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A non-government information service on Turkey
Un service d'information non-gouvernemental sur la Turquie



216

18e année - N°216
Octobre 1994
38 rue des Eburons - 1000 Bruxelles
Tél: (32-2) 215 35 76 - Fax: (32-2) 215 58 60
 Rédacteur en chef: Dogan Özgüden - Editrice responsable: Inci Tugsavul
 

LES VILLAGES DE DERSIM EN FLAMMES

    "Les soldats nous ont demandé de sortir et ont réduit l'endroit en cendres. Des familles entières sont restées sans rien. Nous sommes dévastés. Laissons ceux qui aiment Tunceli pleurer pour lui!" Tels étaient les télégrammes de désespoir envoyés par les villageois vers la capitale.
    Tunceli signifie le pays du bronze!
    Tunceli est la terre ancestrale des Kurdes et des Alévis!
    Tunceli ne s'appelle comme ça que depuis les années 30. Avant elle s'appelait Dersim.
    Dersim fut le théâtre de nombreuses révoltes kurdes contre la répression nationale.
    Dersim avait été mis à feu à de nombreuses reprises par l'Etat.
    Pour oublier ce drame, les dirigeants d'Ankara avaient rebaptisé la région du nom de Tunceli.
    Bien qu'elle a été effacée des cartes officielles de Turquie, Dersim est toujours là: la Dersim des Kurdes... la Dersim des Alévis... la Dersim de la résistance populaire!
    C'est cette Dersim qui, en 1994, est de nouveau la cible du vandalisme de l'Etat!
    ..........
    Le 5 octobre 1994, Reuter rapportait que les forces de sécurité turques avaient incendié 17 villages au cours d'une intense offensive de deux semaines contre les séparatistes kurdes dans les lointaines provinces orientales de Tunceli. Selon cette même agence, le 12 octobre, le nombre de villages incendiés s'élevait à 30.
    C'est la phase finale d'une vaste opération militaire destinée à dépeupler les villages kurdes.
    Les forces de sécurité turques ont dépeuplé jusqu'à 1.400 villages et hameaux du sud-est de la Turquie dans leur lutte contre le PKK, selon Human Rights Watch/Helsinki, qui a demandé qu'une enquête soit ouverte.
    Dans "Déplacement forcé de l'ethnie kurde dans le sud-est de la Turquie", publié le 19 octobre 1994, Human Rights Watch apporte des documents sur les abus des forces de sécurité turques au cours des 10 ans de campagne contre les guérillas du PKK. Dans un effort destiné à priver le PKK de sa base de soutien logistique, les forces de sécurité ont expulsé les villageois manu militari de leurs villages et dans certains cas elles ont détruit leurs maisons. La torture et les arrestations arbitraires accompagnent souvent ces expulsions. Les forces de sécurité s'en prennent surtout aux villages qui refusent de se joindre au système des gardiens de village ou à ceux qui offrent aliments et refuge aux combattants du PKK. Ce rapport fut envoyé au Premier Ministre Ciller accompagné d'une lettre insistant sur le caractère déplorable de ces pratiques et exigeant leur interruption immédiate.
    Le résumé du rapport dit ceci:
    "Depuis 1993, le déplacement des populations civiles dans le sud-est de la Turquie est devenu un phénomène courant en raison de l'intensification de la lutte entre le PKK et les forces gouvernementales. Arrivé au pouvoir au milieu de l'année 1993, le gouvernement du Premier Ministre Ciller déclarait qu'il vaincrait le PKK militairement. Le PKK, de son côté, a cherché à intensifier ses opérations et à recruter d'avantage de combattants. A propos de la stratégie militaire adoptée par l'Etat contre le PKK, l'ancien chef de l'Etat-Major turc, Dogan Güres, précise, `Nous avons changé le concept. Nous appliquons maintenant un système de domination de la région. Nous n'avançons pas vers les terroristes... `Nous les privons de soutien logistique - une stratégie qui vise à les priver d'approvisionnement pour qu'ils se rendent.
    "Ces déplacements se sont fortement intensifiés au cours d'une opération de trois semaines menée dans la province de Tunceli à la fin du mois de septembre 1994. 40.000 soldats turcs ont passé la province au peigne fin à la recherche de membres du PKK, brûlant trente villages et hameaux. Le vice-premier ministre Karayalcin et le ministre des Droits de l'homme, Azimet Köylüoglu, ont visité la région. Ce dernier a qualifié les incendies et les déplacements de "terrorisme d'Etat", et a ajouté que "les forces de sécurité devraient éviter la psychologie de l'incendie et la destruction dans leur lutte implacable contre le terrorisme. Les villageois évacués doivent recevoir des aliments et un abri... Nous ne pouvons même pas leur fournir des tentes du Croissant Rouge.
    "Jusqu'à la semaine dernière il n'existait pas de chiffres officiels exacts quant au nombre de personnes déplacées et des villages évacués de force. Le nombre de villages et hameaux totalement ou partiellement évacués est estimé à pas moins de 1.000. Bien qu'une partie limitée des migrations semble économiquement justifiée, la plupart semblent forcées. Le nombre de civils déplacés dans le sud-est de la Turquie atteint les deux millions. Le 11 octobre 1994, le ministre des Droits de l'homme Köylüoglu affirmait que deux millions de personnes ont été déplacées pendant les dix années de conflit et que 600 villages et 790 hameaux ont été évacués. La moitié d'entre eux l'ont été depuis le début de 1993. D'après la section d'Istanbul de l'Association des Droits de l'Homme Turque, 108 villages et hameaux ont été dépeuplés entre le 9 mai et le 10 juillet 1994.
    "D'autre part, le PKK attaque les villages qui se joignent au système des gardiens de village, tuant souvent des familles entières ainsi que les gardiens et punissant tous ceux qui coopèrent avec l'Etat. Au cours de sa mission en Turquie en août 1994, Human Rights Watch/Helsinki voulut mener une enquête sur cette violence du PKK en s'adressant directement aux victimes et demanda l'accès libre au gouvernement turc. Bien que le Ministère des affaires étrangères avait répondu favorablement, pour des raisons inconnues le bureau du gouverneur de la Loi d'Urgence à Diyarbakir a interdit ces rencontres."

