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A non-government information service on Turkey
Un service d'information non-gouvernemental sur la Turquie


212

18e année - N°212
 Juin 1994
38 rue des Eburons - 1000 Bruxelles
Tél: (32-2) 215 35 76 - Fax: (32-2) 215 58 60
 Rédacteur en chef: Dogan Özgüden - Editrice responsable: Inci Tugsavul
 

APPEL URGENT

    Défiant l'opinion publique, le gouvernement de Ciller-Karayalcin, en collaboration avec les militaires, a dépassé toutes les limites imaginables dans la violation des droits de l'homme en Turquie.
    Selon les rapports mensuels de l'Association des Droits de l'Homme de Turquie (IHD), "l'ignorance en Turquie des exécutions extra-judiciaires, des tortures, des délits de conscience, et de l'inexistence de la liberté de presse et de publication donne une image qui pousse à la réflexion."
    Le 31 mai, le Premier Ministre Ciller, réitérant que la lutte anti-terroriste était menée avec grand succès, contredisait une déclaration précédente où elle affirmait que le PKK serait battu avant l'été en prétendant que la bataille sera finie avant la fin de l'année.
    Sous prétexte de combattre le terrorisme, des centaines de villages kurdes ont été bombardés et détruits, des milliers d'innocents ont été arrêtés et torturés, des partis politiques et des associations ont été fermées, des journaux et des livres ont été confisqués, des journalistes, des universitaires et des écrivains ont été jetés en prison.
    Les victimes de l'Article 8 de la Loi Anti-Terreur, 98 journalistes, écrivains et éditeurs, étaient encore en prison le 31 mai, rapportait l'IHD. Ils risquent un total de 348 ans de prison.
    Depuis lors:
    Le Parti de la Démocratie (DEP), le seul parti légal qui défendait les droits du peuple kurde, fut fermé le 16 juin par le Tribunal Constitutionnel.
    La peine de prison totale imposée au sociologue turc Ismail Besikci, actuellement en prison à cause de son article sur la Question Kurde, a été portée à 42 ans et ses amendes s'élèvent à 3 milliards 18 millions de TL suite à une série de condamnations par les Cours de la Sûreté de l'État.
    Actuellement, parmi les centaines de prisonniers de conscience, six membres du Parlement, Leyla Zana, Mahmut Alniak, Hatip Dicle, Orhan Dogan, Sirri Sakik et Ahmet Türk; un ancien maire, Mehdi Zana; un leader syndicaliste, Münir Ceylan; deux universitaires, Ismail Besikci et Fikret Baskaya; un artiste, Kemal Sahir Güler; un avocat, Ahmet Zeki Okcuoglu; et trois éditeurs, Ayse Nur Zarakolu, Sirri Öztürk, Selim Okcuoglu et Ünsal Öztürk purgent leur peine dans différentes prisons.

    Un appel urgent de France

    "Au moment où nous célébrons le 50ème anniversaire du débarquement et honorons les victimes des barbaries passées, tout près de nous, dans un pays allié, armé et financé par nos démocraties, une population déjà si malmenée par l'histoire subit, dans l'indifférence générale, la destruction systématique de ses villages, le dépeuplement forcé de ses villes et la décimation de ses élites politiques et intellectuels.
    Une annonce par des organisations françaises publiée dans Le Monde et The International Herald Tribune, respectivement les 8 et 9 juin 1994, commence avec cette phrase.
    Agir ensemble pour les Droits de l'Homme, Agir ici, CGT, CIMADE, Comité national de solidarité au peuple kurde, CRIDEV, Fédération internationale des Ligues des Droits de l'Homme, Fédération internationale des SOS-Racisme, Fondation France-Libertés, FSU, LICRA, Maison du Monde, Médecins du Monde, MRAP, Nouveaux Droits de l'Homme, Peuples Solidaires, SNES, SNESup, SOS-Racisme, Terre des Hommes-France et Comité de Défense des Libertés et des Droits de l'Homme  résument l'atrocité dans le Kurdistan turc dans les termes suivants:
    "Chaque mois une trentaine de villages kurdes sont rayés de la carte, des forêts brûlées, plusieurs Oradour sont perpétrés sous le couvert de la 'lutte contre le terrorisme', dans le silence de la communauté internationale.
    "Face à l'intense campagne de désinformation d'Ankara, tendant à réduire le problème des aspirations légitimes et démocratiques des 15 millions de Kurdes de Turquie à celui du 'terrorisme du PKK', les organisations non gouvernementales soussignées, solidaires du peuple kurde et opposées à toute forme de violence, tiennent à porter à la connaissance de l'opinion publique les faits suivants."
    Après avoir donné une liste provisionnelle des villages kurdes détruits par l'Armée turque, l'annonce déclare:
    "Les villes kurdes de Sirnak, Kulp, Lice, Cukurca, en grande partie détruites, sont devenues des cités fantômes. D'autres villes comme Cizre, Silvan, Idil, Midyat, Nusaybin ont perdu plus de la moitié de leurs habitants à la suite de la politique de terreur et d'assassinat menée par les forces spéciales turques. Celles-ci ont en deux ans assassiné 1638 intellectuels, hommes politiques, syndicalistes, enseignants démocrates kurdes dont le poète kurde Musa Anter, 74 ans, le député de Mardin Mehmet Sincar, et 72 autres dirigeants de son parti, 34 journalistes et distributeurs de journaux. Plusieurs milliers de militants kurdes sont en prison pour délit d'opinion. Parmi eux: les députés Leyla Zana, Mahmut Alniak, Hatip Dicle, Orhan Dogan, Sirri Sakik et Ahmet Türk, en détention préventive depuis le 4 mars et menacés de la peine de mort pour leurs opinions; Mehmdi Zana, ancien maire de Diyarbakir qui a déjà passé 15 ans en prison pour délit d'opinion condamné à 4 ans de prison pour son témoignage devant le Parlement européen; le sociologue turc ismail Besikci, qui a déjà passé 13 ans en prison pour ses écrits sur les Kurdes, condamné à 5 ans pour deux de ses livres, 64 journalists, de nombreux universitaires et avocats. Depuis janvier 1994, déjà au moins 5899 personnes ont été gardées à vue et torturées, 164 d'entre elles sont décédées ou 'disparues' pendant cette garde à vue de 15 jours, reconductible. A la suite de ce terrorisme d'Etat mené depuis 1980 dans les provinces kurdes, celles-ci ont perdu la moitié de leur population. Il apparaît clairement que l'objectif des autorités turques est de dépeupler le Kurdistan, de déterritorialiser la question kurde et d'éparpiller le peuple kurde afin de mieux 'l'assimiler' dans le cadre du traditionnel projet turc de 'recomposition ethnique du pays' qui a commencé par le génocide des Arméniens, poursuivi par l'expulsion d'Anatolie de 1.200.000 Grecs dans les années 1920 et qui doit s'achever par l'éparpillement des Kurdes, dernière communauté indigène non turque du pays.
    "Ces faits sont pour l'essentiel connus de nos gouvernements qui savent aussi que la guerre du Kurdistan a déjà fait plus de 15.000 morts et coûté 25 milliards de dollar au budget turc. Nous sommes d'autant plus indignés par leur inaction que la Turquie est un pays que nous continuons d'accueillir dans nos institutions occidentales comme le Conseil de l'Europe et l'OTAN, en lui donnant ainsi indûment un certificat de bonne conduite.
    "Les organisations soussignées considèrent que dans la situation actuelle tout État vendant des armes à la Turquie ou lui fournissant une aide économique, qui sera déviée vers la guerre, se rend complice de l'actuelle campagne turque de destruction et de dépeuplement du Kurdistan de Turquie.
    "Elles demandent aux démocraties occidentales d'agir avec diligence, soit pour amener leur allié turc à mettre un terme à la persécution du peuple kurde en engageant un processus de recherche d'une solution politique à la question kurde sous l'égide de la CSCE, de l'Union européenne et de l'ONU, soit, si Ankara persiste dans sa politique actuelle, lui retirer tout soutien politique, financier et militaire et l'exclure de nos institutions occidentales où sa présence ne pourrait que nos discréditer et nos déshonorer."

