VERDICT HONTEUX
Malgré les protestations venues du
monde entier, huit députés kurdes ont été condamnés a de lourdes peines
de prison.
Suite au verdict, le Parlement Européen a suspendu ses relations avec
la Turquie.
"Les Turcs emprisonnent des parlementaires kurdes
pour 15 ans. La sévérité des sentences indigne les observateurs
étrangers dans la salle". C'est sous ce titre que The Gardien du 9
décembre 1994 rapportait le procès le plus controversé de l'histoire
récente du monde judiciaire turc.
Mettant fin à un long et controversé procès suivi
aussi bien àl'intérieur qu'à l'extérieur du pays, la Cour de la Sûreté
de l'Etat d'Ankara condamnait le 8 décembre dernier sept anciens
députés kurdes expulsés du parlement turc et un député kurde
indépendant à des peines de prison allant jusqu'à quinze ans.
Hatip Dicle, également ex président du DEP, Orhan
Dogan, Ahmet Türk, Leyla Zana et Selim Sadak ont été condamnés à 15 ans
de prison. Sedat Yurttas a écopé de sept ans et six mois et Mahmut
Alniak et Sirri Sakik de trois ans et six mois chacun, mais ils sont
autorisés à aller en appel.
Le verdict n'est pas allé jusqu'à la peine de mort,
une possibilité qui avait soulevé une "grande crainte" au sein du
Département d'Etat et avait poussé le président Mitterrand à adresser
une lettre aux leaders européens.
Les huit accusés n'ont pas été jugés pour
séparatisme et haute trahison comme on s'y attendait, mais en vertu des
articles 168 et 169 du Code Pénal, sanctionnant l'aide aux terroristes
et l'association avec eux.
Dans sa récapitulation, le juge a précisé que quatre
des défendeurs -Leyla Zana, Selim Sadak, Orhan Dogan et Hatip Dicle -
avaient prononcé des discours en faveur du PKK. Un autre député, Sedat
Yurttas, a été condamné parce qu'il aurait affirmé son soutien au PKK.
"Ceci n'est pas de la justice!" s'est écrié un des
députés, qui dut être retenu lorsque les soldats emmenaient les
inculpés. Les parents scandaient des cris de guerre kurdes, ignorant
les policiers qui montaient la garde à chaque aile.
Yusuf Alatas, chef de plus de 200 avocats qui
défendent des Kurdes, a fait savoir qu'ils iraient en appel et qu'on
lui avait refusé à maintes reprises la possibilité d'introduire des
preuves et des témoins.
Cinq des députés du DEP et un autre indépendant
avaient été arrêtés en mars suite aux provocantes accusations du
Premier ministre Ciller selon lesquelles ils seraient l'aile politique
du PKK et maintenaient des contacts avec les rebelles.
Trois mois plus tard, le parti était banni et deux
autres députés étaient emprisonnés. Les six députés du parti ont
cherché asile en Europe.
La cour a également accusé quatre des députés de
s'être rendus dans les montagnes du sud-est de la Turquie pou y visiter
un camp du PKK. Mais selon les députés ils se trouvaient en vacances et
qu'étant donné qu'ils étaient constamment suivis par la police, cette
accusation était ridicule.
"Nous ne voulons pas nous défendre", a conclu un des
députés. "L'issue de notre procès a été décidée il y a bien longtemps".
Leyla Zana a écrit dans le Washington Post qu'elle
était jugée pour s'être exprimée en tant que kurde.
Les peines de prison ont provoqué l'indignation
parmi la petite armée de députés européens et de défenseurs des droits
de l'homme qui peuplaient la Cour de la Sûreté de l'Etat.
Après le verdict, les observateurs de l'Allemagne et
la France, comprenant des hommes politiques et des représentants de la
Fédération Internationale des Droits de l'Homme et de SOS Racisme, ont
annoncé la convocation de manifestations devant les missions
diplomatiques turques en Europe.
Daniel Jacoby, qui représentait la Fédération
Internationale des Droits de l'Homme, a déclaré qu'ils présenteraient
un rapport au congrès des Nations Unies sur les droits de l'homme,
prévu à Genève pour février 1995.
"Nous espérons que la Turquie sera expulsée du
Conseil de l'Europe", a affirmé le député socialiste français et ancien
ministre Ségolène Royal. Elle a ajouté qu'elle proposerait la
candidature de la seule femme jugée, Leyla Zana, au prix Nobel de la
paix.
PERINCEK CONDAMNE A TROIS ANS DE PRISON
Le 11 novembre 1994, la Cour de cassation ratifie
une peine de prison de trois ans contre le Président du Parti des
Travailleurs (IP), Dogu Perincek.
En raison d'une déclaration électorale faite à
la télévision le 20 octobre 1991, Perincek avait été condamné par la
CSE d'Ankara à deux ans de prison pour propagande séparatiste. Mais
l'instance supérieure, trouvant que la sentence n'était pas assez
sévère, a demandé à la CSE de prononcer une peine de prison plus
élevée. Dans ce deuxième procès Perincek a écopé de trois ans de prison.
Suite à la ratification de cette sentence, Perincek
a déclaré : "Le président d'un parti politique a été condamné pour
avoir exprimé son opinion sur la solution à la question kurde. La
décision de la cour va à l'encontre des principes fondamentaux de la
loi. La sentence prononcée contre moi est séparatiste et porte un coup
à la fraternité turco-kurde. Je porterai l'affaire devant la Commission
Européenne des Droits de l'Homme."
Le 12 décembre, le procureur public d'Istanbul
introduit une nouvelle action en justice contre Perincek pour un
discours électoral prononcé à la télévision. Il est accusé d'avoir
insulté l'armée turque et risque une peine de prison de six ans en
vertu de l'Article 159 du Code Pénal Turc.
NOUVELLES SENTENCES CONTRE BESIKCI
Le 1e novembre 1994, la Cour de cassation ratifie
une nouvelle sentence contre le sociologue Ismail Besikci. Il avait été
condamné par une CSE à deux ans de prison et à payer une amende de 250
millions de TL pour une lettre ouverte adressée à l'hebdomadaire
disparu Yeni Ülke.
Le 10 novembre, Besikci est condamné par une cour
pénale d'Ankara à 18 mois de prison pour son livre Un intellectuel, une
Organisation et une Question Kurde. La cour a également condamné le
directeur de la maison d'édition Yurt, Ünsal Öztürk, à la même peine de
prison, pour insulte à Atatürk.
Le 14 novembre, Besikci est une nouvelle fois
condamné par la CSE d'Ankara à deux ans de prison et à payer 100
millions de TL d'amende pour une déclaration prononcée le 5 décembre
1992 lors d'un meeting à Ankara.
Le 16 décembre, Besikci est encore condamné par la
CSE d'Istanbul à deux ans de prison et à payer une amende de 250
millions de TL pour un des ses articles publiés par Özgür Gündem. Le
rédacteur responsable du journal, Bülent Balta, est également condamné
à six mois de prison et 127 millions de TL d'amende. L'éditeur, Yasar
Kaya, écope de 254 millions de TL d'amende pour ce même article.
Le 28 décembre, Besikci est condamné par la CSE
d'Istanbul à deux ans et quatre mois de prison et à payer une amende de
290 millions de TL pour une série d'articles publiés par Özgür Gündem
les 1 et 18 juin 1993. La cour a condamne également le rédacteur du
journal, Seyh Davut Karadag, à deux ans de prison et 250 millions de TL
d'amende, et l'éditeur Yasar Kaya à une amende de 241 millions de TL.
Les peines de prison infligées à Besikci s'élèvent
donc à67 ans et un mois et les amendes à 5 milliards 25 millions de TL.
Des peines s'élevant à 16 ans et six mois de prison
et 1 milliard, 100 millions d'amende ont déjà été ratifiées par la Cour
de cassation. Besikci purge actuellement les peines ratifiées à la
prison d'Ankara.
Par ailleurs, le 16 novembre, le nouveau livre de
Besikci, Les Concepts ternis: science, égalité, justice, comprenant
certains de ses articles déjà publiés par les journaux et les
magazines, est confisqué par la CSE d'Ankara pour propagande
séparatiste.
Le 21 novembre, la CSE d'Ankara confisque un autre
livre de Besikci, Une justice illégale, comprenant les autres articles
en cause dans les inculpations.
Dans une interview concédée à la presse le 13
novembre 1994, Besikci déclarait qu'il ne paierait pas les 4 milliards
de TL d'amendes (100.000 $). Dans ce cas il restera en prison jusqu'à
la fin de sa vie.
EDITEURS ET JOURNALISTES EMPRISONNES
Le directeur de la maison d'édition Yurt, Ünsal
Öztürk, est emprisonné le 23 novembre à Ankara pour purger une peine de
prison de deux ans ratifiée par la Cour de cassation.
Öztürk avait été condamné par la CSE d'Ankara à deux
ans de prison et à payer une amende de 100 millions de TL pour avoir
publié le livre du leader Öcalan Le fascisme du 12 septembre et la
résistance du PKK.
Une autre peine de six mois prononcée contre Öztürk
pour avoir publié le livre de Besikci Les Kurdes, une nation qui se
découvre elle-même, avait déjà été ratifiée par la Cour de cassation.
Le 8 décembre, le journaliste Yilmaz Odabasi est
emprisonné à Ankara pour purger une peine de prison de 10 mois dont il
avait écopé pour son livre La révolte de Seyh Said, publié en 1991.
Le 28 décembre, le premier rédacteur du quotidien
disparu Özgür Gündem, Isik Yurtcu, est emprisonné à Istanbul pour
purger une peine de prison de deux ans et dix mois.
JOURNALISTES CONDAMNES PAR LES MILITAIRES
Le 23 novembre, la Cour militaire du 4e détachement
du corps d'armée condamnait trois reporters de télévision, Mehmet Ali
Birand, Deniz Arman et Halim Abanoz à cinq mois de prison chacun pour
un programme sur le prolongement du service militaire.
La cour a également condamné deux soldats, Erhan Bay
et Ismet Kantar, à cinq mois de prison chacun pour s'être prononcé,
pendant le programme, contre le prolongement du service militaire.
Les sentences ont été prononcées en vertu de
l'Article 95 du Code Pénal Militaire.
PROCES CONTRE L'IHD ET LE TIHV
Dans deux autres procès de la honte, les
représentants des deux principales organisations des droits de l'homme
de la Turquie, la Fondation des Droits de l'Homme de Turquie (TIHV) et
l'Association des Droits de l'Homme (IHD) ont été traduits devant la
CSE d'Ankara le 19 décembre dernier.
Le président du TIHV, Yavuz Önen et le membre du
conseil d'administration, Fevzi Argun sont inculpés en vertu de
l'article 8/1 de la Loi Anti-Terreur pour incitation à la torture dans
le "Dossier sur la Torture 1980-1994", publié par cette fondation.
Le procureur demande pour chacun des deux défendeurs
des peines de prison allant de deux à cinq ans et des amendes de 100
millions de TL.
Lors du deuxième procès, le président de l'IHD, Akin
Birdal, et le Secrétaire général, Hüsnü Öndül, sont inculpés en vertu
de l'article 8/1 et 8/2 de la LAT, pour incitation au séparatisme dans
le livre "Une scène des villages brûlés", publié par l'IHD. Le
procureur demande des peines de prison allant de six mois à deux ans et
des amendes de 100 millions de TL.
L'auteur du livre, Sedat Aslantas, est également
jugé pour les mêmes délits et risque une peine de prison de cinq ans.
Plusieurs autorités des pays occidentaux ont envoyé
des messages aux autorités turques et ont exprimé leur inquiétude à
propos de la situation des droits de l'homme.
LA RESOLUTION DU PE CONCERNANT LA TURQUIE
Le Parlement Européen, lors de sa session du 15
décembre 1994, a décidé de maintenir la suspension du Comité
parlementaire conjoint UE-Turquie jusqu'à ce que cette dernière prenne
en compte les injonctions du Parlement et a immédiatement soumis au
Conseil une demande de suspension des négociations pour l'établissement
d'une union douanière entre la Turquie et l'UE.
La résolution concernant le procès des membres
d'origine kurde de la Grande Assemblée Nationale Turque dit ceci:
Le Parlement européen,
A. rappelant ses résolutions des 10 mars, 21 avril
et 29 septembre 1994, sur l'arrestation et le procès des parlementaires
kurdes en Turquie,
B. rappelant que la Turquie fait partie du Conseil
de l'Europe et qu'elle a signé et ratifié la Convention européenne des
droits de l'homme,
C. considérant que l'arrestation, l'emprisonnement
et la condamnation des huit députés sont dus à l'exercice de leurs
fonctions parlementaires et constituent une intimidation pour tous les
députés, fait qui constitue une violation flagrante de la Convention
européenne des droits de l'homme,
D. considérant que le 8 décembre 1994, la Cour de
Sûreté de l'État a modifié les chefs d'inculpation, mais a condamné Mme
Leyla Zana et MM. Hatip Dicle, Ahmet Türk, Orhan Dogan et Selim Sadak à
15 ans de prison, M. Yurttas à 7 ans et six mois de prison, et MM.