GREVES DE LA FAIM DANS LES PRISONS TURQUES

    Des grèves de la faim se multiplient dans les prisons turques pour protester contre les mauvais traitements et les brutalités. Ces actions ont commencé après la mort d'un détenu, Ramazan Özüak, tué à la prison de Diyarbakir au cours d'une émeute.
    L'émeute fut déclenchée le 3 octobre lorsque la police a tenté d'emmener un prisonnier au poste de police pour un second interrogatoire.
    Pas moins de 45 prisonniers ont été blessés au cours de l'intervention policière. De nombreuses cellules ont été gravement endommagées et n'étaient plus utilisables.
    Suite à ces sanglants incidents, 300 des 1.350 détenus de la prison de Diyarbakir ont été transférés dans une autre prison à Gaziantep, à environ 370 km au sud-est de Diyarbakir.
    Quelque 3.000 détenus sont en grève de la faim dans les prisons des provinces suivantes: Diyarbakir, Konya, Gaziantep, Malatya, Mardin, Batman, Adiyaman, Elazig, Bursa, Canakkale, Urfa, Ceyhan, Cankiri, Nevsehir, Ankara, Sivas, Yozgat, Buca, Aydin et Bartin.
    Les familles des prisonniers soutiennent que la police a ouvert le feu sur les détenus pendant les incidents de Diyarbakir et que des "centaines" d'entre eux ont été blessés, certains par balle.
    Les familles et les activistes des droits de l'homme accusent la police de maltraiter ou de torturer les prisonniers pendants les interrogatoires.

LE SUD-EST EST TOUJOURS PRIVE D'ENSEIGNEMENT

    Les statistiques publiées par le Ministère de l'Education montrent clairement que la violence politique dans le sud-est de la Turquie perturbe gravement l'enseignement dans la région et menace la sécurité des personnes dans leur vie quotidienne.
    Selon le Ministère de l'Education turc, entre 4.000 et 5.000 des 20.000 enseignants assignés dans le Sud-est ne se présentent plus à leur travail par crainte du PKK. 591 écoles sont fermées en raison du manque de personnel, et 4.000 autres restent fermées par manque de sécurité. A ce jour, 117 enseignants ont été tués dans le Sud-est.
    Au cours des dix ans de lutte contre l'Etat turc, le PKK a pris pour cible les enseignants et les institutions éducatives. A en croire le rapport annuel de 1993 de la Fondation des Droits de l'Homme de Turquie (TIHV), le PKK a assassiné 34 enseignants au cours de cette année.
    Au cours des deux derniers mois, 14 enseignants ont été assassinés par le PKK, telle est l'information qui se dégage des reportages de la presse turque:
    Le 11 septembre 1994, le PKK assassine six enseignants dans le village de Karikent, district de Mazgirt à Tunceli: Metin Kaynar (29), Ali Ihsan Cetinkaya (29), Vedat Inan (25), Buminhan Remizkan (27), Rüstem Sen (29) et Mustafa Kaynarca (29).
    Le 17 septembre, un bus allant de Tunceli à Nazimiye est arrêté par le PKK; un professeur est tué et un autre sérieusement blessé.
    Le 22 septembre, des guérilleros du PKK s'en prennent au village de Cevrimova, dans le district de Besiri, province de Batman, et exécutent les professeurs Adnan Tunca (37) et Mustafa Gümüs (24).
    Le 9 septembre, le PKK assassine un professeur, Sait Korkmaz, au cours d'une attaque contre le village de Kazan, dans le district de Dogubeyazit, province d'Agri.
    Le 10 octobre 1994, des membres du PKK exécutent les professeurs Nurullah Sarac (25), Ali Bulut (27) et Ersoy Yorulmaz (28) au cours d'une attaque contre le village de Taskesenli, dans le district de Tekman, province d'Erzurum.
    Cette même nuit le PKK assassine l'éducateur Ragip Köse (26) au cours d'une attaque contre le village de Katranli, dans la même région.
    Dans un rapport spécial sur le sujet, le directeur général de Human Rights Watch/Helsinki, Jeri Laber, a critiqué le PKK en ces termes: "L'assassinat de professeurs est une claire violation de la loi humanitaire."

CONFISCATION D'UN "DOSSIER SUR LA TORTURE"

    Le bureau des procureurs de la CSE d'Ankara a ouvert récemment une enquête sur la brochure Dossier sur la Torture 1980-1994 préparée par la Fondation des Droits de l'Homme de Turquie (TIHV). Dans le cadre de l'enquête menée en vertu de l'Article 8/1 de la Loi Anti-Terreur, il a été décidé de confisquer la brochure.
    Si un procès est ouvert contre le président du TIHV, Yavuz Önen, et le membre du Conseil d'Administration, Fevzi Argun, qui auraient diffusé de la propagande séparatiste dans diverses publications, il aura lieu à la CSE d'Ankara. Les prévenus risquent alors entre deux et cinq ans de prison.
    La brochure en question aborde les cas de torture et les décès en détention ou en prison, autre dimension des abus des droits de l'homme observée entre le coup-d'Etat du 12 septembre 1980 et le 12 septembre 1994.
    Selon la brochure un total de 420 personnes sont mortes en 14 ans, depuis le coup-d'Etat de 1980. 390 de ces personnes sont mortes dans des centres de détention pendant leurs interrogatoires ou en prison. 13 d'entre elles sont mortes des suites de grèves de la faim tenues dans les prisons pour exiger une amélioration des conditions de réclusion, et 17 autres de maladies résultant de la torture ou de l'impossibilité de recevoir une assistance médicale adéquate.
    "Les effets du système mis en place par le coup-d'Etat du 12 septembre se font toujours ressentir malgré trois élections générales, l'arrivée au pouvoir de différents gouvernements et des centaines de promesses," lit-on dans la brochure.
    "La Constitution et de nombreuses lois rédigées pendant la période militaire sont restées en vigueur pendant 14 ans et sont devenues le point de départ de pratiques inhumaines et de pressions. Les promesses de changement du système n'ont pas été tenues. La `démocratisation' est resté un simple slogan électoral et le `respect des droits de l'homme' reste au stade du concept évoqué lors des déclarations.
    "Des retouches et des amendements légaux insignifiants apportés après la période de la junte militaire ont perdu leur sens devant la magnitude des violations des droits de l'homme. Dans certains cas, ces modifications ont même privé les gens de certains acquis antérieurs. La loi martiale n'est plus d'application, mais en contrepartie on a modifié la Loi sur les fonctions de la police et les autorités, et l'état d'urgence est devenu permanent; les Articles 140, 141, 142 et 163 du Code Pénal ont été supprimés mais la Loi pour combattre le terrorisme a été promulguée; les partis politiques fermés après le coup du 12 septembre ont été à nouveau autorisés mais d'autres partis ont été interdits.
    "L'approche du problème kurde par le gouvernement ne diffère guère de la logique des généraux arrivés au pouvoir le 12 septembre. Jour après jour le problème kurde a gagné en complexité. Les demandes d'une solution démocratique au problème ont été ignorées. Des méthodes militaires, considérées comme la seule solution, ont été introduites et appliquées. Par ailleurs, le PKK, qui a lancé une guerre de guérilla en 1984, a fortement intensifié ses attaques en 1990. Résultant de la lutte entre les administrateurs, qui insistent sur la solution militaire, et le PKK, qui a intensifié ses attaques, le problème kurde se retrouve dans un triangle de violence, pressions et mort, et n'a pratiquement plus d'issue. La situation apparaît plus claire si l'on considère que le nombre de personnes mortes dépasse les 13.000 au cours des 10 ans qui vont du 15 août 1984, lorsque le PKK a lancé la guerre de guérilla, et le 15 août 1994. Le fossé entre la population turque et kurde s'est creusé. Le problème kurde a également causé de grands dommages à l'économie turque. La facture de ce goulot économique pèse sur les travailleurs, les fonctionnaires et les personnes à faibles revenus.
    "Malgré tout ce qu'on a pu dire dans les déclarations ou les explications sur la torture, les cas n'ont pas diminué et on ne semble pas faire grand chose pour les combattre. Les décès en détention, les disparitions après les arrestations, les infirmités résultant de la torture, et les cas de viol et de torture n'ont jamais été prévenus ou fait l'objet d'une intention de prévention. Les tortionnaires ont été protégés, encouragés et récompensés. Les enquêtes sont restées des figures de proue. Le déroulement des procès en suspens ou les sentences triviales ont joué un rôle essentiel dans l'augmentation des cas de torture."