FERMETURE DU PARTI DE LA DEMOCRATIE (DEP)

    Le Parti de la Démocratie (DEP), le seul parti légal qui défendait les droits du peuple kurde, fut fermé le 16 juin par le Tribunal Constitutionnel et treize députés kurdes ont été privés de leurs fonctions législatives. Alors que six d'entre eux sont déjà en prison, la CSE d'Ankara a déjà annoncé que sept autres le seraient également pour déclarations séparatistes.
    Suite à cette décision, l'ancien président du DEP, Yasar Kaya, et cinq députés du parti, Remzi Kartal, Mahmut Kilinc, Zübeyir Aydar, Nizamettin Toguc et Ali Yigit ont donné une conférence de presse le 17 à Bruxelles pour annoncer qu'ils mèneraient une campagne internationale contre cette décision anti-démocratique.
    Tous ces députés, et deux autres qui sont restés en Turquie, Sedat Yurttas et Selim Sadak, risquent une arrestation par le Procureur de la CSE d'Ankara.
    Avant que la décision de fermeture soit prise, en solidarité avec le Parti de la Démocratie (DEP), un bureau international avait été ouvert à Bruxelles, le 26 mai 1994.
    A la cérémonie d'ouverture du Bureau International de Solidarité avec le DEP ont assisté le président d'honneur de ce parti, Yasar Kaya, le vice-président, Remzi Kartal, ainsi que des députés belges et kurdes.
    Dans un discours prononcé lors de la cérémonie, Yasar Kaya a déclaré: "Le DEP n'est pas un parti ordinaire. Il s'appuie sur l'héritage de 56 martyrs du Parti Travailliste du Peuple (HEP), prédécesseur du DEP fermé par le Tribunal Constitutionnel. Le DEP est un parti politique qui lutte pour la démocratie et les droits de l'homme en Turquie. Il s'agit d'un parti démocratique de masse revendiquant des droits démocratiques pour le peuple kurde.
    "Je voudrais souligner que le DEP n'est pas un parti séparatiste. Il se bat pour la démocratie et les droits du peuple kurde dans une Turquie unie. Aujourd'hui aucun des autres partis représentés au Parlement Turc n'est en mesure de reconnaître l'identité kurde et d'établir un rapport sur la Question kurde. Cette situation est essentiellement le fruit de 70 ans d'interdits sur ce problème.
    "Le président d'honneur d'une formation politique ne dirige pas ses activités politiques. Fidèle à l'idéologie et au programme du parti, il demeure un observateur et apporte une contribution morale et intellectuelle. Cependant, je ne me trouve pas dans ce cas. Le président de mon parti, Hatip Dicle, et nos députés, Ahmet Türk, Leyla Zana, Sirri Sakik et Orhan Dogan sont en prison depuis plus de 70 jours. Les bureaux du parti ont été détruits le 2 février par une explosion qui a tué une personne et blessé 16 autres. Précédemment, le 4 septembre 1993, nos députés ont été assassinés: le député Mehmet Sincar, deux représentants provinciaux, Habib Kilic et Metin Özdemir sont devenus des martyrs, et le député Nizamettin Toguc a été gravement blessé.
    Pour une déclaration que j'avais faite le 15 septembre 1993, je fus arrêté par la CSE d'Ankara. Si l'on exclue les périodes des putschs militaires, je suis le seul président de parti à avoir été arrêté dans un régime parlementaire. Je suis resté en prison pendant trois mois. Nos 80 martyrs sont le résultat des multiples attaques que le DEP a souffert, un record mondial."
    Le Bureau International de Solidarité avec le DEP à Bruxelles est présidé par Yasar Kaya. Le sénateur belge Germain Dufour collabore avec le bureau en tant que secrétaire et le sénateur Paul Pataer en tant que membre.
    (Bureau International de Solidarité avec le DEP - Avenue Louise 129 A - 1050 Bruxelles, Tél: 32-2-539 30 33, Fax: 539 38 87).

PROLONGATION DE L'ETAT D'URGENCE

    Le 8 juin l'Assemblée Nationale prolongeait l'état d'urgence pour la 21e fois et ce pour quatre mois dans les 10 provinces du Kurdistan. Malgré la promesse de lever le régime semi-militaire, le Parti Populiste Social Démocrate (SHP) a voté en faveur de la prolongation.
    Au cours de l'agité débat parlementaire, le député du DEP Mahmut Kilinc a critiqué l'option militariste du gouvernement pour résoudre la Question kurde et a déclaré: "Tout pays abordant le problème kurde et approchant le peuple kurde dans le Moyen-Orient d'une manière humaine et contemporaine gagnera leur sympathie. Vous avez tort si vous pensez qu'en tuant cinq ou dix mille militants du PKK vous allez résoudre le problème. Supposons que vous éliminiez le PKK, comment préviendrez-vous l'apparition d'un autre PKK?"
    Kilinc a également souligné que 28 Kurdes avaient été tués récemment à Adiyaman, traînés par les pieds, mis dans des bennes à ordures et enterrés dans une fosse commune. "En ce moment, le village de Levrek, dans la ville de Beytulsebap, à Hakkari, et deux hameaux, sont en train de brûler. Si vous ne le croyez pas, téléphonez maintenant. Le numéro de téléphone est le 311.22.61. Le code de la région est le 488."
    Par ailleurs, faisant allusion aux mystérieux assassinats de plusieurs hommes d'affaires kurdes, Kilinc a accusé la Premier Ministre d'avoir incité les assassins.
    "Voyez ce qu'a dit la Premier Ministre pendant une conférence de presse le 4 novembre 1993. `Nous connaissons les noms des hommes d'affaires et des artistes desquels le PKK reçoit de l'argent et nous leur demanderons des comptes'. Voyez ce qui est arrivé par la suite. Behcet Cantürk a été enlevé le 15 janvier 1994 et finalement assassiné. Fevzi Aslan et son neveu Salih Aslan ont été kidnappés et assassinés le 28 mars 1994. Halil Alpsoy a été arrêté à Istanbul le 17 mai. Il fut retrouvé mort le 24 mai près de Kirikkale. L'avocat de Behcet Cantürk, Yusuf Ziya Ekinci, a été tué. Savas Buldan, Haci Karay et Adnan Yildrim ont été assassinés. Est-ce que les policiers et ceux qui contrôlent les radios et les armes ont le droit de tuer ces personnes? Si un Premier Ministre dit, `1.250 noms ont été fichés', elle peut les révéler et alors les forces de police et le procureur pourront prendre les mesures nécessaires. Un Premier Ministre ne peut pas demander des comptes", conclut Kilinc.
    Le Ministre de l'intérieur, Nahit Mentese, au lieu de désavouer ces assassinats a accusé le député du DEP de parler comme s'il était un représentant du PKK et a demandé à l'Assemblée Nationale de voter en faveur d'une prolongation de l'état d'urgence.

UN SYNDICALISTE EMPRISONNE

    L'ancien président du Syndicat des Travailleurs du Pétrole (Petrol Is), Münir Ceylan, fut emprisonné le 1er juin à la prison de Saray, située à Tekirdag, où il purgera une peine de 20 mois de prison. Ceylan a été jugé en vertu de l'Article 312 du Code Pénal Turc, suite à la publication d'un article sur l'assassinat de syndicalistes et de personnes progressistes à Batman.
    Rien qu'au cours des trois dernières années, plus de 350 personnes ont été victimes d'assassinats politiques à Batman, le centre nerveux de l'industrie pétrolière de la Turquie. Les forces de sécurité ont été impliquées dans beaucoup d'assassinats. Ceux-ci se produisent également dans le cadre du conflit continuel qui oppose les forces du gouvernement turc aux guérillas du PKK.
    Parmi les victimes de la violence politique figurent des membres du Syndicat des Travailleurs du Pétrole (Petrol-Is), qui compte 62.000 membres.
    Le président du syndicat, Münir Ceylan, a décidé qu'il était temps de parler. Dans un article écrit pour le journal Yeni Ülke, il a lancé un appel aux travailleurs pour qu'ils fassent tout leur possible pour mettre fin à la violence.
    Münir Ceylan a été arrêté et accusé d'inciter à "l'hostilité et la haine". L'article en lui-même ne préconisait pas la violence et ne prêchait pas la haine. Münir a été condamné à 20 mois de prison.