Sakik et Alniak à 3 ans et six mois de prison,
E. rappelant que Mme Leyla Zana souffre d'une
maladie grave, et que son maintien en prison, dans des conditions
certaines d'insalubrité et en l'absence de soins, constitue un facteur
important d'aggravation de sa maladie et peut être considéré comme un
mauvais traitement, au sens de la C.E.D.H.,
F. s'alarmant de ce qu'une peine d'emprisonnement de
quatre ans et une amende de 200 millions de livres turques ont été
imposées à Mehdi Zana, sans doute parce que celui-ci avait témoigné en
1992 devant la sous-commission "droits de l'homme" du Parlement
européen sur la situation des droits de l'homme dans le sud-est de la
Turquie,
G. inquiet d'apprendre que les Présidents de la
Fondation des droits de l'homme de Turquie (subventionnée par le budget
de l'Union) et de l'Association turque des droits de l'homme, qui ont
par ailleurs soutenu les députés et dénoncé leur procès, devront
comparaître devant la même Cour le 19 décembre 1994, sous l'inculpation
de complicité de séparatisme,
H. considérant que le nombre de personnes arrêtées
et incarcérées en Turquie en raison de l'expression de leurs opinions
politiques et syndicales est en constante augmentation,
I. faisant remarquer que les attentats à la bombe
perpétrés contre le quotidien d'opposition "Özgür Ülke" ont coûté la
vie à trois personnes et fait plusieurs blessés, de sorte que tout
compte rendu critique fait courir un danger mortel au journaliste qui
en est l'auteur,
J. rappelant que, du fait de la destitution
arbitraire des députés turcs d'origine kurde du DEP, plusieurs régions
du sud-est du pays ne se trouvent plus représentées à la Grande
Assemblée Nationale de Turquie, et que donc cette assemblée n'est plus
représentative de l'ensemble du pays;
1. désapprouve le fait que l'immunité parlementaire
des victimes de ce procès politique ait été levée en raison des
opinions qu'elles professent;
2. dénonce l'intégralité de ce procès et le verdict
à l'encontre des huit députés de la Grande Assemblée Nationale Turque,
ainsi que la mise hors la loi de leur parti, le D.E.P., comme une
violation persistante des principes de la Démocratie représentative et
pluraliste de ce pays et des droits fondamentaux de la personne humaine;
3. affirme sa solidarité avec les députés condamnés
et demande que le verdict soit cassé, que soient annulées les sanctions
prononcées, que ces députés soient libérés et rétablis dans leurs
fonctions, que la décision de dissolution de leur parti soit rapportée;
4. s'indigne du fait que Me Faik Candan, l'un des
avocats du Collectif de défense des députés, disparu depuis douze
jours, ait été retrouvé mort, à Ankara, son corps criblé de balles;
5. décide de maintenir le gel de la Commission
parlementaire mixte UE/Turquie jusqu'à la prise en compte par la
Turquie des demandes du Parlement européen, mais considère que les
contacts officieux devraient être maintenus avec des parlementaires
turcs aux conceptions démocratiques;
6. décide de saisir le Conseil d'une demande de
suspension immédiate des pourparlers sur la création de l'union
douanière entre la Turquie et l'UE, et en conséquence du report de la
réunion prévue le 19 décembre 1994;
7. rappelle que l'accord d'union douanière avec la
Turquie doit être soumis à la procédure d'avis conforme;
8. souhaite que le Conseil de l'Europe appelle la
Turquie à engager un processus de dialogue afin de trouver un règlement
démocratique aux aspirations légitimes de ses quinze millions de
citoyens d'origine kurde, et d'éteindre ainsi un foyer de tension et de
guerre et constitue une menace pour la paix et la stabilité dans le
pays de la région mais aussi en Europe;
9. invite les États membres à ne pas refouler les
réfugiés kurdes venant de Turquie."
HONTE POUR LA TURQUIE A BUDAPEST
Lors de la réunion de la CSCE à Budapest au début de
décembre 1994, la Turquie a rappelé qu'elle n'admettrait aucune
inspection concernant les droits de l'homme.
Dans un article du 4 décembre, le reporter du
Milliyet, Yalcin Dogan, qualifiait la position turque de "honteuse" et
ajoutait:
"La CSCE a pour principe de base que les droits de
l'homme ne sont pas une affaire interne à un pays. Les références à ce
principe émaillent tous les documents de la CSCE. En tant que membre de
cette organisation, la Turquie a signé tous ses documents. Dans ces
circonstances, des réflexions telles que `Le respect des droits de
l'homme chez nous ne concerne que nous. Occupez-vous de vos affaires',
démontrent une grossière ignorance, ou un nationalisme stupide.
"Tout pays a des points faibles. Par exemple, quand
on en vient au racisme et la xénophobie, l'Allemagne essuie de sévères
critiques. La Grèce et la Suisse se font blâmer pour leur indulgence
envers les activités terroristes. De nombreuses plaintes sont déposées
contre la France et l'Autriche. Mais ces pays ne se sentent pas
offusqués pour autant.
"Mais quand les critiques s'adressent à la Turquie,
son attitude devient belligérante et même coupable. Cette opposition
obstinée à l'inspection par la CSCE de la situation des droits de
l'homme dans les pays membres, suscite chez les autres pays un
sentiment d'étonnement devant ce refus. On en vient à se demander si la
Turquie n'essaie pas masquer les violations des droits de l'homme?
"La CSCE tend de plus en plus à dénoncer devant le
Conseil de Sécurité des Nations Unies les `abus contre les droits de
l'homme qui mettent la paix en danger'. Il s'agit là d'une
extraordinaire avance dans le monde des droits de l'homme.
"Tandis que la CSCE se prépara à franchir cette
importante étape, la Turquie choisit de demeurer dans l'immobilisme".
THE ECONOMIST ACCUSE LA TURQUIE
L'édition du 17 décembre de la revue The Economist
contient un article, "La Turquie et les Kurdes : nettoyage ethnique",
qui attire l'attention sur la constante évacuation des villages kurdes
et l'inévitable migration vers les grandes villes. L'auteur de cet
article précise : "La Turquie remporte peut-être des batailles contre
les guérillas Kurdes mais elle perd le soutient des autres citoyens
kurdes. Une ville comme Diyarbakir avait 380.000 habitants en 1990,
elle en compte actuellement 1,25 millions".
L'article résume la dernière campagne contre les
insurgés kurdes, au cours de laquelle "plus de 40.000 soldats turcs se
sont lancés à la poursuite de 1.000-3.000 guérilleros dans la province
de Tunceli".
"Les Turcs se plaisent à répéter qu'il n'y a pas de
problème kurde, qu'il n'y a qu'un problème de terrorisme. Si tel est le
cas ils sont en train de changer la nature du problème", conclue The
Economist.
MISE EN SUSPENS DE L'ACCORD SUR L'UNION DOUANIERE
La condamnation des députés du DEP a refroidi les
liens entre la Turquie et ses alliés occidentaux lors du sommet de
l'Union Européenne à Essen.
Avant le sommet, le président français François
Mitterrand adressait une lettre aux autres leaders européens qualifiant
le procès des députés du DEP d'attaque sérieuse contre les droits de
l'homme, et se référant à la Charte de la CSCE, les a incités à se
joindre à lui pour soutenir ces députés.
Le premier ministre allemand, Kohl, a soulevé le
problème lors de la session d'ouverture du sommet et a demandé aux
ministres de Affaires Etrangères de l'UE d'émettre une déclaration et
de mener une approche commune auprès du gouvernement turc.
Après le somme, l'Allemagne, au nom des 12 pays de
l'UE, a émis le communiqué suivant: "L'Union Européenne regrette que le
procès se soit soldé par de lourdes peines prison pour plusieurs
défendeurs".
Cependant, les leaders de l'UE n'ont pas adopté une
position commune à propos de la résolution du Parlement Européen, qui
demandait la suspension de la signature d'un accord d'union douanière
entre la Turquie et l'Union Européenne.
Le Conseil de l'Association Turquie-UE, lors de sa
réunion du 19 décembre 1994 à Bruxelles, a toutefois dû reporter la
signature de l'accord à une autre date en raison du veto de la Grèce.
Lors de la réunion, les ministres des Affaires
Etrangères ont sévèrement critiqué la condamnation des députés du DEP
et ont précisé qu'Ankara devrait rectifier cette décision si elle
voulait se rapprocher de l'UE, mais tous, àl'exception de la Grèce, ont
fait le maximum pour arriver à l'union douanière.
Athènes a opposé son veto à l'union douanière, qui
aurait ouvert l'énorme marché européen aux marchandises turques, et a
interrompu une assistance financière de 600 millions d'Ecus destinée à
la Turquie, car elle voulait que soit fixée une date pour négocier
l'entrée de Chypre dans l'UE.
Cependant, le ministre des Affaires Etrangères
allemand, Kinkel, qui présidait la réunion, a précisé que la présidence
française de l'UE, à partir du 1e janvier 1995, prévoyait une réunion
UE-Turquie pour le 7 mars.
Même si le Conseil de l'Association parvient à
adopter l'union douanière le 7 mars, on s'attend à un nouveau débat si
cette affaire doit aller devant le Parlement Européen, nanti de
nouveaux pouvoirs depuis le Traité de Maastricht.
VILLAGES COLLECTIFS DANS LE SUD-EST
Le 28 novembre, le Premier Ministre Ciller annonçait
une série de plans pour la création de villages "centraux" ou
collectifs visant à grouper les habitations dispersées, principalement
dans le Sud-est.
Selon la presse turque, l'objectif essentiel de ces
plans est de placer les villages kurdes sous un contrôle plus strict.
Les autorités turques voyaient dans la dispersion des villages dans le
Sud-est -plus de 5.000- la cause principale du succès des rebelles et
leur facilité à recruter des volontaires, trouver refuge et recueillir
des provisions.
Le regroupement des villages dispersés en unités
plus grandes et plus faciles à défendre rappelle une politique suivie
par l'Irak dans le passé àl'égard des rebelles kurdes.
Selon Ciller, la Fondation Européenne de
Repeuplement a répondu favorablement à la demande de la Turquie d'une
aide financière de 10 billions de TL (277 millions de dollars).
Ciller, qui rappelle qu'il y a 72.000 villages dans
tout le pays, sans compter les hameaux, a dit que les nouveaux villages
jouiraient d'une sécurité accrue et de meilleures communications.
Le vice-président de l'HADEP, Ismail Arslan, a
adressé de sévères critiques au projet des villages collectifs et a
trouvé de grandes similitudes entre ce projet et celui des villages
stratégiques appliqué par les Etats-Unis au Vietnam.
"L'application de ce projet suppose l'envoi de plus
de policiers, soldats et protecteurs de villages dans la
région et davantage de répression,
d'intimidation et de violence pour les habitants", a-t-il dit.
L'ETAT D'URGENCE PROLONGEE UNE FOIS DE PLUS
Contrairement aux promesses du gouvernement de
coalition, le 15 novembre 1994 le Parlement décidait de prolonger de
quatre mois l'état d'urgence dans les dix provinces du sud-est de la
Turquie.
En fait, l'Assemblée Nationale ne faisait que
ratifier la décision déjà prise par le Conseil de Sécurité National,
organe extra-parlementaire composé de chefs de l'armée et certains
ministres clés.
CONSEIL D'EVALUATION DE LA SECURITE
Le ministre de l'Intérieur, Nahit Mentese,
s'adressant à la Commission de Planification et du Budget le 6 décembre
dernier, a annoncé des plans pour créer un nouveau "Conseil
d'Evaluation de la Sécurité" qui, entre autres, viserait à tarir les
sources financières du PKK.
D'après certains reportages de presse, ce conseil
étendrait son rayon d'action aux pays européens et à l'application de
mesures destinées à poursuivre et éliminer les activistes kurdes et
leurs sympathisants.
Mentese a également fait allusion à la visite de
Ciller en Israël au cours de laquelle elle a convenu avec les leaders
de ce pays de développer la coopération entre les services de
renseignement des deux pays, et a déclaré, "L'échange d'informations
entre le MOSSAD et d'autres organisations de renseignement revêtent une
grande importance pour la lutte contre le terrorisme dans la région".
AUGMENTATION DE LA DUREE DU SERVICE MILITAIRE
Le Conseil des Ministres a décrété le 23 décembre
dernier une augmentation de la durée du service militaire obligatoire
de 15 à 18 mois.
Dans le cas des officiers de réserve, la période de
service obligatoire passe de 12 à 16 mois.