    Victimes de la torture    Rapports médicaux    Femme    Viol-Abus    Enfants

1989-90    329    213    44    8    7
1991    552    218    53    9    15
1992    594    188    93    24    11
1993    827    160    126    22    29
1994 (7 mois)    387    127    117    12    16

TOTAL    2689    906    433    75    78

    Décès en détention    Décès pendant les grèves de la faim    Décès résultant de la torture    Total

1989    11    -    1    12
1990    12    -    3    15
1991    21    -    -    21
1992    17    -    -    17
1993    29    1    7    37
1994 (8 mois)    14    -    -    14

TOTAL    390    13    17    420

LES UNIVERSITES TURQUES PARALYSEES

    Toutes les universités turques sont paralysées depuis le début de la nouvelle année académique en raison du boycott national des professeurs universitaires pour protester contre leurs conditions de vie.
    Un chercheur universitaire reçoit 7 millions de TL (195 $) par mois alors qu'un professeur gagne 19 millions de TL (528 $).
    Les professeurs qui demandent une hausse salariale ne vont plus en classe et les étudiants ne se donnent même plus la peine d'aller à l'université.
    L'Association des membres universitaires a déclaré le 31 octobre "jour de l'avertissement" et a lancé un appel à tous les professeurs pour qu'ils se rassemblent dans les jardins de l'Université d'Istanbul et ne se rendent pas en classe.

QUATRE NOUVELLES CONDAMNATIONS CONTRE BESIKCI

    Le sociologue Ismail Besikci a été condamné récemment dans quatre procès différents a total de six ans et dix mois de prison et à payer 750 millions de TL d'amende.
    Les peines de prison cumulées s'élèvent donc à 58 ans et neuf mois et les amendes à 4 milliards 284 millions. Besikci a déjà purgé une partie des 14 ans et six mois de prison ratifiés par la Cour de cassation à la prison d'Ankara. Une partie des 850 millions d'amende ont également été ratifiés.
    Le 27.9, la Cour criminelle N° 2 d'Istanbul condamne Besikci à dix mois de prison pour avoir insulté la République turque dans un article publié par Özgür Gündem. La cour a également imposé une amende d'un million et demi de TL au rédacteur du quotidien Kemal Sahin.
    Le 29.9, Besikci est condamné par la CSE d'Istanbul à deux ans de prison et à payer une amende de 250 millions de TL en raison d'un article rédigé pour Özgür Gündem. La cour a également condamné le rédacteur du quotidien Kamil Celikten à six mois de prison et à payer 68 millions de TL d'amende. L'éditeur, Yasar Kaya, devra également payer une amende de 136 millions pour le même article.
    Le 18.10, Besikci est condamné par la CSE d'Istanbul à deux ans de prison et à payer une amende de 250 millions de TL pour avoir lancé un appel a la Cour de cassation, dans un de ses livres, contre ses condamnations précédentes. La cour a également condamné le directeur de la maison d'édition Yurt, Ünsal Öztürk, à six mois de prison et à payer une amende de 100 millions de TL pour avoir imprimé ce livre.