"DANS LES SALLES DE TORTURE DE TURQUIE"

    A jeune Turc qui avait été employé comme tortionnaire pendant son service militaire et avait fui la Turquie en se révoltant contre cette pratique inhumaine, raconte son expérience horrifiante dans un livre publié en néerlandais, Faraç: Dans les salles de torture de Turquie.
    Au cours d'une conférence de presse tenue à Bruxelles le 15 juin 1994, à l'occasion de la parution de son livre, l'auteur Mickaël Suphi a dit: "Ce livre signe mon arrêt de mort. L'organisation pour laquelle j'ai travaillé ne supporte pas la moindre trahison. Mais je ne peux plus me taire."
    Il a ajouté qu'en effet il a reçu plusieurs menaces de mort part téléphone et a été attaqué par des inconnus dans les bois de Geel, dans un pur style commando, pour empêcher la parution de son ouvrage.
    Mickaël Suphi, fils d'une famille immigrée turque, est retourné en Turquie le 24 août 1987 pour faire son service militaire. Ayant connaissance de plusieurs langues étrangères, après un mois de formation à Kütahya, les commandants lui ont proposé de travailler comme interprète et réceptionniste au service de l'Organisation nationale de Renseignements (MIT). Sous l'influence des films d'espionnage américains et dans l'espoir de terminer son service militaire de 18 mois en costume civil il a accepté cette proposition avec grand plaisir. Pourtant, quand il est entré au service du MIT, il s'est rendu compte qu'on lui a réservé la mission d'interroger les suspects sous la torture.
    "Quelques jours plus tard, j'ai été envoyé à Eskisehir. Ils m'ont donné un pseudonyme: Faraç," dit Mickaël. "Les deux premiers jours, Murat, Metin et moi-même avons été sérieusement pris en main par Vedat et Docteur. Ils devaient nous transformer en machines incapables du moindre sentiment. Du lavage de cerveau. De la manipulation. Une vraie destruction de notre personnalité. La mission de Vedat et de Docteur était de nous apprendre tout ce qui fallait savoir en ce qui concerne les tortures, les exécutions, les manipulations et autres saloperies. Tout cela en six semaines. D'abord deux jours de cours théoriques en techniques de torture. Puis réveil toutes les nuits à 2 heures du matin par Vedat, notre chef, afin de mettre en pratique les cours théoriques.
    "Nous sommes arrivés dans la salle de torture. Il y avait trois personnes devant nous. Menottées, les yeux bandés et la bouche fermée par du sparadrap. Trois cobayes pour trois élèves tortionnaires. Un vieil homme d'environ soixante ans et deux hommes dans les trentaines, accusés d'être opposants. Ils ont été torturés tous les trois pendant deux heures. J'ai fait la connaissance de la falaka et du cintre palestinien. Le lendemain, même chose. Nous avons torturé quatre personnes. Un journaliste et trois autres: la cage au chien et le supplice du fromage. Puis, un jour, on ne nous amena plus de soi-disant terroristes. Non, cette fois, il s'agissait d'un enfant de maximum douze ans. C'était un test pour s'assurer que nous étions devenus suffisamment endurcis. Si nous étions capables de torture cet enfant, nous serions capables de torture n'importe qui. A ce moment-là, je me suis rendu compte qu'un enfant ne pouvait pas être terroriste et que probablement tous ces autres prisonniers étaient innocents. Ils avaient été utilisés comme cobayes pour ces traitements inhumains. J'ai refusé. J'avais surmonté mon angoisse. Après cela j'ai été roué de coups, menacé, torturé psychologiquement... L'enfant a été torturé par mes collègues. J'ai pu leur poser la question, mais Metin a baissé la tête et Murat avais les larmes aux yeux. Ces images remontent en moi au cours de mes cauchemars. Quelques heures plus tard, j'ai eu l'énorme chance de pouvoir m'enfuir. Beaucoup de chance et quelques fonctionnaires corrompus... J'ai réussi ainsi à quitter la Turquie et à retourner en Belgique.
    "Vous me demanderez pourquoi je révèle tout ceci seulement aujourd'hui et non pas directement après mon retour en Belgique. Les raisons en sont nombreuses. D'abord, j'avais été conditionné de telle façon que je craignais pour ma vie. Je craignais surtout pour la vie d'autres personnes, telles mes deux collègues, car Vedat nous avait expliqué que nos vies à tous trois dépendaient des autres. Si quelqu'un parlait, les autres disparaîtraient et en paieraient le prix.  J'ai décidé de me taire et d'essayer de tout oublier. Je me suis marié et je n'ai rien dit, ni à ma femme, ni à ma famille ni à mes amis. Ils savaient que j'étais déserteur et qu'il m'était donc impossible de retourner en Turquie. Mais ils ne connaissaient pas la vérité. Ils ne savaient pas qui était Faraç.
    "En 1992, j'ai demandé la nationalité belge. Un an plus tard, en juillet 1993, juste après les élections en Turquie, j'ai reçu un coup de fil. La voix me disait: Faraç... puis des menaces. Je n'avais jamais prononcé ce nom devant personne. J'ai dit adieu à ma famille, à ma femme, à mes amis et j'ai disparu à l'étranger pour écrire tout ce que j'ai vécu. Jusqu'à ce jour, je me sens comme une bombe à retardement dont on entend le tic-tac, mais qui n'explose pas. Aujourd'hui, elle explose, ici, dans cette salle de presse."
    Le livre publié pour le moment uniquement en néerlandais paraîtra également en français au cours du mois de  septembre 1994. (Faraç: Relaas uit de Turkse folterkamers, par Mickaël Suphi, Éditions EPO - Lange Pastoorstraat 25-27, 2000 Berchem, Belgique)