Grâce à cette extension, les forces armées turques,
inefficace dans ses opérations de répression contre la résistance
kurde, disposeront de plus de soldats dans le Kurdistan.
Le coût de cette décision pour le budget national
est estimé à 5 billions de TL.
LA CSCE RECOMMANDE UN CESSEZ-LE-FEU
La Conférence sur la Sécurité et la Coopération en
Europe (CSCE) recommande, dans un rapport émis le 23 novembre 1994, un
cessez-le-feu bilatéral entre la Turquie et le Parti des Travailleurs
du Kurdistan (PKK).
Le rapport de la CSCE, issu de la visite en Turquie
en octobre dernier de son co-président, le sénateur Dennis DeConcini,
suggère au gouvernement turc que "si le PKK devait décréter un
cessez-le-feu unilatéral -comme ce fut le cas en mars 1993- qu'il
considère sérieusement la suspension de sa coûteuse campagne militaire.
Un tel cessez-le-feu bilatéral peut être une première étape vers un
climat propice à la discussion et adoption d'approches non-militaires".
Le rapport de la CSCE stipule également que "pendant
des années la Turquie a réprimé, parfois brutalement, une identité
culturelle kurde en faveur d'une identité séculaire turque. La Turquie
n'est pas la même qu'il y a ne fut-ce que cinq ans, la constante
progression depuis le refus catégorique de reconnaître jusqu'à
l'existence même des Kurdes jusqu'à l'accord de certaines libertés
restreintes, s'est accompagnée par une méfiance croissante entre les
Kurdes et les Turcs".
Le rapport de la CSCE fait les recommandations
suivantes au gouvernement turc à propos du problème kurde :
"1) Permettre à tous les partis non-violents de
participer à la vie politique.
"2) Abolir les restrictions à la liberté
d'expression, y compris celles imposées par la Loi anti-terrorisme.
"3) Abolir l'état d'urgence.
"4) Démanteler le système des gardiens de village.
"5) Lever toutes les restrictions à l'expression
linguistique et culturelle kurde.
"6) Lever toutes les contraintes qui pèsent sur la
dissémination de la langue kurde, les émissions de télévision et de
radio, les publications, la musique et les médias.
"7) Développer un Institut d'Etudes Kurdes fomenté
par l'Etat et permettre aux écoles d'apporter un enseignement en kurde.
"8) Convoquer une grande conférence pour examiner
tous les aspects des relations entre les Turcs et les Kurdes".
LA DEMANDE DE CESSEZ-LE-FEU DU PKK
Le 26 novembre, quelques jours après la publication
du rapport de la CSCE, le quotidien Özgür Ülke annonçait que le leader
du PKK, Abdullah Öcalan, avait envoyé une lettre aux gouvernements des
Etats-Unis, de l'Allemagne, de la France, du Royaume-Uni, ainsi qu'à la
CSCE, aux Nations Unies, au Conseil de l'Europe et à l'OTAN, demandant
un cessez-le-feu bilatéral.
"Le PKK n'insiste plus sur l'idée d'un Kurdistan
indépendant, mais nous demandons une intervention immédiate pour
résoudre le problème kurde. Nous voulons que les peuples kurde et turc
vivent ensemble", écrit Öcalan dans sa lettre.
ATTAQUEE CONTRE LA MAISON D'UN DEPUTE KURDE
Le député indépendant kurde Abdülmelik Firat
déclarait le 12 novembre dernier que des tireurs inconnus avaient
arrosé sa maison de balles et qu'il était la cible de cercles qui ne
voulaient pas la paix et soutenaient la poursuite des hostilités en
Turquie.
Après avoir rappelé aux journalistes qu'il était le
petit-fils de Seyh Sait, un leader rebelle kurde aux premières années
de la République, Firat a révélé qu'il faisait l'objet d'une tentative
d'intimidation.
"Il n'y a aucun doute quant à l'identité de ceux qui
ont tiré sur ma maison. Nous travaillons pour une solution au problème
kurde dans le cadre du Parlement. Les personnes qui sont contre la paix
sont responsables de ceci. Les agents de police qui sont arrivés chez
moi après l'incident m'ont dit : `disons simplement que nous avons tiré
et clôturons l'affaire'. L'industrie des armes, qui tire son profit du
bain de sang que vit la Turquie, est dirigée par une junte
gouvernementale", conclut-il.
UN AVOCAT KURDE ASSASSINE
Le 12 novembre, un grand avocat kurde de 59 ans,
Medet Serhat, était abattu par des inconnus alors qu'il rentrait chez
lui en voiture. Son chauffeur, Ismail Karaalioglu, fut également
victime de l'attentat. Serhat était un des principaux représentants de
l'Association turque pour la paix. Il était également l'avocat d'un
homme d'affaires kurde, Behcet Cantürk, assassiné le 15 janvier 1994.
UN MEDECIN ASSYRIEN ASSASSINE
Le 19 décembre 1994, un médecin assyrien était
assassiné par des hommes armés dans la ville de Midyat, province de
Mardin. La victime était le généraliste de 56 ans Edvard Tanriverdi.
L'agence de presse Reuter rapporte:
Quelque 3.000 Assyriens, issus de l'ancienne
communauté chrétienne, vivent difficilement à Midyat et ses environs,
où ils disposent d'une ancienne église orthodoxe chrétienne.
Le leader chrétien syrien de la ville, qui a demandé
à rester anonyme, a déclaré que Tanriverdi avait été assassiné peu
après minuit lorsque, de retour d'une visite chez des amis, il a garé
sa voiture devant sa maison. Il a été touché à la tête et à l'estomac
et est mort sur le coup.
Selon les enquêteurs, les assaillants auraient été
au nombre de deux.
Cette petite communauté se trouve prise dans une
région déchirée par la guerre que mènent depuis 1984 les guérillas
kurdes séparatistes et les troupes pour le contrôle du territoire. Les
Assyriens craignent également le harcèlement des groupes extrémistes
nationalistes ou religieux et se plaignent de la méfiance que leur
témoignent les officiers malgré leur totale citoyenneté turque.
"La communauté n'a plus d'espoir, d'énergie, de
confort", affirme le leader de la communauté syrienne.
Selon lui, l'assassinat de Tanriverdi est la
première grande attaque contre un membre de la communauté depuis Sükrü
Tutus, maire de la municipalité d'Idil, à Sirnak, assassiné dans les
mêmes circonstances le 17 juin 1994.
LE PATRIARCHE GREC MIS EN ACCUSATION
Le 19 décembre, le ministre de l'Intérieur, Nahit
Mentese, chargeait le gouverneur d'Istanbul d'ouvrir une enquête sur le
patriarche orthodoxe grec Bartelemos. Il est accusé d'avoir mené des
activités à l'étranger contre la Turquie et de collaborer avec la Grèce
et la Russie pour devenir le leader spirituel de tous les fidèles
orthodoxes du monde.
DES CITOYENS BRITANNIQUES SUR LA LISTE NOIRE
Selon le Turkish Daily News du 16 novembre, la
Turquie a dressé une liste noire de citoyens britanniques indésirables
en Turquie comprenant des parlementaires des journalistes et des
activistes des droits de l'homme.
Les principaux noms sur la liste sont Lord Avebury,
chef de la Commission des Droits de l'Homme du Parlement britannique;
le chef du bureau turc d'Amnesty International, Johnathan Sugden et le
journaliste Andrew Penny.
La liste avait été remise à l'Ambassade britannique
à Ankara; cependant, aucune raison n'était donnée aux diplomates quant
à la raison pour laquelle les personnes sur la liste étaient
indésirables en Turquie.
DES MEMBRES DE GREENPEACE ARRETES
A Sinop, 33 membres de Greenpeace ont été arrêtés
alors qu'ils menaient un acte de protestation contre le projet de
construction d'une centrale nucléaire à Akkuyu. Parmi les détenus se
trouve le coordinateur méditerranéen de Greenpeace, Mario Damato, et 27
autres étrangers.
GREVES DE LA FAIM DANS LES PRISONS
Le 9 novembre 1994 les forces de sécurité opèrent
une descente dans les locaux de l'Association des Droits de l'Homme
(IHD) et arrêtent plus de 116 personnes qui étaient en grève de la faim
en signe de solidarité avec l'action de résistance conjointe menée par
leurs parents en prison. Au cours de l'opération huit personnes ont été
gravement blessées et emmenées à l'hôpital.
L'IHD rapporte que des grèves de la faim sont
maintenues dans 21 prisons pour protester contre les conditions de
détention inhumaines. Selon le président de l'IHD, Akin Birdal, le
ministre de la Justice, Mehmet Mogultay, a répondu à leurs plaintes en
précisant qu'il ne pouvait rien faire pour mettre fin à cette situation
parce que l'affaire dépasse son autorité.
Voici les prisons dans lesquelles les prisonniers
politiques sont en grève de la faim avec, entre parenthèses la date du
début de la grève: Diyarbakir (5 oct), Konya (3 oct), Gaziantep (7
oct), Malatya (7 oct), Mardin (10 oct), Bursa (10 oct), Canakkale (10
oct), Urfa (9 oct), Batman (9 oct), Adiyaman (20 sept), Sivas (13 oct),
Elazig (8 oct), Izmir-Buca (6 oct), Ceyhan (9 oct), Cankiri (9 oct),
Nevsehir (15 oct), Ankara (9 oct), Aydin (11 oct), Yozgat (10 oct),
Bartin (10 oct) et Karaman (11 oct).
AUGMENTATION DU BUDGET DE L'ARMEE
Malgré la fin de la Guerre Froide, la Turquie
continue à faire d'énormes dépenses militaires, principalement dans la
lutte contre le mouvement national kurde au niveau national, et dans le
maintien de ses voisins sous une menace permanente.
Le ministre de la Défense, Mehmet Gölhan, a explique
que la plus grosse part du budget de 1995 était destiné aux dépenses
militaires, chiffrées à 153 millions de TL (425 millions de $) pour
l'année prochaine.
Cette somme représente 11,5% du budget général.
Cependant, les dépenses dépassent souvent les estimations initiales
dans le but d'intensifier les opérations militaires dans les zones
kurdes. La Turquie dispose actuellement d'une armée de 850.000 soldats.
Gölhan a précisé que seuls 37 billions de TL, soit
un quart de la somme proposée, serait allouée à l'achat de nouvelles
armes, tandis que les dépenses en personnel représenteraient le double.
Un projet initial de 4,2 milliards de dollars pour
la production dans le pays de 160 avions F-16 américains est quasiment
déjà mené à terme et 153 avions ont déjà été livrés aux Forces
Aériennes turques.
Selon Gölhan l'usine de Turkish Aerospace Industries
(TAI) avait déjà fabriqué 17 des 46 F-16 commandés par l'Egypte. Douze
avions ont déjà été livrés.
Dans le cadre d'un projet multinational avec
participation turque, 323 missiles air-air Stinger ont déjà été livrés
aux forces aériennes.
Outre les jets, Gölhan a précisé que 40 avions
d'entraînement et 14 avions légers de transport avaient été fabriqués
pour les forces aériennes, et que 45 Black Hawk Sikorsky et 20
hélicoptères Cougar achetés aux Etats-Unis avaient été livrés.
Les préparatifs pour l'acquisition de six avions de
reconnaissance télé dirigés et une station de contrôle au sol suivent
les programme prévu. Faisant allusion aux derniers développements de la
marine, Gölhan a dit que la flotte avait été rajeunie par l'acquisition
de cinq autres frégates classe Knox qui viennent s'ajouter à quatre
autres de la même classe mises en service en 1983.
Parmi le nouveau matériel de guerre que les forces
armées prévoient de construire ou acheter à l'étranger, le ministre
inclut deux sous-marins de 1.400 tonnes, cinq patrouilleurs de 400
tonnes équipés de missiles guidés, deux frégates classe Track-II, 20
hélicoptères d'entraînement et trois systèmes de contrôle de tir pour
l'artillerie.
LA BOMBE "CLUSTER" SERA-T-ELLE VENDUE A LA TURQUIE ?
"The Human Rights Watch Arms Project" révélait le 28
décembre dernier que les Etats-Unis pourraient être sur le point de
vendre à la Turquie leur bombe la plus récente et meurtrière. Inconnue
jusqu'ici par le public et le Congrès, cette bombe a soulevé un
important débat au sein du Département de défense pour déterminer s'il
faut permettre à Alliant Techsystems, basé au Minnesota, de vendre la
bombe "Cluster" 493 CBU-87 à la Turquie.
"Le Département d'Etat ne devrait sous aucun concept
autoriser la vente de cette arme à la Turquie où la situation des
droits de l'homme est abominable. Cette bombe est douée d'un trop grand
pouvoir pour être utilisée à mauvais escient", a déclaré Stephen
Goose, directeur du programme d'Arms Project. M. Goose a ajouté, "Nous
somme très préoccupés par la possibilité que la Turquie utilise les
bombes "Cluster" de façon indiscriminée dans son conflit contre les
rebelles kurdes, ce qui aurait des effets dévastateurs sur la
population civile".