LA TERREUR D'ETAT EN OCTOBRE

    Le 3.10, le président de l'HADEP à Yüregir, Rebih Cubuk et un autre représentant du parti, Sefer Cerf, sont abattus à Adana par des tireurs inconnus.
    Le 3.10, l'ancien secrétaire de l'IHD d'Istanbul, Eren Keskin, affirme avoir été détenu pendant trois jours au Centre de la police politique au cours desquels il a été torturé et insulté.
    Le 3.10, à Adana, Kadriye Gökmen est abattue par des tireurs inconnus.
    Le 4.10, à Denizli, au cours des funérailles de l'avocat Fuat Erdogan, abattu par la police le 28 septembre à Istanbul, 24 personnes sont arrêtées. Parmi elles figure la président de l'IHD à Denizli, Huriye Coban.
    Le 4.10, deux enfants, Ilyas Yigit (6) à Cat et Adil Boztas (10) à Kagizman, sont victimes de l'explosion de deux bombes.
    Le 4.10, à Midyat, Halil Acar et Ismail Alkan, kidnappés le 16 septembre, sont retrouvés morts près de leur village.
    Le 5.10, le nombre de personnes arrêtées à Izmir pour avoir pris part aux activités de Rizgari s'élève à 37.
    Le 6.10, à Istanbul, six personnes sont placées en détention par un tribunal pour appartenance au Parti Révolutionnaire de Turquie (TDP). A Diyarbakir, l'avocat Mehmet Cem, membre de l'HADEP, est arrêté par la police.
    Le 6.10, à Midyat, Cemalettin Akbulut est abattu par des tireurs inconnus.
    Le 6.10, à Midyat, deux enfants sont tués par une bombe et deux autres sont blessés.
    Le 7.10, à Sason, des tireurs inconnus abattent Cemalettin Baran.
    Le 8.10, à Istanbul, les forces de sécurité interviennent dans une maison et abattent deux militants présumés du Dev-Sol, Yilmaz Uytun et Güler Ceylan.
    Le 9.10, à Adana, Ahmet Dizman se plaint d'avoir été torturé après avoir été kidnappé par la police le 4 octobre. Un rapport médical certifie qu'il est incapable de travailler pendant 25 jours en raison des tortures subies.
    Le 10.10, à Ankara, l'avocat Murat Demir, dont le bureau a subi une descente de police le 29 septembre dernier, est placé en détention par la CSE d'Ankara. Il a été arrêté en compagnie de deux autres personnes alors qu'ils préparaient un dossier pour empêcher l'extradition en Turquie du leader du Dev-Sol Dursun Karatas, détenu en France.
    Le 10.10, le président du Syndicat des Travailleurs des Ports Maritimes (Liman Is), Hasan Biber, est placé en détention par la CSE d'Ankara, qui l'accuse d'être membre du Dev-Sol. Par ailleurs, un autre représentant de Liman Is, Kerim Necefoglu, est arrêté à Mersin.
    Le 10.10, la police arrête Hasan Bölücek et Aysel Bölücek à Ankara, ainsi que Yasar Yagan à Izmir.
    Le 12.10, le procureur de la CSE d'Ankara introduit une action en justice contre le leader de l'IHD, le président Akin Birdal, le Secrétaire Général Hüsnü Öndül, le vice-président Sedat Aslantas et l'attaché de presse Erol Anar, pour avoir publié un document sur les villages brûlés. Chacun d'eux risque une peine de prison de deux ans.
    Le 12.10, les forces de sécurité arrêtent 18 membres présumés du PKK à Manisa et huit membres présumés du TIKKO à Istanbul.
    Le 12.10, à Diyarbakir, Aydin Kismir, arrêté le 6 octobre en compagnie de ses deux frères, est rendu sans vie à sa famille. Selon son frère, Turan Kismir, Aydin a été torturé au poste de police.
    Le 13.10, les avocats Ahmet Düzgün Yüksel et Murat Demir, arrêtés le 27 septembre, affirment avoir été torturés par la police et insultés par le procureur de la CSE d'Ankara au cours de leur interrogatoire.
    Le 13.10, l'employé municipal Mesut Yildirim est abattu par des inconnus à Nusaybin.
    Le 13.10, à Semdinli, le conducteur de camion Nevruz Sevim est tué par une mine posée par les forces de sécurité.
    Le 13.10, la CSE d'Izmir condamne trois défendeurs du PKK à la prison à vie et quatre autres à des peines de prison allant jusqu'à 12 ans et 6 mois.
    Le 14.10, à Diyarbakir, le cuisinier Veysi Sizlanan est abattu par des tireurs inconnus.
    Le 16.10, à Ankara, l'avocat Nesrin Hatipoglu annonce la disparition de son client, Kenan Bilgin, depuis son arrestation par la police le 12 septembre dernier.
    Le 16.10, à Istanbul, Bayram Dursun meurt en détention policière.
    Le 16.10, les forces de sécurité arrêtent trois musiciens, Sirin Esmer, Mehmet Bilir et Yahya Güler au cours d'une cérémonie de mariage à Iskenderun et 17 personnes à Tekman.
    Le 17.10, des inconnus abattent Fikret Un à Diyarbakir et Ahmet Siyahtas à Van.
    Le 18.10, la CSE d'Istanbul condamne huit personnes à la réclusion à vie et deux autres à des peines de prison allant jusqu'à trois ans et neuf mois pour un acte de sabotage commis à Istanbul le 25 décembre 1991.
    Le 18.10, à Izmir, la police annonce l'arrestation de 18 personnes pour activités illégales. Deux des détenus, mis en liberté par la suite, se plaindront d'avoir été torturés au cours de leur interrogatoire.
    Le 18.10, Osman Siyahkoc, blessé à l'arme à feu par des inconnus le 16 octobre à Dargecit, meurt à l'hôpital à Diyarbakir.
    Le 19.10, la CSE de Diyarbakir condamne quatre défendeurs du PKK à la réclusion à vie et huit autres à des peines de prison allant jusqu'à 18 ans et 9 mois.
    Le 19.10, un groupe de protecteurs de village attaquent le village de Sekinek, à Cemisgezek, et abat Hasan Polat et Mustafa Yildiz.
    Le 19.10, un paysan kurde de 70 ans qui avait été kidnappé le 30 septembre dans le village de Dogancay, à Midyat, est retrouvé mort dans une grotte près du village.
    Le 20.10, le gouverneur d'Istanbul, suivant les directives du Ministère de l'intérieur, interdit l'ouverture de l'Association Anti-Guerre.
    Le 20.10, les forces de sécurité arrêtent neuf membres présumés du TIKKO à Istanbul et huit personnes à Batman en relation avec les activités du PKK.
    Le 20.10, des inconnus assassinent Mehmet Mutlu à Diyarbakir.
    Le 20.10, la CSE de Malatya condamne dix défendeurs à des peines de prison allant jusqu'à 22 ans et 6 mois pour activités illégales.
    Le 24.10, au cours de son procès à la cour criminelle d'Izmir, l'ancien agent de police Cigdem Koparan se plaint d'avoir été torturé au cours de son interrogatoire.
    Le 24.10, s'ouvre à la CSE d'Ankara le procès contre cinq hauts représentants de l'Association pour les Droits de l'Homme et de Solidarité envers les Victimes de la Répression (Mazlum-Der), le président Ihsan Arslan, Mehmet Pamak, Mustafa Islamoglu, Hasim Hasimi et Abdullah Ünalan. Ils sont accusés d'avoir fait de la propagande séparatiste dans des discours prononcés lors d'une conférence sur la Question Kurde.
    Le 24.10, Serafettin Erci et une femme non identifiée sont victimes de l'explosion d'une mine posée par les forces de sécurité à Yüksekova.
    Le 24.10, des inconnus armés abattent Murat Tasan à Batman et Mehmet Binbay à Urfa.
    Le 25.10, à Gebze, deux jeunes, Öner Yildirim et Sunay Ekinci, se plaignent d'avoir été torturés pendant leur détention dans un poste de police.
    Le 26.10, dix membres présumés de l'Union des Communistes Révolutionnaires de Turquie (TIKB) sont placés en détention par la CSE d'Izmir. En outre, trois personnes assistant à un meeting de l'HADEP à Izmir sont arrêtées.
    Le 26.10, des tireurs inconnus abattent Ismet Gün à Diyarbakir et Mahsun Kavak à Adana.
    Le 27.10, à Batman, Cemil Yildirim est abattu par des inconnus.
    Le 28.10, les forces de sécurité arrêtent 65 personnes à Yüksekova et deux jeunes à Diyarbakir.
    Le 28.10, à Beytüssebap, le paysan kurde Ferman Timur se plaint d'avoir été torturé parce qu'il refusait de devenir un protecteur de village.
    Le 30.10, "Le Festival pour la Paix et la Fraternité", organisé par la section d'Istanbul de l'HADEP, est interdit par le gouverneur.
    Le 31.10, la cour de cassation ratifie la peine d'un an de prison et 100.000 TL d'amende imposée au président de l'IHD de Balikesir, Mahmut Akkurt. Il purge sa peine à la prison de Kepsut.
    Le 31.10, s'ouvre le procès de 6 membres présumés du PKK à la CSE d'Istanbul. Le procureur demande la peine capitale pour trois des défendeurs.