CONTROLE DE VIRGINITE SUR LES FEMMES

    Dans un rapport publié le 5 juin 1994, le Projet Droits des Femmes de Human Rights Watch a accusé le gouvernement turc d'imposer un contrôle de virginité aux femmes en détention policière.
    Le rapport, Une question de pouvoir: Contrôle de la virginité des femmes par l'État en Turquie, précise que la police force les détenues politiques et les délinquantes ordinaires à se soumettre à des examens gynécologiques pour déterminer l'état de leurs hymens. Il souligne également que les fonctionnaires de l'Etat, qui n'insistent pas de la même manière sur la virginité masculine, ont imposé ces tests aux patientes des hôpitaux, aux résidentes des dortoirs publics et aux femmes qui sollicitent un poste public. Ils prennent part également aux examens de contrôle de virginité demandés par des personnalités privées.
    Le rapport conclut que, malgré les promesses du gouvernement turc de s'occuper de ce problème, des agents de l'Etat continuent de prendre part à ces pratiques discriminatoires et envahissantes dans les postes de police et ailleurs. Human Rights Watch demande au Premier Ministre Tansu Ciller et au gouvernement turc de dénoncer publiquement cette pratique et de prendre des mesures contre les responsables.
    Basé sur une mission menée en Turquie en juillet 1993, le rapport documente des cas de contrôle de virginité obligatoire. Dans le cas des détenues politiques, la police soutient que les examens constituent une protection nécessaire contre les abus par les gardiens. En fait, les examens eux-mêmes sont abusifs. Les femmes victimes de ces contrôles prétendent que ceux ci sont dégradants et souvent douloureux. Dans la plupart des cas ils impliquent la menace ou l'usage de la force et l'introduction d'un spéculum ou d'une main dans le vagin.
    Dans un cas examiné par Human Rights Watch deux femmes journalistes ont été arrêtées soupçonnées d'activités politiques et à deux reprises elles ont été obligées de se soumettre aux examens de virginité après qu'un médecin de l'État les ait menacées: "Vous feriez mieux d'accepter l'examen ou eux-mêmes [la police] viendront vous écarter les jambes."
    Les détenues politiques font souvent l'objet de railleries avec les résultats des examens, et les gardiens les menacent de leur ôter leur virginité (le rapport fait état de cas de viol par les gardiens). Parfois elles sont soumises aux examens comme forme de châtiment.
    En ce qui concerne les délinquants supposés, la police considère légitimes les contrôles de virginité obligatoires en vertu des lois qui régissent la morale publique et la prostitution. Le rapport indique comment, plutôt que de suivre la procédure légale, la police abuse de son pouvoir pour contrôler le comportement public, arrête des femmes de manière arbitraire et les oblige à se soumettre à des examens pour déterminer si elles sont vierges ou ont eu des relations sexuelles récentes. En août 1992, la police d'Istanbul à arrêté une grand-mère de 39 ans et deux de ses amies alors qu'elles mangeaient dans un restaurant. Elles n'ont pas été inculpées, mais ont dû se soumettre aux examens contre leur volonté et ont été retenues dans un hôpital public pour maladies vénériennes pendant une semaine.
    La police non seulement soumet les détenues politiques et les délinquantes ordinaires aux examens de contrôle de virginité, elle se braque également sur la virginité féminine dans les cas de délits sexuels. Les examens de virginité constituent un élément habituel dans les enquêtes de police sur les délits sexuels, bien que l'Etat n'insiste pas de la même manière sur la virginité masculine, que cette virginité ne constitue pas une preuve d'attaque sexuelle et que, selon de nombreux gynécologues, la virginité n'est pas vérifiable médicalement. Sous la loi turque, les examens gynécologiques ne devraient avoir lieu qu'à la demande d'un procureur ou d'un juge, pour avoir la preuve qu'il y a eu violence sexuelle (et non de virginité) et seulement avec le consentement de la femme. Mais les autorités turques soumettent, de manière discriminatoire et abusive, les femmes qui portent plainte à des examens de virginité, souvent sans leur consentement.
    Le rapport cite que dans des sociétés aussi différentes que la chinoise et l'italienne, la virginité féminine est considérée comme une importante norme sociale servant d'élément de contrôle du comportement de la femme. Celles qui compromettent leur réputation de femme vierge peuvent être considérées comme immariables ou être injuriées par leur propre famille. La menace de ces conséquences conditionne les femmes à se comporter selon les normes considérées honorables dans leur communauté.
    Le recours par l'Etat à ces examens légitime la régulation de la virginité féminine d'autant plus là où les normes légales se combinent pour assimiler la virginité féminine à l'honneur de la famille ou de l'homme. Le droit de la femme à l'intégrité physique et à la vie privée est subordonné à l'intérêt de la famille, au maintien de son honneur, et ce au travers des examens de contrôle de virginité. Bien que la conduite des personnes privées n'est pratiquement pas abordée dans le rapport, Human Rights Watch se montre préoccupé par l'implication de l'État dans les envahissants et dégradants examens de contrôle de virginité, instigués par des personnes privées.
    Human Rights Watch met en exergue l'effort de certains médecins pour mettre fin à la participation de professionnels de la médecine dans ces abusifs examens de virginité. De nombreux médecins, cependant, continuent de soumettre les femmes et les filles à cette grossière violation de leur intégrité physique. Le rapport lance un appel à toute la communauté médicale pour qu'elle refuse de prendre part à ces examens. Human Rights Watch demande aux écoles de médecine et aux organisations de s'opposer publiquement aux examens de virginité et d'informer les professionnels de la médecine sur leurs droits et leurs responsabilités. Tout le personnel soignant devrait demander le consentement de leurs patientes avant d'effectuer un examen gynécologique.

CILLER MENACE LA GRECE

    Après que la Grèce ait annoncé son intention de porter la limite de ses eaux territoriales à 12 miles, le Premier Ministre Ciller, dans une interview concédée au quotidien Milliyet le 8 juin 1994, a déclaré: "Pour la Turquie, une limite d'eaux territoriales de 12 miles pourrait constituer une cause de guerre dans la Mer Égée. Je débarquerai dans les îles [grecques] en 24 heures si un jour la Grèce commet la folie d'essayer de porter à 12 miles ses limites territoriales, transformant la Mer Égée en une mer grecque.
    C'était en juin 1974 lorsque la Grèce a évoqué pour la première fois la possibilité d'étendre ses eaux territoriales de 6 à 12 miles. La Turquie a réagi durement à cette idée, annonçant que ce serait une "cause de guerre" et se maintient dans cette position depuis 20 ans.
    Bien qu'une convention internationale adoptée par la majorité des pays possédant des côtes reconnaît le droit d'augmenter les eaux territoriales à 12 miles, la Turquie a refusé de signer cette convention.
    L'intention de la Grèce est en train d'être examinée par les plus hauts dirigeants militaires turcs et les autorités civiles. Comme mesure dissuasive initiale, Ankara a décidé d'augmenter la capacité des bases aériennes de l'île de Gökceada et de Selcuk, près d'Izmir.
    Bien que la déclaration guerrière de Ciller fut applaudie par une grande partie des médias, même le Président Demirel n'a pas apprécié ces manifestations et a suggéré à Ciller de se calmer.

CONDAMNE POUR S'ETRE DEFENDU EN KURDE

    Le rédacteur responsable de l'hebdomadaire Welat, Mazhar Günbat, était condamné le 14 juin par la CSE d'Istanbul pour avoir refusé de se défendre en langue turque.
    Au début de son procès, le défendeur avait demandé la présence d'un interprète kurde-turc dans la salle d'audience. "Puisque vous m'inculpez pour des articles écrits en kurde après les avoir traduits en turc, vous devriez également traduire ma défense en kurde." Malgré le rejet de cette requête, Günbat s'est limité à répondre aux questions en kurde. Le juge, prétextant que l'inculpé avait répondu aux questions dans une langue étrange, l'a condamné à deux ans de prison et à payer une amende de 320.000 TL.

CILLER DETRUIT L'ECONOMIE TURQUE

    A peine deux mois après que le Premier Ministre Ciller ait lancé, le 5 avril dernier, son controversé programme de correction des déséquilibres macro-économiques, la galopante inflation de la Turquie a battu de nouveaux records menant l'industrie à la faillite et des milliers de travailleurs au chômage.
    En mai, l'inflation inter-annuelle a atteint le chiffre record de 138,6%, augmentant encore plus rapidement qu'en avril, lorsqu'elle était de 125,3%. Contrairement à ce que disent ceux qui la soutiennent, aucun signe ne permet de dire que l'inflation va diminuer considérablement dans les mois à venir.
    Le livre des records de Ciller ne se limite pas àl'inflation. Les déficits des budgets (interne et externe) et les préjudiciables contrôles monétaires peuvent également être inclus dans la liste:
    Le Trésor a contracté un nouveau prêt pour une valeur de 40 billions de TL en l'espace de 10 jours à un taux d'intérêt record - 50% net sur les bons du trésor à trois mois. La charge des intérêts supportée par le Trésor après deux émissions de bons est de 20 billions de TL pour une période de trois mois. En d'autres termes, le Trésor aura dépensé presque le tiers des recettes fiscales additionnelles pour payer les intérêts.
    Alors qu'un citoyen turc ne payait que 10.000 TL pour acheter un dollar américain au début de l'année, maintenant il doit en payer environ 35.000.
    La dette extérieure du pays a déjà atteint les 70 milliards de dollars.
    Le déficit extérieur annuel tourne autour des 13 milliards de dollars.
    A cette liste noire il faudrait ajouter le coût des opérations militaires contre les Kurdes, estimé par le porte-parole du gouvernement à 10 milliards de dollars par an.
    La catastrophe économique a atteint un tel niveau que pour la première fois dans l'histoire de la République Turque les syndicats et les industriels, confrontés au même danger, ont décidé de se battre côte à côte contre le gouvernement et les banques.
    En fait, ne résistant que trois mois à l'effet de la crise économique, le premier constructeur automobile turc TOFAS, une filiale du plus grand groupe industriel du pays Koc Holding, a licencié 2.404 travailleurs.
    Inan Kirac, directeur général de Koc Holding a mis en garde contre une explosion sociale: "Avant, les travailleurs licenciés pouvaient retourner dans leurs villages et travailler la terre. Maintenant ce n'est plus possible. Ce sont des citadins. Lorsqu'ils auront faim, on courra le danger d'une explosion sociale, la pire des catastrophes."
    Accusant les banques d'imposer des taux excessifs et de pousser les producteurs au bord de la faillite, Kirac a déclaré: "Personne n'achète quoi que ce soit. C'est quelque chose de logique dans une économie où le gouvernement offre 50% nets sur des bons à trois mois. Si les industriels devaient s'effondrer, les banques suivraient. Mme Ciller ne pourra pas les sauver. Nous, les industriels, les détruirons. Voyez ce qui se passera lorsque les débiteurs du secteur industriel ne pourront plus payer leurs dettes."
    Bayram Meral, président de la plus grande fédération syndicale de Turquie, Türk-Is, a précisé que les travailleurs ne reprochaient pas aux employeurs de licencier des travailleurs dans de telles circonstances. "C'est simplement la faute du gouvernement. Comment pourrions-nous accuser les producteurs? Les banques sont en train de les pousser vers la crise."
    La principale responsable de la crise économique, Tansu Ciller, au lieu de s'incliner et de démissionner a remis au FMI, en échange d'un crédit de 725 millions de dollars, une lettre où elle promet de prendre des mesures économiques plus draconiennes au détriment des travailleurs, de geler les salaires et de réduire les prix de soutien agricoles. Le deuxième partenaire de la coalition, le SHP, continue de soutenir toutes les mesures draconiennes proposées par Ciller et partage toute la responsabilité de la débâcle économique.