Chaque CBU-87 peut saturer une zone de la taille
d'un terrain de football avec 202 petites bombes individuelles. Chaque
petite bombe dispose de trois "mécanismes létaux" : une paroi externe
programmée pour se désintégrer en environ 300 fragments capables de
causer des blessures mortelles à plus de 150 mètres dans toutes les
directions, une charge capable de pénétrer 13 centimètres de blindage
et un anneau incendiaire pouvant allumer des incendies dans n'importe
quel environnement combustible. La CBU-87 fut très utilisée par les
forces aériennes américaines lors de la Guerre du Golfe, causant
beaucoup de souffrances parmi la population civile.
La CBU-87 coûte entre 14.000 et 15.000 dollars
l'unité; elle est cinq fois plus chère que la bombe "Cluster" utilisée
au Vietnam (1.990 $), et quinze fois plus chère qu'une bombe ordinaire.
Le 21 juin 1994, la compagnie américaine Alliant
Techsystems a signé un contrat pour la livraison de 493 bombes aux
effets combinés CBU-87 au Ministère de la Défense turc. Cependant, le
Département d'Etat américain doit encore délivrer la licence
d'exportation autorisant la livraison de ces armes.
Un rapport de 28 pages intitulé "Les bombes
"Cluster" américaines pour la Turquie ?", souligne également que la
Turquie est le troisième pays qui reçoit le plus d'armes américaines
après Israël et l'Egypte, avec l'octroi de concessions et prêts pour
une valeur de 5,1 milliards de dollars au cours des dix dernières
années. Les Etats-Unis sont le premier fournisseur d'armes de la
Turquie. Quatre cinquièmes des armes importées par la Turquie sont
américaines.
"PROVIDE COMFORT" PROLONGE A NOUVEAU
L'Assemblée Nationale Turque a approuvé le 28
décembre dernier une nouvelle extension du mandat d'une base aérienne
occidentale basée en Turquie surnommée "Provide Comfort", dont
l'objectif est de protéger les Kurdes irakiens contre les attaques des
forces de Saddam Hussein.
Cette décision renouvelle pour six mois le mandat
des avions et hélicoptères américains, britanniques, français et turcs
qui patrouillent dans zone kurde au nord de l'Irak à partir de la base
d'Incirlik, dans le sud de la Turquie.
L'opération Provide Comfort était déployée en
Turquie en 1991, juste après la Guerre du Golfe, pour empêcher un exode
massif des Kurdes du nord de l'Irak vers la Turquie. Ces Kurdes, plus
de 400.000, avaient fui la colère des forces irakiennes loyales à
Saddam Hussein après leur révolte manquée suite à la Guerre du Golfe.
Incapable de contenir un tel exode, et soucieux que
la présence d'autant de Kurdes sur son territoire n'aggrave le problème
kurde, la Turquie avait demandé de l'aide à ses alliés. La réponse de
ces derniers fut la mise sur pied de ce dispositif.
Cependant la situation a changé et la présence de
ces forces en Turquie est contestée pour différentes raisons par
différents groupes d'opposition.
Ceux qui s'opposent aux opérations menées contre les
Kurdes accusent "Provide Comfort" de fournir à l'armée turque de
l'information logistique sur la situation des guérillas kurdes dans le
nord de l'Irak. En fait, l'édition du 29 décembre 1994 du Turkish Daily
News reprenait les paroles de plusieurs officiers militaires selon
lesquelles les opérations turques au-delà de la frontière irakienne
contre les camps du PKK ne seraient pas si aisées si "Provide Comfort"
n'existait pas.
Beaucoup d'hommes politiques partisans de l'emploi
de la force, au contraire, affirment que des éléments américains
attachés à cette opération aident en réalité activement le PKK contre
les forces de sécurité kurdes. Le leader du DSP, Bülent Ecevit, se
plaint que les Etats-Unis cherchent au fond à créer un Etat kurde dans
le sud-est de l'Anatolie et que "Provide Comfort" est le moyen d'y
parvenir.
Pour ce qui est du parti islamiste RP, le président
Necmettin Erbakan soutient que "Provide Comfort" est une force
d'occupation qui a compromis la souveraineté du pays et causé de la
perte pour la Turquie de 20 milliards de dollars au cours des trois
dernières années en raison des sanctions imposées à l'Irak.
Le fait que les partis de la coalition, sous la
directive du Conseil de la Sécurité Nationale où dominent les
commandants militaires, ait voté en faveur de l'extension de "Provide
Comfort", montre que la présence de ces forces en Turquie profite aux
forces du gouvernement dans leurs opérations contre la guérilla kurde
en Turquie et dans le nord de l'Irak.
LES BEVUES DE CILLER DANS LE MOYEN-ORIENT
La première tournée du Premier Ministre Ciller dans
le Moyen-Orient et le Maghreb en début de novembre était marquée par
une nouvelle série de gaffes montrant clairement l'absence d'une
politique turque dans la région.
Avant tout, à son retour du sommet islamique au
Maroc, elle a fait une visite hors programme au leader Libyen Gadhafi,
sans même en informer le ministre des Affaires Etrangères, Soysal, et
lui promit de faire de son mieux pour réintégrer la Libye dans la
communauté internationale.
Durant sa visite en Israël, visant entre autre à
obtenir une étroite collaboration entre les services de renseignement
turc et israélien dans la lutte contre le mouvement national kurde,
Ciller a parlé de "terre promise", ce qui a soulevé la colère des
Palestiniens.
Juste après cette gaffe, Ciller rendait une autre
visite hors programme au ministre palestinien des Affaires Etrangères,
Faysal Husseini à la Maison d'Orient à Jérusalem, ce qui a été
considéré par les hommes politiques israéliens comme la confirmation
que Jérusalem est la capitale du futur Etat palestinien. Ce geste a
suscité une motion du Likud destinée à fermer la Maison d'Orient. Le
Premier Ministre Rabin, qui avait hébergé Ciller pendant trois jours a
déclaré après la rencontre Ciller-Husseini, "Il s'agit d'un incident
honteux et regrettable".
Le rédacteur de Sabah, Cengiz Candar, a qualifié la
visite de comédie shakespearienne d'erreurs. "Malgré un physique
attrayant et un sourire permanent, la capacité intellectuelle de Ciller
ne semble pas à la hauteur", pouvait-on lire dans son article.
TAUX D'INFLATION ANNUEL : 150%
A la fin de l'année 94, l'inflation chronique de la
Turquie aurait atteint les taux de gros et de détail les plus élevés de
l'histoire de la République Turque, aspect que le Premier Ministre
Tansu Ciller avait qualifié de "succès en soi".
Lorsqu'elle est devenue ministre d'Etat chargée des
affaires économiques en 1991, Ciller avait annoncé une réduction de
l'inflation à 20%.
Trompant constamment l'opinion publique, Ciller
avait répété le 13 juillet 1994: "Le FMI, ainsi que la Banque Mondiale
attendent des miracles de notre part... Le taux d'inflation sera dans
les 20 dans la deuxième moitié de l'année."
Cependant, après quatre ans de pouvoir, l'Institut
de Statistiques de l'Etat (DIE) annonçait que le taux d'inflation
cumulatif inter-annuel des prix de gros avait atteint la cote record de
149,6%, doublant largement le taux de 1991.
Voici d'autres indicateurs vitaux qui montrent que
la performance de Ciller en matière économique a mené la Turquie vers
un désastreux déclin :
. L'économie a décru de 6,1% au cours des neuf
premiers mois.
. La capacité utilisée entre janvier et septembre
était de 75,5%.
. Il y a plus de 4 millions de chômeurs et de
personnes sous-employées dans l'économie, ce qui représente 19,8% de la
population active.
. Le déficit extérieur atteignait les 4,5 milliards
de dollars au cours des 11 premiers mois de l'année.
. La dette interne était de 600 billions de TL; la
dette externe de 50 billions de dollars.
. Le déficit des Entreprises d'Etat est de 78
billions de TL.
. Le déficit budgétaire inter-annuel est estimé à
160 billions de TL.
. La Turquie se classe huitième pour ce qui est des
critères de risque parmi les pays développés, selon l'Unité de
Renseignement Economique.
.
. La Banque Centrale possède une réserve de devises
étrangères de 7.065 milliards de dollars.
. La circulation de monnaie est de 115,5 billions de
TL
. La parité dollar/lire turque est de 40.000. La
lire turque a perdu 61 pour cent de sa valeur en un an.
Le leader du principal parti de l'opposition Parti
de la Mère-Patrie (ANAP), Mesut Yilmaz, a déclaré :
"Pour nous, la cote globale du gouvernement dans la
gestion de l'économie est un grand zéro. C'est le panorama économique
le plus désastreux de l'ère républicaine. Le Premier ministre turc, qui
est professeur d'économie, a obtenu un taux d'inflation de 150% et une
décroissance de l'économie de 5%. Ceci s'appelle un échec partout sur
la planète. Les revenus réels des fonctionnaires publics ont diminué de
150% au cours de l'année dernière. Le record de Pinochet est battu".
Le président de la formation islamiste Parti du
Bien-être (RP), Necmettin Erbakan, souligne que 1995 sera pire que 1994
et ajoute : "Le capitalisme style cow boy est en train d'écraser les
pauvres et d'enrichir la minorité qui était déjà riche".
TERRORISME D'ETAT EN DEUX MOIS
Le 1.11, le Secrétaire Général du Syndicat des
Médecins Turcs (TTB), Ata Soyer, est interrogé par le procureur de la
CSE d'Ankara à propos de ses critiques contre l'envoi de certains
médecins à la zone en état d'urgence.
Le 1.11, des tireurs inconnus abattent Abdülkerim
Deniz et Behcet Deniz à Batman et Baki Hanen à Diyarbakir.
Le 1.11, à Adana, Mehmet Kazik affirme avoir été
torturé en compagnie de son fils, Abdurrahman Kazik, au cours de son
interrogatoire.
Le 2.11, à Mersin, Ahmet Ergen, de 70 ans, affirme
avoir été battu par une équipe de police qui faisait une descente de
police dans sa maison à la recherche de son fils.
Le 3.11, la Cour de cassation ratifie une peine de
prison de quatre ans imposée à Mehdi Zana, ancien maire de Diyarbakir
et époux du député du DEP Leyla Zana. La CSE d'Ankara lui a également
imposé une amende de 200 millions de TL pour des déclarations faites au
cours d'une visite au Parlement Européen à Bruxelles. Zana avait déjà
écopé d'une autre peine de prison de quatre ans faisant actuellement
l'objet d'un appel devant la Cour de cassation. Il avait été emprisonné
pendant 11 ans suite au coup-d'Etat militaire de 1980.
Le 3.11, le président de l'HADEP à Ankara, Imam
Canpolat, est condamné par la CSE d'Ankara à quatre ans de prison et à
payer une amende de 500 millions de TL pour un discours prononcé lors
des dernières célébrations du Newroz. Suite au procès, il a été
immédiatement jeté en prison.
Le 4.11, à Istanbul, le jeune Ecevit Balci est
abattu pour avoir collé des posters politiques sur les murs. La jeune
femme Ayfer Acil est arrêtée après avoir été blessée pendant
l'opération policière.
Le 5.11, à Semdinli, Selim Demir, Ali Er et Emin Er
sont victimes de l'explosion d'une mine posée par les forces de
sécurité.
Le 5.11, des tireurs inconnus abattent Mehmet Akin à
Silvan et Bedri Kamin à Diyarbakir.
Le 6.11, les forces de sécurité font un raid dans le
village de Verimli à Kars et arrêtent 16 personnes accusées d'avoir
aidé le PKK.
Le 8.11, le gouverneur de la région soumise à la loi
d'urgence empêche l'entrée dans la province de Tunceli à un groupe
d'écrivains, artistes et militants des droits de l'homme pour y mener
une enquête sur les villages brûlés par les forces de sécurité.
Le 9.11, Ekrem Canpolat, candidat du DYP à la mairie
d'Atabag, Siirt, est assassiné par des protecteurs de village.
Le 12.11, dans le village de Bulakbasi, à Igdir,
deux enfants, Resul Ürecil (9) et Harun Sahin (10) sont victimes de
l'explosion d'une bombe posée par les forces de sécurité. Quatre autres
enfants sont blessés par l'explosion.
Le 13.11, à Mersin, le sympathisant de l'HADEP, Emin
Özdemir, affirme avoir été torturé par la police suite à sa détention
le 9 novembre dernier.
Le 14.11, à Adana, Neval Colak affirme avoir été
torturé pendant deux jours après que la police l'ait arrêté le 11
novembre dernier.
Le 14.11, les forces de sécurité auraient arrêté des
dizaines de personnes dans les quartiers kurdes de Mersin ainsi que le
représentant de l'HADEP, Zeki Altindag, en compagnie de dix autres
personnes, à Batman.