LA PERSECUTION DES MEDIAS EN OCTOBRE

    Le 1.10, à Istanbul, le bureau du magazine Fabrika subit une descente de police et seize personnes sont détenues pendant quinze jours.
    Le 2.10, à Trabzon, les locaux du journal de gauche Özgür Karadeniz sont détruits par une bombe.
    Le 4.10, le rédacteur du périodique disparu Iscinin Yolu, Asiye Zeybek, est placé en détention par la CSE d'Istanbul pour divers articles.
    Le 4.10, les locaux d'Özgür Gündem à Diyarbakir subissent une nouvelle descente de police, et les correspondants de Nevzat Aydin et Ismail Hakki Kelleci, ainsi que le professeur Salih Aykac, sont arrêtés.
    Le 4.10, la première édition d'un nouvel hebdomadaire, Jiyana Nû, et le N° 11 de Mücadele sont confisqués par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste et apologie d'organisations illégales.
    Le 6.10, à Diyarbakir, le distributeur d'Özgür Ülke, Sehmuz Baskan, est arrêté par la police.
    Le 7.10, à Istanbul, deux correspondants d'Özgür Ülke, Serpil Korkmaz et Selda Sürmeli, sont arrêtés alors qu'ils couvraient une manifestation contre l'incendie de villages à Tunceli.
    Le 8.10, l'éditeur du nouvel hebdomadaire kurde Jiyana Nû, Selman Ciman, est placé en détention par la CSE d'Istanbul pour divers articles qu'il a écrits.
    Le 9.10, le N° 2 de Jiyana Nû et la première édition d'un nouveau périodique, Atilim, sont confisqués par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste et apologie d'organisations illégales.
    Le 11.10, le rédacteur d'Özgür Ülke, Yusuf Sit, est placé en détention par la CSE d'Istanbul. Le nombre de rédacteurs en détention s'élève donc à huit.
    Le 11.10, le rédacteur du journal kurde Welat, Mazhar Günbat, est jugé à la CSE d'Istanbul. La cour ne l'autorise pas à se défendre en langue kurde.
    Le 12.10, le président de l'Association anti-guerre, Arif Hikmet Iyidogan, est condamné par la CSE d'Istanbul à deux ans de prison et à payer une amende de 250 millions de TL pour divers articles publiés dans le magazine Zafere Dogru.
    Le 12.10, la CSE d'Istanbul condamne le rédacteur de Gencligin Sesi, Seher Karatas, à cinq ans de prison et à payer une amende de 41 millions de TL d'amende. Le rédacteur de Gercek Pelin Sener a également écopé d'une amende de 75 millions de TL.
    Le 13.10, deux correspondants à Adana du magazine Atilim, Mahmut Karadag et Ibrahim Yardimci, affirment avoir été torturés après avoir été arrêtés le 11 octobre dernier.
    Le 13.10, la CSE d'Istanbul confisque le N° 21 de Denge Azadi le N° 13 de Devrimci Mücadele pour propagande séparatiste et apologie d'organisations illégales.
    Le 14.10, le gouverneur de la province d'Ordu interdit la vente et distribution des cassettes des célèbres chanteurs Ahmet Kaya et Ferhat Tunc.
    Le 15.10, à Erzincan, le 4e concert pour l'amitié et la solidarité organisé par une radio privée locale est interdit par le gouverneur.
    Le 15.10, le dramaturge Numan Bektas est arrêté à Ankara pour purger une peine de prison de 20 mois dont il avait écopé pour avoir écrit une pièce intitulée La loi de la résistance et le renouveau. Il avait été condamné par la CSE d'Ankara à 20 mois de prison et à payer une amende de 208 millions de TL pour propagande séparatiste. La sentence a récemment été ratifiée par la Cour de cassation.
    Le 16.10, le correspondant à Mersin d'Özgür Ülke, Ismet Bakac, affirme avoir été torturé après son arrestation par la police.
    Le 17.10, le N° 3 de Jiyana Nû et le N° 9 de Kizil Bayrak sont confisqués par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
    Le 19.10, la CSE d'Istanbul confisque pour propagande séparatiste deux livres publiés par la maison d'édition Belge: Le Zagros - Le journal d'un journaliste et notre Ferhat -L'anatomie d'un meurtre.
    Le 19.10, le N° 35 du périodique Newroz et le N° 36 d'Hedef sont confisqués par la CSE d'Istanbul en vertu de la Loi Anti-Terreur.
    Le 23.10, la dernière édition du magazine Medya Günesi est confisquée par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
    Le 25.10, la CSE d'Istanbul confisque le N° 3 d'Atilim  et le N° 23 de Denge Azadi pour propagande séparatiste. Le même jour, 750 exemplaires d'Özgür Ülke sont confisqués par les militaires à Diyarbakir.
    Le 26.10, à Arpacbahsis (Mersin), les forces de sécurité font une descente dans une maison et abattent le correspondant à Adana de Mücadele, Ahmet Öztürk, et son ami Zeynep Gültekin. Ils sont accusés d'être membres du Dev-Sol. Au cours de la descente, Sevgi Erdogan est blessée et arrêtée.
    Le 27.10, le journaliste Oral Calislar est condamné par la CSE d'Istanbul à deux ans de prison et à payer une amende de 250 millions de TL pour un livre contenant des interviews des leaders kurdes Öcalan et Burkay. La cour condamne également le directeur de la maison d'édition Yar, Muzaffer Erdogdu, à six mois de prison et à payer une amende de 50 millions de TL.
    Le 2.10, le N° 37 d'Özgür Gelecek est confisqué par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste et apologie d'organisations illégales.
    Le 28.10, l'ancien président du DEP et éditeur d'Özgür Gündem, Yasar Kaya, est condamné par la CSE d'Istanbul à deux ans de prison et à payer une amende de 250 millions de TL pour une interview concédée à la chaîne de télévision Kanal 6 le 1er janvier 1993.
    Le 28.10, la Cour de cassation ratifie deux amendes infligées à deux journalistes de l'hebdomadaire Aktuel, 210 millions de TL pour le rédacteur Alev Er et 421 millions de TL pour l'éditeur Ercan Arikli, pour avoir publié un rapport intitulé "Fondation d'un Front Uni du Kurdistan."
    Le 31.10, la Cour de cassation ratifie une peine de deux ans de prison pour le rédacteur d'Ak-Zuhur, Mustafa Asik. La cour a également approuvé une amende 200.000 TL pour Asik et une autre de 50 millions de TL  pour l'éditeur de la revue, Hayrettin Soykan. Ce dernier est déjà en prison, il purge une peine de prison de dix mois.