TERRORISME D'ETAT EN MAI

    Le 1.5, des tireurs inconnus abattent Mehmet Yücel à Batman et Hüseyin Özdemir à Nusaybin.
    Le 1.5, le bureau de l'IHD d'Iskenderun est attaqué et fouillé par la police, le président local de l'IHD, Sadullah Caglar, est arrêté.
    Le 2.5, à Izmir, la police annonce l'arrestation de huit personnes pour activités en faveur du PKK et cinq autres pour activités en faveur du TDKP. A Derik, le candidat du DEP à la mairie, Hadi Kabak, et quatre autres personnes sont arrêtées.
    Le 4.5, des tireurs inconnus abattent Ibrahim Ertas à Diyarbakir.
    Le 5.5, à Mersin, la police fait une descente dans une maison et abat le jeune Nezir Kücük.
    Le 7.5, le commerçant kurde Mehmet Serif Avsar, qui avait été kidnappé à Diyarbakir le 22 avril par des protecteurs de village, est retrouvé mort à Silvan.
    Le 8.5, les bureaux d'Iskenderun et d'Adana de l'Association des Droits de l'Homme (IHD) sont fermés par ordre des gouverneurs de ces provinces.
    Le 8.5, le Ministre de l'Intérieur, Nahit Mentese, affirme qu'un total de 871 villages et hameaux ont été dépeuplés depuis juillet 1987 dans le cadre des opérations menées contre le PKK. Par cette déclaration, les déportations sont confirmées par un membre du gouvernement.
    Le 9.5, la section d'Adana de l'Association pour les Libertés et les Droits (Özgür-Der) est fermée par ordre du gouverneur.
    Le 9.5, des tireurs inconnus abattent Cuma Sezgin à Siverek, le représentant du DEP Medeni Göktepe et Ibrahim Gür à Batman.
    Le 10.5, des tireurs inconnus assassinent Necmettin Kaya à Diyarbakir et Ibrahim Ergül à Batman.
    Le 10.5, la police annonce l'arrestation de 2 membres présumés du Hezbollah à Diyarbakir et Batman après un mois d'opérations.
    Le 11.5, la Cour de Cassation approuve deux peines de mort et les soumet à l'Assemblée Nationale pour être ratifiées. Un des deux condamnés est le membre du PKK Nizamettin Özoglu.
    Le 11.5, Bedel Özkan, chef du village Kurudere, à Hakkari, et le villageois Hasan Ates, arrêtés le 8 mai par les forces de sécurité, sont retrouvés morts hors du village. Les habitants de ce village avaient refusé peu de temps auparavant de servir comme protecteurs de village pro-gouvernementaux.
    Le 11.5, une centaine d'étudiants organisent une manifestation dans la place Kadiköy d'Istanbul pour protester contre le viol d'une étudiante d'une école supérieure, mais la police les disperse de force et arrête 30 manifestants.
    Le 11.5, à Ankara, l'Inspecteur en chef du Ministère de la Santé, Namik Erdogan, kidnappé le 9 mai par des inconnus, est retrouvé mort à Kirikkale.
    Le 12.5, Kamil Gündogan (28), arrêté le 29 avril à Lice par la gendarmerie, est retrouvé enterré au cimetière de la ville. Le médecin légiste a décelé des traces de torture sur son corps.
    Le 12.5, le vice-président de l'IHD, Sedat Aslantas, est arrêté à Ankara en compagnie de son frère Vedat Aslantas. Il est accusé d'avoir signé un communiqué commun avec les organisations démocratiques et les syndicats publié le 27 mai 1993 à Diyarbakir.
    Le 12.5, à Diyarbakir, le chef du village d'Agilli, Nimet Barut, arrêté six jours auparavant par les forces de sécurité est retrouvé mort dans les montagnes
    Le 13.5, l'ancien maire de Diyarbakir, Mehdi Zana est arrêté à Ankara par la police porteuse d'un mandat d'une cour.
    Le 13.5, à Suruc (Urfa), Mustafa Ates est victime d'un assassinat politique.
    Le 14.5, des tireurs inconnus abattent Naci Asutay, Ismail Asutay et Suphi Kaya à Diyarbakir.
    Le 14.5, les forces de sécurité font une descente dans le village de Yolcati, à Bingöl, emmènent les paysans Resit Demirhan et Sabri Akdogan hors du village et les abattent.
    Le 15.5, selon un récent rapport publié par une commission spéciale de l'Assemblée Nationale, 1.477 personnes ont été victimes de meurtres suspects au cours de la période 1984-1993. Les chiffres annuels sont les suivants: 1984 (3), 1985 (5), 1986 (8), 1987 (5), 1988 (24), 1989 (48), 1990 (44), 1991 (68), 1992 (732), 1993 (540).
    Le 16.5, à Diyarbakir, des tireurs inconnus abattent Mehmet Emin Alkan et blessent Aydin Eksi.
    Le 17.5, à Batman, un directeur d'école, Sitki Abdioglu, est abattu par des inconnus.
    Le 17.5, à Istanbul, un groupe d'étudiants manifestant contre la hausse des prix est dispersé par la police. Six d'entre eux sont arrêtés.
    Le 17.5, l'Association Contre la Guerre (SKD) à Istanbul est fouillée et fermée par la police. Au cours de l'opération, dix personnes sont arrêtées. Parmi elles figurent trois Allemands: Walker Thomas, Christon Arnich et Gerhart Lennert. Ceux-ci seraient jugés par la cour militaire de l'Etat-Major turc.
    Le 18.5, à Diyarbakir, l'étudiant d'une école supérieure, Kenan Aydin, est abattu par des inconnus.
    Le 19.5, à Istanbul, les églises Santa Maria et Saint Antoine sont détruites par des bombes placées par des inconnus. Divers appels téléphoniques anonymes adressés aux journaux affirment que les attentats ont été perpétrés par l'organisation islamiste IBDA-C.
    Le 24.5, à Gökcedag (Siirt), quatre bergers arrêtés par la police sont retrouvés morts.
    Le 24.5, Halil Alpsoy, kidnappé le 12 mai à Istanbul, est retrouvé mort sur la route Ankara-Kirikkale.
    Le 25.5, 22 présidents de syndicats et 54 représentants syndicalistes en grève de la faim au parc Guven d'Ankara réclamant des droits syndicaux pour les fonctionnaires publics sont arrêtés par la police.
    Le 25.5, le chef du village Dibek à Diyarbakir, Mehmet Sönmez, et le paysan de 80 ans Ali Yakar affirment avoir été torturés par la police suite à leur détention le 17 mai. Selon eux, ils ont été témoins des tortures infligées à quelque 50 paysans apportés d'autres villages.
    Le 25.5, à Batman, un inconnu est retrouvé mort après avoir été torturé.
    Le 27.5, à Tercan (Erzurum), une foule incitée par un journal de gauche s'est attaquée au Palais de Justice pour lyncher huit personnes soupçonnées d'avoir aidé le PKK.
    Le 27.5, à Diyarbakir, Mehmet Havas, disparu le 25 mai, est retrouvé mort dans un sac.
    Le 27.5, des tireurs inconnus abattent Arafat Ölmez et Türkan Nardan à Adana.
    Le 28.5, à Idil, Hasan Kaya est abattu par des assaillants inconnus.
    Le 28.5, on désactive une bombe à retardement placée dans la maison du Patriarche Orthodoxe grec juste avant le début d'une cérémonie religieuse.
    Le 28.5, à Agri, la police attaque la maison de Mehmet Güler, tue son fils de 11 ans, Tuncer Güler, et blesse un autre fils.
    Le 28.5, à Silvan, un garçon de 12 ans arrêté le 25 mai affirme avoir été torturé par des soldats pour le forcer à révéler l'endroit où se trouvait son frère Mehdi Kahraman.
    Le 31.5, à Ankara, les forces de sécurité annoncent l'arrestation de 12 membres du Dev-Sol et de 4 du IBDA-C après dix jours d'opérations.


