gagné des procès contre les municipalités avoisinantes pour leur interdire de déverser leurs ordures à Umraniye, mais n'a pas réussi à appliquer ces règles.