LA TURQUIE CRITIQUEE AU CONSEIL DE L'EUROPE

    Le président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, Miguel Martinez, s'est rendu en Turquie à la tête d'une mission au début du mois de septembre dernier. Il a soumis son rapport à l'Assemblée Générale lors de la séance du 3 octobre 1994.
    Sur un ton plutôt modéré, M. Martinez a déclaré:
    "Nous avons rencontré une situation complexe, pas toujours familière dans ses ultimes ramifications, et pas toujours perçue en toute objectivité et exactitude dans certains de nos pays; une situation pleine de menaces palpables aussi graves pour l'Europe et le processus de construction européenne que pour la Turquie elle-même.
    "Nous avons également relevé des défauts évidents et à peine acceptables, incompatibles avec les normes et valeurs sur lesquels s'appuie le Conseil de l'Europe. Mais nous avons également rencontré des leaders et parlementaires turcs qui se sont engagés en toute honnêteté, conscience et pleins de courage à corriger ces défauts et s'assurer que les normes en question deviendront une réalité pour leur peuple, à savoir tous les citoyens de Turquie quelle que soit leur identité ethnique.
    "La conclusion générale que nous voulons transmettre à nos collègues de l'Assemblée est que la situation en Turquie invite à l'espoir. Il tient maintenant à nous de faire tout notre possible pour que cet espoir devienne une réalité et de contrôler l'évolution actuelle avec une vigilance extrême, pour nous assurer que les engagements pris en notre présence par les différentes autorités turques soient respectés en accord avec le calendrier donné, c'est-à-dire au cours de la prochaine session de la Grande Assemblée Nationale Turque."
    Dans son rapport, Martinez a attiré l'attention sur le danger que représente le fondamentalisme en Turquie. "C'est également notre devoir de souligner que nous sommes confrontés à des idées fondamentalistes qui nous ont été exposées par le vice-président du Parti du Bien-être. Poliment, il nous a répondu négativement lorsque nous lui avons demandé si son parti partageait nos principes sur les droits de l'homme et s'il était en faveur d'une participation de la Turquie au processus de construction de l'Europe. Renforcés par leur démonstration de force aux dernières élections municipales, les fondamentalistes islamiques sont extrêmement dangereux pour la démocratie turque, pas seulement par leurs activités mais également par l'effet radicalisant que leur flamme nationaliste exerce sur toutes les autres forces politiques. Mais la montée du fondamentalisme semble faire peser les même dangers sur cette Europe que nous sommes en train de construire.
    Cependant, le ton modéré du Rapport de Martinez a soulevé les critiques d'un certain nombre de députés européens.
    Ole Espersen (Danemark)
    "Au cours des années 80, les pays scandinaves ont retiré une plainte que nous avions déposée contre la Turquie dénonçant les graves violations de droits de l'homme qui s'y produisaient. Nous l'avions fait parce que la Turquie avait formulé certaines promesses et la Commission des Droits de l'Homme les avait acceptées.
    "Huit ou neuf ans se sont écoulés depuis que la Turquie nous a clairement promis de satisfaire ses obligations vis-à-vis des droits de l'homme. Nous avons été trompés et je crains que nous ne soyons encore trop patients. Le rapport conclut qu'il y a une lueur d'espoir. Si ces dates limites ne sont pas respectées, c'est notre devoir de prendre des mesures. Sinon nous ne pourrons plus être fiers de notre Organisation ou maintenir que les droits de l'homme constituent le sujet vital par excellence du Conseil de l'Europe."
    Lord Kirkhill (Royaume-Uni)
    "J'ai lu le rapport attentivement et avec grand intérêt, mais je dois dire que la situation des membres du parlement détenus est à peine mentionnée. Il est surprenant qu'un comité ad hoc dirigé par le président de l'Assemblée fasse si peu référence au noeud du problème qui a déterminé la visite à Ankara. J'attire l'attention sur le fait que ces membres du parlement sont toujours en prison après plus de six mois; que l'expérience révèle qu'en Turquie ces procès peuvent durer de longues années; et que, si rien ne change, les prévenus peuvent rester en prison pendant toute la durée du procès."
    Mme Baarveld-Schlaman (Hollande)
    "La situation n'invite pas à l'optimisme. Est-ce que la délégation a essayé de rencontrer les parlementaires qui ont perdu leur immunité; quelle était la réaction des autorités lorsque cette requête leur fut soumise; et quelle suite pourrait-on donner à la visite de ce comité ad-hoc? Si un pays refuse toute intervention dans la solution de ses problèmes aux organes internationaux comme le Conseil de l'Europe, il devrait renoncer à devenir membre de ces organes."
    Hadjidemetriou (Chypre):
    Le thème que nous débattons n'est pas seulement un problème légal; c'est également une question de mentalité et de pratique de la part des autorités turques. La Turquie devrait comprendre que les problèmes ne se résolvent pas par l'arrestation de membres du Parlement et de journalistes, par la violence, le recours aux armes et l'imposition de la loi du plus fort. Je m'étonne que le comité ad hoc ait visité la Turquie et n'ait pas rencontré l'HADEP, successeur du Parti de la Démocratie, et les six membres du Parlement arrêtés. Après ce rapport plutôt limité, une question demeure: combien de temps attendra le Conseil de l'Europe pour voir se matérialiser les promesses des autorités turques?"

LA COMMUNAUTE ARMENIENNE SOUS LA MENACE

    Le 23 octobre 1994, le patriarche arménien Karekin Kazanciyan, adressait une lettre aux autorités turques et demandait au gouvernement de ce pays de prendre en considération les lettres de menace reçues par la communauté arménienne à Istanbul.
    Voici ce que disent ces lettres: "Vous parasites qui vous croyez citoyens! Nous vous nourrissons dans notre sein, vous serpents qui mangez notre pain et détruirez nos âmes et notre sang! L'heure de mettre fin à tout ceci est arrivé et parti depuis longtemps." Elles demandent à tous les Arméniens vivant en Turquie de quitter le pays immédiatement. "Ceci est le dernier avertissement. La Turquie est uniquement pour les Turcs et non pour les serpents comme vous. C'est la fin et ne l'oubliez pas," concluent-elles.
    Ces lettres ont commencé à apparaître dans les boîtes à lettres arméniennes à partir du 16 octobre. Elles sont dues à des affirmations non fondées selon lesquelles les Arméniens turcs auraient des liens avec le PKK. Un journal de droite a publié une photographie dans laquelle apparaissent le leader du PKK, Apo, donnant la main à un homme en robe religieuse et l'a utilisée comme preuve de la coopération entre le PKK et les Arméniens.
    Le patriarche arménien Kazanciyan convoquait une conférence de presse le 18 octobre dernier et affirmait que la personne photographiée avec Apo était un homme d'Aleppo appartenant à une communauté chrétienne et qu'il n'était pas arménien.
    Le patriarche a fait allusion à "une guerre psychologique" visant à faire fuir les Arméniens par leurs propres voisins et des amis dont les racines différaient fortement des leurs.
    Kazanciyan se demande si les personnes responsables ne cherchent pas à assimiler le mot arménien à une injure, à susciter la haine entre les musulmans et les chrétiens, à empêcher les enfants arméniens de jouer dans les rues et les femmes de faire des achats dans les supermarchés, et à créer une situation dans laquelle les hommes d'affaires arméniens ne peuvent travailler.