PRESSIONS SUR LES MEDIAS EN MAI

    Le 1.5, à Ankara et Istanbul, au cours des festivités du 1e Mai, plusieurs journalistes sont harcelés et battus par la police. Trois correspondants de télévision, Ergün Erdil, Alptekin Aydogan et Bengi Morgül sont maintenus en détention pendant quelques heures et leurs cassettes sont confisquées.
    Le 1.5, la première édition d'une nouvelle publication, Sterka Rizgari, et l'édition N° 102 de l'hebdomadaire Azadi sont confisquées par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
    Le 2.5, le correspondant à Sivas du quotidien Özgür Gündem, Ferec Cobanoglu, affirme avoir été torturé après sa détention en compagnie de plusieurs étudiants universitaires.
    Le 2.5, la Cour de Cassation ratifie la sentence contre le directeur de la Maison d'Édition Pelê-Sor, Zeynel Abidin Kizilyaprak. Il avait été condamné par la CSE d'Istanbul à six mois de prison et à payer une amende de 50 millions de TL pour avoir publié le livre Réminiscences d'un Soldat-Comment nous avons combattu le peuple kurde?
    Le 2.5 le rédacteur responsable du périodique Emegin Bayragi, Haydar Demir, est placé en détention par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste dans plusieurs articles publiés le 17 avril 1994.
    Le 3.5, le Secrétaire Général de l'IHD Hüsnü Öndül est condamné par la CSE d'Ankara à six mois de prison et à payer une amende de 53.850.000 de TL pour avoir publié un article du sociologue Ismail Besikci dans le Bulletin de l'IHD. La cour a également condamné Besikci à trois ans de prison et à payer une amende de 250 millions de TL pour avoir fait de la propagande séparatiste dans l'article mentionné.
    Le 3.5, une publication récente de l'IHD sur les villages kurdes par les forces de sécurité intitulée Rapport de 1993 sur le Sud-est est confisqué par la CSE d'Ankara pour propagande séparatiste. Pour la même raison, le Procureur de la CSE a introduit une action en justice contre les représentants de l'IHD.
    Le 4.5, la Cour de Cassation ratifie la condamnation de la rédactrice responsable de Devrimci Proletarya, Naile Tuncer, qui avait été condamnée par la CSE d'Istanbul à deux ans de prison et à payer une amende de 100 millions de TL. Elle a déjà purgé une peine ratifiée précédemment à la prison de type A de Canakkale.
    Le 5.5, la Cour de Cassation ratifie la condamnation du rédacteur responsable du périodique Mücadele, Namik Kemal Cibaroglu, qui avait déjà été condamné par la CSE d'Istanbul à six mois de prison et à payer une amende de 50 millions de TL. Cette cour a également ratifié une amende de 100 millions de TL contre le propriétaire du magazine, Gülten Sesen.
    Le 5.5, le rédacteur de la Maison d'Édition Basak, Hikmet Kocak est condamné par la CSE d'Ankara à six mois de prison et à payer une amende de 100 millions de TL pour avoir publié le livre Nous avons transformé l'aube en Newroz. Basak avait déjà été jugé deux fois pour ce livre; le premier procès avait donné lieu à une condamnation et le second à un acquittement. L'auteur du livre, Edip Polat purge actuellement deux ans de prison.
    Le 6.5, la peine de 20 mois de prison et l'amende de 208 millions de TL d'amende imposées à l'auteur Namik Bektas pour son livre La loi de la résistance et du renouveau sont ratifiées par la Cour de Cassation.
    6.5, l'éditrice Ayse Nur Zarakolu, directrice de la maison d'édition Belge, est mise en prison in Istanbul pour cinq mois pour avoir publié un livre du sociologue Ismail Besikci, Le Programme du parti républicain du peuple (CHF) et la Question kurde.
    Le 6.5, le périodique Devrimci Proletarya est fermé pour un mois et Mücadele pour 15 jour après que les sentences de la CSE aient été ratifiées.
    Le 6.5, le sociologue Ismail Besikci est une nouvelle fois condamné par la CSE d'Istanbul à deux ans de prison et à payer une amende de 100 millions de TL pour divers articles publiés dans le journal Özgür Gündem le 18 décembre 1992. Dans le même procès, le propriétaire du journal Yaser Kaya est condamné à payer une amende de 100 millions de TL et le rédacteur responsable, Isik Yurtcu, écope d'une peine de prison de six mois et d'une amende de 50 millions de TL.
    6.5, la CSE d'Ankara condamne Ismail Besikci à une peine de prison de trois mois et une amende de 250 million TL pour un article, Les valeurs morales de l'humanité, paru dans le bulletin d'information IHD. Le Secrétaire général de IHD, Hüsnü Öndül est également condamné à six mois en prison et une amende de 53 million TL. 
    Le 6.5, la CSE d'Istanbul, dans quatre procès différents contre Özgür Gündem, condamne le rédacteur responsable Seyh Davut Karadag a un an de prison et à payer une amende de 276 millions de TL, et inflige une amende de 552 millions de TL à l'éditeur Yasar Kaya.
    Le 6.5, un journaliste de l'hebdomadaire Azadi, Ibrahim Aksoy est condamné par la CSE à deux ans prison et à payer une amende de 250 millions de TL pour un article publié le 10 janvier 1993. La cour a également condamné le rédacteur responsable Sedat Karakas à six mois de prison et à verser une amende de 50 millions de TL. Elle a également imposé une amende de 100 millions de TL à l'éditeur Ikramettin Oguz.
    Le 7.5, le N° 39 du périodique Taraf, le N° 3 de Halkin Gücü, le N° 103 d'Azadi, le N° 11 de Newroz et le N° 95 de Mücadele sont confisqués par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
    Le 8.5, neuf personnes qui rendaient visite à un membre du groupe musical Yorum, Kemal Sahir Gürel, détenu à la prison de Corlu, sont arrêtées. Les détenus, libérés pendant la nuit, ont déclaré avoir été battus, insultés et menacés au poste de police.
    Le 9.5, les bureaux d'Adana des périodiques Medya Günesi, Barikat et Alinteri sont visités et fouillés par la police. De nombreux documents et publications sont confisqués.
    Le 10.5, le livre Le nouvel ordre mondial et la Turquie, édité par les journalistes Hidir Göktas et Metin Gülbay, est confisqué par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste. Le livre contient des interviews du Vice-Premier Ministre Karayalcin, du Ministre de la Culture Fikri Sönmez, du président de l'ANAP Mesut Yilmaz et du président du DEP Hatip Dicle.
    Le 11.5, le journaliste auteur Ragip Zarakolu est condamné par la Haute Cour Criminelle N° 2 d'Istanbul à une peine de prison de dix mois pour avoir insulté les forces de sécurité de l'État dans un article publié le 11 novembre 1993 par Özgür Gündem. La cour a également imposé la même peine au rédacteur responsable du journal, Erkan Aydin.