Le 14.11, des tireurs inconnus abattent Haci Mustafa
Suman à Viransehir.
Le 16.11, le procureur de la CSE d'Erzincan
introduit une action en justice contre neuf avocats, Necati Güven,
Mahmut Tuncer Caferoglu, Abdürrahim Firat, Giyasettin Kaya, Eyüp Duman,
Ahmet Gerez, Bahttin Eryilmaz, Mehmet Emin Adiyaman et Ali Demir, tous
accusés d'entretenir des activités en faveur du PKK. Le procureur
inculpe également le directeur de la prison d'Erzurum, Zülfikar Catici,
et le gardien de prison Ibrahim Diler, pour les mêmes causes. En
relation avec cette action, trois procureurs publics d'Erzurum, Salim
Atici, Ömer Kocarslan et Mithat Özcan, sont démis de leurs fonctions.
Le 17.11, la CSE d'Izmir place treize personnes en
détention pour activités en faveur du PKK.
Le 18.11, les forces de sécurité font une descente
dans une maison de Diyarbakir et abattent trois personnes dont les noms
n'ont pas été communiqués.
Le 18.11, au cours d'une série d'opérations
policières, neuf membres de l'HADEP sont arrêtés à Osmaniye et un
membre du TIKKO subit le même sort au poste de contrôle de Kapikule à
Edirne.
Le 18.11, l'étudiant universitaire Lokman Abik est
assassiné par des tireurs inconnus.
Le 18.11, l'enfant de 13 ans A.S., arrêté pour vol,
affirme avoir été torturé au poste de police de Kurtulus, à Istanbul.
Les traces de torture sont certifiées par la Médecine Légale de Sisli.
Le 18.11, l'avocate Gül Kireckaya est harcelée par
la police alors qu'elle essaye de rencontrer sont client.
Le 18.11, au village de Yelkenli, Bitlis, le jeune
de 11 ans Cüneyt Tarhan est tué par une mine posée par les forces de
sécurité.
Le 19.11, un meeting de protestation contre les
violations des droits de l'homme est interdit par le gouverneur d'Izmir.
Le 19.11, le gouverneur d'Istanbul interdit un débat
organisé par la section de l'IHD d'Ankara sur "l'éducation et les
droits de l'homme".
Le 20.11, les forces de sécurité arrêtent 41
personnes à Izmir pour avoir pris part aux activités du TIKKO.
Le 20.11, à Izmir, l'avocat Betül Duran soutient que
ses deux clients, Ahmet Korkmaz et Aliyar Simsek, ont été torturés au
département de la police politique.
Le 20.11, le procureur de la CSE d'Ankara introduit
une action en justice contre trois avocats, Murat Demir, Ahmet Düzgün
Yüksel et Zeki Tüzgar, arrêtés le 27 septembre 1994 en compagnie de
deux autres personnes à Ankara et accusés d'avoir pris part aux
activités du Dev-Sol.
Le 20.11, à Van, Emin Aksa et Izzettin Kurt
affirment avoir été torturés par la police suite à leur arrestation le
14 novembre dernier.
Le 21.11, des tribunaux locaux placent 19 personnes
en détention à Izmir et deux autres à Osmaniye pour avoir mené des
activités en faveur du PKK.
Le 22.11, à Batman, Serif Gök, frère du maire de la
ville, est abattu par des inconnus.
Le 24.11, à Batman, Menaf Dinler, Vahdettin Boral,
Zeynel Abidin Dinler, Saim Bütüner, Nevzat Acikalin et Sabrettin Boral
affirment une fois en liberté avoir été torturés suite à leur
arrestation le 21 novembre dernier. Selon eux, trois autres personnes,
Vecdin Dinler, Mecdettin Dinler et Imadettin Dinler, sont toujours
détenus et soumis à la torture.
Le 26.11, le bureau d'Izmir du Syndicat des
Travailleurs du Transport Mécanique (TUMTIS) subit une attaque par un
groupe d'inconnus. Les assaillants, vraisemblablement des militants du
MPH, détruisent tout le matériel après avoir enfermé le personnel dans
les toilettes.
Le 27.11, les forces de sécurité arrêtent à Ankara
dix membres présumés du Parti Communiste Révolutionnaire de Turquie
(TDKP) ainsi que le président de l'HADEP d'Altindag, Yasin Özkan, et
huit autres membres du parti.
Le 27.11, à Batman, Sait Badem est abattu par des
tireurs inconnus.
Le 27.11, à l'occasion du 16e anniversaire de la
fondation du PKK, les forces de sécurité mènent une série d'opérations
dans les quartiers kurdes des grandes villes et arrêtent des centaines
de personnes.
Le 28.11, à Izmir, 30 des 41 membres présumés du
TIKKO arrêtés le 21 novembre sont placés en détention par décision
d'une cour.
Le 28.11, Bekir Önder, de 30 ans, arrêté le 4
novembre à Kiziltepe, est retrouvé mort à la maison de détention de
Mardin. Son frère, Ahmet Önder, arrêté au même moment, affirme qu'ils
ont été torturés au centre de police jusqu'au 21 novembre. Bien
qu'Ahmet Önder était relâché le 21 novembre, Bekir Önder a été placé en
détention par décision d'une cour et envoyé dans une maison de
détention. Les autorités auraient refusé que ce dernier soit envoyé
dans un hôpital.
Le 29.11, à Istanbul, un groupe d'activistes de
l'IHD tenant une conférence de presse devant la prison de Bayrampasa
pour dénoncer les mauvais traitements des prisonniers politiques est
harcelé par la police et quatre personnes sont arrêtées.
Le 29.11, à Istanbul, la police arrête neuf
personnes pour avoir pris part aux activités du Parti-Front de
Libération du Peuple Révolutionnaire (DHKP-C).
Le 30.11, des tireurs inconnus abattent Hasim Celik
à Silvan.
Le 30.11, à Batman, les forces de sécurité font une
descente dans deux maisons et arrêtent huit personnes. Parmi les
détenus figurent deux fils de Mehmet Yilmaz. Ce dernier est décédé
pendant sa détention au quartier général de la police de Batman le 24
avril 1992.
Le 1.12, à Silopi, des agents des douanes abattent
le jeune de 15 ans Yunus Turgut au point de contrôle d'Habur. Les
agents ont ouvert le feu sur un camion qui pénétrait en Turquie sans
permission.
Le 2.12, la CSE d'Ankara condamne dix-huit personnes
à des peines de prison allant jusqu'à 25 ans et trois mois pour avoir
pris part aux activités de l'Avant-Garde Révolutionnaire (HDÖ).
Le 2.12, deux inconnus sont retrouvés assassinés à
Viransehir.
Le 3.12, à Diyarbakir, Namik Kaya est abattu par des
tireurs inconnus.
Le 5.12, les forces de sécurité arrêtent huit
personnes à Mazgirt et dix autres à Van au cours d'une série
d'opérations anti-PKK.
Le 7.12, le président de l'IHD d'Iskenderum Sadullah
Caglar et le président du Syndicat des Travailleurs de l'Education
(Egit-Sen) d'Iskenderum, Ismail Cömertoglu, sont arrêtés.
Le 7.12, des tireurs inconnus abattent l'enseignant
Tevfik Alma à Midyat et Memduh Cicek à Diyarbakir.
Le 8.12, à Ankara, trois jeunes, Selahattin Bas,
Ajda Adibelli et Hülya Saritemur, auraient été torturés par la police
suite à leur arrestation le 1e décembre dernier.
Le 8.12, à Batman, deux militants du PKK, Ferhat
Demir et Nefiye Celik, auraient été abattus par la police après les
avoir arrêtés.
Le 11.12, à Adana, le jeune de 16 ans F. Tekdemir
affirme avoir été torturé par la police qui l'avait arrêté au cours
d'une descente dans une maison.
Le 11.12, les forces de sécurité arrêtent 16
étudiants universitaires au cours d'une opération à Of, ville de la
province de Trabzon.
Le 13.12, le président de l'IHD, Akin Birdal,
l'ancien député Hüsnü Okcuoglu et trois autres personnes sont jugés par
la CSE d'Ankara pour avoir diffusé de la propagande séparatiste pendant
la Semaine des Droits de l'Homme en 1992. Les défendeurs risquent une
peine de prison allant jusqu'à cinq ans.
Le 14.12, l'avocat Faik Candan, président du Parti
Travailliste du Peuple (HEP) d'Ankara, formation déjà disparue, est
retrouvé assassiné dans le district de Bâlâ. Le Secrétaire Général de
la Fondation des Droits de l'Homme (TIHV), Mahmut Tali Öngören,
dénonçant l'augmentation des meurtres politiques, réclame aux autorités
qu'elles recherchent les auteurs de ces assassinats.
Le 14.12, à Istanbul, les forces de sécurité opèrent
des descentes dans plusieurs maisons et arrêtent cinq membres de
l'HADEP. A Mersin, le médecin Sabri Soysal est arrêté pour avoir donné
des soins à plusieurs militants du PKK.
Le 15.12, à Istanbul, l'avocat Hasan Hüseyin Reyhan,
en détention policière depuis le 7 décembre est placé en détention par
une cour. Ses parents affirment que Reyhan a fait l'objet de tortures
pendant sa détention.
Le 16.12, à Istanbul, l'avocat Zeynep Firat est
arrêté par la police.
Le 16.12, une exposition de bandes dessinées à
l'Université d'Istanbul subit l'attaque d'un groupe de droite. Celui-ci
s'en prend également aux étudiants et blesse deux d'entre eux. Après
l'incident, la police arrête trois étudiants de gauche qui protestaient
contre l'attaque.
Le 17.12, Abdülbaki Nayman, kidnappé le 15 décembre
à Kurtalan, est retrouvé assassiné dans le village de Tuzla, à Kozluk.
Le 18.12, à Midyat, le médecin assyrien Edvard
Tanriverdi est assassiné par des tireurs inconnus.
Le 19.12, à Siirt, cinq passagers d'un minibus sont
tués par l'explosion d'une mine posée par les forces de sécurité et
quatre autres sont sérieusement blessés.
Le 20.12, à Ankara, le fonctionnaire de l'HADEP,
Tevfik Kaya, est placé en détention par la CSE d'Ankara en raison d'un
discours prononcé le 13 octobre lors d'un meeting politique.
Le 20.12, à Diyarbakir, des tireurs inconnus
abattent Vedat Tellan.
Le 20.12, à Mardin, Bayram Bal et Hamit Bal, enlevés
par la police le 16 novembre, sont retrouvés assassinés.
Le 21.12, à Diyarbakir, Abdulkadir Celik Bilek,
Kidnappé par la police le 14 décembre dernier, est retrouvé assassiné.
Le 21.12, la CSE d'Izmir condamne trois défendeurs
du PKK, Izzettin Ekren, Sabri Keve et Ceknas Ekren à la peine capitale
et deux autres à des peines de prison allant jusqu'à 12 ans et six mois.
Le 22.12, s'ouvre à la CSE d'Istanbul le procès de
12 militants présumés du PKK. Le procureur demande la peine capitale
pour cinq des défendeurs.
Le 22.12, la CSE de Diyarbakir condamne le maire de
Bingöl, Selahattin Aydar, et le président de la Fondation de la
Jeunesse Nationale (MGV), Bedri Baran, à un an de prison chacun pour le
discours prononcé par Aydar le 22 juin lors d'un meeting du Parti du
Bien-être (RP) à Diyarbakir.
Le 22.12, à Istanbul, l'avocate Münevver Köz, sous
détention policière depuis le 16 décembre, est placée en détention par
une cour. Selon ses parents, Köz a été torturée pendant sa détention.
Le 22.12, à Adana, 14 personnes arrêtées la veille
par la police affirment avoir été torturées par la police.
Le 22.12, à Diyarbakir, Aziz Ulas et Faik Tunc sont
assassinés par des inconnus.
Le 23.12, un fonctionnaire de la section d'Izmir de
l'IHD, Dervis Altun, est attaqué par un groupe de militants du MHP qui
investissait son bureau.
Le 23.12, la CSE de Diyarbakir condamne trois
défendeurs du PKK à la prison à vie et trois autres à des peines de
prison allant jusqu'à 12 ans et six mois.
Le 25.12, à Istanbul, le fonctionnaire de l'HADEP,
Orhan Kaya, est arrêté par la police lors d'une descente dans son
domicile.
Le 27.12, des militants de droite investissent
l'Université d'Istanbul et blessent quatre étudiants de gauche.
Le 28.12, la section de Diyarbakir de l'IHD est
fermée pour un mois par le gouverneur de la province pour possession de
publications interdites.
Le 29.12, deux jeunes filles arrêtées par la police
le 23 décembre dernier alors qu'elles affichaient des posters
affirment, une fois en liberté, qu'elles ont subi des tortures.