LA TURQUIE JUGEE A STRASBOURG

    La Commission Européenne des Droits de l'Homme, dont le siège se trouve à Strasbourg, a accepté, lors des sessions du 18 et 19 octobre 1994, d'enquêter sur une série de cas de violations des droits de l'homme imputés à la Turquie par des Kurdes.
    Dans quatre cas portés devant la commission, les victimes ont accusé le gouvernement turc de "poursuivre une politique de mort et destruction dirigée contre les régions kurdes. Ils dénonçaient notamment l'incendie de villages et l'expulsion de leurs habitants."

LETTRE DE PROTESTATION DE LA CSCE A CILLER

    Le 5 octobre, la Commission sur la Sécurité et la Coopération en Europe (CSCE) envoyait une lettre au Premier Ministre turc Ciller dénonçant "le procès de six anciens députés de la Grande Assemblée Nationale Kurde."
    La lettre, signée par 43 membres de la Chambre des Représentants des EU et 19 sénateurs, dit ceci, "ce procès soulève de sérieux doutes quant à l'engagement de la Turquie à respecter la liberté d'opinion et autres principes indissociables de la démocratie. En Turquie, les citoyens kurdes sont encore privés de vote dans le processus politique, une voie importante pour la solution du problème kurde sera coupée et les extrémistes de tous bords seront renforcés. Nous pensons que la violence, responsable de la mort de 13.000 personnes depuis 1984, ne cessera de s'intensifier si le gouvernement n'arrive pas à faire la différence entre les actes de terrorisme et l'exercice légitime de la liberté d'opinion par les individus."

OBSTACLES AUX ACTIVISTES D'AI EN TURQUIE

    Bien que le ministre des Affaires Etrangères turc, Mümtaz Soysal, était un activiste d'AI lorsqu'il était dans l'opposition, les activistes d'AI sont aujourd'hui privés du droit d'entrée en Turquie pour y enquêter sur des cas de violations des droits de l'homme.
    Selon une déclaration émise le 26 octobre par Amnesty International à Londres, il était prévu qu'un chercheur recueille de l'information sur les violations des droits de l'homme en Turquie mais le 16 octobre l'ambassade turque à Londres lui communiquait une décision du gouvernement le privant du droit d'entrer dans le pays.
    L'article 8 de la loi turque sur les passeports interdit l'entrée aux individus dont "les intentions portent atteinte à la sécurité et à l'ordre public du pays."
    "En refusant l'accès en Turquie à ce chercheur, le gouvernement choisit de dissimuler et nier les tortures et assassinats perpétrés par la police et la gendarmerie au lieu de faire face aux pires violations des droits de l'homme et de prendre les mesures nécessaires pour y mettre fin," avertit AI.
    D'autre part, un activiste des droits de l'homme kurde, Abdülkerim Demirer, était arrêté le 21 octobre à Hakkari, alors qu'il allait remettre des documents à John Shattuck, sous-secrétaire d'Etat américain pour les droits de l'homme et les affaires humanitaires en visite en Turquie. Au cours de l'arrestation, la police a confisqué tous les documents qu'il portait.
    Le représentant d'Amnesty International, Maryam Elahi, a déclaré à Washington que par le passé AI avait déjà travaillé avec Demirer, président de la section d'Hakkari de l'Association des Droits de l'Homme Turque (IHD), et qu'il s'agissait d'une personne digne de confiance pour rapporter les violations des droits de l'homme en Turquie.

LE PORTE-PAROLE DE L'ERNK ARRETE A LONDRES

    Le 26 octobre 1994, la police britannique arrêtait le représentant de l'ERNK, Kani Yilmaz, en visite à Londres, et annonçait qu'il serait déporté vers un troisième pays dès que toutes les dispositions seraient prises.
    Yilmaz était arrêté alors qu'ils se rendait à un meeting avec des parlementaires britanniques dans la Chambre de Communes et était retenu toute la nuit au quartier central de la police de Londres avant d'être envoyé à un centre de détention.
    Un porte-parole de New Scotland Yard a affirmé que Yilmaz avait été arrêté sous son vrai nom, Faysal Dumlayici.
    Le département d'Interpol du Conseil Général d'Administration de la Sécurité turque a immédiatement demandé l'extradition de Yilmaz.
    Selon les journaux britanniques Yilmaz a été arrêté par ordre du secrétaire de l'Intérieur, Michael Howard, qui a laissé sous-entendre que les pressions exercées par la Turquie sur le gouvernement britannique ont pu forcer l'arrestation.
    Avant cette arrestation par la police britannique, Yilmaz avait déclaré à la presse que le PKK pensait faire une nouvelle grande offre de dialogue pour résoudre la crise que vit le sud-est de la Turquie et que c'était là une des raisons principales de sa visite en Grande Bretagne.
    Lord Avebury, président de la commission parlementaire pour les droits de l'homme et défenseur des droits kurdes, a immédiatement émis une note dénonçant énergiquement "qu'un invité d'un membre du parlement soit brutalement arrêté. En fait, Yilmaz avait été invité par John Austin-Walker, membre du parlement travailliste pour Woolwich.

LA CONVENTION KURDE A MOSCOU

    Le 31 octobre, à Moscou, une convention des organisations kurdes de la Communauté des Etats Indépendants (CEI) décidait la création d'une "union kurde" avec le PKK comme noyau.
    Selon le quotidien Al-Hayat, la convention a réuni 80 délégués représentant 35 organisations kurdes. Yuri Nebiev, un Kurde d'Arménie choisi pour diriger l'union, a déclaré à El-Hayat que le PKK était pour eux la force politique et militaire kurde la plus importante et le noyau du futur Etat national.
    La Turquie, par voie diplomatique, a essayé d'interrompre la conférence, considérant qu'elle était liée au PKK. Moscou s'y est opposé et a présenté la convention comme une réunion des Kurdes de la CEI.
    Pour la presse turque, Moscou a essayé de "se venger d'Ankara" par ces conférences et conventions, lui suggérant "de ne pas toucher aux peuples turcs et musulmans" vivant dans la Fédération Russe et l'ancienne Union Soviétique.
    Selon le Turkish Daily News du 18 octobre 1994, les représentants de l'ERNK tiennent actuellement des meetings dans tous les pays de la CEI. Au cours des derniers mois, le PKK a accru son influence dans un certain nombre de pays dont la Géorgie, la Roumanie, la Bulgarie et la Serbie.