    Le 11.5, le N° 5 de la revue d'art Marksist est confisqué par la CSE d'Istanbul.
    Le 12.5, le sociologue Ismail Besikci est une nouvelle fois condamné par la CSE d'Istanbul à deux ans de prison et à payer une amende de 250 millions de TL pour un article publié par Özgür Gündem le 12 août 1993. Dans le même procès, le propriétaire du journal Yasar Kaya est condamné à payer une amende de 273.650.000 de TL. Suite à cette nouvelle condamnation, le peines infligées à Besikci comprennent 34 ans et 11 mois de prison et des amendes pour un total de 2 milliards 18 millions de TL. 8 ans et 6 mois de prison et 250 millions de TL d'amende ont déjà été ratifiés par la Cour de Cassation. Besikci purge sa peine dans la prison d'Ankara.
    Le 12.5, l'ancien rédacteur responsable d'Özgür Gündem, Seyh Davut Karadag, est condamné par la CSE d'Istanbul à deux ans de prison et à payer une amende de 321 millions de TL pour divers articles publiés le 24 mai 1993. Dans le même procès, l'ancien propriétaire d'Özgür Gündem Yasar Kaya a également écopé d'une amende de 284.400.000 de TL.
    Le 13.5, l'hebdomadaire Azadi est fermé pour quinze jours suite à la ratification d'une décision d'une cour. La Cour de Cassation a également ratifié une peine de 18 mois de prison et une amende de 230 millions de TL contre le rédacteur responsable du journal, Sedat Karatas, ainsi qu'une amende de 250 millions de TL contre l'éditeur Ikramettin Oguz.
    Le 15.5, le rédacteur responsable du quotidien Özgür Ülke, Kemal Ikea, est arrêté par la CSE d'Istanbul pour divers articles publiés au cours de la semaine précédente.
    Le 17.5, l'ancien rédacteur responsable d'Özgür Gündem, Seyh Davut Karadag, est condamné par la CSE d'Istanbul à six mois de prison et à payer une amende de 121 millions de TL pour plusieurs articles qu'il avait publiés le 25 juin 1993. Le propriétaire du journal, Yasar Kaya, a également écopé d'une amende de 242.514.000 de TL. La cour a également décidé de fermer Özgür Gündem pour quinze jours.
    Le 17.5, le N° 2 de Devrimci Alternatif et le N° 23 d'Iscinin Yolu sont confisqués par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
    Le 18.5, le correspondant à Izmir d'Özgür Ülke, Mehmet Ünay, est arrêté par la police.
    Le 19.5, la Cour de Cassation ratifie la sentence contre le rédacteur responsable d'Özgür Halk, Hasan Tepe, qui avait été condamné à deux ans et six mois de prison et à payer une amende de 150 millions de TL. La cour a également ratifié les 200 millions d'amende imposés au propriétaire du périodique, Haydar Demir.
    Le 22.5, le N° 16 du périodique Alinteri, l'édition spéciale d'Halkin Gücü et le N° 116 d'Emegin Bayragi sont confisqués par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
    Le 23.5, le correspondant à Adana d'Özgür Ülke, Ihsan Kurt, est arrêté par la police.
    Le 25.5, le N° 1 du périodique Denge Azadi, le N° 14 de Devrimci Cözüm ainsi que le mensuel Hedef sont confisqués par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
    Le 25.5, le directeur de la Maison d'Édition Sorun, Sirri Öztürk, est incarcéré pour purger une peine de cinq mois de prison dont il avait écopé pour avoir publié le livre Anthologie des Poèmes de Prison 1980-1990.
    Le 25.5, le rédacteur responsable de la revue Yurtsever Emekciler, Cezmi Özdemir, est condamné par la CSE d'Istanbul à six mois de prison et à payer une amende de 50 millions de TL en vertu de la Loi Anti-terreur.
    Le 26.5, à Izmir, le Procureur Public interdit l'impression et distribution d'un tract de l'IHD contre les actes de racisme.
    Le 26.5, la Cour de Cassation Militaire ratifie la condamnation de l'ancien président de l'Association Anti-guerre, Aytek Özel, qui avait été condamné par la cour militaire de l'État-major à deux mois de prison et à payer une amende de 160.000 TL pour un article qu'il avait rédigé pour le magazine Bakaya.
    Le 27.5, cinq représentants de l'IHD d'Izmir sont condamnés par une cour pénale à 18 mois de prison et à payer 150.000 TL chacun pour avoir convoqué une manifestation le 12 septembre 1992 dénonçant les traitements inhumains infligés aux détenus politiques dans la prison de Buca. La cour condamne également 29 personnes, membres des familles des prisonniers, à 18 mois de prison pour avoir participé à cette manifestation.
    Le 7.5, un ancien rédacteur d'Özgür Gündem, Besim Döner, est condamné par la CSE d'Istanbul à six mois de prison et à payer une amende de 63 millions de TL pour un article qu'il avait publié le 3 octobre 1993. Le même jour, deux autres anciens rédacteurs d'Özgür Gündem, Kamil Celikten et Kenan Sahin, écopent de deux amendes respectives de 135 et 50 millions de TL. Dans les mêmes procès, la cour condamne également le propriétaire du journal, Yasar Kaya, à payer un total de 399 millions de TL d'amende.
    Le 27.5, la journaliste Naile Tuncer est condamnée par la CSE d'Ankara à un an de prison et à payer une amende de 250 millions de TL pour son livre L'occupation du Bosphore. La cour a également condamné le directeur de la Maison d'Édition Yurt, Ünsal Öztürk, à un an de prison et à payer une amende de 250 millions de TL pour avoir publié ce livre. Naile Tuncer, éditrice du magazine Devrimci Proletarya a purgé une peine de huit mois qui lui avait été imposée auparavant.
    Le 27.5, le rédacteur du magazine Özgür Gelecek, Mustafa Demirdag, est arrêté pour divers articles qu'il a publiés le 16 mai.
    Le 28.5, la chaîne de télévision privée Kanal 6 est condamnée à payer une amende de 48 millions de TL pour avoir diffusé le film Voyageurs de Rêve, qui contient quelques scènes de relations lesbiennes.
    Le 8.5, le correspondant à Eskisehir du périodique Mücadele, Hamit Akyüz, est attaqué et blessé par un militant néo-fasciste du MHP.
    Le 29.5, des éditions récentes de cinq publications, Emegin Bayragi, Newroz, Denge Azadi, Dogru Secenek et Sterka Rizgari, sont confisqués par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
    Le 30.5, un ancien rédacteur d'Özgür Gündem, Kamil Celikten, est condamné par la CSE d'Istanbul à six mois de prison et à payer une amende de 68 millions de TL pour propagande séparatiste. Dans six autres procès contre le même journal, deux anciens rédacteurs, Isik Yurtcu et Seyh Davut Karadag, sont respectivement condamnés à payer deux amendes de 847 et 45 millions de TL. L'éditeur Yasar Kaya a également écopé d'une amende de 908 millions de TL.