Le 30.12, à Adana, le fonctionnaire de l'HADEP, Haci
Sait Macir, est abattu par des inconnus. Trois mois auparavant, le 3
octobre, deux fonctionnaires de l'HADEP, Rebih Cabuk et Sefer Cerf,
avaient été assassinés devant le café tenu par Macir.
COLERE CROISSANTE DE LA CLASSE OUVRIERE
La principale victime des politiques économiques de
Ciller, les ouvriers et les fonctionnaires publics, ont convoqué des
manifestations massives en novembre et décembre.
Les syndicats turcs, dans une action commune, ont
organisé une grande marche le 26 novembre à Ankara pour protester
contre la politique du gouvernement et le projet de budget pour 1995
qui une fois de plus réduit les salaires et restreint les augmentations
salariales.
La police eut recours aux matraques pour stopper
certains travailleurs qui voulaient passer outre l'interdiction de
manifester devant le Parlement. 3.000 agents de police ont été déployés
dans la ville. Les véhicules se dirigeant vers Ankara étaient
soigneusement fouillés et des bus qui transportaient des travailleurs
se sont vu refuser l'entrée dans la capitale.
Plusieurs travailleurs en colère ont jeté des
pierres à Bayram Meral, président de la Confédération des Syndicats
Turcs (Türk-Is), argumentant qu'il avait vendu le mouvement
travailliste.
Le 20 décembre, les fonctionnaires publics ont mené
une série d'actes de protestation partout en Turquie. Des dizaines de
milliers de marcheurs ont occupé les principales rues des grandes
villes et ont scandé des slogans contre le gouvernement.
VIOLATIONS DES DROITS DE L'HOMME
L'Association des Droits de l'Homme de Turquie (IHD)
a publié les chiffres suivants relatifs aux violations des droits de
l'homme aux cours des deux derniers mois de 1994:
Novembre
Décembre
Arrestations
164 111
Morts dans les conflits
326
302
Villages brûles ou évacués
41
21
Lieux bombardés
21
24
Personnes tuées par des inconnus
17 10
Morts en détention ou sous la torture
21 19
Cas de torture
36 26
Associations perquisitionnées
14
7
Sentences
36 ans 138 ans
Amendes
2.383
2.653
milliards TL milliards TL
Prisonniers d'opinion
107
119
DES SENTENCES RIDICULES POUR LES INCENDIAIRES DE SIVAS
Alors que des intellectuels sont condamnés à des
peines de prison à vie pour leurs opinions, le 26 décembre 1994 la Cour
de la Sûreté de l'Etat d'Ankara infligeait des peines ridicules aux
fondamentalistes qui ont mis le feu à un hôtel l'année dernière à Sivas
et ont causé la mort de 37 intellectuels.
La cour a imposé 15 ans de prison aux 23 défendeurs
jugés principaux responsables de l'outrage. 63 autres ont écopé de
peines allant de deux à dix ans de prison. 37 défendeurs ont été
acquittés.
Les fanatiques condamnés ont protesté contre la
sentence en scandant des slogans et des insultes, jetant des objets aux
juges et aux reporters qui couvraient l'audience finale.
Les avocats qui représentaient les parents des
victimes de l'incendie ont annoncé qu'ils iraient en appel contre les
sentences qui ne répondent pas à la gravité des délits. Les verdicts
ont également causé un choc émotionnel aux parents des victimes, Ils se
sont érigés contre la clémence des sentences et ont organisé une marche
scandant les slogans suivants : "Les meurtriers sont toujours en
liberté, où est l'Etat ?", et "L'Etat est un assassin".
Les défendeurs avaient été arrêtés après qu'une
foule de fondamentaliste ait incendié l'hôtel Madimak à Sivas le 2
juillet 1993. Trente-sept artistes et intellectuels, réunis pour
commémorer un barde médiéval pendu pour avoir prôné la résistance
contre l'oppression religieuse et politique, sont morts dans l'incendie.
Aziz Nesin, un écrivain turc de renommée
internationale qui était devenu la principale cible de la foule à cause
de sa traduction du livre de Salman Rushdie, "Versets Sataniques", a
survécu à l'attaque.
En rejetant la peine de mort réclamée par le
procureur pour les fondamentalistes, la cour a pris en compte la
présence de Nesin à Sivas pendant les cérémonies. Après la lecture des
verdicts, la cour a ordonné l'ouverture d'une enquête sur l'écrivain
pour avoir ignoré l'interdiction officielle du livre et par conséquent
insulté l'Islam et méprisé l'Etat.
Alors que Nesin, de 80 ans, est harcelé par les
autorités turques dans son propre pays, le Comité pour la protection
des journalistes à New-York l'honorait le 10 novembre dernier avec le
"Prix International de la Liberté" pour sa lutte courageuse en faveur
de la liberté d'opinion.
Dans son allocution, lors de la cérémonie, Nesin a
souligné les dangers du fondamentalisme pour la Turquie et le monde
dans son ensemble. Il a également appelé les présents à soutenir son
appel pour une conférence internationale en faveur de la tolérance et
la liberté.
ATTENTAT A LA BOMBE PAR LES ISLAMISTES
Un attentat à la bombe perpétré le 30 décembre 1994
par un groupe fondamentaliste dans le café de l'hôtel Marmara à Ankara
a coûté la vie à l'archéologue Yasemin Cebenoyan et causé une paralysie
au distingué intellectuel turc Onat Kutlar.
Cet acte criminel aurait été commis par un groupe
islamiste, mais le président des affaires religieuses, attaché au
cabinet du Premier ministre Ciller, avait déclaré que la célébration de
la festivité chrétienne par des Turcs était incompatible avec les lois
islamiques.
Onat Kutlar, célèbre écrivain et rédacteur du
quotidien Cumhuriyet, est également fondateur de la cinémathèque turque.
MANIFESTATION ISLAMISTE AU MAUSOLEE D'ATATÜRK
Le 10 novembre 1994, la cérémonie de commémoration
du 56e anniversaire de la mort d'Atatürk était marquée d'une nouvelle
manifestation médiatique par les islamistes.
Juste avant la minute de silence observée par le
Président de la République et d'autres leaders politiques et militaires
devant le mausolée, un militant islamiste a commencé à crier devant les
caméras de télévision : "Ne vous recueillez pas devant des blocs de
pierre qui ne peuvent voir ni entendre. Craignez le châtiment d'Allah
! Ne louez pas les idoles, Allah est omnipotent !"
Le manifestant était arrêté par la suite.
Le président du groupe parlementaire du Parti du
Bien-être (RP), Oguzhan Asiltürk, a qualifié l'incident de provocation
destinée à créer un climat d'hostilité envers le RP.
CILLER FLIRTE AVEC LES FONDAMENTALISTES
Conscient que le Parti du Bien-être,
fondamentaliste, devient de plus en plus puissant en raison de
l'impopularité de la politique du gouvernement, le Premier Ministre
Ciller a lancé une double campagne destinée à adoucir son échec.
Le 6 décembre 1994, s'adressant aux journalistes
turcs alors qu'elle se rendait à Budapest pour le sommet de la CSCE,
Ciller a dit que son gouvernement possédait "d'importants documents
(incriminant le RP)" et que cela pouvait inclure le RP dans le
programme du Parlement, comme cela avait été le cas du Parti de la
Démocratie (DEP), déjà banni.
Ciller a proféré ces menaces contre le RP en
relation avec les accusations d'irrégularités constatées dans la
campagne de recueil de fonds, dirigée par le RP, pour venir en aide aux
musulmans qui se battent en Bosnie.
Cependant, cette menace a soulevé un grand débat sur
l'habitude du gouvernement de fermer des partis de l'opposition l'un
après l'autre.
Le porte-parole du parti de l'opposition ANAP, Eyüp
Asik, a immédiatement répondu à Ciller que ce n'était pas aux premiers
ministres mais aux cours d'inclure ces questions dans l'agenda du
Parlement. "La déclaration du Premier Ministre est pleine d'ignorance
et nocive pour un Etat de loi. Elle parle comme si elle pouvait inclure
au Parlement tous ceux qu'elle aime et en exclure ceux qu'elle n'aime
pas. Fermer un parti juste parce qu'il marque des points ne peut être
compatible avec la démocratie, ni la loi. Par ailleurs, cela ne peut
qu'aider à le renforcer".
Alors qu'elle menace le RP, Ciller en personne,
essayant de séduire l'électorat islamiste, a commencé à flirter
ouvertement avec les principales figures des groupes fondamentalistes.
Le 13 décembre, le quotidien Milliyet rapportait que
Ciller avait déjà rencontré Feyzettin Erol, le neveu du feu leader du
Naksibendi, Muhammed Rasit Erol. Auparavant, Ciller avait invité le
leader du Fethullahci à sa résidence officielle, où ils se sont
entretenus, ce qui impliquait la reconnaissance tacite de la légitimité
du mouvement Fethullahci par l'Etat.
Ce même jour, le quotidien Hürriyet rapportait que
Ciller avait rencontré Fethullah Hoca, mais également Mehmet Kutlular,
un des leaders de Nurcus.
SOUTIEN DE L'ETAT AUX ISLAMISTES
Malgré les déclarations des partenaires de la
coalition SHP et DYP, destinées à sauver la face, s'affirmant comme des
défenseurs de l'Etat séculaire, le budget national pour 1995 démontre
que l'actuel gouvernement a fait de l'Etat le principal soutien des
organisations islamistes.
En 1995, 4,8 billions du budget du Ministère de
l'éducation sont alloués à l'éducation religieuse, 161,8 milliards de
TL de plus que les subsides accordés à 37 universités du pays.
La part accordée au Conseil d'administration des
Affaires Religieuses, 12,3 billions de TL, est équivalente au budget de
cinq ministères : les Ministères du tourisme, de l'environnement, de
l'industrie, des transports et de l'énergie et ressources naturelles.
Une partie de l'argent allouée au Conseil
d'Administration des Affaires Religieuses est destinée à l'éducation
des imams (homme religieux). Bien que la Turquie ne précise que 1.000
imams par an, il y a 476.000 étudiants inscrits dans les 454 écoles
imam-hatip.
Si nous additionnons tous les diplômés précédemment
dans ces écoles, nous arrivons à un million d'imams. Ce qui veut dire
qu'en Turquie il y a un imam pour 50 personnes. Mais il existe des
plans pour créer encore d'autres écoles imam-hatip.
Une personne qui étudie dans une école imam-hatip
pour devenir imam a le droit, depuis l'ère Özal, d'aller à
l'université. Par conséquent, les personnes diplômées dans les écoles
imam-hatip jouissent aujourd'hui d'importantes positions dans
l'administration du pays.
Une des principales raisons du succès du RP aux
dernières élections locales est le soutien que lui apporte l'Etat.
Outre cette implantation islamiste dans
l'administration de l'Etat, le mouvement islamiste a 111 députés
appartenant non seulement au RP, mais également à d'autres partis de
droite.
39 députés du RP et 39 autres du parti de la
coalition DYP, 20 du principal parti de l'opposition ANAP, 15 du
néo-fasciste MHP et 10 députés provenant de petits partis ou
indépendants constituent une "sainte alliance" au sein du Parlement et
agissent à l'unisson dans les questions islamiques.
UN NOUVEAU PARTI POLITIQUE EN TURQUIE
Après un an et demi de préparation, le Nouveau
Mouvement de la Démocratie (YDH), dirigé par un homme d'affaires de 38
ans, Cem Boyner, était officiellement enregistré comme parti politique
le 22 décembre dernier.
Les 133 fondateurs du YDH, y compris plusieurs
anciens intellectuels, journalistes et hommes d'affaires de gauche, ont
élu Boyner comme président du parti.
Boyner, un géant de l'industrie du textile turque, a
parcouru tout le pays depuis mai dernier, faisant des apparitions
publiques et essayant de gagner le soutien populaire tout en insistant
sur la nécessite de trouver une solution au problème kurde et d'assurer
la démocratie et la liberté par une approche libérale tant en politique
qu'en économie.
L'ancien président de l'Association des Industriels
et hommes d'affaires turcs, Boyner, a déclaré aux journalistes lors
d'une interview concédée en juillet 1994, "Nous les Turcs nous n'avons
pas de problème kurde, nous avons un problème turc. Ce sont les Turcs
qui ont un problème parce qu'ils ne veulent pas concéder des
libertés aux Kurdes. Mais la concession de ces droits ne constitue pas
une réforme, il s'agit seulement de rendre ce qui a été volé il y a 70
ans lorsque fut fondée al République".
A propos de l'Islam, il dit :
"Depuis la fondation de la République en 1923, les
gouvernements turcs ont essayé de museler le pouvoir de l'Islam en
payant des leaders et des institutions religieuses approuvées par
l'Etat et de restreindre l'emprise de l'Islam. Il est nécessaire
d'opérer une séparation totale entre la religion et l'Etat. Les
tentatives, par le passé, de contrôler l'Islam n'ont donné lieu qu'à
une radicalisation des musulmans radicaux".