INDEXE DE LA 18e ANNEE DES BULLETINS INFO-TÜRK

Novembre 1993, N°205

    • L'Escalade • Assaut style Guernica contre Lice • Les escadrons de la mort turcs en Europe • Opérations anti-kurde en Europe • Démonstration de force par le PKK • Les menaces du tandem Ciller-Güres • Un village chrétien dépeuplé • Des syndicalistes britanniques arrêtés • La Turquie condamnée pour torture par l'ONU • Terreur d'Etat en deux mois • Appel d'Amnesty International • Persécution des médias en deux mois

Décembre 1993, N°206

    • 1993: L'année des faucons • Nouvelle escalade de la guerre sale • Le "Poised Hammer" prolongé • Nouvelle attaque contre Özgür Gündem • Action conjointe avec l'Iran contre les Kurdes • Election d'un président radical au DEP • Déclaration d'unité des intellectuels • Scandale dans la presse turque • Echec de la réforme fiscale • Terreur d'état en décembre • L'Armée arrête des journalistes • L'attaque du général Güres contre les médias • Le fils de Güres prêt à tirer sur les journalistes! • Persécution des médias en décembre

Janvier 1994, N°207

    • Situation des droits de l'homme en 1993 • 54 journalistes en prison • 31 journalistes assassinés depuis 1992 • 1.000 victimes de la Loi anti-terreur • Pressions sur les médias en janvier • La guerre sale coûte 8,2 milliards de dollars • Prolongation du service militaire • Le PKK demande des zones libérées • Grèves de la faim dans les prisons • Le holding financier de l'Armée • Mauvais traitements aux étrangers • E.U.: Persistance de la torture en Turquie • Terrorisme d'état en janvier • Un million de billets de banque en perspective • Les immigrants turcs n'envoient plus leur argent • Nouvelle coalition dans la RTCN

Février 1994, N°208

    • Vers un boulversement de la politique turque • L'Opération anti-kurde étendue à la Belgique • Le phénomène du fondamentaliste RP¨• Menace d'un nouveau coup-d'Etat militaire • Prolongation de l'état d'urgence • Désastre pour les droits de l'homme en février • Fermeture du Parti Vert • Terrorisme d'état en février • Des avions turcs attaquent l'Irak et l'Iran • Un livre de Nazim Hikmet interdit • Un rédacteur en langue Laz inculpé • Pressions sur les médias en février • La peur incite l'exode chrétien

Mars 1994, N°209

    • Le choc électoral • La percée de l'extrême-droite en cinq ans • Les manoeuvres de Tansu Ciller • Arrestation scandaleuse des députés du DEP • La conférence de Bruxelles sur le Kurdistan • Pression turque en Belgique • Le suicide de deux femmes kurdes en Allemagne  • Europalia 96-Turquie • Terrorisme d'état en mars • Pressions sur les médias en mars • Le professeur Baskaya en prison • Le tabou arménien confisqué

Avril 1994, N°210

    • Dossier sur la montée islamiste • Complicité de tous les hommes politiques • Les intégristes dans le ANAP et le DYP • Un cheik-ul-Islam en Allemagne • Rennaissance des partis extrêmistes • La montée alarmante de l'extrême-droite • "La Vision nationale" en Belgique • Le choc islamiste aux élections partielles • L'offensive intégriste • Investissements islamiques en Turquie • La montée de la violence islamiste • Attaque intégriste contre les intellectuels • Rapport sur l'éducation intégriste • Le pogrome par les Islamistes à Sivas

Mai 1994, N°211

    • EXODUS: Départ massif des Kurdes de Turquie • Asphyxie de la presse en Turquie • Enrégistrement d'une conversation de Ciller • Les menaces de massacre du général Evren • Tension turco-allemande à propos des Kurdes • La presse turque perd des lecteurs • Brutalité policière le jour du premier mai • Réduction de l'aide américaine à la Turquie • La mission belge au Kurdistan turc • Özgür Gündem et Azadi interdits • Solidarité avec les avocats kurdes • Critiques contre la Loi sur la Radio-TV • Terrorisme d'état en avril • Pressions surles médias en avril • La résolution du Conseil de l'Europe sur la Turquie • Résolution du Parlement européen

Juin 1994, N°212

    • Appel urgent • Le DEP fermé • Condamné pour s'être défendu en kurde • Prolongation de l'état d'urgence • Ciller détruit l'économie turque • Deuxièmeconquête d'Istanbul, par le RP • Réunion générale du RP en Belgique • Un syndicaliste emprisonné • "Dans les salles de torture de Turquie" • Contrôle de virginité sur les femmes • Ciller menace la Grèce • Terrorisme d'état en mai • Un dossier sur l'oppression des Assyriens • Pressions sur les médias en mai • Nouvelles attaques racistes contre les Turcs

Juillet-Août 1994, N° 213-214

    • 10e année de guerre • Camps d'internement en Turquie • Le procès kafkaïen des députés du DEP • Rapport sur lesdroits de l'homme de juin-juillet • La résolution du Conseil de l'Europe • Violations des droits de l'homme en 1993 • La CSCE enverra des missions en Turquie • Démission du ministre des droits de l'homme • Montée de l'anti-sémitisme en Turquie • La scandaleuse affaire du pogrom de Sivas • Le RP est encore le seul parti en hausse • Sales affaires des Islamistes du RP • La fortune de Ciller séque le gouvermenet • Terreorisme d'état au cours des deux derniers mois • Intellectuelsen prison ou en détention • Récord de condamnations contre Besikci • Pressions sur les médias en deux mois • Le défi de l'éditrice Zarakolu • Un salaire minimal ridicule • Action massive des travailleurs • Les syndicats se plaignent à l'OIT • Revenu national par habitant: 1.980$ • La dette extérieure atteint $ 67,3 milliards • Nouvelles règles dans les Détroits

Septembre 1994, N°215

    • Les femmes de Turquie: Au pouvoir-En détention • Elections partielles  destinées à tromper l'opinion mondiale • Le Parlement européen suspend tous contacts avec le Parlement turc • "10 pour cent de politique honorable" • Un éditeur torturé en Turquie • Le CPJ prese le gouvernement turc • Le leader du Dev-Sol arrêté en France • Persécution des Chrétiens orthodoxes • Terrorisme d'état en deux mois • Persécution des médias en deux mois

Octobre 1994, N°216

    • Les villages de Dersim en flammes • Confiscation d'un "dossier sur la torture" • Grèves de la faim dans les prisons turques • Le Sud-Est est toujours privé d'enseignement • Les universités turques paralysées • Terrorisme d'état en octobre • Quatre nouvelles condamntations de Besikci • Persécution des médias en octobre • La Turquie critiquée au Conseil de l'Europe • Lettre de protestation de la CSCE à Ciller • La Turquie jugée à Strasbourg • Obstacles aux activistes d'AI en Turquie • Le porte-parole de l'ERNK arrêté à Londres • Une convention kurde à Moscou • La communauté arménienne sous la menace.