UN DOSSIER SUR L'OPPRESSION DES ASSYRIENS

    A coté des Kurdes, d'autres peuples minoritaires du Moyen-Orient, notamment les Assyriens, subissent la persécution des puissances régionales. Pour attirer l'attention à cette situation dramatique, l'Organisation démocratique assyrienne (ADO) et l'organisation Droits de l'Homme Sans Frontières ont publié un dossier et l'ont rendu public au cours d'une conférence de presse tenue à la Maison des parlementaires à Bruxelles le 1er juin 1994.
    Dans le dossier figure, parmi d'autres, la liste de 200 villages assyriens détruits depuis trente ans and la liste de 24 Assyriens assassinés en Turquie depuis 1990.
    Au cours de la conférence de presse présidée par le sénateur belge Willy Kuijpers, des réfugiés assyriens originaires de Turquie, d'Irak, de Syrie et d'Iran sont venus témoigner de la persécution croissante dans ces pays.
    Les Assyriens de Turquie  ont déclaré qu'avec la montée du fondamentalisme musulman lors des dernières élections municipales turques, leur sécurité ne peut même plus être garantie par l'anonymat des grandes villes.
    Le dossier contient les recommandations suivantes pour assurer la sécurité des Assyriens:
    Aux autorités turques:
    - Assurer la sécurité de la vie et des biens des Assyriens de Tur Abdin et afin qu'ils puissent continuer à vivre sur la terre de leurs ancêtres dans la dignité, la paix et la liberté, sans crainte de violences et de représailles.
    - Bannir toute forme de violence gratuite de la part des forces de police et des militaires contre les villages assyriens et leurs habitants et de poursuivre en justice quiconque se serait livré à de tels actes ou en aurait donné l'ordre.
    - Mener des enquêtes diligentes et approfondies afin que soient découverts et traduits en justice les responsables des assassinats.
    - Permettre aux Assyriens de créer des associations culturelles, de parler publiquement et d'enseigner leur langue, d'entretenir leur patrimoine artistique et architectural, de restaurer et d'agrandir leurs églises, leurs monastères.
    - Respecter la liberté religieuse des Assyriens, quelle que soit leur confession.
    A l'ONU:
    - Appliquer pleinement la résolution 688 du Conseil de Sécurité qui prévoit de mettre immédiatement fin à la répression en Irak.
    - Maintenir une présence permanente auprès des populations assyrienne et kurde du norde de l'Irak afin de leur fournir une aide humanitaire selon leur besoin.
    - Garantir un accès aux organisations humanitaires à ces même populations en Irak.
    - Lever de manière sélective les sanctions prises par les Nations Unies envers la région du Nord de l'Irak soumise à un double embargo.
    Aux  parlements européen et belge:
    - Faire pression sur les autorités turques et irakiennes afin qu'elles mettent en œuvre les recommandations énumérées ci-dessus.
    - Suspendre leurs livraisons d'armes à la Turquie.
    - Débloquer les capitaux gelés afin de reconstruire la région du Nord de l'Irak.
    - Reconnaître l'ethnie assyrienne et à cette fin, remplacer sur les cartes d'identités délivrées:
        "Réfugié ONU, originaire de Turquie" par
        "Réfugié ONU, d'origine assyrienne" comme cela se pratique déjà pour les Arméniens ou les Kurdes de Turquie.
    - Permettre aux familles assyriennes réfugiées dans les pays de l'Union européenne de choisir librement les prénoms de leurs enfants et de ne pas limiter leur choix à une liste préétablie et religieusement censurée par les ambassades turques.
    - Autoriser la communauté assyrienne à enseigner sa langue dans les établissements scolaires d'enseignement général s'il y a une demande suffisante.
    Aux ONG humanitaires:
    - Prendre des initiatives afin de contribuer au développement économique de la communauté assyrienne.
    - Soutenir financièrement des projets en Irak comme en Turquie:
        • de reconstruction de villages assyriens et de leurs édifices religieux;
        • d'irrigation et d'extension de terres cultivables;
        • de modernisation d'équipement agricole.

DEUXIEME CONQUETE D'ISTANBUL, PAR LE RP

    Après les violentes manifestations "Bosna" à Ankara et à Istanbul suite à leurs succès électoraux, l'islamiste RP a convoqué sa deuxième action massive à l'occasion du 541e anniversaire de la Conquête de Constantinople (Istanbul) par le Sultan Mehmet.
    Une cérémonie organisée au stade Ali Sami Yen d'Istanbul le 29 mai 1994 par le maire d'Istanbul, militant du RP, fut transformée en une démonstration de force pour ce parti.
    L'événement commença par des défilés musicaux interprétés par la Bande de Musique Martiale Ottomane. Mais lorsque vint le moment des prières du soir, la cérémonie fut interrompue pendant 15 minutes pour que les milliers de personnes rassemblées puissent prier sur la pelouse.
    Lorsqu'il a pénétré dans le stade à bord d'une décapotable, Erbakan fut acclamé par la foule qui chantait, "Le brave leader du monde islamique", et "Voici l'armée, voici le commandant."
    Dans ses discours, les leaders du RP, ont promis de transformer le Musée Sainte-Sophie en une mosquée si leur parti arrive au pouvoir dans les prochaines élections.
    D'autre part, le pouvoir municipal, contrôlé par le RP, a déjà commencé à imposer les concepts conservateurs de la vie culturelle. Le maire métropolitain d'Ankara, Melih Gökcek, a fait enlever deux sculptures d'un parc public sous prétexte qu'elles étaient "obscènes." Il a déclaré: "Nous les avons enlevées du parc, parce qu'elles étaient totalement contraires aux valeurs morales. Je crache sur ce genre d'art. Il n'y aura pas d'art immoral."
    Les sculptures interdites, "Passion" d'Azade Köker et "Au pays des Nymphes" de Mehmet Aksoy sont maintenant entreposées.
    Le 2 mai le quotidien Cumhuriyet rapportait que des cellules du RP s'étaient infiltrées dans le Ministère de l'Intérieur. Quelque 700 des 1.500 principaux postes ministériels dans tout le pays (comme les gouverneurs provinciaux et municipaux ou les inspecteurs) seraient proches du RP. Des 76 gouverneurs provinciaux que compte le pays, 24 ont déjà fait un pèlerinage à la Mecque au cours des dernières années, invités par les autorités de l'Arabie Saoudite.

REUNION GENERALE DU RP EN BELGIQUE

    Une autre démonstration de force a eu lieu le 11 juin 1994 à Anvers. La partie européenne du RP, les Organisations de Vision Nationale en Europe (AMGT), a célébré son congrès annuel dans le plus grand hall de sport de la ville et a accueilli quelque 30.000 islamistes venus de tous les pays européens.
    Dans son discours, le président du RP, Necmeddin Erbakan, a déclaré: "Notre but est d'obtenir la majorité absolue à l'Assemblée Nationale, nécessaire pour modifier la Constitution. Il n'est plus possible d'interrompre la tempête Ordre Juste qui s'est levée aux élections du 27 mars 1994."
    Plusieurs maires élus sur la liste du RP étaient également présents au congrès comme "invités d'honneur."
    Les leaders de l'AMGT ont une fois de plus souligné dans leurs discours l'objectif de faire de l'islam la religion la plus forte en Europe grâce à la présence de millions de travailleurs immigrés musulmans et d'y établir également "l'ordre juste" du RP.

NOUVELLES ATTAQUES RACISTES CONTRE LES TURCS

    Le 12 mai 1994, "dans une chasse à l'étranger" des néo-nazis s'en sont pris à des établissements de restauration tenus par des Turcs à Magdeburg, ceux-ci ont riposté avec des couteaux provoquant une sanglante mêlée qui a provoqué de graves blessures à au moins six personnes.
    Les Turcs portaient secours à d'autres étrangers venus se réfugier dans leurs locaux. Plus tard, les néo-nazis se sont accrochés avec des groupes de gauche défendant également les étrangers et, à la tombée de la nuit, quelque 50 néo-nazis provoquant des bagarres dans le centre-ville ont été arrêtés.
    Ce saccage, provoqué par les marchands de haine, fut l'un des plus graves de l'Allemagne unifiée et le pire qu'ait souffert Magdeburg, capitale d'un État allemand située à 120 km à l'est de Berlin.
    Deux semaines plus tard, le 28 mai 1994, quelque 4.000 personnes ont manifesté contre le racisme à Solingen, au milieu d'un important dispositif policier, pour marquer le premier anniversaire de l'incendie criminel d'origine néo-nazie qui a coûté la vie à cinq immigrants turcs.
    La violence néo-nazie a tué au moins 30 personnes depuis l'unification allemande en 1990.
    Les manifestants et les porte-parole ont demandé que les autorités allemandes interdisent les plus de sept groupes néo-nazis déclarés hors-la-loi en 1992 et ont exigé davantage de droits pour les résidents étrangers, qui représentent 6,5 millions de personnes sur une population totale de 80 millions.
    Quatre activistes de droite allemands ont été jugés le 13 avril pour meurtre et incendie criminel. Ils sont accusés d'avoir mis le feu à une maison juste six mois après qu'une bombe incendiaire ait tué une femme turque et deux filles dans le nord de Moelln, en novembre 1992.