La tentative de Boyner d'emballer le monde politique
turc n'est pas sans rappeler la flamboyante manière dont le magnat
italien Silvio Berlusconi s'est emparé du pouvoir. De nombreuses
personnes lasses des promesses non tenues et de la corruption aux plus
hautes sphères, semblent très prudentes à l'égard du nouveau parti et
voient en ce séduisant homme d'affaires une nouvelle figure médiatique
lancée par les cercles dirigeants pour remplacer une autre figure
médiatique, le Premier Ministre Ciller, qui a échoué dans sa politique
économique.
Dans une récente édition du magazine Time, Boyner
était inclus dans une liste de 100 jeunes leaders du futur dans le
monde.
NOUVELLE CRISE DANS LA DEMOCRATE SOCIALE
La démocratie sociale turque, divisée en trois
partis politiques, ne cesse de s'affaiblir en raison de la complicité
que maintient le SHP avec les impopulaires politiques du gouvernement.
La crise s'est aggravée après que le ministre des
Affaires Etrangères, Mümtaz Soysal, un nationaliste radical du SHP, a
dû abandonner ses fonctions au sein du gouvernement le 28 novembre
dernier en raison de ses divergences avec la politique étrangère du
Premier ministre Ciller.
Soysal s'était déjà opposé aux ambitieux programmes
de privatisation de Ciller.
Dans sa lettre de démission adressée à Ciller,
Soysal précisait, "Votre attitude obstructive à l'égard des
dispositions que je voulais prendre dans le ministère qui était sous ma
responsabilité, est incompatible avec ma conception du gouvernement".
En fait, Ciller s'était brouillée avec Soysal à
propos de la nomination d'un nouveau sous-secrétaire pour le Ministère
des Affaires Etrangères.
Derrière la démission de Soysal il faut également
entrevoir la pression qu'exercent les Etats-Unis sur Ciller. Dans
beaucoup de questions, comme celle de Chypre, l'opération "Provide
Comfort", l'application de visas aux étrangers et le programme de
privatisation, les E.U. et certains autres pays occidentaux ont exprimé
leur mécontentement avec Soysal.
Le 3 octobre, le quotidien Hürriyet rapportait que
le sous-secrétaire de l'Organisation de Renseignement Nationale (MIT),
Sönmez Köksal avait fait une visite secrète à Washington deux semaines
auparavant où il avait rencontré de hauts fonctionnaires de la CIA, du
Pentagone et du Secrétariat d'Etat.
Le Secrétaire d'Etat adjoint, Peter Tanhoff, est "le
fonctionnaire américain envoyé à Ankara par l'administration américaine
pour contrôler la sortie de Mümtaz Soysal", précise le journal, "la
rencontre de Köksal avec le chef de la CIA et le fonctionnaire du
Pentagone ne constitue pas un fait extraordinaire, mais la réunion avec
le fonctionnaire du Département d'Etat, Tanhoff, n'est pas de la
routine. On se demande ce qu'un chef des renseignements fait au
Département d'Etat ? De quoi devait Tanhoff s'entretenir avec Köksal
tout de suite après sa rencontre avec Soysal ? Est-ce que le
Premier Ministre Ciller a envoyé des messages à l'administration
américaine par l'intermédiaire de Köksal ? Est-ce que Köksal a
remis des messages à Ciller de la part des Etats-Unis ?"
Quelle que soit la raison de cette réunion, il est
un fait que Soysal devait démissionner un mois après cette discussion.
Bien que le leader du SHP et vice-premier ministre
Karayalcin a remplacé Soysal au Ministère des affaires étrangères, sa
totale complicité avec les impopulaires et pro-américaines politiques
de Ciller prouve que Soysal a été victime d'un accord secret entre
Ankara et Washington.
Cette opération n'a fait qu'aggraver encore plus la
crise que vit le mouvement social-démocrate et, sous la pression des
membres ordinaires, les leaders des deux partis sociaux-démocrates, le
Parti Social Démocrate Populiste (SHP) de Karayalcin et le Parti
Républicain du Peuple (CHP) de Deniz Baykal, ont dû mettre en oeuvre
une procédure pour unifier les deux partis.
Pour ce qui est du troisième parti social-démocrate,
le Parti Démocratique de la Gauche (DSP) d'Ecevit, fort de sa
popularité croissante, a préféré rester en dehors de cette opération.
Une convention conjointe fixée pour la fin du mois
de janvier 1995 est également appelée à choisir le président du nouveau
parti unifié. Soysal, ainsi que Karayalcin et Baykal, fait partie des
prétendants au poste de leader du parti.
L'issue de la convention conjointe déterminera
également l'avenir de l'actuelle coalition DYP-SHP.
L'HADEP VEUT DEVENIR MEMBRE DE L'INTERNATIONALE SOCIALISTE
Le Parti de la Démocratie du Peuple (HADEP)
annonçait le 27 décembre dernier sa décision de soumettre sa
candidature pour devenir membre de l'Internationale Socialiste.
Le président du parti, Murat Bozlak, a affirmé que
les membres de son parti s'étaient entretenus, le 16 décembre dernier,
avec des secrétaires internationaux de plusieurs partis
sociaux-démocrates européens dans le cadre du groupe de travail de l'IS
sur les Kurdes à Ankara.
"Nous avons été bien accueillis et on nous a précisé
qu'une délégation de l'IS viendrait en Turquie le mois prochain pour
rassembler l'information nécessaire pour notre candidature", a déclaré
le président.
Jusqu'à maintenant, le Parti du Peuple
Social-démocrate (SHP), partenaire minoritaire de la coalition, était
le seul membre turc de l'Internationale Socialiste en Turquie.
A propos du SHP, Bozlak a déclaré : "Le SHP, loin
d'être un parti progressiste, condition pour être une organisation
social-démocrate, représente un obstacle au progrès en Turquie. Le SHP
est responsable de toutes les pratiques injustes en Turquie parce qu'il
est le partenaire du gouvernement. Avec sa position actuelle sur la
démocratie et les droits de l'homme ce n'est plus un parti
social-démocrate".
SABOTAGES CONTRE ÖZGÜR ÜLKE SUIVANT LES DIRECTIVES SECRETES DE CILLER
Les attaques contre le principal quotidien
d'opposition Özgür Ülke ont atteint leur paroxysme le 3 décembre 1994
lorsque deux bombes ont détruit les locaux du journal à Istanbul et
Ankara.
Le membre de la rédaction Ersin Yildiz était tué et
22 autres personnes étaient blessées dans l'explosion d'Istanbul, qui
n'a laissé que les murs du bâtiment de quatre étages qui abritait les
locaux du journal Özgür Ülke, dans le district de Kumkapi d'Istanbul.
La deuxième explosion a détruit les locaux du
journal à Ankara, qui étaient déserts à ce moment-là.
Il est à noter que ces deux actes criminels contre
la liberté de la presse se sont produits juste après que le Premier
Ministre Ciller ait invoqué la violence de l'Etat contre la presse.
Le 30 novembre 1994, le Premier Ministre Ciller
signait une lettre classée top secret qui court-circuitait ouvertement
les cours et implicitement invitait à l'utilisation de "méthodes pour
combattre efficacement les publications d'Özgür Ülke."
Voici une traduction de cette lettre classée top
secret révélée par Özgür Ülke le 19 décembre dernier :
PROVOCATION TOP SECRET DE CILLER
"N˚ 02438, 30 novembre 1994
"1. Les activités des publications qui soutiennent
les organisations séparatistes et destructrices, en particulier Özgür
Ülke, ont pris ces derniers jours la forme d'une attaque ouverte contre
l'existence même de l'Etat.
"2. On estime que la profonde tolérance envers la
liberté de la presse en Turquie, Etat séculaire et démocratique qui
respecte les règles de la loi, a récemment fait l'objet d'abus à grande
échelle de la part de certaines publications qui, violant la loi, ont
tenté de présenter les organisations terroristes comme des institutions
légales. Ceci a atteint de telles proportions que nos citoyens les plus
sensibles et patriotiques et l'opinion publique turque se sont sentis
gravement offensés.
3. Afin de mettre fin à cette grande menace qui pèse
sur l'indivisible intégrité de la patrie et du peuple, je demande au
Ministère de la Justice de:
"a) établir et contrôler ce type de publications,
"b) déterminer pourquoi, malgré toutes les affaires
portées devant les cours, rien d'effectif n'a été légalement fait, et
de prendre des mesures pour rectifier cette situation,
"c) veiller à ce que les mesures nécessaires soient
prises afin que soient immédiatement étudiées des méthodes pour
combattre ce type de publications, qui colportent un séparatisme
flagrant contre l'Etat et soutiennent les organisations terroristes, et
que ces méthodes puissent entrer en vigueur de façon urgente.
"(Signé) Prof. Tansu Ciller, Premier Ministre
"Au Ministère de la Justice
"Copies au Ministère de l'Intérieur, au Ministère
des Affaires Etrangères, au secrétariat du Conseil de la sécurité
nationale, au Conseiller militaire du Premier Ministre, au Bureau de
Presse du Premier Ministre et au Conseil de l'Information".
APPEL A LA SOLIDARITE AVEC ÖZGÜR
ÜLKE
Dans une lettre qui accompagnait ce document, le
rédacteur en chef d'Özgür Ülke, Baki Karadeniz, a lancé l'appel suivant:
"Après l'attentat contre les locaux de notre journal
à Istanbul et Ankara nous avons tout perdu. Si nous pouvons encore
imprimer notre journal c'est grâce à la sympathie de certains éditeurs
qui généreusement et de manière désintéressée partagent leurs
ordinateurs avec nous. Que personne n'en conclue que nous allons
interrompre les publications. Nous sommes plus déterminés que jamais à
poursuivre notre travail même si pour cela il faut travailler dans des
conditions difficiles et diviser nos activités d'édition et de
publication en cinq points différents à Istanbul. Il existe des raisons
suffisantes pour lancer une campagne en faveur d'Özgür Ülke et demander
le soutien de nos amis partout dans le monde.
"La lettre de Tansu Ciller que nous vous envoyons
sera publiée dans notre édition européenne du 20 décembre 1994 car nous
avons le sentiment qu'il est de notre devoir d'informer les médias
mondiaux de la vérité, même si pour cela nous devons payer de nos vies.
C'est là un danger constant et omniprésent auquel nous devons faire
face.
"En vertu de la prétendue démocratie turque, le
régime de Ciller fermera certainement encore une fois notre journal (En
avril de l'année dernière -1994- notre prédécesseur Özgür Gündem était
fermé) en raison de la lettre de Tansu Ciller que nous avons
l'intention de publier. Nous espérons que vous resterez en contact avec
nous pour d'autres informations.
"Nous espérons que vous n'abandonnerez pas vos
collègues et que vous nous ferez part de votre solidarité".
PERSECUTION DES MEDIAS EN DEUX MOIS
1,11, la Cour de Cassation ratifie un total de 20
ans de prison contre Yasar Kaya, éditeur du quotidien disparu Özgür
Gündem, dans 12 sentences différentes par trois cours de la sûreté de
l'Etat. Accusés de propagande séparatiste et apologie d'organisations
illégales, Yasar Kaya est encore jugé par contumace par différentes
cours. A présent, Kaya vit en Europe avec le statut de réfugié
politique.
Le 2.11, le N˚ 5 du périodique Jiyana Nû est
confisqué par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
Le 3.11, un meeting sur la liberté d'expression
organisé par divers périodiques politiques est interdit par le
gouverneur d'Istanbul.
Le 3.11, l'écrivain Edip Polat est une nouvelle fois
inculpé par le procureur de la CSE d'Istanbul pour son livre Science ou
Idéologie Officielle ? qui n'a pas encore été publié. Polat purge
actuellement une peine de prison de deux ans à la Prison de Bursa pour
son livre En Newroz avons-nous transformé l'aube. Dans ce nouveau
procès, Polat risque une peine de prison de cinq ans.
Le 4.11, la Cour de cassation ratifie une peine de
prison de 30 mois et une amende de 300 millions de TL contre l'auteur
Mehmet Bayrak pour son livre Chansons folkloriques kurdes. Il avait été
condamné par la CSE d'Ankara pour propagande séparatiste. Bayrak a
encore en suspens à la Cour de cassation une autre peine de six mois
pour son livre Légendes kurdes.
Le 4.11, un distributeur du journal Özgür Ülke de
onze ans, M.Y., est battu par des policiers qui l'empêchent de vendre
le journal à Diyarbakir.
Le 5.11, le distributeur d'Özgür Ülke Ismail
Demirtas est arrêté par des gendarmes à Pirinclik.
Le 7.11, le bureau d'Urfa d'Özgür Ülke subit une
descente de police et deux correspondants, Halil Baran et Fuat Karatas,
sont arrêtés.
Le 8.11, le N˚ 38 du périodique Newroz est confisqué
par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
Le 11.11, le correspondant d'Özgür Ülke Metin Acet
est arrêté à Diyarbakir.
Le 14.11, le président de l'IHD, Akin Birdal, et
trois autres hauts fonctionnaires, Hüsnü Öndül, Sedat Arslantas et Erol
Anar, sont jugés par la CSE d'Ankara pour avoir publié un livre sur les
villages brûlés par les forces de sécurité. Chacun d'eux risque une
peine de prison de deux ans en vertu de la Loi Anti-Terreur.
Le 15.11, le N˚ 39 de Newroz est confisqué par la
CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
Le 16.11, le président du Syndicat des Travailleurs
du Sanitaire (Tüm-Saglik-Sen), Fevzi Gercek, est condamné par la CSE
d'Istanbul à deux ans de prison pour incitation à la révolte dans un
article qu'il rédigea pour le périodique Direnis.
Le 16.11, deux correspondants, Hasan Hüseyin Inan
(Özgür Ülke) et Mehmet Bars (Nokta), sont arrêtés par la police alors
qu'ils couvraient un acte de protestation des fonctionnaires publics
devant la Maison de la Municipalité d'Istanbul.
Le 17.11, de distributeur d'Özgür Ülke, Ismail
Demirtas, arrêté à Pirinclik le 5 novembre dernier, affirme une fois en
liberté avoir subi des tortures au poste de gendarmerie.
Le 17.11, suite à la ratification d'une sentence par
la Cour de cassation, le périodique Mücadele est fermé pour quinze
jours. Cette cour ratifie également une amende de 100 millions de TL
contre l'éditeur de la revue, Gülten Sesen.
Le 18.11, le distributeur d'Özgür Ülke Lokman Batur
est arrêté à Adana.
Le 19.11, le N˚ 27 du périodique Devrimci Emek, le
N˚ 27 de Direnis, le N˚ 39 d'Özgür Gelecek, le N˚ 11 de Devrimci Cözüm
et Kizil Bayrak sont confisqués par la CSE d'Istanbul et le journal
local Bizim Sivas est confisqué par une cour locale à Sivas.
Le 21.11, la CSE d'Istanbul confisque le N˚ 24 de
Taraf et le N˚ 17 de Yeryüzü, en vertu de la Loi Anti-Terreur et de
l'Article 312 du Code Pénal Turc respectivement.
Le 23.11, le N˚ 40 de Newroz et le N˚ 2 d'Azadi sont
confisqués par la CSE d'Istanbul pour propagande séparatiste.
Le 23.11, à Pirinclik, le distributeur d'Özgür Ülke,
Ismail Demirtas est à nouveau arrêté par la police. Il avait déjà été
arrêté le 5 novembre et remis en liberté le 15 du même mois.
Le 24.11, le directeur de la maison d'édition
Kaldirac, Serpil Köksal, est placé en détention par le procureur de la
CSE d'Ankara pour diffusion de propagande séparatiste dans deux
articles publiés dans le journal Kaldirac.
Le 24.11, les bureaux d'Istanbul des périodiques
Mücadele, Halkin Gücü, Isci Hareketi et Devrimci Genclik subissent une
descente de police et leurs 33 employés sont arrêtés.
Le 25.11, sept des 33 employés de quatre revues
politiques arrêtés la veille sont remis en libertés et se plaignent
d'avoir été torturés.
Le 26.11, le bureau d'Urfa d'Özgür Ülke est asservi
par la police et quatre employés, Hanefi Aydemir, Abdurrahman Fedai,
Fuat Karatas et Turan Cihanbeyli, sont arrêtés.
Le 27.11, à Adana, les correspondants d'Özgür Ülke
Serdar Ates et Sengül Adibelli sont arrêtés.
Le 25.11, la Cour de cassation casse l'acquittement
d'Ercan Kanar, président de la section d'Istanbul de l'IHD. Kanar
devrait être jugé à nouveau par la CSE d'Istanbul pour diffusion de
propagande séparatiste dans un article rédigé pour le bulletin de l'IHD
en septembre de 1993. Kanar et le rédacteur responsable du bulletin,
Izzet Eray, risquent chacun d'eux une peine de prison de cinq ans et
une amende de 100 millions de TL.
Le 28.11, le procureur de la CSE d'Ankara introduit
une action en justice contre la Fondation des Droits de l'Homme de
Turquie (TIHV), Yavuz Önen, et le membre du conseil d'administration
Fevzi Argun pour le Dossier sur la Torture 1980-1994, publié par le
TIHV le 12 septembre et confisqué en octobre. Chacun d'eux risque une
peine de prison de deux ans et une amende de 100 millions de TL en
vertu de l'Article 8/1 de la LAT.
Le 29.11, à Ankara, le correspondant d'Özgür
Ülke Baha Karakütük est arrêté par la police.
Le 30.11, le bureau d'Adana du journal Denge Azadi
subit une descente de police et de nombreuses publications et revues
sont confisquées.
Le 30.11, deux reporters du quotidien Sabah, Fügen
Ünal Sen et Engin Aytas, sont arrêtés par la police alors qu'ils
prennent des photos de la résidence du gouverneur d'Istanbul.
Le 30.11, la dernière édition de la revue Yeni
Yeryüzü est confisquée par la CSE d'Istanbul pour instigation au crime.
Le 1.12, le bureau d'Izmir du Centre Culturel
Mésopotamien (MKM) subit une descente de police; quinze personnes sont
arrêtes et de nombreux documents sont confisqués au cours de
l'opération.
Le 1.12, un ancien correspondant du journal disparu
Özgür Gündem, Ahmet Icge, est arrêté à Dogu Bayazit.
Le 4.12, la première édition d'Özgür Ülke publiée
après le sabotage de son bureau est confisquée par la CSE d'Istanbul en
vertu de l'Article 6 de la Loi Anti-Terreur.
Le 5.12, un ancien vice-président de l'Association
des Droits de l'Homme (IHD), Sedat Arslantas, est condamné par la CSE
d'Ankara à trois ans de prison et à payer une amende de 150 millions de
TL pour un discours prononcé lors du congrès de l'IHD en 1992. Suite à
la sentence, Arslantas est immédiatement arrêté et jeté en prison.
Le 7.12, le correspondant à Diyarbakir d'Özgür Ülke,
Erdogan Zamur, et deux enseignants, Ünal Sahin Durmaz et Erdal Aksu,
sont arrêtés. Après leur mise en liberté le 12 décembre dernier ils
affirment avoir été torturés par la police.
Le 10.12, à Istanbul, la police empêche un groupe
d'écrivains et d'artistes de vendre Özgür Ülke pendant un acte de
solidarité avec ce journal.
Le 13.12, le chargé de relations publiques du
journal Özgür Ülke, Türker Alp, affirme avoir été torturé suite à son
arrestation par la police le 10 décembre dernier à Gebze.
Le 13.12, à Ankara, la police arrête 12 étudiants
qui vendaient Özgür Ülke pendant un acte de solidarité avec ce journal.
Le 13.12, la CSE d'Istanbul condamne le rédacteur en
chef du périodique Fabrika, Zeki Tombak, à deux ans de prison et à
payer une amende de 400 millions de TL en vertu de l'Article 8 de la
LAT. Le rédacteur responsable de la revue, Ertan Kaplan, écope
également de six mois de prison et d'une amende de 50 millions de TL.
Le 14.12, la publication du périodique Mücadele est
interdit pendant un mois par la CSE d'Istanbul. Cette même cour
confisque deux autres périodiques, le N˚ 30 de Denge Azadi et le N˚ 10
d'Atilim pour propagande séparatiste.
Le 15.12, le rédacteur responsable d'Özgür Ülke,
Murat Sarac, est placé en détention par la CSE d'Istanbul. Il fait
l'objet de 15 actions en justice pour des articles qu'il a publiés.
Le 16.12, la CSE de Diyarbakir émet un mandat
d'arrêt contre sept fonctionnaires de la section de Diyarbakir de
l'IHD: le président Halit Temli, le secrétaire Mahmut Sakar, Nimetullah
Gündüz, Abdullah Cager, Melike Alp, Hayri Veznedaroglu et Hüseyin
Yildiz. Ils sont accusés de diffuser de la propagande séparatiste dans
un document intitulé Rapport sur la région en état d'urgence et publié
en 1992.
Le 20.12, la CSE d'Istanbul confisque trois
périodiques, le N˚ 13 de Kizil Bayrak, le N˚ 11 d'Atilim et Hedef pour
propagande séparatiste. Le N˚ 36 d'Alinteri et un calendrier publié par
le périodique Atilim son confisqués pour apologie de diverses
organisations illégales.
Le 21.12, le président de l'IHD d'Istanbul, Ercan
Kanar, et le rédacteur responsable d'Özgür Gündem, Emel Kapilan, sont
condamnés par une haute cour criminelle à 10 mois de prison chacun pour
un article publié le 25 mars 1994.
Le 21.12, la CSE d'Istanbul confisque les dernières
éditions des périodiques Medya Günesi, Devrimci Yasam, Odak et Taraf
pour propagande séparatiste.
Le 23.12, la CSE d'Istanbul condamne le rédacteur
d'Özgür Gündem, Özdemir Toprak, à deux ans et six mois de prison et à
payer une amende de 430 millions de TL. Le rédacteur de Gercek a quant
à lui écopé de cinq mois de prison et d'une amende de 125 millions de
TL.
Le 24.12, le N˚ 41 d'Özgür Gelecek, le N˚ 32 d'Azadi
et le N˚ 30 de Deng sont confisqués par la CSE d'Istanbul pour
propagande séparatiste et apologie de diverses organisations illégales.
Le 27.12, le gouverneur d'Erzurum interdit la
distribution et vente de cassettes de trois célèbres chanteurs de
folklore, Ahmet Kaya, Ferhat Tunc et Emre Saltik.
Le 2.12, le rédacteur du périodique Devrimci Cözüm,
Hatice Onaran, est condamné par la CSE d'Istanbul à 18 mois de prison
et à payer une amende de 325 millions de TL. La cour condamne également
l'éditeur de la revue Fethiye Peksen à une amende de 250 millions de TL
et décide d'interdire la publication pendant un mois.
Le 28.12, un groupe armé tire à l'arme automatique
sur le bâtiment d'un groupe de médias - Milliyet, Meydan et la chaîne
de télévision Canal D. L'attaque aurait été revendiquée par le Parti
Travailliste Communiste de Turquie-Léniniste (TKEP-L).
Le 28.12, la CSE d'Izmir condamne le représentant
d'Özgür Gündem, Sezai Karakoc, et quatre autres employés, Riza Zingal,
Namik Alkan, Oguzhan Ögrük et Sedat Alp, à trois ans et neuf mois
chacun pour avoir aidé le PKK.
LES DROITS DES MINORITES EN TURQUIE
La convention cadre sur la protection des minorités
était approuvée lors de la réunion ministérielle du Conseil de
l'Europe, célébrée à Strasbourg le 10 novembre 1994.
La convention protège les libertés de langue, de
religion et de culture des minorités nationales et en retour les
dissuade dans leur lutte pour l'indépendance.
Le document, non-coercitif et décrit comme le
premier accord international de cette nature sur les minorités, entrera
en vigueur après que 12 des Etats membres l'aient ratifié mais n'aura
qu'un impact limité, précise Reuters.
Un porte-parole du Conseil a précisé que la
controverse avait obligé les membres à supprimer une définition des
minorités nationales dans le texte final, réduisant son effet de façon
draconienne.
"Les Etats vont certainement se servir de cette
lacune pour dire que tel ou tel groupe ne constitue pas une minorité",
a-t-il souligné.
La Turquie ne reconnaît pas les Kurdes comme une
minorité, de même que pour la France les Corses ou les Basques
n'entrent pas dans cette catégorie.
La convention autorise les minorités à utiliser et
enseigner leur propre langue et à pratiquer leur religion.
Elle précise que les minorités disséminées dans
plusieurs pays peuvent coopérer et interdit leur assimilation forcée.
Le ministre des Affaires Etrangères turc, Mümtaz
Soysal, qui représente la Turquie dans le Comité ministériel, a déclaré
aux journalistes turcs que la description exacte des minorités ne
pouvait se faire dans le cadre des conventions. "Selon la convention,
chaque Etat décrira les minorités nationales à sa façon. Ce flottement
nous est utile", a-t-il conclu.
DROITS LIMITES POUR LES ENFANTS
La Convention Internationale sur les Droits des
Enfants a été ratifiée par l'Assemblée Nationale Turque le 12 décembre
1994, en émettant des réserves sur les Articles 17, 29 et 30, qui
traitent des droits des enfants des minorités nationales à apprendre
leurs propres langues ou religions.